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Full text of "La Belgique horticole : Annales de botanique et d'horticulture"

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ANNALES D'HORTICULTURE. 


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62-1800: 


LA 


BELGIQUE HORTICOLE 


ANNALES D'HORTICULTURE 


BELGE ET ÉTRANGERE, 


PAR 


ÉDOUARD MORREN, 


Docteur spécial en sciences botaniques, Docteur en sciences naturelles, Candidaten philosophie 
el lettres, professeur ordinaire de botanique à l'université de Liége, directeur du jardin 
botanique, chevalier de l'ordre impérial de la Légion d'honneur et des ordres royaux du 
Lion Néerlandais, du Christ et d’Isabelle-la-Catholique, secrétaire de la Fédération des 
Sociétés d'horticulture de Belgique, de la Société royale d’horticulture de Liége, du comité 
d'agriculture de la Société libre d’émulation, correspondant de l’Académie royale des sciences, 
des lettres et des beaux-arts de Belgique; membre de la Société royale des sciences de 
Liége, de l'association britannique pour l'avancement des sciences de l'Académie impériale 
des curieux de la nature à léna, de la Société des Sciences naturelles de Strasbourg, de Ja 
Société Linnéenne de Bordeaux, des Sociétés de botanique de France et de Belgique, de 
la Société entomologique de Belgique, de la Société royale pour la prospérité de la Norwége, 
de la Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire, de la Société des 
sciences, des arts et des lettres du Hainaut ; de la Société phytologique d'Anvers, de la Société 
impériale d’acclimatation à Paris; membre honoraire ou correspondant des Sociétés d'horti- 
culture de Paris, de Londres, de Berlin, de Turin, de St.-Pétersbourg, de Vienne, de Rennes, 
de Flore à Bruxelles, de Namur, de Tournai, de Verviers, d'Aulun, de Lille, de Marseille, de 
Trieste, d'Erfurt, de Goritz en Ilyrie. 


LIÈGE, 
A LA DIRECTION GÉNÉRALE, BOVERIE, 1. 


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PROLOGÜE 


A LA MÉMOIRE DE 


MARIE-ANNE LIBERT. 


1782-1865. 


Presque toutes les femmes aiment les fleurs et pourtant il en est 
peu qui s'occupent vraiment de botanique. Il semble qu'elles ne 
voient dans les fleurs qu'un délassement frivole ou un hommage 
éphémère. M: Libert, botaniste célèbre des Ardennes, manifesta 
des goûts tout opposés à ceux de son sexe : elle consacra une 
longue vie de travail à l'étude de la botanique sans précisément 
aimer les fleurs puisqu'elle s'adonna de préférence aux végétaux qui 
n’en donnent point : elle fut eryptogamiste; modeste et laborieuse, 
elle choisit dans la nature les êtres qui représentaient le mieux 
ses sentiments intimes. 

Marie-Anne Libert est née le 2 avril 1782 à Malmedy, petite ville 
des Ardennes prussiennes qui faisait alors partie de la principauté 
de Liége. Elle appartenait à une famille belge et patricienne qui 
habita longtemps le château de Bevercé dans le pays de Stavelot. 
Son père, Henri-Joseph Libert, bourgmestre de Malmedy, avait 
épousé Marie-Jeanne Bernardine Du Bois. 

Ses parents la placèrent dans un pensionnat à Pruym, dans 


l'Eifel; un moine bénédictin de la célèbre abbaye de cette ville lui 
enseigna la musique, et elle fit de si rapides progrès qu'à l’âge de 
12 ans elle tenait le second violon dans les concerts. Elle manifesta 
de bonne heure des aptitudes extraordinaires. Elle excellait surtout 
dans les mathématiques, la géométrie et l'algèbre. 

Quand elle rentra dans sa famille et revint au pays, son penchant 
vers les productions naturelles l'entraina tout à fait. La petite ville 
de Malmedy est bien faite d’ailleurs, pour exciter et entretenir cette 
passion. Elle est située dans une vallée délicieuse où coule la Warge, 
petite rivière capricieuse dont l’humeur est parfois douce et tran- 
quille, parfois brusque et agitée. Partout aux alentours des collines 
étagées les unes sur les autres : des prés, des bois, des champs et 
des bruyères se partagent les vallées et les coteaux; quelques forma- 
tions calcaires enrichissent et diversifient la végétation. Des sources 
ferrugineuses se font jour au voisinage, L'Ardenne est tout proche 
et l'Ettel n'est pas loin; l'air est embaumé des parfums de la bruyère 
que viennent butiner les abeilles. Et puis encore, la vie est simple, 
calme; naguère Malmedy était cachée dans les fagnes comme un 
nid d’alouette dans les chaumes. 

Elle observait, recherchait et recueillait : elle avait l'esprit des 
collections et bientôt devint une véritable naturaliste. 

Charles Morren a raconté(1) comment M'° Libert s'éprit pour la 
botanique : « sa famille possédait depuis longtemps la recette d’un 
de ces remèdes composés uniquement de plantes sauvages; elle 
voulut les connaitre de manière à éviter toute méprise et un de ses 
parents à qui elle s’adressa pour obtenir un ouvrage de botanique 
où ces plantes fussent décrites, lui donna un gros volume in-folio 
écrit en latin ; c'était un Dodonée avec des figures gravées sur bois. 
Les figures lui firent reconnaitre les espèces qu’elle cherchait, mais 
elle voulut comprendre le texte. Avec peu de secours, mais douée 
d'une grande aptitude aux travaux de l'intelligence, elle sut bientôt 
le Tatin : plus tard elle mania cette langue avec une facilité qui 
n'est pas dépourvue d'élégance. » 

On parlait déjà de cette jeune fille studieuse quand le D' Lejeune 
de Verviers, qui était à cette époque le plus renommé de nos 
botanistes, fut chargé par le préfet de rédiger le catalogue des 
plantes du département de l’Ourthe. Il s’adressa à la jeune botaniste 
de Malmedy et la pria de recueillir et de dessècher pour lui les 


(1) Les femmes et les fleurs, discours prononcé le 11 mars 1858. Liége, 1858, p. 51. 


— VII — 


plantes de ses montagnes. En même temps 11 lui indiqua les 
ouvrages qu'elle devait se procurer. Jusqu'à ce moment elle ne 
connaissait encore que Dodonée et Brunsfels. 

Eile mit à profit ces judicieux conseils et, travaillant avec ardeur, 
elle communiqua de nombreuses trouvailles au savant auteur de la 
Flore des environs de Spa. Dans cet ouvrage, publié en 1811, le 
D" Lejeune se plait à témoigner sa reconnaissance. Voici comment 
il s'exprime : 

« Dans le courant du mois d'août de l'année dernière, (1810), 
M. De Candolle, professeur de botanique aux facultés de médecine 
et des sciences de Montpellier, auteur de la troisième édition de la 
Flore française, ete., est venu visiter nos montagnes par ordre du 
gouvernement. Ce botaniste distingué a été très-surpris, dans les 
petites courses que nous avons faites ensemble, d'y observer un 
grand nombre de plantes rares. J'ai eu l'honneur de l'accompagner 
jusqu'à Malmedy, pour qu’il fut plus à même de prendre des ren- 
seignements sur la géographie botanique des hautes fagnes, et pour 
qu'il fit la connaissance de Me M.-A. Libert, dont j'aurai ocea- 
sion de parler un peu plus amplement. » 

Et plus loin : 

« M'e M.-A. Libert de Malmedy, dont l'esprit nourri dès sa plus 
tendre jeunesse par les sciences exactes, et qui ne respire mainte- 
nant que pour la botanique, m'a recueilli avec soin toutes les espèces 
indiquées aux environs de Malmedy et sur les hautes fagnes. Cette 
intéressante demoiselle, qui dédaigne les amusements frivoles de 
son sexe, placée dans une situation extrèmement heureuse pour 
les recherches cryptogamiques, a déjà ramassé une collection nom- 
breuse de ces singuliers végétaux, nommés cryplogames, qui servi- 
ront avantageusement à former la troisième partie de la Flore des 
environs de Spa, à laquelle elle s'occupe avec activité (D. » 

En effet, dans l'avertissement de la deuxième partie de la Flore de 
Spa, le D' Lejeune annonce que la cryptogamie sera totalement 
décrite par M'e Libert. Cette cryptogamie occupe les pages 272 
à 285. 

Enfin dans la Revue de la Flore des environs de Spa, publiée en 
1824, le D' Lejeune dit de M"e M.-A. Libert, que depuis quinze ans 
elle ne cesse de récolter et d'étudier les cryptogames d'une petite 


(1) Lejeune, Flore des environs de Spa. Liége 1811, {re partie, p. 6-7. 


— VII — 


partie de l'Ardenne, et qu'elle prouve par les nombreux végétaux 
qu'elle à rassemblés dans son herbier ce que peut promettre la 
Flore de toute la chaine monticuleuse des Ardennes; il est à 
regretter, ajoute le D' Lejeune, qu'elle ne se décide pas encore à 
publier ses découvertes. » 

De Candolle, de retour à Paris après la mission dont nous venons 
de parler, n'oublia pas notre botaniste ardennaise : « M. Lejeune, 
dit-il, a été puissamment secondé par Me Libert, de Malmedy, qui, 
dans un séjour si éloigné de toute instruction, s’est livrée à l'étude 
de l'histoire naturelle de son pays avec un zèle et un talent d'autant 
plus dignes d'éloges, que ses succès n’ont aucunement altéré la 
modestie et la naïveté de son esprit (1), » M'e Libert comptait alors 
28 printemps. 

C'était une époque prospère pour la botanique belge : Lejeune, 
Courtois, Michel, Dossin, MM. Dumortier et Frankinet, d’autres 
encore, herborisaient avec ardeur. Tous ces botanistes avaient entre 
eux des relations fraternelles. 

« Livrée avec passion, nous dit M. Dumortier @), à l'étude des 
végétaux inférieurs, il fallait voir avec quelle ardeur elle herborisait. 
Elle s'était fait faire de grandes bottes et un costume de paysanne 
ardennaise, pour ne point attirer l'attention, et, dans ce costume 
vulgaire, aucun temps ne l’arrêtait pour parcourir les bois, gravir 
les rochers, herboriser dans les immenses marais des fagnes, à deux 
mille pieds au-dessus du niveau de [a mer, infatigable à la recherche 
des raretés végétales et ne rentrant jamais sans une ample récolte 
d'objets à déterminer. » 

M'e Libert était d’un caractère modeste et timide : elle commu- 
niquait volontiers ses découvertes aux savants qui l'encourageaient 
et qui lui semblaient seuls capables de les apprécier et de les 
publier, Elle ne croyait pas, tant sa réserve était profonde, qu'elle 
put elle-même prendre rang parmi les auteurs : elle aimait la serence 
pour les émotions intimes qu'elle fait naître, comme on aime le 
bien pour éprouver le bonheur de le pratiquer. Ses confrères 
durent lui prodiguer les encouragements et les excitations pour 
la déterminer à prendre la plume. Quand elle s’y décida elle fit 
preuve de sagacité et de talent; ses écrits sont imbus des bonnes 


(1) Mémoire de la Société d'Agriculture du département de la Seine, Paris 1811, 
p. 219. 
(2) Notice sur Mie Libert, dans Bull. de la Soc. roy. de bot. 1865, t. IV, p. 406. 


traditions scientifiques, d'un style sobre et correct et sans phrases 
inutiles. 

De toutes petites Jungermannes, à peine perceptibles à l'œil nu 
et croissant parmi les mousses sur les rochers calcaires, lui fournis- 
sent, en 1820, le sujet d'une intéressante notice qu'elle remit à 
Bory S' Vincent, l’un des rédacteurs des Annales des sciences physi- 
ques. Ces délicates hépatiques, déjà signalées par Micheli, mais peu 
étudiées par lui, avaient été méconnues par De Candolle et Weber. 
M'° Libert, en les étudiant, leur reconnait une organisation particu- 
lière et suflisant à ses yeux pour motiver l'établissement d’un genre 
nouveau. Elle décrit ses deux espèces sous les noms de Lejeunia 
calcarea et Lejeunia serpilifolia. Les dessins qui accompagnent la 
description sont l'œuvre de M. Nadrin, de Malmedy. Le genre 
Lejeunia est devenu le type d’une tribu spéciale de la famille des 
Jungermaniacées. 

« Peu après, en 1826, M'e Libert publia dans les Annales de la 
Société linnéenne de Paris, dont elle était associée libre, deux nou- 
velles notices, l’une sur le genre Jnoconia, créé par elle dans la 
famille des Byssinées, caractérisé par ses filaments continus et non 
cloisonnés; l’autre sur le genre Asteroma(). » 

Vers cette époque plusieurs botanistes ont gracieusement dédié 
à M'e Libert des plantes qui porteront son nom plus loin dans la 
postérité que n'aurait pu le faire la plus nombreuse lignée. 

En 1825, M. B. Dumortier crée un genre Libertia à l'aide 
d'Hémérocalles du Japon, à fleurs bleues (2) : malheureusement ce 
même genre avait déjà été institué par Sprengel sous le nom de 
Funkia et il n'a pas été maintenu. Mais pour corriger ce que cette 
rectification pouvait avoir de pénible pour M'e Libert, Curt. Spren- 
gel, applique, en 1825, le nom de Libertia à un genre qu'il 
détache des Sisyrinchium dans la famille des Iridées 6). Une char- 
mante espèce de ce genre est le Libertia formosa de Graham (), 
dont le Botanical Register®) et l'Horticulteur belge (6) ont publié la 
figure en 1855 et 1854. Elle est encore connue sous le nom de 


(1) Dumortier I. e., p. 407. Nous n'avons pas été à même de consulter les Annales 
de la Société linnéenne de Paris. 

(2) Obs. Lot. Tournay 1825, p. 9. 

(5) Sprengel, Syst. I. 168. 

(4) Edimb. Phil. Journ., oct. 1835. : 

(5) Lindl. Bod. Reg. Décembre 1855, t. 1650. 

(6) Ch. Morren, l’Horticult. belge, t. I, 1854, pl. 25, p. 8. 


— X — 


Renealmia formosa que lui avait imposé Robert Brown(l). Cette 
élégante Iridée a les fleurs d’un blane très-pur : elle croit naturelle- 
ment sur les rivages de l'ile de Chiloë où elle a été observée et re- 
coltée par James Anderson. Ce genre de Sprengel a été consacré 
par Endlicher (2). 

Une remarquable graminée, propre à nos Ardennes et qu’on ren- 
contre notamment dans les moissons près du village d’Aywaille fut 
dédiée en 182% à Me Libert sous le nom de Libertia arduennensis 
par le D' Lejeune dans sa Revue de la Flore de Spa). M. Dumor- 
tier, avait de son côté dédié cette même plante, sous le nom de 
Michelaria, à M. Michel de Nessonvaux, qui l'avait découverte. 
Aujourd'hui elle est généralement connue sous le nom de Bromus 
Arduennensis. 

M. Desmazières a créé, en 1825, le genre Libertella pour un 
champignon rangé parmi les Nemaspora ou les Hyxosporium (4). 

En 1829, M.-A. Libert a publié dans les Annales des sciences 
naturelles de Paris la description et la figure d’un petit champignon 
nouveau qu'elle avait découvert dans les bois qui environnent Mal- 
medy, parmi les mousses, sur les feuilles pourries du pin sauvage. Ce 
petit champignon, voisin des Pezizes, lui a paru constituer un genre 
nouveau qu'elle a dédié à M. H. Desmazières sous le nom de Desma- 
zierella acicola. 

Tous ses confrères en botanique l’engageaient sans cesse à ne pas 
se borner à ces fragments détachés. 

« Me Libert m’a assuré, dit Richard Courtois en 18286), avoir 
observé dans les environs de Malmédy, et sur les limites de notre 
province plus äe 5000 espèces de cryptogames, parmi lesquelles 
figurent plusieurs genres nouveaux et un grand nombre d'espèces 
nouvelles. Je ne puis m'empêcher de regretter que cette savante 
botaniste n'ait pas encore publié ses intéressantes recherches. » 

Cédant enfin à ces pressantes sollicitations, M°° Libert commenca 
en 1850 la publication de son grand ouvrage sur la cryptogamie de 
l'Ardenne. Elle en expose elle-même le sujet et la forme dans quel- 
ques lignes d'introduction : | 

« L'ancien pays de Stavelot et de Malmedy, formé, au VIT: siècle, 


(1) Sweet., Brit. Flow Garden., 1. tab. 64. 

(2) Gen. plant. no 1221. 

(3) Lejeune Rev. de la Flore des environs de Spa, Liége 1824, p. 22. 

(4) Fide Bull. Soc. bot. de France, t. XII, 1865, p. 95 r. b. 

(3) Recherches sur la statistique de la province de Liége, Verviers 1828, tome IL, p. 6. 


d'une partie de l'antique forêt Arduenna dans le bassin de l'Amblève, 
est un de ceux où la nature développe ses richesses avec profu- 
sion. Ce petit coin de l'Europe, très-intéressant d’ailleurs par ses 
sites sauvages el pittoresques, n'avait pas encore été exploré. J'ai 
cru rendre à la science un véritable service en faisant connaitre 
les cryptogames qu'il renferme. Encouragée par l'exemple des 
Mougeot et Nestler, des Desmazières, je les publie par recueils ou 
fascicules d'échantillons choisis et desséchés. L'utilité de cette 
méthode a été généralement reconnue. La vérité si bien exprimée 
par un savant de premier ordre : « Les descriptions les plus exactes 
et accompagnées des figures les plus parfaites, laissent encore 
quelque chose à désirer à celui qui veut connaître complètement 
un être naturel. Ce quelque chose que rien ne peut suppléer, ne 
s'obtient que par l'autopsie ou la vue de l'objet lui-même; » est 
réellement applicable à ce genre d'ouvrage que l’on consulte tou- 
jours avee fruit pour la cryptogamie. » 

Les Plantes cryptogames de l’Ardenne parurent successivement 
en quatre fascicules, de 1850 à 1837. Chaque fascicule renferme 
cent espèces, toutes soigneusement étudiées : beaucoup sont dési- 
gnées sous des noms nouveaux ; quelques-unes sont signalées pour 
la première fois. Le premier fascicule est précédé d'un court mé- 
moire dans lequel l’auteur s'efforce de justifier l'adoption d'un 
nouveau groupe, parmi les champignons pyrenomycètes et qu'elle 
désigne sous le nom de Ascoxytacés dont elle donne les carac- 
tères. 

Cet important herbier est un document authentique et précieux 
pour la connaissance de notre flore rurale. Il est préparé avec le 
soin le plus parfait; aujourd'hui, trente à quarante ans après sa 
publication, notre exemplaire est encore aussi intact que le premier 
jour. 

L'exemple donné en Belgique par M’ Libert a été imité depuis, 
notamment par Westendorp, M. l'abbé Bellynck, M. l'abbé Coomans 
qui ont aussi publié des recueils des cryptogames. 

Le Congrès scientifique réuni à Liége en 1836 la nomma à l'una- 
nimité vice-présidente du congrès et présidente de la section des 
sciences naturelles. 

M'° Libert observait et étudiait avec sagacité tout ce qui intéres- 
sait l'histoire naturelle et archéologique de l'Ardenne. 

Elle a communiqué à M. Edm. de Selys-Longchamps des recher- 
ches précieuses, accompagnées de preuves à l'appui sur les petits 


— XN — 


mammifères de son pays. Ces documents ont été utilisés par ce 
savant naturaliste pour la rédaction de sa Faune belge publiée en 
1842 (1). 

lei nous laissons la parole à l’éloquent ami et contemporain de 
M'° Libert, le savant président de la Société belge de botanique : 

« Pour approfondir l'étude de la botanique, M'° Libert entreprit 
celle de la langue latine, et bientôt, grâce à son étonnante 
aptitude, elle devint une latiniste de premier ordre, Virgile et Ho- 
race faisaient ses délices : Horace surtout ne la quittait pas et elle 
aimait à en citer les vers. Elle cultivait aussi avec succès la poésie 
française et nous avons vu d'elle de charmantes pièces de vers que 
sa modestie n'a point voulu publier. Mais ces études littéraires la 
firent dévier de la botanique, d’ailleurs presque abandonnée alors 
dans nos contrées. Possédant cette science qui n'avait plus rien à lui 
apprendre, elle se livra successivement à l'histoire et à l'archéo- 
logie, s'occupant principalement de consulter les auteurs qui avaient 
parlé du pays de Stavelot et de Malmedvy. 

« Au milieu de la tourmente révolutionnaire de 1848, lorsque le 
fracas des trônes renversés retentissait dans toute l'Europe, calme 
dans son cabinet, elle publia, dans les Bulletins de l’Académie royale 
de Bruxelles, un mémoire plein de science et d'érudition sur le cé- 
lèbre Wibold, abbé de Stavelot et de Maimedy, au douzième siècle. 
En 1852, parut son curieux mémoire sur le monument d'Igel dont 
elle donne une explication ingénieuse entièrement neuve et origi- 
nale. Enfin, elle s'occupait avec ardeur de la rédaction d’un dic- 
tionnaire wallon qu'elle a laissé en manuscrit. Tout en s’adonnant 
à ces travaux littéraires, elle n'oubliait cependant pas la botanique, 
objet de ses plus chères affections, et peu de temps avant sa mort 
elle nous a adressé un mémoire sur le genre Aschochyta, et nous 
promettait d'autres travaux. 

« Ce qui caractérise M"° Libert, c'est cet esprit d'investigation et 
ce Jugement sain et éclairé qu'on observe dans ses écrits. Son coup 
d'œil rapide et sûr, mis au service d'une nature à la fois forte et 
active et de la passion de l'étude, lui faisait saisir avec une remar- 
quable facilité et en quelque sorte deviner la solution des difficultés 
de la science. Dans ses rapports, la vivacité de son esprit, son affa- 
bilité et la bonté de son caractère, la simplicité de ses goûts et l'élé- 


(1) Edm. de Selys-Longehamps, Faune belge, Liége 1842. Voy. Avant-propos, p. XIL 


— XII — 


vation de ses sentiments religieux, la rendaient chère à tous ceux 
qui avaient le bonheur de la connaitre. 

« La Belgique est surtout en droit de revendiquer cette femme 
extraordinaire, car, bien que devenue prussienne, par les traités de 
1815, elle était restée belge de cœur et d'affection. F1 fallait la voir 
lorsque, s'animant dans nos entretiens, elle s'écriait en se frappant 
la main sur la poitrine : « Je suis belge, moi; je suis née belge et 
je mourrai belge (1) ! » 

La mort vint la surprendre le 1% janvier 1865. 

« Que vont devenir, s'écrie M. Dumortier, les nombreux maté- 
riaux par elle accumulés pendant plus d’un demi-siècle de recher- 
ches? Tous ces travaux seront-ils perdus pour la science et jetés 
au vent? Formons des vœux pour que sa famille comprenne qu’un 
grand devoir lui est imposé, celui d'élever à celle qui est la gloire 
et l'honneur de Malmedy un monument impérissable, par la publi- 
cation des Reliquiae Libertianae. Ce serait un crime de laisser 
perdre le fruit de tant de travaux. » 

Les distinetions n'ont pas manqué à M"° Libert. Elle était membre 
correspondant de la Société Linnéenne de Paris: de la Société 
d'horticulture de Tournai (1822) ; de la Société des Sciences natu- 
relles de Liége (1825); de la Société des Sciences et des Arts de 
Lille (1828) ; de la Société des Sciences naturelles et Médicales de 
Bruxelles (1837) ; de la Société royale de Botanique de Ratisbonne 
(1838); de l'Académie de l'Industrie de Paris (1841); membre 
honoraire de la Société des Sciences et Arts d'Aix (1845); corres- 
pondante de l'Institut archéologique liégeois (1855); des antiquaires 
du Rhin (1857); des Sciences naturelles du Grand-Duché de Luxem- 
bourg (1857). En 1862, à sa fondation, la Société royale de Bota- 
nique de Belgique, lui décerna le diplôme de membre honoraire. 

S. M. Frédéric-Guillaume roi de Prusse honora M'e Libert de 
lettres autographes et lui envoya successivement pour la publication 
de son grand ouvrage sur les cryptogames de l’Ardenne, un brace- 
let, un collier et la médaille en or pour le mérite(2). » 

La Société belge de Botanique en herborisant dans les Ardennes, 
au mois de Juin 1866 sous la direction de son infatigable président 
M. B. Dumortier, voulut rendre un hommage publie à la mémoire 
de M": Libert : le 1° juillet elle se rendit au cimetière de Malmedy et 


(1) Dumortier 1. c., p. 408-409. 
(2) La Belgique horticole, 1865, p. 15-16. 


— (Ne 


après une éloquente allocution de M. B. Dumortier, en présence du 
bourgmestre, déposa une couronne d'immortelles sur son modeste 
tombeau (1). 

Le portrait que nous publions est la reproduction, bien 
réussie, d'une photographie que nous nous sommes procurée à 
Malmedy. 


Epouarb MOoRREx. 


(1) Bulletin de la Soc. roy. de bot. de Belgique, tome V, p. 197, 1866. 


O1 


— XV — 


BIBLIOGRAPHIE DE MARIE-ANNE LIBERT. 


. Cryptogames vasculaires de la Flore des environs de Spa par le 


D: Lejeune, dans la 2° partie, p. 272-285. Liége 1815. 


. Sur un nouveau genre d'Hépathiques, Lejeunia, 3 p. et 1 planche, 


dans Annales générales des sciences physiques par Bory, Drapiez 
et Van Mons, t. VI. Bruxelles 1820, p. 572. 


. Illustration du genre /noconia de la famille des Algues (Byssinées), 


in-8° avec planche, dans les Annales de la Société linnéenne de 
Paris, 1826, t. V, p. 402. 


. Observation sur le genre Asteroma et description de deux espèces 


appartenant à ce genre ; même volume, p. 404. 


. Description d'un nouveau genre de Champignons nommé Desmazie- 


rella, par M.-A. Libert de Malmedy, 2 p. et 1 planche, dans Ann. 
des Se. nat., t. XVII, p. 82-85, pl. VI, B. Paris 1829. 


. Plantae eryptogamicae quas in Arduenna collegit M.-A. Libert, plu- 


rim. Soc. litterar. sodalis ; in-4°. Fasciculus I. Leodii, 1850. 
— Fasciculus secundus. Leodii. 1852. 
— Fasciculus tertius. Leodii, 18354. 
— Fasciculus quartus. Leodii, 1857. 


. Recherches sur la patrie de Wibold. — Bulletin de l'Académie de 
Belgique, 1848, XV, 2°, p. 176. 
. Nouvel essai d'explication du monument d'Igel, avec planches. — 


Bulletin des antiquaires du Rhin, 1852, in-8°. 


. Sur le genre Ascochyta : notice envoyée à la Société royale de bota- 


nique de Belgique. (Inédit.) 


10. Dictionnaire wallon-francais. Manuscrit de 599 pages in-4°. 


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BELGIQUE HORTICOLE, 
ANNALES D'HORTICULTURE BELGE ET ÉTRANGÈRE. 


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HORTICULTURE. 


LES OEILLETS LIÉGEOIS. 


DIANTHUS CARYOPHYLLUS 1. var. LEODIENSES, 


PAR M. Epouarp MoRREx. 
Voyez Planche I. 


ès le XVI: siècle les OEïillets étaient cultivés 
à Liége, avec une prédilection marquée, dans 
! les monastères, par les chanoines et par les 
” bourgeois. 11 partageaient avec les Auricules 
et les Tulipes la faveur des amateurs. 

Les jardins de Charles de Langhe (Zangius), 
où Juste-Lipse est venu chercher une amicale retraite 
renfermaient sans doute une OEïilleterie. « L'OEilleterie, 
« nous dit un vieux livre, c’est un emplacement planté 
« de différents OEïillets, un théâtre d’OEïillets, un lieu 
« où l’on élève, où l’on conserve des OEillets. L'OEil- 
« lerie de Gros-Jean, nous dit-il, était fournie de 800 
« espèces d'OEillets. » 

Les OEillets liégeois ressemblent aux flamands; moins doubles, avec 
8 ou 9 pétales seulement à la corolle et, comme on dit, une boucle 
au centre, c’est-à-dire une étamine plus ou moins pétaloïde. Les 
pétales sont larges, bien étalés et d’un tissu très-ferme. Les couleurs 
doivent être bien franches, nettes, opposées, sans coulure; les 
panaches doivent trancher nettement sur le fond qui est ordinaire- 
ment blanc. Les meilleurs de notre planche sont figurés à gauche. 
Les OEïillets flamands sont devenus plus doubles et même pleins : 


a, 


aussi sont-ils exposés à crever. Un amateur expérimenté nous disait 
naguère que pour empêcher ce défaut, même chez les OEillets les 
plus fournis en pétales, il suffit de relever les boutons et de les 
maintenir droits. Alors l'humidité et la vermine n’affaiblissent pas 
le côté de la courbure : les tissus du calice éclairés, aérés et chauffés 
également de tous les côtés, résistent à la pression des pétales. 

Les OEillets qui ont servi de modèle à notre planche viennent de 
la collection de M. J. Peck, ancien contrôleur d’armes, amateur à 
Liége et qui depuis 50 années cultive les OEillets avec le plus grand 
soin. 

L’aquarelle elle-même est d’une fort belle exécution, traitée d’une 
manière artistique et fort légèrement. 

Ces OEïillets, conservés chez un petit nombre de vieux amateurs 
consciencieux, sont assez rares aujourd’hui. Tout change avec le temps, 
même les fleurs. Les OEïillets de nos jours sont devenus plus Fantaisies, 
plus Bohémes. Ceux-ci rappelleront à la génération présente les fleurs 
aimées de nos pères : 

« Cet OEillet n’a pas changé, nous écrit M. Peck-Raick; il est resté 
« intact dans les mains de mon oncle. On admet aujourd’hui des fleurs 
« doubles et dentelées, avec des pétales comme du calicot et sans forme 
« arrêtée. Les nôtres n’ont que deux rangées de pétales, bien ronds et 
« épais comme du parchemin : le coloris est bien tranché. » 

Pour le surplus, la culture et l’histoire, nous ne saurions mieux dire 
que renvoyer à l'excellent article publié par la Belgique horticole 
en 1864 (p. 1) sur les OEïillets de Verviers, article écrit par un amateur 
des plus distingués. | 

D'où vient ce mot OEïillet ? Le Père Rapin nous donne dans son poème 
des Jardins, sinon la vérité au moins la poétique légende : 


Pastor erat, cursumque feras dum turbat anhelo 
Cynthia, pascentem vidit per rura Niphatis, 
Poenituitque deam; sed ne succumbat amori 
Tollit Pastori quos jam Jaudabat ocellos 
Dispersitque agris, formoso è semine, nati 
Formosi flores, quos plebs quoque dicit ocellos. 


Ce qu’on peut traduire librement de la manière suivante : 

« Diane en chassant rencontra un berger dont les yeux étaient si 
beaux et les œillades si amoureuses que, furieuse, elle les lui arracha 
pour les jeter au loin : tombés dans les champs ces beaux yeux devin- 
rent de belles fleurs que l’on nomme encore des OEillets. » 

Voici, pour finir, un court extrait du Traité des OEïillets publié à 
Avignon en 1762 : « Par couleur, quand il s’agit d'OEillet, on entend, 
en général, et celle de leur fond, et celle des panaches. Le fond est ordi- 
nairement pris pour la couleur dominante; et les panaches sont les 


autres couleurs qui brochent sur le fond, On exige pour la beauté régu- 
lière de cette fleur, que son fond et les panaches soient bien opposés en 
teintes, qu’ils ne soient nullement brouillés où confondus par leur 
voisinage, mais tranchés avec précision et nettement, On veut de plus, 
que les panaches naissent à la racine des feuilles et qu'ils s'étendent 
sans interception jusqu’à leur extrémité. Plus ils occupent d’espace 
plus ils sont estimés. Les panaches Par Quart ou par moitié des feuilles 
sont préférés aux petits et aux panaches à emporte-pièce, ou à pièces 
plaquées comme disent les maitres, pour désigner ces panaches isolés 
qui n’aboutissent ni à la racine ni à l'extrémité des feuilles. Les 
dispositions contraires ôtent de son prix à l’OEillet, De petits panaches 
multipliés semblent le chiffonner, Les couleurs qui s’imbibent entr'elles, 
le salissent ; trop de mouchetures Jes brouillent, ce qui doit s’entendre 
de la confusion, non de la variété; car plus un OEillet a de couleurs 
plus il est estimé et quand les feuilles sont les unes comme les autres 
exactement marquées de ces couleurs, c’est le dernier ou le plus haut 
degré de beauté qu'on puisse désirer dans un OEillet. Lors surtout que 
le blanc qui se trouve Parmi les autres couleurs est sans reproche et ne 
Parait pas plombé. » 

On trouvera dans l'article suivant quelques renseignements parti- 
culiers au sujet des OEillets de Liége, En effet, Remacle Fusch, le 
vieux chanoine botaniste de Ja collégiale St-Paul à Liége, en parle 
dans un de ses ouvrages les plus rares, le De Herbarum notitia. 11 
les désigne sous le nom wallon de Jalofrin. Ce livre est publié en 
154%. Aujourd’hui encore le nom Wallon de l’OEillet est Jalofrène. Ce 
mot vient du latin Caryophyllum. Nous en avons fait en francais 
Giroflier et Giroflée. Les Giroflées (Cheiranthus) sont bien différentes 
des OEïllets. On dit Populairement en France : donner À queiqu’un 
une Giroflée à cinq feuilles, lui donner un soufflet si fortement appli- 
qué que les cinq doigts Y laissent leur trace. On dit à Liége une 
Giroflée à quatre feuilles, ou plutôt one Jalofrène a quat fouil d’une 


jeune fille simple et bornée, Pour une feuille de plus ou moins la diffé- 
rence est notable. 


NOTICE SUR LE DE HERBARUM NOTITIA DE REMACLE 
FUSCH. _ : 


Nous disions, dans Ja notice que nous avons publiée en 1865 sur 
le botaniste liégeois Remacle Fusch(!), qu’un de ses Ouvrages, publié 
en 1544, le De Herbarum nolitia dialogus n'était cité dans aucune 

————. ———— ——— _ ——————— ——_— ms —_. _- -— 


(1) Voyez La Belgique horticole, 1 865, prologue, et Bulletins de l’Académie royale de 
Belgique, 2e série, tome XVI, no 12, 


| a LE 


bibliothèque et qu'on le connaissait seulement par les bibliographies. 
Tous les livres de Remacle Fusch sont d’ailleurs fort rares. 

Notre savant collègue, M. le D' Ed. Martens, professeur de botanique 
à l'Université de Louvain, a eu le bonheur de mettre la main sur un 
exemplaire de cet ouvrage, en 1867, dans une vente publique à Bruges. 
Il avait bien voulu nous faire voir cette rareté pendant la dernière 
session des jurys d'examen. Nous y avions remarqué le nom wallon de 
jalofrin appliqué à l’OEillet. Nous nous sommes adressé à notre collè- 
gue pour obtenir quelques renseignements et, en réponse il nous a 
fourni une savante notice qui intéressera à la fois les botanistes, les 
bibliographes et tous ceux qui ont à cœur les annalectes de la Belgique. 
En la publiant iei nous exprimons à M. Martens les sentiments de 
notre reconnaissance. 


Mon cHER COLLÈGUE, 


Je m’empresse de répondre à votre désir. 

L'ouvrage de Fusch est intitulé : De herbarum notitia, natura atque 
earum viribus, deque iis, tum ratione, tum experientia investigandis, 
dialogus. — De simplicium medicamentorum quorum apud pharmaco- 
polas frequens usus est, electione seu delectu, tabella. — Omnia nunc 
primum et nata et excusa. Cum medicinae herbariae studiosis, tum 
pharmacopolis apprime necessaria. Aulore Remaclo Fusco. — Ant- 
verpiae. Excudebat Martinus Nutius sub intersignio divi Jacobi, in 
planicie librae ferreue. An. M.D.XLITII. 

Quarante-huit feuillets chiffrés, in-18. — Dédié à Michel d’Enkevort, 
chanoine de Liége, archidiacre de la Campine, que Fusch représente 
comme un amateur zélé de botanique. Le de simplicium medicam. etc., 
qui termine l’ouvrage est précédé d’une deuxième dédicace à Lambert 
Dheure, chanoine de Liége. e 

La partie principale de l’ouvrage de Fusch (le de simpl. medic., etc., 
n’en est qu’un appendice) est une herborisation, en forme de dialogue, 
prétendüment faite dans le jardin du cardinal Jean du Bellay, évêque de 
Paris (mort à Rome, doyen du Sacré Collége en 1560). Ce dialogue a été 
écrit par Fusch — comme il nous l’apprend dans sa dédicace, — à Paris, 
après les lecons du médecin Jacques Sylvius (.... hunce dialogum, quem 
nuper Parisiis post Jacobi Sylvii, medicorum hujus memoriae facile 
principam, praelectiones conscripseram....). Le dialogue paraît donc 
être simulé par Fusch pour donner plus d’attrait à la description des 
plantes curieuses qui se trouvaient dans le jardin du cardinal du Bellay. 

Les interlocuteurs du dialogue sont : Remacle Fusch, Guillaume Mar- 
besius (de Marbais), Jean Caballus, espagnol, Louis, pharmacien, Jean 
de Turck (Johannes Turcicus), jardinier du cardinal. 


— ÿ — 


Voici comment ce dialogue commence : 

« Remacle. Qui vois-je venir là-bas? C’est, si je ne me trompe, notre 
Caballus, un vieil ami, savant en botanique. 

« De Marbais. Peut-être nous cherche-t-il : car il s’avance d’un pas 
rapide. 

« Remacle. Approchons et saluons-le. Bonjour, mon Caballus. 

« Caballus. Salut aussi, mes meilleurs amis. 

« De Marbais. Où allez-vous ? 

« Caballus. J'allais droit vers vous. 

« Remacle. Pourquoi ? 

« Caballus. Afin que nous allions ensemble à la campagne, tant pour 
connaitre les plantes que pour nous donner un honnête exercice du 
corps et nous récréer l'esprit. 

« Remacle. Comme il est déjà tard, je ne puis aller maintenant à la 
campagne. 

« De Marbais. Ni moi non plus, car l’air devient humide et il n’est 
pas loin de deux heures. 

« Caballus. Visitons alors le jardin du Très-Révérend cardinal 
Mgr. Jean du Bellay. 

« Remacle. Cela me plait, si les autres en sont contents. 

« De Marbais. Certes, mais dépéchons-nous, pour que la brièveté du 
temps ne nous chasse pas : car il est plus de midi. 

« Caballus. Allons. Toi, Louis, précède-nous, et va nous annoncer au 
jardinier, qui est, comme tu sais, notre excellent ami. 

« Louis. J’en aurai soin. 

« De Marbais. Maintenant, chemin faisant, Je vous prie, entretenons- 
nous sur les plantes. » 

Le dialogue continue ainsi, avec une bonhomie charmante. On arrive 
au jardin, et là on devise sur les plantes les plus remarquables qui y 
croissent, en passant, sans interruption, de l’un à l’autre. Ce qui préoc- 
eupe surtout nos herborisateurs, c'est la concordance entre les plantes 
qu'ils trouvent et les espèces décrites par Dioscoride, Galien, et autres 
auteurs anciens. Les auteurs de l’époque — Ruellius, Manardus, L. Fuchs, 
Cordus, Leonicenus, etc, — sont souvent cités. 

Voici le passage relatif à l’OEïillet : 

« De Marbais. La plante suivante, n'est-ce pas le Caryophyllus ? 

« Caballus. On ne l’appelle pas aujourd’hui de ce nom. 

« De Marbais. Comment donc l’appelle-t-on ? 

« Caballus. On l'appelle Betonica altilis(\). 

« Remacle. Les femmes lui donnent encore l’épithète de Coronaria, 
parce qu’elles tressent des couronnes avec ses fleurs. 


(1) Dodoens applique ce nom au Dianthus caryophyllus. 


LEPQB: Vel 


« De Marbais. J'ai toujours entendu nommer jusqu'ici ses fleurs 
Giroflées (Caryophyllos flores), probablement à cause de lear odeur; 
dans notre idiôme liégeois on les nomme Jolafrin (). 

« Caballus. Elles méritent certes d’être appelées Betonica altilis (cul- 
tivée), car ses fleurs sont très-recherchées à l’état de culture (nam flores 
altiles spectantur) : elles sont d’une telle variété, d’une telle grandeur et 
d'une telle beauté, qu’elles ne peuvent pas être considérées comme infé- 
rieures à la Rose, et que ces deux plantes se disputent la palme. La 
grandeur de quelques unes de ces fleurs est telle, surtout cultivée par les 
soins des matrones de Padoue ct. de Bologne, que vous ne pourriez 
presque pas les embrasser de vos deux mains. 

« Remacle. Je m'étonne que cette plante, dont la fleur était si digne 
d’être décrite par un auteur renommé, n’ait pas été mentionnée par 
Dioscoride et par d’autres vieux auteurs. 

« Caballus. Hermolaus Barbarus (livre 5, chap. 45) croit que le Buc- 
charis (des anciens) est cette espèce de fleur, que nous appelons aujour- 
d’hui Caryophyllus; mais tous les auteurs de botanique médicale sont 
d’un autre avis. 

« De Marbais. N'y a-t-il pas d’autres espèces de Belonica? 

« Caballus. Oui, il y en a deux autres qui sont sauvages, l’une décrite 
par Dioscoride sous le nom de Cestron, l’autre par Paul Æginere (livre 7) 
et par Pline (livre 55, chap. 8). 

« De Marbais. La première de ces espèces sauvages, que Dioscoride 
décrit sous le nom de Cestron, est très-connue de tout le monde, et se 
trouve abondamment, par-ci par-là, dans les montagnes cet les bois(2). 
Quant à la seconde, que tu regardes également comme spontanée, veuille, 
sans te gêner, m'en faire l’histoire. 

« Caballus. Écoute attentivement. 

« De Marbais. Je t’écoute depuis longtemps. Continue. 

« Caballus. Cette plante que nous appelons Gariophyllea sylvestris, 
a des feuilles comme celle du poireau, oblongues, étroites, pointues à 
l’extrémité, concolores, les tiges cylindriques, géniculées, hautes d’une 
coudée, les fleurs belles, simples, composées de 5 ou 6 folioles, irrégu- 
lièrement frangées (lente fimbriatis), généralement pourprée. Quoiqu’on 
en trouve aussi d’un blanc de neige. 

« Louis. C’est peut-être cette plante que nous autres pharmaciens 
nommons Herba Tunici(5). 

« Caballus. Tu as bien deviné, Louis, c’est elle-même. 


(1) Actuellement on dit à Liége one djalofrenne. 


(2) Le Kestpoy de Dioscoride est, d’après Sprengel, le Betonicu officinalis. 
(3) C’est au XVIII: siecle le nom pharmaceutique du D. caryophyllus. 


NS, NS 


« De Marbais. En quels lieux croit-elle ? 

« Remacle. Sur les montagnes et en d’autres lieux arides, mais nulle 
part en plus grande abondance que dans les près secs près de Noyon 
(Noviomum) en Picardie, où je l’ai vue pour la première fois. 

« De Marbais. Quelles sont les vertus de la Bétonique cultivée (1) 
(altilis), qui croit dans les jardins? 

« Remacle. On affirme que sa racine est utile contre la contagion de 
la peste; quelques uns font aussi de ses fleurs une conserve au même 
usage. 

« De Marbais. Et cette autre plante que dans les officines on appelle 
Herba Tunici, est-elle de quelque efficacité ? 

« Remacle. Son suc est merveilleusement recommandé pour faire 
sortir les calculs de reins et pour guérir les épileptiques ; cependant, je 
crois que la première espèce sauvage (Belonica officin.) est plus efficace 
pour produire ces effets. » 


Voilà tout le passage concernant les OEïillets. Il occupe les feuillets 
55 et 54 de Fusch. Je l’ai traduit presque littéralement : de là les im- 
perfections du style. — Ce que Remacle dit des vertus de l’OEillet eul- 
tivé et de l’OEillet sauvage est copié presque textuellement de Léonard 
Fuchs. J'ai remarqué que notre auteur fait souvent usage de la com- 
pilation. 

Espérant que ces notes pourront vous servir, mon cher collègue, je 
vous prie d’agréer.…. etc. 


Louvain, le 20 janvier 1868. En, MARTENS. 


Nous profitons de cette occasion pour rectifier une erreur qui 
s’est glissée dans notre biographie de Remacle Fusch. Par distraction 
nous avions traduit le mot Zea par Maïs (blé de Turquie), tandis 
que dans les anciens auteurs ce mot s'applique à l’Épeautre. On 
aurait pu induire de notre récit que le Maïs, originaire d'Amérique, 


était déjà cultivé en 1541 dans les Ardennes, ce qui est une erreur (2). 


(1) L'OEillet des jardins. 
(2) Il faut donc corriger page XV, ligne 12 du Prologue 1865 du Maïs par de 
l’'Epeautre. 


AQU 


LES PLANTES NOUVELLES DE 1867. 


(Le Gardeners’ Chronicle 1868, Ne 2.) 


Nous allons passer sommairement en revue quelques-unes des plantes 
les plus importantes qui ont fait leur apparition pendant le cours 
de l’année passée. 

Nous commencons notre revue par les plantes de serre chaude. Ce 
groupe important se partage tout naturellement en deux divisions, 
l’une comprenant les plantes que l’on cultive pour leurs fleurs, l’autre, 
celles dont le feuillage est le principal, si pas le seul agrément. 
Parmi les premières, et en tenant compte de tout, nous devons assigner 
le premier rang au Dalechampia Rœzliana var. rosea, de la Vera-Cruz; 
c’est un arbuste d’un aspect particulier et d’une abondante floraison; ses 
fleurs, d’une structure si curieuse et ses bractées d’une teinte rose remar- 
quable, rivalisant avec celles du Bougainvillea, en font non-seulement 
une véritable plante d'ornement, mais encore le différencient radica- 
lement de tout ce que l’on connaissait auparavant en fait de plantes 
en culture. Bien plus étonnant de forme et de taille est l’Aristo- 
lochia Goldieana du Calabar, que l’on a su faire fleurir à force de 
soins au Jardin Botanique de Glasgow. Puis vient le nouvel A{la- 
manda nobilis dont les fleurs égalent les plus grandes que l’on con- 
nait actuellement, et l’emportent, pour la symétrie et la perfection 
de la forme, sur celles de toute autre espèce en culture. 

Un autre nouvel hybride du Dipladenia (le D. amæna) réclame 
une mention toute spéciale; on l’a obtenu par le croisement du 
D. amabilis avec le D. splendens. Il tient bien plus du dernier que 
du premier sur lequel toutefois il est en progrès pour la beauté de 
la teinte et à cause de sa plus grande profusion de fleurs. L’{xora prin- 
ceps vient compléter heureusement l’un des genres les plus remar- 
quables de nos fleurs de serre; le Tacsonia Buchanani promet aussi 
d’être une acquisition de valeur pour nos plantes grimpantes de serre; 
pourtant il ne s’écarte pas aussi remarquablement des espèces con- 
nues que le T7. Van Volxemi. Dans un autre groupe, le Begonia 
boliviensis nous présente unc acquisition complètement nouvelle; il 
diffère tellement des Bégonias ordinaires de nos jardins qu'il faut y 
regarder à deux fois avant de lui reconnaitre son nom; ses fleurs 
pendantes, à longs pétales, d’un vermillon brillant pourraient en 
faire une excellente plante d'ornement dans la série des plantes her- 
bacées. N'oublions pas de noter ici le Vaegelia fulgida du Mexique, 
très-belle Gesnéracée à feuillage vert rappelant un peu par ses fleurs 
le N, Cinnabarina; notons encore les belles variétés hybrides à cou- 


TE 


leur pâle du même genre. Ce sont les W. chromatella. N. Lind- 
leyana, N. cymosa, N. rosea punctatissima que nous devons aux 
jardins belges. Puis viennent le Cyrtodeira chontalensis, Gesnéracée 
à larges feuilles tachetées de lilas, importée récemment de la région 
aurifère de l'Amérique centrale; l’Aphelandra Reœzlii, très-brillante 
acanthacée Mexicaine d’un orange écarlate, à feuilles argentées étran- 
gement tordues; le Stemonacanthus Pearcei de Bolivie, d'un rouge 
brillant, à longs tubes ; c’est une nouvelle acquisition dans la grande 
famille des Acanthacées. Le Sanchezia nobilis variegata dont la forme 
à raies blanches a paru cette saison, a particulièrement droit à notre 
attention, car les fleurs sont splendides. 

La série des plantes de serre dont nous venons de parler et que 
l’on cultive pour leur feuillage s'est enrichie de plusieurs belles acquisi- 
tions; dans ce groupe, il n’y a peut-être rien de plus beau ou d’un 
caractère plus nouveau que l’Alocasia Jenningsii des Indes. C’est une 
plante herbacée, à feuilles hardiment sagittées cordées d’un vert éclatant 
au bord et le long des principales nervures. Entre ces nervures se 
trouvent des marques en coin d’un brun chocolat foncé, presque noires 
même; contraste tout nouveau et très-agréable. Un autre Alocasia 
nouveau, qui mérite une mention spéciale, est d’origine hybride; on le 
nomme À. intermedia et il tient le milicu entre ses parents A. Veitchi 
et À. longiloba. Il vaudrait peut-être mieux le décrire comme un 
A. Veitchi renforcé et plus grand. Avec sa belle coloration et sa 
forme grotesque (nous avons entendu comparer plaisamment ses feuilles 
au visage du « gentlemen cornu ») on sait que c’est une plante assez 
délicate et d’une croissance lente. On a fait aussi quelques acquisitions 
excellentes parmi les Codiaeum à feuilles colorées, mieux connus dans 
nos jardins sous le nom de Croton pictum. Ils nous viennent des iles 
de l’Océan pacifique et différent surtout par la taille et la forme de 
leurs feuilles brillamment veinées de jaune et plus ou moins sujettes 
à prendre en vieillissant une teinte rougeñtre; on leur donne les 
noms de Veitchianum, maximum, interruptum, irrequlare. La même 
source nous à fourni à la même époque trois nouveaux Dracaena ; 
plantes bien distinctes et fort belles. Ce sont : le D. Regina d’un 
babitus vigoureux et trapu, à feuilles largement bordées de blanc; 
le D. Moorer à feuilles ondulées, vigoureuses et pendantes, de couleur 
semblable à celle du D. ferrea; et le D. Macleyai à feuilles plus étroi- 
tes, recourbées, d’un tissu ferme, d’une nuance bronze rougeâtre. Ce 
sont là d'excellentes acquisitions pour nos collections; il en sera de 
même sans ancun doute pour le Ficus dealbata du Pérou avec ses larges 
feuilles elliptiques, d’un blanc argenté par dessous. Ce Ficus a été exposé 
à Paris. 

Venons aux Orchidées. Sans avoir à rappeler rien d'aussi remar- 
quable que le Cattleya dowiana et le Saccolabium giganteum de 1866, 


SAS 


nous devons cependant enregistrer quelques nouveautés de choix. 
Le Dendrobium Bensonæ est d'une élégance ravissante à cause du con- 
traste délicat de ses fleurs blanches et orange et de la parfaite harmonie 
de ses couleurs. L'Oncidium chrysothyrsus avec ses panicules thyr- 
soïdes à fleurs nombreuses, grandes et d’un éclatant jaune d’or, fait pré- 
cisément partie d’un groupe dont on doit encourager l'introduction dans 
nos serres à Orchidées; et en effet, on pourrait y admettre davantage sa 
couleur éclatante pour contraster avec les nuances qui prédominent dans 
les Dendrobium, les Cattleya, les Saccolabium, les Phalaenopsis, les 
Aerides et dans les autres fleurs de prédilection. Le Bletia Sherrattiana 
de la Nouvelle Grenade nous présente une autre couleur également écla- 
tante (un rose pourpre riche) que fait encore ressortir son beau labelle ; 
c'est d’un contraste excellent. On a vu dans quelques expositions de l’été 
une charmante variété du Miltonia spectabilis du Brésil : c’est le M. ro- 
sea; les sépales de cette jolie fleur, au lieu d’être blancs, sont roses; la 
lèvre de la corolle est marquée de plusieurs raies longitudinales assez 
larges, d’un cramoisi rose foncé. Bornéo nous a donné une très-belle 
variété du Cypripedium Stonei qui diffère de la forme typique par ses 
pétales d’une largeur remarquablement plus grande; de là son nom de 
Platytaenium. Enfin nous avons encore une hybride de l’Aerides, le 
dominianum, belle plante très-semblable à l'A. Fildingii pour la cou- 
leur, mais ayant d’ailleurs la forme et les marques de ses congénères. 

Les plantes bulbeuses de serre, cette classe si distincte dont le goût 
public semble recommencer à apprécier les mérites, se sont enrichies 
de quelques acquisitions marquantes. Le groupe Hippeastrum de l’Ama- 
ryllis retrouve décidément dans l’A. pardina l’une de ses plus belles 
espèces; c’est en même temps l’un des meilleurs gains de l’année; 
car les fleurs en sont nouvelles, et à la fois d’une réelle beauté; il 
appartient à la forme touffue, est couleur paille et tacheté de marques 
semblables en tout point à celles des Calceolaria à fleurs pointillées. 
L’Amaryllis Alberti du même groupe peut aussi passer pour une acqui- 
sition vu ses larges fleurs doubles d’un bel écarlate orange; la forme 
de ces fleurs peut être comparée à celle d’un gigantesque asphodèle 
double. Le Griffiniu hyacinthina maxima est une grande plante, plus 
vigoureuse que le type de l’espèce et porte de grandes fleurs d’un 
bleu foncé, mesurant en travers 4 à 5 pouces(i); il nous vient du 
Brésil, avec une autre jolie espèce du même genre, le G. blumenaria 
à fleurs blanches, rayées de rose sur les segments principaux. 

Parmi les plantes de serre froide, les conquêtes sont moins nom- 
breuses. Le Pleroma sarmentosa à fleurs d’un violet sombre, à la 
manière du Pleroma elegans doit être considéré comme une nouveauté 


(1) Le pouce anglais — cent. 2,5399. 


th + Dm 


du plus haut mérite. Il faut y ajouter deux Æydrangea du Japon, 
obtenus par le jardin de St-Pétersbourg, savoir : le Æ. stellata prolifera 
à fleurs compactes, petites, en étoile, doubles, stériles, roses; et le 
H. paniculata grandiflora, qui a bien plus l'habitus du japonica, mais 
qui produit de grandes panicules feuillées, terminales, en pyramides 
d’un pied de long au plus, et couvertes de nombreuses et grandes 
fleurs blanches. Le Dalea mutisii, arbuste de l'Amérique méridionale, 
à épis terminaux de fleurs d'un bleu foncé, rentre dans ce groupe; 
on pourra probablement l'utiliser pour la culture en pot et comme 
plante d’été pour les jardins si on a la précaution de le mettre à l'abri 
de quelque muraille; le Clerodendron serotinum que les jardins fran- 
cais ont recu de Chine, sera aussi à ce que l’on assure hautement, un 
arbuste de jardins pour l’été. On dit qu’il produit de grandes panicules 
corymbiformes d’un pied(!) ou plus en travers, à fleurs parfumées, d'un 
blanc pur, à calices roses. Parmi les plantes à feuillage pour le jardin 
d'été, le Coleus Veitchi a été la nouveauté la plus remarquable; il vient 
de la Nourxelle Calédonie ainsi que le C. Gibsoni; il a de même un 
facies vigoureux mais ses feuilles, d'un brun chocolat au centre, ont 
un limbe d’un vert vif; ce qui lui donne un aspect extraordinaire et 
fort convenable pour l’ornementation. Avant de laisser ce groupe, 
mentionnons l’Agave xylinacantha comme représentant d'une famille 
qui gagne dans l'opinion publique, et cela à juste titre; c'est une de 
ces petites espèces à feuilles hérissées d’épines comprimées et irrégu- 
lières, et ayant un aspect ligneux : d’où le nom. 

Bon nombre de plantes rustiques méritantes ont attiré l'attention. 
Classons parmi les plus importantes, à cause de la taille et de la bril- 
lante coloration des fleurs, le Begonia Veitchii et le B. rosaeflora que 
l’on a recueillis tous deux à une hauteur de 12,000 pieds ou plus sur 
les Andes du Pérou et dont le premier a déjà été assez bien éprouvé. 
Ce sont des herbes naines, à feuilles arrondies et charnues, produisant 
mainte hampe courte dont chacune porte un petit nombre de grandes 
fleurs; elles rappellent la Rose de Noël (Hellébore) et sont dans le 
B. Veitchit, rouge cinabre foncé, et dans le B. rosæflora, d'une jolie 
teinte rose. Si même la variabilité de notre climat rend nécessaire 
quelques mesures pour les protéger contre ses vicissitudes, l’année 
1867 n'en restera par moins mémorable pour avoir acclimaté deux 
aussi belles espèces d’un caractère plus ou moins rustique et appartenant à 
un genre connu surtout jusqu'à présent comme plante de serre chaude. 
Le Draba violacea, végétal rustique et vivace, est une belle plante de 
rocher, a fleurs crucifères, pourpre foncé. On l’a pris à une hauteur 
de 13,000 à 15,000 pieds sur les Andes de Quito. Une clématite vivace 


(!) Le pied anglais — met. 0,30479. 


ASE 


(le Davidiana) de grandes espérances, semblable au C. tubulosa, mais 
ayant ses fleurs en grappes et non isolées, est venu de Chine en France. 
Le Goodyera macrantha du Japon, belle Orchidée rustique à feuilles 
panachées, d’un vert olive sombre, à réticulations d’un vert éclatant et 
à bords jaunes nous rapproche fort d’un Anœæctochilus rustique. Les 
trois espèces suivantes de Lis japonais et chinois viennent ajouter trois 
perles à un genre si riche déjà en joyaux : le L. Leichtlinit à fleurs 
pendantes, pâle tacheté de pourpre; le Z. haematochroum à fleurs 
dressées, rouge sang foncé; et le L. pseudo-tigrinum à fleurs pendantes, 
rouges, pointillées de brun, mais totalement distinct du tigrinum ; 
ce dernier est chinois. Le noble Lilium auratum présente une moisson 
de variétés de choix; car c’est à peine si deux de ses bulbes produisent 
des fleurs exactement semblables. Les variétés les plus remarquables 
sont peut-être le auratum rubrum dans lequel la bande jaune est deve- 
nue rose et le L. auratum virginale à fleurs d’un blanc tout à fait pur. 

L'an dernier, nous citions un aune doré qui semblait promettre 
comme arbre de plantation pittoresque. Nous avons à y ajouter un orme 
doré, Ulmus campestris aurea dont les feuilles sont d’un jaune d’or foncé, 
devenant cà et là vert ou bronze. Un buisson ou un arbre de eertaine 
taille de cette espèce doit produire un très-bel effet. On retrouve de 
teintes dorées analogues dans l’Evonymus japonica flavescens dont les 
feuilles sont d’un jaune prononcé, et dans l’Aucuba japonica flavescens 
dont les plus jeunes feuilles sont tout à fait d’une teinte jaunâtre. Le 
Cupressus Lawsoniana ochroleuca produit un effet approchant : les 
jeunes pousses sont assez régulièrement terminées en un jaune crême 
pâle, pour dorer la plante; il en est de même pour le C. Lawsoniana 
flava où, quoique d’une autre manière les jeunes pousses semblent 
baignées dans l’or. Une autre variété d’Aucuba (A. Japonica marmorata) 
doit être notée ici comme la plus frappante des espèces à feuilles poin- 
tillées; cette supériorité vient sans doute de ce que les points jaunes se 
détachent clairement sur le fond vert sombre; c’est une des formes 
bacciféres. Un gracieux <onifère, tiré de semences japonaises, qui a de 
longues branches flexibles semblables à des lanières de fouet (c’est le 
Retinospora filifera) doit-ètre classé parmi les plus élégants de son 
espèce; une sous variété toujours verte de Populus monilifera que l’on a 
remarquée à Versailles nous donne un nouveau trait de cette famille à 
croissance rapide. Notre variété conserve ses feuilles longtemps après 
l’époque ordinaire de la chute, et cette circonstance doit donner, au 
point de vue pittoresque, une valeur nouvelle à l'arbre. 

Notre article est déjà si long que nous ne pouvons plus citer spéciale- 
ment les nouvelles variétés de jardin que l’année passée nous a données. 
Cela est d’ailleurs d’autant moins nécessaire que l’on en a récemment 
noté la plupart sous le titre de fleurs « de fleuristes. » Néanmoins nous 
devons citer ici la nouvelle rose de M, Ingram : Miss Ingram et les 


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nouvelles clématites de MM. Jackman et de M. Cripp. Les premières 
fleurissent toujours ; quant aux autres nous ne savons pas s’il en est de 
même. Les nouveaux Chrysanthémes japonais, produits par M. Salter 
et autres étendront la saison des fleurs et ajouteront de nouveaux traits 
intéressants à cette famille populaire. 


EXPOSITION INTERNATIONALE D'HORTICULTURE A GAND, 
29 MARS AU 5 AVRIL 1868 (1). 


Le programme détaillé de cette importante solennité vient de paraitre. 
Il comprend 241 concours, auxquels sont affectés des prix considérables. 

L'exposition de Gand aura beaucoup de succès. De tous les points 
de l’Europe un grand nombre d’horticulteurs et de botanistes s’y 
sont donnés rendez-vous. 

Le Congrès international de botanique et d’horticulture qui avait été 
annoncé comme devant être réuni en coïncidence avec cette exposition, 
est postposé. Cette résolution a été prise récemment dans une réunion 
du bureau de la Société de Gand, de la Fédération horticole et du 
bourgmestre de la ville de Gand. On a craint ne pouvoir consacrer 
à l’organisation du Congrès et à ses réunions tout le temps nécessaire. 
La ville de Gand désireuse de recevoir ses hôtes selon les traditions 
hospitalières des vieilles communes flamandes, préfère convoquer le 
Congrès dans une circonstance spéciale et organiser, à cette occasion une 
exposition d’un caractère scientifique. Cette réunion aura probable- 
ment lieu en 1870. 


EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE FLORE 
A BRUXELLES, 26-28 AVRIL 1868 (2). 


Concours spécial et international d’Orchidées. Le programme de 
celte exposition est précédé du préambule suivant : 

Fidèle à sa mission, le Conseil d'administration de la Société 
royale de Flore, après avoir pris l'initiative d'organiser à Bruxelles 


(1) S’adresser pour recevoir le programme à M. Edmond Claus, secrétaire-adjoint de 
la Soc. Roy. d'Agric. et de Bot. de Gand. 

(2) S’adresser pour recevoir le programme à M. L. Lubbers, secrétaire de la Société. 
rue du Berger, 26-28 à Ixelles, lez-Bruxelles. 


c>'TÈRES 


la première grande exposition internationale d’horticulture, a décidé 
d'entrer dans une voie nouvelle, en ouvrant chaque année un Cow- 
COURS SPÉCIAL ET INTERNATIONAL des principales familles ou genres de 
plantes appartenant aux diverses branches de cultures. 

La famille des Oncuipées a été désignée à l’unanimité pour l’inau- 
guration de ces concours spéciaux et la Société fait un appel à 
tous les amateurs et horticulteurs du continent aussi bien que de 
l'Angleterre, en les engageant à y prendre la plus large part possible. 

L'ouverture du Concours spécial d’Orchidées aura lieu à Bruxelles, 
le 26 avril prochain, et coïncidera avec l'exposition annuelle de 
printemps. Sa durée sera de trois jours. 

Des médailles d’or, de vermeil et d'argent, ainsi que des primes 
de 50 à 500 francs, sont offertes comme prix. 

Afin de rendre cette exposition plus attrayante et tout à fait digne 
d'attirer l'attention des amateurs d’horticulture, M. J. Linden, satis- 
faisant à un vœu exprimé par le Conseil d'administration et renon- 
cant généreusement à toute participation aux concours généraux, 
exhibera des collections très-variées de plantes totalement nouvelles, 
ainsi que des exemplaires spécimen de toutes les espèces d’introduc- 
tion récente ayant remporté les premiers prix aux grandes exposi- 
tions internationales de Londres et de Paris. 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS. 


(Suite, Voir, 1867, page 332.) 


IV. 
Janvier 1868. 


Les jardins de Paris offrent peu d'intérêt en ce moment. Il y a 
longtemps déjà qu’ils n’ont subi un hiver aussi rigoureux que celui de 
cette année, le thermomètre centigrade y étant fréquemment descendu 
a 12 degrés au dessous de zéro dans le courant de ce mois. Or, ils 
sont complètement dépourvus de fleurs, et les végétaux à feuilles per- 
sislantes en font le seul ornement à cette époque de l’année. 

La grande et belle famille des Conifères contribue puissamment à 
leur ornementation pendant toute l’année, et surtout pendant l’hiver, 
alors que les végétaux à feuilles caduques sont complètement dépouil- 
lés de leurs feuillages. 

Le Cèdre du Liban, Cedrus Libani BarreL., y atteint de très-grandes 
dimensions; on en remarque surtout deux forts spécimens, l’un en 


HS 


face le lac supérieur du bois de Boulogne, et l’autre au-dessus de la 
grande cascade en face la plaine de Longchamp. Cet arbre majestueux 
supporte parfaitement l'hiver sous le climat de Paris; son tronc élevé 
et très-épais, est terminé par une cime arrondie, de branches très- 
larges, aplaties, horizontales, à feuilles linéaires, tubulées, d'un beau 
vert sombre. Il produit un effet charmant étant disposé dans le voisinage 
des rochers et des pièces d’eau dans les jardins pittoresques. Le jardin 
des plantes de Paris en possède un spécimen planté à la base du 
labyrinthe en 1754 par M. B. de Jussieu, dont les branches couvrent 
un espace de plus de 75 mètres de circonférence. 

Le Cèdre pleureur du Népaul Cedrus deodora Lounox., est sans 
contredit l’un des plus élégants et de ceux que l’on cultive le plus 
généralement. On le plante isolément ou en groupes sur les pelouses, 
où il prend la forme pyramidale entourée de grandes branches rameu- 
ses, inclinées, pendantes à leur extrémité, et garnies d’un beau feuillage 
glauque blanchâtre. Cet arbre, dont la croissance est très-rapide, fait 
l’un des plus beaux ornements de nos pelouses, et supporte parfaitement 
nos hivers. On cultive encore plusieurs variétés telles que C. deodora 
robusta, dont les branches sont plus grosses, plus trapues, à feuilles 
épaisses et d’un beau vert glauque. 

L’Araucaria du Chili, Araucaria imbricata Ruiz et Pav., se cultive 
aussi dans les jardins, où il prend régulièrement la forme pyramidale, 
garnie de rameaux verticillés couverts de feuilles solitaires, ovales, 
lancéolées, et d’un beau vert foncé. 

Le Sequoia gigantesque, Sequoia gigantea ExbL., atteignant en 
Californie jusqu’à 500 pieds de haut, réussit aussi très-bien étant cultivé 
en pleine terre. Le tronc en est épais, les branches très-grosses, garnies 
d’un beau feuillage vert clair, sont disposées dans leur jeune âge en 
forme de pyramide très-large à la base. Ces végétaux produisent de 
très-beaux contrastes étant isolés sur les pelouses dans le voisinage des 
parties accidentées des jardins paysagers. 

Dans les jardins de l'avenue de l’impératrice, on remarque une 
collection de conifères d'élite, s’élevant au delà de 500 espèces et 
variétés appartenant aux genres Juniperus, Cupressus, Abies, Larix, 
Pinus, Thuya, Taxodium, Picea, Libocedrus, etc, etc. 

En fait de végétaux à feuilles persistantes, on remarque encore 
l'Olivier de Bohème, ÆEleagnus angustifolius, Lin., le Laurier de 
Portugal, Cerasus Lusitanica Loisez., le Laurier Cérise, Cerasus 
Lauro-Cerasus L., l’'Épine vinette aristée, Berberis aristata D. C., ete. 

Les marchés en plein air sont peu fréquentés en ce moment, à 
cause des fortes gelées; on y trouve seulement les plantes rustiques 
qui supportent facilement quelques degrés de froid. Pour les plantes 
exotiques et de serre chaude, la vente se fait ordinairement dans 
des caves qui se trouvent à proximité des marchés, 


ARE 


Les halles centrales et les fleuristes en boutiques au contraire, 
abondent en ce moment de fleurs de toutes sortes : Les maisons 
Burel, rue du Helder; Lyons, passage Jouffroy ; Scocard, rue du faub. 
St. Honoré; Lefilleul, boulevard des Italiens; Debrie, rue des Capu- 
cines; Bourgeon, place de la Madeleine, etc., etc., sont profusément 
pourvues de Bruyère odorante, variété Vilmorin, Erica odorata Axpr., 
var. Vilmoreana., de Bruyère persolute variété, £rica persoluta, Lax., 
var. regerminans, Horr., de Bruyère grêle var. d'hiver, Erica gracilis 
SaLisB., var. hibernalis, etc., de Pittosporum ondulé, Pittosporum 
undulatum Venr., de Bilbergia pyramidal Bilbergia pyramidalis 
LinpL., etc. 

La Tulipe odorante duc de Thol, Tulipa suaveolens Rortu., la 
variété à fleurs roses et celle à fleurs écarlates, abondent aussi en 
ce moment. On commence à voir apparaître la variété à fleur jaune 
dite Tulipe de Tournesol. 

Les Jacinthes romaines abondent encore en ce moment. La rose 
et la bleue de Hollande apparaissent aussi en grand nombre. Ces der- 
nières doivent être forcées sous l'influence d’une chaleur de fond 
très-élevée, et dans une grande obscurité, lorsqu'on veut les avoir 
en fleur de bonne heure. Les chassis sous lesquels on chauffe les 
oignons doivent être recouverts de paillassons jusqu’au moment où 
les tiges seront suffisamment sorties de terre; sans cette précaution, 
elles ne monteraient pas, et les fleurs s’épanouiraient dans le sol. 
M. Lemaire, habile horticulteur rue de Lourcine, 84, les force au 
premier degré de perfection ; les couches qu'il destine à chauffer ses 
oignons n’ont pas moins de 40 degrés centigrades de chaleur sou- 
terraine. 

On continue aussi à voir apparaître le safran printanier, Crocus 
vernus L., le Narcisse Soleil d’or, Warcissus aureus LoisL., le Cyclamen 
de Perse, Cyclamen persicum Mic, etc. 

En fait de plantes à feuillage propres à décorer les vases, jardi- 
nières, corbeilles, etc., dans les appartements, on remarque le Palmier 
sauvage d'Afrique, Chamærops humilis Lin., le dattier cultivé, Phœnix 
dactylifera Lan., le Yucca alæfolia Lan., var. quadricolor, le Pteris 
de Crète à feuilles panachées Pleris cretica albo lineata, etc., ainsi que 
toutes les espèces citées dans les mois précédents. 

(A continuer.) 
DELCHEVALERIE. 


DORVANTHES EXCELSA. 


es AN — 


NOTE SUR LE DORYANTHES EXCELSA Corrr, 


A L'OCCASION DE SA FLORAISON A ORLÉANS EN 1867. 
(Figuré PI. 2-3.) 


Peu d'amateurs ont eu l’occasion de voir la floraison de cette superbe 
Amaryllidée australienne introduite en Europe en 1800; elle a, depuis 
cette époque, fleuri très-rarement et chaque fois l’apparition de ces 
fleurs a été signalée comme un évènement horticole. On cite, dans les 
Annales des jardins, la première floraison en 1814 chez M. Charles Long 
à Browley Hill (Kent), en Angleterre; une autre, dans la Grande-Bre- 
tagne en 1855, à St. Petersbourg en 1855, à Orléans chez M. Mallet en 
mai 1861. Un fort exemplaire a donné ses fleurs dans les serres du 
jardin des plantes de Paris, au mois de février 1865, et ce remarquable 
phénomène a été signalé à l'attention publique, même dans les journaux 
quotidiens. Le Doryanthes excelsa a provoqué, à cette occasion, de nom- 
breuses notices, qui nous dispensent d’entrer ici dans de longs détails. 

Mais l’exposition universelle de Paris a permis à un grand nombre de 
personnes d'admirer cette superbe plante dans toute la majesté de son 
développement parfait. Un pied fleuri, envoyé par M. Delaire, jardinier 
chef du jardin botanique à Orléans, a figuré longtemps dans la grande 
serre centrale. Comme beaucoup d’autres, c'était la première fois que 
nous assistions à cette rare apparition de fleurs. Présenté au jury qui a 
fonctionné le 15 mai 1867, ce Doryanthes a recu un troisième prix. 
Ce pied paraissait un peu faible et sa floraison n’était pas aussi riche que 
celle qui avait eu lieu précédemment au muséum. 

Le Doryanthes est d’une famille où la beauté est de naissance. 
Amaryllis, la jolie bergère de Théocrite et de Virgile lui a donné son 
nom ; Narcisse, qui pour avoir désespéré toutes les Nymphes et s'être 
trop complaisamment admiré fut changé en fleur, est de ses proches 
parents. Combien ces noms linnéens sont poétiques et euphoniques 
à côté de ces mots forgés du grec ou de l’indien de Doryanthes et de 
Yucca ! Il a, par son feuillage le port de cette plante. Ses feuilles sont 
droites et comme des glaives à deux tranchants, hauts d’un mètre et demi 
à deux mètres et plus. Sans autre ornemént elle est déjà d’un effet 
remarquable. Quand elle flcurit, il s'élève du milieu du feuillage une 
hampe droite et forte qui monte à trois ou quatre mètres de hauteur et 
se couronne d’un véritable bouquet tout fait qu’on dirait composé de la 
fleur si connue du Lys de St. Jacques (Amaryllis (Sprekelia) formosis- 
sima). Ce bouquet peut avoir la moitié d’un mètre en travers, soit un 
mètre et demi de tour. Il est tout fourni de fleurs de plus beau rouge qui 
se remplacent à mesure qu'elles fanent. 


2 


PA 


Il faut à la plante, dans les meilleures conditions, 20 à 25 années 
pour arriver à ce moment éphémère de la perfection qui marque le 
terme de sa croissance. Beaucoup de plantes, comme Narcisse, perdent 
la vie, pour avoir été trop belles. Le plus souvent les Doryanthes pas- 
sent 50 à 40 années en quelque sorte à l’état de chenille avant d’éclore 
en papillon. 

Avant de périr elle donne parfois des graines et souvent des drageons 
à la base qui permettent de la multiplier. 

Originaire de l’Australie méridionale elle se plait dans nos serres 
tempérées par une température de 8 à 12°. 

L’aquarelle que nous publions ici, représente un capitule floral 
moitié de grandeur naturelle. Elle a été peinte d’après un excellent 
modèle qui nous a été gracieusement offert pendant notre séjour à 
Paris par un jeune peintre de talent, M. Numa Morel. M. R. Houllet 
l’aimable et savant jardinier chef des serres du Muséum, avait autorisé 
en 4865, cet artiste à dessiner et peindre d’après nature le Doryanthes 
qui fleurissait dans ce célèbre établissement. M. Numa Morel a exécuté 
sous l’habile direction de M. Houllet, plusieurs planches concernant le 
Dorvyantes considéré sous divers aspects. 


SUR LE VÉRITABLE FUCHSIA COCCINEA, n’Arron. 


Dans la séance de la Société Linnéenne, du 19 décembre dernier, 
après différentes communications , le D' Hooker donne lecture d’une 
note sur le véritable Fuchsia coccinea D’Arron. Voici la substance de 
ce travail. On a démontré que le véritable F. coccinea est une espèce 
tout à fait différente de celle que l’on cultive sous ce nom dans toutes 
les régions du globe et sur une si grande échelle. Il a été introduit 
en 1788 et publié dans la première édition du Hortus kewensis. On ne 
le connaît plus maintenant que grâce à quelques spécimens vivant du 
jardin botanique d'Oxford et à quelques exemplaires desséchés de la 
plante de Kew appartenant aux herbiers de Banks et de Smith. La 
véritable plante a été reproduite par Salisbury; mais lui-même, ainsi 
que les auteurs subséquents, l’a confondue avec le F. magellanica de 
Lamarck, qui est la plante reproduite comme F. coccinea dans le Bota- 
nical magazine et que l’on cultive partout sous ce nom. Ce dernier est 
une plante commune du Chili et de la Terre de feu, tandis que le pays 
natal du F, coccinea est encore inconnu. C’est là un point d’un baut 
intérêt; d'autant plus qu’il se rapporte à la question de l’acclimatation. 
On à prétendu que si le fuchsia était naguère délicat, il est devenu rela- 
tivement rustique. La vérité est, semble-t-il, que le véritable F. coccinea 


SPAS 


est aussi délicat que jamais, tandis que la plante que l’on cultive commu- 
nément sous ce nom (c’est-à-dire le F. magellanica), est beaucoup plus 


rustique. De là cette constatation dont il vient d’être parlé. 
(Gardeners’ Chronicle, 1868. N° 2.) 


NOTE SUR LES ORCHIDÉES. 


Vers le milieu de la seconde moitié du siècle dernier, Linné ne 
connaissait guère qu’une centaine d'espèces d’Orchidées, comprises 
dans quelques genres seulement ; tandis que dans l'ouvrage du docteur 
J. Lindley (The genera and species of Orchidaceous plants, À vol. in-8. 
London) publié de 1850 à 1840, c’est-à-dire environ une cinquantaine 
d'années plus tard, on trouve la description de près de 2000 espèces 
d’Orchidées appartenant à plus de 500 genres. 

Le Folia Orchidacea, publié depuis cette époque par ce célèbre bota- 
niste, contient encore la description d’un grand nombre d’Orchidées 
nouvelles. 

Dans la nouvelle Iconographie des Orchidées (Pescatorea) publiée par 
M. J. Linden, et dans les ouvrageS spéciaux en cours de publication, 
tels que la Flore des serres et des jardins de l’Europe publiée par 
M. L. Van Houtte, le Botanical Magazine par Sir William Hooker, le 
Linnæa et Botaniche Zeitung, journaux allemands, dans lesquels on 
trouve un grand nombre d’Orchidées publiées par M. Reichenbach 
fils, etc., se trouvent aussi décrites et figurées un grand nombre d’Or- 
chidées d'introduction récente. 

Les grands établissements d’horticulture tels que celui de M. Linden à 
Bruxelles, J. Veitch à Chelsea, Lowe à Clapton (Londres), etc., ont 
aussi introduits en Europe dans ces dernières années un grand nombre 
d'Orchidées, rares et nouvelles, de sorte qu'aujourd'hui, nous ne serions 
pas éloigné de croire que le nombre des espèces décrites ou cultivées en 
Europe ait doublé depuis 1840. 

Ce nombre très-considérable d’Orchidées exotiques introduites dans 
un espace de temps relativement très-rapproché, prouve suffisamment 
de la faveur dont ces merveilleuses plantes furent accueillies des ama- 
teurs. 

Bien qu'un grand nombre d’entre elles ne présentent d'intérêt que 
pour les botanistes, en ce que les fleurs sont d’une coloration sombre, 
exhalant quelquefois même une odeur désagréable, la plupart nous 
offrent des fleurs bizarres variant autant par la grandeur que par la 
forme, dont le coloris brille ordinairement des plus vives couleurs, 
répandant souvent une odeur délicieuse très-pénétrante. 


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Les amateurs de ces nobles plantes peuvent done aujourd’hui, en 
choisissant l’élite des Orchidées exotiques cultivées en Europe, en réunir 
quelques centaines d'espèces d’un très-grand mérite et avoir dans leurs 
collections des plantes propres à leur procurer les fleurs les plus élé- 
gantes et les plus suaves que nous fournisse le règne végétal. 

Nous avons eu souvent l’occasion d'admirer une collection de ce 
genre, appartenant à M. Guibert, amateur distingué à Passy-Paris, dont 
les cultures sont confiées à M. Leroy, jardinier d’une habileté bien 
connue. 

Dans cette belle collection, les espèces rares ou nouvelles les plus 
mérilantes seulement y sont représentées en forts spécimens : on y 
remarque en outre de très-beaux Vanda Lowii Lixpr., originaire de 
Bornéo, V. cœærulea Honrr. (Sylhet), V. suavis Livpz. (Java), V. Bate- 
manii Br. (Philippines), V. teres LixpLc. (Indes Orientales), ete., Sacco- 
labuim quttatum Linpe. (Indes Orientales), S. retusum Horr. (Bornéo), 
S. curvifolium Linpc. (Népaul), S. Blumei Lin. (Java), ete., Ærides odo- 
ratum Lour. (Indes Orientales), Æ. maculosum Linz. (Bombay), Æ. lar- 
pentæ Horr. Angl. (Indes Orientales), Æ. Lindleyanum Weicur (Indes 
Orient.), Æ.nobile R. Warwer (Inde), Æ. crispum Lino. (Bombay), etc., 
Phalænopsis amabilis BLuue (Philippines), Ph. grandiflora Lino. (Java), 
Ph. sp.? (de Bornéo), Ph. Schilleriana Re. fils (Manille), ete., Cattleya 
labiata Line. (Brésil), C. Skinnerii Barem. (Guatemala), C. Mossiæ, Bot. 
Mag. (Vénézuela), C. Bogotensis Lispex (Nouvelle Grenade), C. su- 
perba Scous. (Guyane), C. Leopoldit Horr. (Brésil), C. Trianei LiNDEN 
(Nouvelle Grenade), ete., Lælia Stelzneriana, L. elegans Morrex (Brésil), 
L, purpurala Lino. (St Cathérine), etc., Odontoglossum ornithoryn- 
chum H. Br. K., O. crispum Lonn., O. lanceanum Linpz., etc., An- 
græcum eburneum P. Taouars (Maurice), À. sesquipedale P. Taouars, 
A. superbum P.Taouars(Maurice),etc., Dendrobium nobile Lips. (Chine), 
D. formosum Roxs. var. giganteum (Indes Orientales), D. densiflo- 
rum WaLc. (Indes Orientales), D. moniliforme Swarrz (Indes Orient.), 
D. Dahlousieamum WALL. (Indes Orientales), etc. 

Enfia on admire encore dans cette collection d’élite, un grand nombre 
de plantes remarquables par leur rareté et leur beau développement, 
appartenant aux genres Lycaste, Stanhopea, Calanthe, Burlingtonia, 
Maxillaria, Zygopetalum, Phajus, Miltonia, Cæœlogyne, Renanthera, 
Trichopilia, Sobralia, Cypripedium, Uropedium, Selenipedium, ete., ete. 

Les espèces terrestres y sont généralement cultivées dans un mélange 
composé de sphagnum de terre de bruyère brute tourbeuse grossièrement 
concassée, et d’un peu de charbons de bois pilé. Dans le fond des pots, 
on met un bon drainage de tessons pour favoriser l’écoulement de l’eau 
provenant des arrosages. 

Celles qui vivent en épiphytes sont cultivées dans des paniers en bois 
confectionnés pour cet usage, ou simplement fixées sur des morceaux de 


—— 1 — 


buches brutes ou de planches ete. Le sphagnum est à peu près la seule 
matière qui sert d’aliment à ces sortes de plantes, dont la vigueur et le 
parfait état de santé dans lesquelles elles se trouvent, prouvent suffisam- 
ment des connaissances théoriques et pratiques du cultivateur. 

M. Leroy, jardinier en chef de l'établissement, ne s'occupe pas seule- 
ment de la culture de ses Orchidées; il s'occupe aussi activement de 
féconder leurs fleurs, soit avec leur propre pollen, soit avec celui 
provenant d’espèces différentes. Ses expériences furent déjà couronnées 
de succès dans maintes circonstances ; il obtint en outre de très-bonnes 
graines d'une espèce très-rare encore, le Selenipedium Schlimi, LiNpen, 
et Reus. r., dont il fit un semis qui lui procura bon nombre de jeunes 
plantes dont une certaine quantité sont actuellement en voie de flo- 
raison. 

Une autre espèce non moins remarquable produisit également des 
graines l’année dernière : c’est le Vanda Lowir Lixpz. On sait que cette 
belle espèce produit des grappes de fleurs qui atteignent quelquefois 
de 5 à 4 mètres de longueur, et que les deux premières fleurs sont tou- 
jours d’un Seau jaune foncé, tandis que toutes les autres qui se trouvent 
à la suite, et à une assez grande distance des deux premières, sont d'un 
jaune pâle rubané de larges lignes d’un beau rouge pourpre. Ces fleurs, 
bien que sur la même grappe, n’ont pas entre elles la moindre ressem- 
blance; elles furent fécondces de la manière suivante : une des fleurs 
jaunes fut fécondée avec le pollen d’une rouge, tandis qu’une rouge le 
fut avec le pollen d’une jaune ; les deux ovaires grossirent, et produisi- 
rent des graines qui atteignirent leur complète maturité, et qui au mi- 
croscope paraissaient renfermer tous les organes de la germination. Ces 
graines ont été semées avec le plus grand soin, il y a peu de temps 
encore; nous leur souhaitons les mêmes chances de réussite que celles 
du Selenipedium Schlimii. 

Les Ærides quinquevulnerum Lino. (Manille), Stanhopea tigrina Bar. 
(Mexique), Catileya Lindleyana Rcus. r. (Brésil), Vanda cœærulea Lixo. 
(Sylhet), etc., ayant été également fécondés par des moyens artificiels, 
ont produit des graines qui sont semées depuis quelques temps déjà, et 
dont on espère un résultat prochain. 

Il serait à désirer dans l'intérêt général de l'horticulture que les expé- 
riences de ce genre se multipliassent et que tous les cultivateurs d'Orchi- 
dées imitassent M. Leroy, en suivant les principes du célèbre professeur 
Ch. Morren, qui s’occupa aussi beaucoup de la fécondation artificielle 
des Orchidées, et qui obtint le premier à l’aide de moyens artificiels des 
fruits d’une espèce grimpante, la Vanille, le plus précieux de tous les 
parfums, Vanilla aromatica Swanrz, dans les serres du jardin botanique 
de l’université de Liége. 

G. DELCHEVALERIE. 


UN: Ver 


CULTURE DES GLOXINIAS. 


Nous venions de publier, à la fin de 1867 (p. 259), quelques spécimens de la riche 
collection de Gloxinias, de M. H, Carcenac, quand nous avons lu dans la Revue horti- 
cole de M. E. A. Carrière un article sur la culture de ces jolies plantes écrit par 
M. J. Vallerand, jardinier de M. Carcenac, à Bougival. Les Gloxinias cultivés 
par M. J. Vallerand ont été fort remarqués au jardin réservé du champ de Mars, tant 
pour la nouveauté du coloris que pour la vigueur de la végétation. Nous croyons donc 
pouvoir prendre la liberté d'emprunter à l'excellente Revue horticole de M. E. A. Car- 
rière, les renseignements pratiques de M. Vallerand. 


Il serait inutile, selon nous, de rappeler ici ce qui a déjà été dit bien 
des fois sur l'avantage que présentent les Gesnériacées tuberculeuses en 
général, et les Gloxinias en particulier, pour la décoration des serres 
froides transformées en serres chaudes pendant l'été, car c’est un usage 
pratiqué presque partout maintenant; seulement, bien souvent encore 
on voit des plantes chétives, produisant peu d’effet, tandis que, bien 
cultivées, il n’est peut-être pas d’autres collections qui puissent offrir un 
coup d’æil aussi ravissant qu’une serre remplie de Gloxinias lorsqu'ils 
sont en pleine floraison. 

Depuis un certain nombre d'années je m'occupe spécialement de ces 
plantes, et avec assez de succès, j'ose dire. Je vais donc indiquer, aussi 
clairement que possible, les moyens que j'emploie, espérant me rendre 
utile à ceux qui ne sont pas encore bien initiés à cette culture. 

Sans présenter de bien sérieuses difficultés, cette culture demande des 
soins particuliers pour obtenir une belle végétation et une floraison 
abondante, je dis floraison abondante en parlant de plantes faites, 
c’est-à-dire provenant de tubercules soit de semis d’un an, ou de boutures 
après leur deuxième année. Je vais premièrement parler de la mise en 
végétation de ces tubercules, des soins à leur donner pendant leur période 
active, de la manière de les préparer au repos, et de leur conservation 
jusqu’à l’année suivante. Ensuite je complèterai cette notice par leur 
multiplication de boutures, par la fécondation, et enfin par les semis. 

L'emploi d’un bon compost agit, c’est vrai, sur la vigueur des plantes; 
mais ce n’est pas, comme on le croit souvent, une des causes principales 
de succés. J’ai essayé plusieurs fois différents mélanges de terre qui 
m'ont toujours donné à peu près le même résultat ; je ferai cependant 
remarquer que ceux dans lesquels les matières fécales entrent comme 
engrais doivent être préférés. Voici, du reste, celui que j'emploie le 
plus souvent : trois parties de bonne terre de bruyère grossièrement 
concassée, une partie de terreau de feuilles, et une partie de terre de 
potager légère et naturellement engraissée ; j'ajoute sur le tout 5 pour 
100 de poudrette bien pulvérisée, et je mélange. Si la terre est sèche, 
je la mouille un pen pour la rendre fraiche, mais jamais trop humide. 


dés onsiiitité 


Enfin, je le répète, la terre ne joue, on pourrait dire, qu’un rôle secon- 
daire, l’état des tubercules, le début de la mise en végétation, l’aména- 
gement de la serre, et surtout les arrosements distribués à propos agissent 
plus particulièrement sur la bonne venue des Gloxinias. 

C'est vers la fin de février ou dans la première quinzaine de mars 
que je mets la plus grande partie de mes tubercules en végétation, c’est- 
à-dire ma collection, pour l'avoir en fleur en juillet, saison la plus propice 
pour obtenir un bon résultat, d’un autre côté, le moment de les sortir 
des châssis arrive quand les serres froides viennent d’être débarrassées, 
de sorte qu’on peut les mettre dedans pour y passer leur période active. 

Suivant la force et la vigueur des plantes, je prends des pots de 15 à 
18 centimètres de diamètre, que j’emplis à moitié du compost ci-dessus, 
après avoir mis quelques tessons dans le fond, je place le tubercule, 
puis je le recouvre de terre très-légèrement tassée, la disposant de 
manière à former au milieu un petit tertre, dont le sommet de niveau 
avec la hauteur du pot, laisse au pourtour un centimètre de vide. Si 
quelques arrosements sont nécessaires avant que les plantes soient en 
pleine végétation, cette disposition fait que l’eau descend le long des 
parois du pot, humecte la terre sans tomber sur le tubercule, ce qui 
dans certains cas pourrait lui nuire. 

Plusieurs jours à l'avance, j'ai préparé, sous châssis dans une bâche 
accotée de réchauds de fumier et feuilles, une couche tiède recouverte 
de vieille tannée ou terreau dans lequel j'enterre mes pots près les 
uns des autres, à environ 20 centimètres du verre, qui est blanchi 
afin d’ombrer un peu. Quand le soleil pourrait élever la température 
de 20 à 25 degrès centigrades, je donne de l'air, en soulevant le 
châssis par le haut; je l’ouvre par le bas, si le vent est aride et du 
nord. La nuit je couvre de paillassons. Mes plantes restent ainsi jus- 
qu’en mai, et à moins d’une aridité exceptionnelle, les arrosements 
sont nuls jusqu'à ce qu’elles soient bien poussées, ce qui demande 
environ un mois ; puis je les arrose légèrement deux ou trois fois par 
semaine, toujours avec de l’eau tiédie au soleil et, de préférence, vers le 
soir, évitant autant que possible de mouiller les feuilles qui se tache- 
raient si elles n'étaient pas ressuyées le matin, lorsque les premiers 
rayons du soleil arrivent dessus. Cependant si dans le courant d'avril, 
par suile du mauvais temps et du refroidissement de la couche, mes 
plantes paraissent bouder, je renouvelle les accots, et, lorsqu'ils com- 
mencent à chauffer, je donne un peu d’air pendant la nuit, ayant soin 
toutefois de faire descendre les paillassons en face de la partie restée 
ouverte par le soulèvement des châssis, ce qui n’empêche pas la buée 
de s'échapper, chose essentielle, car lorsqu'elle se condense sur les 
feuilles elle en altère le tissu. En résumé, un point très-important 
dans cette période de Ja culture des Gloxinias est de leur donner une 
végétation continue, mais lente et graduée jusqu’à leur mise en serre, 
où alors ils prennent en peu de temps un grand développement. 


cs OURS 


Lorsque l'on dispose d'une serre chaude, on peut sur les tablettes près 
du verre y mettre des Gloxinias en végétation dès le mois de janvier; 
puis tous les mois jusqu'en mai de manière à avoir une floraison sueces- 
sive jusqu’en septembre. Mais comme alors les pots se trouvent dans un 
milieu plus aride que s’ils étaient enterrés dans la tannée d’une couche, 
il faut arroser un peu plus souvent, surtout pour faire lever les plantes 
qui, sous châssis, le sont peu ou point jusqu’à ce moment. Que les plantes 
aient été élevées sous châssis ou sur les tablettes d’une serre chaude, 
lorsqu'elles couvrent la superficie de leur pot, je les place dans l'endroit 
où elles doivent fleurir. Bien que j'aie obtenu de très-bons résultats dans 
différentes serres, néanmoins je préfère une serre adossée contre un mur, 
la face tournée vers le sud-ouest, et assez élevée pour que les plantes s’y 
trouvent au moins à un mètre du toit vitré. Il est surtout nécessaire que 
ce soit une serre établie sur un terrain sec; car un sol humide porte une 
fraicheur la nuit qui est tout à fait nuisible, à moins de faire du feu. Au 
moyen de pots renversés, j'établis, sur la terre pleine des bâches, de petits 
gradins légèrement inelinés, de sorte que les plantes ainsi isolées du sol 
viennent beaucoup mieux ; je les y distance de manière que, lorsqu'elles 
ont atteint leur entier développement, les feuilles ne s’entremélent pas 
trop lesunes dans les autres et que l’air puisse toujours eirculer autour de 
chaque plante. Les vitres de la serre sont blanchies, ce qui forme un om- 
brage léger, mais suffisant jusqu’à la complète formation des boutons ; 
après cette époque je descends les claies, dans le milieu du jour, chaque 
fois que le soleil donne, et quand les plantes sont en pleine floraison, il 
m'arrive même quelquefois d’ombrer avec des paillassons, car il faut pour 
la durée des fleurs s’opposer autant que possible à une température qui 
dépasse 50 degrés. Je donne de l’air soit par les châssis du haut de la 
serre ou mieux en laissant la porte ouverte lorsqu'elle ne communique 
pas directement avec l’air extérieur; dans aucun cas il ne faut établir de 
courant d’air. Toutes les fois que je suis certain d’une assez prompte 
évaporation, je bassine les sentiers le matin en même temps que j’arrose 
les plantes qui en ont besoin, et vers le soir je les visite une seconde fois. 
Il vaut mieux donner des arrosements fréquents, mais non abondants, 
de manière à entretenir la fraicheur de la motte, sans jamais la rendre 
trop humide et même, si le temps devenait pluvieux pendant quelques 
jours, il vaudrait mieux qu’elle füt presque sèche. Lorsque, par une 
température basse et humide, les racines sont gorgées d’eau, la végéta- 
tion languit, s'arrête, et si cet état dure quelque temps, c’est alors qu’ap- 
paraissent des insectes qui parfois sont très-nuisibles à ces plantes. Il 
arrive même quelquefois que les plus délicates pourrissent du collet. 

Quand les boutons sont bien formés, et qu’un temps propice active la 
végétation, j'arrose deux ou trois fois à huit ou dix jours d’intervalle avec 
de l’eau dans laquelle j'ai fait dissoudre de la poudrette (3 à 4 livres 
pour un hectolitre d’eau environ), ou bien dans les mêmes proportions, 


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j’emploie du sang provenant d’une boucherie et ayant séjourné depuis 
plusieurs mois dans un récipient quelconque ; je donne ainsi une nouvelle 
vigueur aux plantes, et j'obtiens un feuillage luxuriant, des fleurs larges 
avec des coloris plus vifs, en un mot une floraison splendide qui dure 
cinq à six semaines. 

Une fois les fleurs entièrement passées, comme je remplace par une 
nouvelle série, je transporte celle-ci dans une autre serre moins ombrée, 
en donnant aussi un peu plus d’air; je diminue graduellement les 
arrosements, pour les cesser tout à fait lorsque les feuilles commencent 
à jaunir, ce qui ne doit arriver que vers la fin de septembre. Je laisse 
sécher entièrement mes plantes, et, dans les premiers jours de novem- 
bre, je les dépote, je secoue la terre, je coupe la tige et toutes les racines 
jusque près du tubereule, afin qu'il soit bien propre et bien net; je 
place ensuite les tubercules près les uns des autres entre deux couches 
de sable fin de rivière, dans des terrines que je laisse passer l'hiver 
dans un endroit sec, et où la température ne doit pas descendre plus bas 
que 6 à 8 degrés au-dessus de zéro. Je suis certain, au printemps suivant 
de trouver des tubercules sains et bien constitués, qui me produiront 
de nouveaux des plantes d’une franche végétation. 

Cette méthode de culture, qui m'a toujours parfaitement réussi, qui 
convient à toutes les variétés plus ou moins délicates, et que je crois 
même la plus praticable pour toutes les localités, n’est cependant pas 
exclusive, surtout si l’on veut obtenir de très-fortes plantes. Au moyen 
de rempotages successifs dans une terre un peu plus substantielle et en 
mettant chaque fois ses plantes sur une nouvelle couche, et aussi en se 
servant plus fréquemment d'engrais liquides, on peut arriver à produire 
des spécimens de dimensions surprenantes; mais il faut pour cela être 
un peu exercé dans cette culture, bien connaitre la qualité des engrais 
que l’on emploie et surtout faire un choix de plantes naturellement 
vigoureuses. Il en est beaucoup dans les collections, et souvent les plus 
belles, qui ne s’accommoderaient nullement de ce traitement. La con- 
servation des tubercules est aussi moins assurée. J'ai obtenu également 
de très-bons résultats en plantant mes tubercules en pleine terre sur 
couche et sous chàssis, pour être relevés et mis en pots quelque temps 
avant la floraison ; mais en définitive, je préfère les procédés sur lesquels 
je me suis étendu premièrement. 


Et, 


NOTE SUR L'ARISTOLOCHIA GOLDIEANA Hook. Fr. 


On lit dans la Revue horticole re p. 55), sous la signature 
de M. L. Neumann. 

Dans le Gardeners’ Chronicle de novembre, nous trouvons la figure et 
la description d’une nouvelle espèce d’Aristoloche, l’Aristolochia Gol- 
dieana Hook. r., dont les dimensions florales rappellent celles des 

. gigas et À. cordiflora. L’A. Goldieana, quoique différent de ces 
dernières par son lieu d’origine, s’en rapproche néanmoins beaucoup 
par le port et par l’ampleur de ces fleurs. Voici la description scienti- 
fique de cette espèce que le journal en question reproduit d’après les 
Transactions Linnéennes, vol. XXV, p. 185, t. XIV. 

« Aristolochia Goldieana Hook. r. 

« Globerrina, foliis ovato vel triangulare cordatis base profunde 
exculplis, acuminatis, floribus maximis, perianthii refracti utriculo 
elongato subclavato, limbo infundibuliformis campanulato, ore am- 
pliato truncato obtuse trilobo lobis caudato acuminatis, staminibus ad 
24 columnæ lobis ad 12 bicruribus. » 

La figure de cette magnifique Aristoloche rappellera tout de suite à 
nos lecteurs la plante mentionnée par Humboldt, « dont les fleurs, ne 
mesurant pas moins de 4 pieds de circonférence, servent aux enfants 
indiens à se faire des bonnets de fête. » C’est, nous croyons pouvoir 
l'affirmer, de l’Aristoloche grandiflora Swarrtz, A. gigas Linoz., indi- 
gène de l'Amérique méridionale, du Brésil et de Ja Nouvelle-Grenade 
dont il est question. Celle-ci, qui est originaire de l’Afrique équatoriale 
occidentale, a été découverte par le Rév. W. C. Thomson dans les forêts 
près de l'embouchure de la vieille rivière Calabar. 

Cette même espèce a été trouvée par l’évêque de Sierra-Léone, par Bar- 
ter et par Mann, ce dernier collecteur l'ayant rencontrée dans l’ile de Fer- 
nando Pô. D’après la description qu'en donne le journal des Transac- 
tions de la Sociélé Linnéenne, nous voyons que cette plante remarquable 
par ses immenses fleurs forme un arbrisseau volubile, d’à peu près 
20 pieds de hauteur, à feuilles cordées, acuminées, auriculées, portées 
sur de longs pétioles. La fleur est inclinée en deux portions inégales, la 
partie inférieure surmontant l'ovaire d'à peu près 20 centimètres de 
longueur presque cylindrique, se termine par un nœud, courbé en 
forme de massue ; la partie supérieure commençant à partir de ce nœud, 
est de près d’un pied de longueur, formant entonnoir, dilatée en dessus 
en un limbe presque trilobé. Les étamines sont au nombre de 24, ce qui 
arrive rarement dans ce genre, où elles dépassent rarement à ou 6. Les 
stigmates sont bifides ; chaque subdivision se termine par un petit nœud 
glanduleux, ce qui n’a rien d’analogue chez les autres espèces de ce 


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2708" IE 


genre. La couleur de la fleur est d’un violet plus ou moins panaché de 
jaune et de rouge pourpre, ct l'odeur est analogue à celles des Cham- 
pignons en décomposition. Cette liane remarquable a fleuri pour la 
premiére fois en Angleterre au jardin botanique de Glascow dirigé par 
M. Peter Clarke. Une figure coloriée, réduite de moitié, se trouve dans 
le dernier numéro du Botanical Magazine. 

De même que l'A. labiosa, Ker., autrefois cultivé avec beaucoup de 
succès au jardin des plantes de Paris ainsi que l'A. gigas, dont il est 
question ci-dessus, celle-ci nous parait d’une culture facile; généra- 
lement ces plantes, très-vigoureuses, ne se plaisent que placées en 
pleine terre dans les serres chaudes, dans un sol mélangé de bonne 
terre franche et de terreau de feuilles, et dans un milieu plutôt humide 
que sec. Pendant la forte végétation, elles ont besoin de seringuages 
fréquents et de beaucoup d'air afin de bien nourrir leur abondant 
feuillage et d'empêcher les insectes de leur nuire, ce qui arrive trop 
fréquemment pour ces plantes, et qui souvent même les fait détester 
des jardiniers. Après la floraison on devra avoir le soin de rabattre les 
rameaux jusqu’au vieux bois, afin de faire développer de nouveaux 
bourgeons vigoureux lorsque la saison sera convenable. 

Ce moyen est un des plus sûrs de se débarrasser de la cochenille 
ou pou blanc dont ces plantes sont fréquemment pourvues. La mul- 
tiplication se fait par boutures de bourgeons aoûtés, en été qu’on 
place sur couche chaude et sous cloche. Peut-être les réussirait-on de 
racines. 

Dans l'American agriculturist (vol. XXVI, n° 11) nous trouvons un 
renseignement assez intéressant sur la multiplication des Muriers et 
Framboisiers, et qui peut être utile aux cultivateurs obtenteurs de 
bonnes variétés lorsqu'ils ont intérêt, et cela est à peu près toujours, 
à en obtenir la propagation. Voici le procédé : au lieu d’attendre la 
production normale des drageons, en novembre, époque très-convena- 
ble, on peut faire des boutures de racines, qui donneront au printemps 
de jolis sujets capables de pouvoir être livrés au commerce. 


RUSTICITÉ DE CERTAINS PALMIERS, 


PAR M. E. A. Canrnière. 


Sans avoir été ce qu'on peut appeler rigoureux, l'hiver dont nous 
venons de traverser la partie la plus dure a permis de constater la rusti- 
cité de certains végétaux sur lesquels on n'était pas suffisamment ren- 
seigné. En première ligne, nous placons celui que, en général, on 


ss DR 


désigne sous le nom de « Palmier à chanvre de Chine, » Chamaerops 
excelsa, Tuuxs. Bien que nous sachions depuis longtemps ectte espèce 
relalivemeut rustique, nous n’aurions pas osé affirmer qu'elle le füt à ce 
point. En effet parmi les exemplaires que nous avons en pleine terre, 
l'un d'eux, haut de près de 1 mètre 50, n’a eu d’autre abri qu’une sorte 
ruche ou de capuchon en paille supporté par des piquets, de manière à 
abriter contre les pluies ou la neige la tête de la plante, de sorte que ce 
pied à supporté, et cela sans en souffrir, tout le froid, c’est-à-dire jusqu’à 
12 degrés au-dessous de zéro. Voilà donc une des plus belles plantes 
à feuillage et même à fleur qui est assurée à la décoration de nos jardins, 
auxquels elle donnera un certain cachet tropical qui faisait défaut jusqu'ici. 

Dans une lettre que nous avons reçue de Munich (Bavière), notre colla- 
borateur et collègue M. Kolb, jardinier en chef au jardin botanique de 
cette ville, nous informe que, là aussi, l’hiver a été très-rigoureux et 
qu'une grande quantité de neige à couvert la terre pendant longtemps. 
Un fait très-intéressant que nous signale notre collègue est celui de la 
floraison dans une des serres de leur jardin d’un Livistona Austra- 
lis, R. Br., Corypha Australis, Horr., qui a près de 17 mètres d’éléva- 
tion, et qui est en fleur depuis longtemps déjà. Voici le passage où il est 
question de cette plante : « Dans une des serres de notre jardin fleu- 
riste, on voit en ce moment en fleurs un pied de Livistona Australis. 
Ce spécimen, qui fleurit pour la troisième fois depuis six ans, est sans 
aucun doute un des plus forts qu’il y ait sur le continent. Il mesure 
50 pieds. Ses fleurs sont hermaphrodites, tandis que le grand individu 
de L. Australis que possède le Muséum, ct dont les dimensions ne le 
cédent guère à celle du Livistona de Munich, a fleuri il y a quelques 
années et nous a donné des fleurs mâles. Ce fait, pour nous, a une grande 
importance, car en même temps qu’il démontre que chez une même 
espèce on peut trouver des individus soit hermaphrodites, soit dioïques, 
il montre aussi que la valeur de ces caractères est beaucoup moins impor- 
tante qu’on ne l'avait eru jusqu'ici. Ces faits peuvent jusqu’à un certain 
point autoriser à poser cette question : À quoi sont dus les sexes des 
végétaux ? C’est une question que nous nous proposons de traiter. 

Le grand pied de Livistonu Australis que possède le Muséum est 
placé en pleine terre dans le grand pavillon tempéré. C’est un des plus 
beaux arbres que l’on puisse voir : il a près de 10 mètres de hauteur; 
son tronc, qui mesure 40 centimètres environ de diamètre est élargi à la 
base, où se trouve une sorte d’empâtement conique, solide, dont la partie 
la plus large, en contact avec le sol, a presque 1 mètre de diamètre. C’est, 
nous le répétons, un très-bel arbre qui fait l'admiration de nombreux 
visiteurs. Malheureusement, il va bientôt périr par le manque d'espace 
qui obligera à lui couper la tête, attendu qu’il ne tardera pas à 
atteindre le sommet de la serre. Depuis quelque temps déjà on est obligé 
d'abaisser les feuilles du sommet qui tentent à passer à travers les vitres. 


(Revue horticole 1868.) 


en D 


NOTES SUR LES PLANTES DU PEROU, 


par R. Cross. 


(The Gardeners’ Chronicle and agricultural gazette, 1861. pp. 735, — et 1047.) 


Trapuir par Victor Cu. 


L'auteur de ces articles était attaché à la dernière expédition de Quinquina (non 
pas celle de M. Markham.) Il veut rendre compte du voyage qu’il fit dans l'Amérique 
méridionale à la recherche de la Cinchona Succirubra ou quinquina rouge du commerce ; 
de la propagation de cette plante dans la forêt du versant occidental du Thimborazo ; 
de son transport à Quayaquil, enfin de la manière dont il l’a traitée pendant la traversée 
de l'Amérique méridionale aux Indes, vià Southampton. On peut établir que de 
600 plantes de quinquina rouge, mises dans des « Wardian cases » et embarquées 
à Quayaquil (Amérique méridienale) environ 500 sont parvenues dans l'Inde dans 
un parfait état de santé. 

Je quittai Southampton le 17 avril 1860, à bord du vapeur Atrato de 
la Royal Mail Steam Packet Company (compagnie royale des paquebots 
de poste à vapeur). Mes instructions portaient que je devais me 
rendre directement à Quayaquil; à mon arrivée, me mettre en rapport 
avec M. Spruce, et recevoir de lui mes instructions ultérieures. 
M. Spruce, éminent botaniste qui a exploré les rives de l’Amazone et 
plusieurs de ses principaux affluents, et qui, plus tard, traversant les 
Cordilières vià Javapota, était arrivé à Hambato, était alors occupé à 
former des collections de graines et à réunir, pour autant que cela serait 
possible, un assortiment de jeunes plantes ({) pour le moment où j'arri- 
verais à l’Equateur. Pendant la traversée, je n'observai rien de parti- 
culièrement intéressant jusqu'à ce que le steamer arriva à Colon sur 
l’isthme de Darien : là, pour la première fois, je contemplai une végé- 
tation tropicale. 

Vu de Colon, l'isthme présente l'aspect d’une basse terre de marécages, 
fréquemment entrecoupée de collines montagneuses, ou mieux de mon- 
tagnes semblables à des cairns : car elles n’ont pas en général plus de 
50 à 60 pieds de haut et sont en maints endroits parsemées de gros 
rochers. Une forêt impénétrable, d'un vert intense, couvre le pays tout 
entier, montagnes et plaine, aussi loin que la vue peut s'étendre. Aux 
environs de Colon, j'ai remarqué plusieurs beaux spécimens de Cocos 
Nucifera; cette plante va, dit-on, s’éteignant dans quelques iles des 
Indes Occidentales. Ici, au contraire, elle avait un air de vigueur et de 
santé. Quand on traverse l’isthme, la végétation présente un aspect tout 


cantine —.——— 


(1) De Quinquina. (Cinchona Succirubra). 


NRA 


à la fois grandiose et imposant. Les arbres de la forêt, malgré leur élé- 
vation, sont littéralement couverts de plantes grimpantes et de Bromélias. 
La grande majorité de ces plantes grimpantes, semble consister en 
Passiflores et en Ipoméas. En mainte place, je remarquai çà et là des 
clairières de 5 à 4 acres d’étendue (fl), couvertes d’une espèce de Diplazium 
(du moins il m'a semblé), entremêlé de rares sauvageons de Palmiers. 
Le système général que l’on suit en Angleterre pour la culture des Fou- 
gères, m'avait toujours fait croire que pour cultiver ces plantes avec 
succès, il fallait absolument une certaine mesure d’ombre pendant les 
journées de soleil de l'été; mais ici, elles poussaient plantureusement 
sous les rayons d’un soleil tropical, sans ombre d’aucune espèce. En 
arrivant à la ville de Panama, sur la côte occidentale de l'Amérique du 
Sud, je trouvai quelques groupes de Bananiers (Musa sapientum) ; ils 
croissaient à proximité du village, et présentaient, pour la plupart, de 
belles grappes de fruits. Dans ce pays-ei, les feuilles du Bananier sont 
déchirées et brisées, même avant leur plein développement. Cela provient 
de ce qu’on les plante dans des endroits ouverts, où il suffit d’une légère 
brise pour causer ce que j'ai dit. Dans la suite, quand je remontai les 
sombres rivages du fleuve Quayaquil, où l’on rencontre de vastes plan- 
tations de Musa Sapientum, je remarquai que dans la plupart des cas, 
les feuilles restent entières sur les plantes jusqu’au moment où elles se 
fanent. Aux alentours de la ville de Panama, la végétation naturelle est 
moins exubérante que celle de la côte orientale de l’isthme ; cela provient 
peut-être du peu de profondeur du sol et du caractère rocheux du pays 
avoisinant. Sur plusieurs des collines des environs de la ville, je re- 
marquai beaucoup d’espèces de Cactus. Bien des gens entourent leurs 
jardins de haies formées des espèces qui poussent le plus vigoureusement : 
protection efficace contre les ravages des porcs etc., etc. Je remarquai 
aussi une espèce de Momordica qui croissait en abondance dans le sol 
pierreux des environs de la ville. 

Je quittai Panama en steamer l'après-midi du 9 mai, et j’arrivai à 
Quayaquil tard dans la soirée du 15. Après mon départ de Panama, 
comme nous faisions voile le long de la côte, je pus voir les collines 
blanches d'apparence crayeuse de la Nouvelle-Grenade, et le brouillard 
qui s'élevait lentement de leurs sommets. La plupart des collines 
raboteuses que l’on voit en longeant cette côte ne sont que des masses 
de rochers presque entièrement nues, sans la moindre trace de végé- 
tation. À mesure que l’on approche du golfe de Quayaquil, le pays 
s’aplanit graduellement; et quand l’on entre dans le fleuve du Quaya- 
quil, les vastes étendues de pays que l’on découvre des deux côtés 
semblent presque de niveau avec la mer. Le pays est couvert au loin 


(1) Ares 40, 4671. 


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d’une verdure de bien moindre apparence que la végétation gigantesque 
de la côte orientale de l’Isthme de Darien. En remontant le Quayaquil, 
je vis de grandes masses de Pontedera crassipes et de Paistia stratiotes 
dont la végétation s’entrecroisait et formait de petites iles montant et 
descendant avec le flux et le reflux de la marée. Quand j'arrivai à 
Quayaquil, M. Mocatta, vice-consul de Sa Majesté pour l’Equateur, 
m'informa que M. Spruce était encore retenu à Hambato par une 
maladie : mais il lui avait écrit qu’à mon arrivée à Quayaquil, je devais 
rester là à attendre qu’il füt en état de s’ahoucher avec moi. Ayant 
done encore beaucoup de temps devant moi, j'en profitai pour faire 
chaque matin de petites excursions à une chaine peu élevée de collines 
rocheuses, du genre des Cairns qui s’étend au loin au nord de Quaya- 
quil. J’espérais y trouver croissant naturellement quelques unes des 
plantes tropicales avec lesquelles je m'étais familiarisé dans d’autre 
pays. La majorité des plantes aux environs de Quayaquil consiste en 
espèces de la famille des légumineuses qui du rang de plantes herbacées 
qu’elles occupent dans l'échelle botanique s'élèvent à celui d’arbres 
déployant un large cime. Beaucoup d’Acacias arborescents restent en 
fleur toute l’année; leurs longues gousses noires qui se mêlent à leur 
feuillage verdoyant et à leurs fleurs jaunes leur donnent une apparence 
fort agréable. Examinées de plus près, les collines des environs de 
Quayaquil ne me montrèrent point une végétation aussi intéressante 
que je me l’étais imaginé. Néanmoins je trouvai en abondance les Acacias 
semi-arborescents, les Ipoméas, les Bignonias, les Convolvulus, les 
Passiflores dont quelques unes portaient de fort belles fleurs, et le 
Ricin commun. Un jour, étant descendu à la base d’une falaise rocheuse, 
sur l’une de ces collines basses, je vis qu’un certain espace s'étendant 
au devant de la falaise était couvert de l’?Zpomea Learii, cette magni- 
fique plante grimpante : elle était alors en pleine floraison. Jamais 
encore je n'avais vu une seule fleur se déployer avec autant de magni- 
ficence. Le sol d’abord, dans un certain rayon à partir de la base 
de la falaise, était parsemé de grandes fleurs bleues; de plus tous 
les arbustes, tous les végétaux herbacés du voisinage étaient ornés 
d’une manière analogue et couverts de festons pour ainsi dire. Dans 
la suite, le pied de ces rochers devint le but favori de mes fréquentes 
promenades; j'y découvris alors un Adiantum, un Piteairnia et un 
Begonia d’une singulière physionomie, à feuilles étroites, crepées et 
ovales, et à petites fleurs lilas. 

C’est aussi depuis cette époque que je ne m'étonne plus de voir que le 
traitement contre nature auquel on soumet quelques plantes dans les 
serres chaudes d'Angleterre ne les fait point périr : ici en effet les 
minces débris de rocher où croissaient ces plantes, étaient aussi secs, 
aussi dépourvus de toute humidité que si on venait de les prendre dans 
une fournaise ardente. L’Adiantum, je le vis bien, n’avait pu vivre long- 


RE: 


temps dans cet aride précipice. Mais le Begonia avait continué à résister 
pendant plusieurs années, à en juger du moins par la longueur de sa tige 
noueuse, tordue, semblable à un rhizome. Depuis longtemps j'avais 
conçu un vif désir de voir quelques espèces d’orchidées croissant natu- 
rellement. Mais je ne pus en découvrir un seul individu malgré mes 
nombreuses recherches sous les vieux arbres couverts de lichens, qui se 
trouvaient répandus sur ces collines. Pourtant j'avais vu dans la vérandah 
de plus d’une maison de Quayaquil quelques belles plantes d’Oncidium 
Papilio d’une vigoureuse santé. Je m'étais mis à m'informer assidûment 
du lieu de provenance de ces plantes. Ce ne fut qu'après un laps de temps 
assez long que j'appris que l’on trouvait ces plantes dans « el monte » 
(la forêt). Assez mince renseignement que celui qu’on me donnait là, 
puisque le pays élait couvert dans toutes les directions d’une forêt vaste 
ct profonde. 

Dans la suite pourtant, quand je remontai le Quayaquil je trouvai 
mainte occasion de noter les circonstances particulières dans lesquelles 
cette belle famille semble arriver à fleurir. Je m’occuperai ailleurs de 
ce point. 

... .... Entretemps je n’avais pas quitté Quayaquil, Le 28 juin 
je tombai malade de la fièvre. Le lendemain M. Mocatta recut une lettre 
de M. Spruce, disant que le D' Taylor, chirurgien anglais qui avait 
accompagné M. Spruce du Rio Bamba à la forêt, s’était rendu à Ventanas; 
que là, il attendrait mon arrivée. Je devais m’y rendre immédiatement. 
La fièvre me quitta quelques jours après ; mais J'étais tellement affaibli 
qu’à peine avais-je la force de me traîner jusque chez les droguistes pour 
y chercher des médicaments. — La République de l’Equateur était, 
à cette époque, en pleine guerre civile ; et cela durait déjà depuis douze 
mois, avant mon arrivée. Les deux partis en lutte étaient d’abord celui 
de Quayaquil, comprenant les villes et les villages situés sur les différentes 
branches du Quayaquil, ou dans son voisinage; puis, la faction de Quito, 
occupant la capitale et d’autres villes et villages de la Sierra ou partie 
montagneuse du pays. Les Quayaquiliens désiraient ouvertement ré- 
former et refondre le gouvernement du pays en établissant les vrais 
« principes libéraux; » de plus, ils voulaient un développement plus 
large des différentes sciences. Quels grands avantages le pays devait-il 
enfin de compte retirer des principes libéraux. Je ne saurais le dire; 
mais, à coup sûr, il était grandement besoin de faire avancer au moins 
quelques unes des sciences. À preuve, le fait suivant : l’année passée, 
le D' Jameson, alors professeur de botanique à l’université de Quito, 
n'avait que trois élèves. 

Vers le 11 juillet, je me trouvai assez bien remis des suites de la fièvre; 
je m’adressai à M. Mocatta pour obtenir de lui les fonds qui m'étaient 
nécessaires pour remonter le Quayaquil jusqu'à Ventanas où, je l’ai dit, 
je devais aller rejoindre M. Teylor. M. Mocatta voulait m'en empêcher 


A7 


La. 


| 
: 


cs, Que 


jusqu’au moment où une action aurait eu lieu entre les partis en lutte; 
cette action serait décisive, pensait-il, et mettrait fin à tous Jes troubles. 
En ce moment les troupes de la Sierra étaient descendues dans la grande 
plaine du Quayaquil, et avaient pris possession de Ventanas et de plusieurs 
villages voisins. M. Mocatta pensait done qu'il serait extrêmement 
chanceux, vu les circonstances présentes, de tenter d’arriver à Ventanas. 
Mais j'étais bien décidé à ne pas rester plus longtemps à Guayaquil dont 
le climat est chaud et très-malsain. La température moyenne de l’année 
est de 80° Fahren., à ce que me disait M. Mocatta ; j'incline pourtant 
à croire qu’elle doit être un peu plus élevée. Pendant le séjour que j'y 
fis du 45 mai au 12 juillet, mon thermomètre (c'était un excellent ther- 
momètre à tube poli), ne marqua jamais moins de 82° Fabr. Il est juste 
toutefois d'ajouter que l’on regarde le mois de juin et le mois de juillet 
comme les plus chauds de l’année. 

Le 12 juillet j'embarquai mes « Wardran cases » au nombre de 45, 
à bord d’un petit vapeur des Etats-Unis que le général Franco avait 
chargé de transporter des troupes et des munitions de guerre à Bodegas, 
petite ville sur la rive du fleuve, à 40 milles(1) environ au-dessus de 
Quayaquil. 11 y avait à bord Son Excellence le général Franco, comman- 
dant en chef des troupes de Quayaquil, grand nombre d’ofliciers géné- 
raux, et environ 200 soldats, 

Le steamer quitta Quayaquil vers 10 heures du matin au milieu des 
cris peu harmonieux des soldats et de la populace, et se mit à remonter 
lentement la rivière. La vasle région de basses terres qui court le long de 
la côte maritime depuis les parties méridionales de la Nouvelle-Grenade 
jusqu'aux déserts sans pluie du Pérou, sans être strictement stérile, n’est, 
en beaucoup d’endroits, que parcimonieusement couverte d’une végéta- 
tion de légumineuses en broussailles ou en plantes herbacées. Néanmoins, 
à mesure que l’on remonte la rivière, la végétation s'améliore par degrés, 
et cela continue jusqu’à ce qu’elle devienne enfin une magnifique forêt 
toujours verdoyante. Pendant environ 20 milles au-dessus de Quayaquil, 
les rives du fleuve ne présentent qu'un amas de vase molle où l’on voit 
pourtant se réunir en grand nombre de hideux alligators. Plusieurs fois 
je comptai 52 de ces monstres, ayant atteint toute leur taille, qui s'étaient 
formés en groupes et qui ressemblaient à autant de poutres que le reflux 
aurait abandonnées sur les rives boueuses du fleuve. Cette année-là 
justement beaucoup d’alligators avaient succombé à la suite de quelque 
maladie, et leurs cadavres qui gisaient cà et là dans des mares de boue, 
et sur lesquels le soleil dardait en plein ses rayons, répandaient une 
infection vraiment intolérable. 

Le steamer toucha Bodegas à à heures environ de l’après-midi. Je me 


CE _ 


(1) = Kil. 1.6095. 


QI 


— 354 — 


mis immédiatement en devoir de faire transporter mes « wardian cases » 
dans une maison, ou mieux dans une baraque dressée à la hâte sur un 
radeau qui se trouvait dans le lit de la rivière. Cet endroit s’intitulait 
fonda ou hôtel; mais il ne méritait certes pas ce titre. En entrant je 
dus presque m'agenouiller; une fois à l’intérieur, il me fallut avancer 
avec la plus grande attention ; car, bien que les poutres sur lesquelles 
la baraque avait été élevée fussent amarrées, plusieurs troncs pourtant 
ne laissaient point d'être ployés et tordus, si bien qu'il restait mainte 
ouverlure assez grande pour que l’on püt tomber dans la rivière. Quand 
la révolution avait éclaté dans le pays, Bodcgas fut l’une des premières 
places dont s’empara le parti de Quayaquil et où il mit garnison. Comme 
il fallait bien que les soldats fussent à couvert, les habitants furent 
immédiatement chassés de leurs maisons, et ils durent chercher un abri 
où ils le pouvaient. 

Le jour qui suivit mon arrivée, j'examinai le terrain à quelque distance 
aux environs de la ville. Dans les places humides je trouvai en grande 
abondance la sensitive, Mimosa pudica. Je remarquai aussi des espèces 
d'Oxalis, Cissus, Bignonias et quantité d’Ipomeas et de Solanum. A mon 
retour je vis que les rives du fleuve étaient abondamment couvertes d’une 
magnifique espèce de Mucuna, à grandes fleurs d’un jaune de cire : cette 
plante n’est pas en culture. L’après-midi du même jour , je traversai le 
fleuve; je trouvai au milieu d’un massif d'arbres, un bel exemplaire 
d’Artocarpus incisa, l'arbre à pain des îles du Pacifique. L'arbre en 
question devait avoir de 50 à 60 pieds ({) de haut; ses branches s'étendant 
au large et ses feuilles prodigieuses me firent croire que je venais d’avoir 
le bonheur de découvrir quelque arbre remarquable encore inconnu. 
Je savais fort bien à cette époque que l'arbre à pain n'était indigène dans 
aucune partie de l’Amérique ni dans les iles des Indes Occidentales. 
Connaissant la profonde apathie et l’indolence des gens de ce pays, je 
pensais que nul d’entre eux n'était capable de s'être donné la peine 
d'aller chercher des semences dans un endroit quelconque du Pacifique 
ou aux Indes Occidentales où il avait été importé par le capitaine Blighe. 
Au premier coup d'œil, je erus vraiment que les feuilles n'étaient autres 
que celles de l’Artocarpus incisa. Mais je rejetai bientôt cette idée en 
voyant la taille de la feuille différer tellement de celle des plantes que 
j'avais vues en culture, et en remarquant la grande hauteur de l’arbre 
et enfin ses larges branches. Pendant que je contemplais ma nouvelle 
découverte, un parti de soldats qui étaient allés faire du bois, vint à 
passer et fit halte sous l’arbre pour se reposer. L'un d'eux m'apprit que 
l'arbre s'appelait « Arbol de pan » arbre à pain; il devint done évident 
qu'après tout c'était bien là le véritable arbre à pain. Certes, les misé- 


(4) Pied angl. — M. 0,50479. 


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nte 


LU. fl 


rables spécimens de ces arbres que l’on voit cultiver en Angleterre, ne 
peuvent guère donner une idée exacte de l'arbre, avec leur hauteur 
moyenne de 5 à 4 pieds et les 2 ou 5 feuilles déchiquetées qu’elles por- 
tent à leur sommet; et sans les minces renseignements que m’avaient 
donnés les soldats, j'aurais pu assez longtemps encore méconnaître l’iden- 
tité de la plante, car ce fut alors seulement que je me rappelai avoir 
vu des modèles du fruit, en cire, dans les musées d'Angleterre. 

A mon retour, je trouvais au milieu de cette végétation changeante 
des Adiantum, des Gymnogrames, des Lygodium gt cà et là quelques 
plantes d’A sclepias curassavica, croissant en arbuste. Autour de la ville, 
il y a plusieurs bouquets de Manguiers, d’Orangers et de Bananiers. 
Mais les Mangues de Quayaquil, malgré le renom dont elles jouissent sur 
le littoral occidental de l'Amérique du Sud, trouveraient difficilement à 
s’écouler aux Indes. Les Mangues que je vis exposées en vente en différents 
endroits de l’Inde, dans mon expédition aux Nilgherries, dépassaient 
de beaucoup pour la grosseur et pour le parfum les fameuses « Daule 
mangos » que l’on apporte tous les jours à Quayaquil pour les vendre 
et les exporter. 

Bodegas , comme Quayaquil , est excessivement chaud et fort malsain. 
S'il y avait là un comité de salubrité un peu sérieux et revêtu de pleins 
pouvoirs, afin d’agir comme il le croirait nécessaire, la mortalité ne 
serait pas de moitié aussi considérable que maintenant. Mais, pour autant 
que je sache, on n’a jamais songé à une chose du genre d’un tel comité. 

À Bodegas, à Quayaquil, à Panama, on voit autour de chaque habi- 
tation des restes de Bananes, des rebuts de poissons, des entrailles d’ani- 
maux et toute espèce d’immondices. On laisse toutes ces ordures s’aceu- 
muler : les pluies viennent les détremper; la chaleur ardente du soleil 
les dessèche et en fait de la poussière ; jamais personne ne s’est avisé 
de parler des effets désastreux que cet état de choses produit sur toute 
la communauté. 


DESTRUCTION DE L'ANTIQUE DRAGONNIER DE 
TÉNÉRIFFE (1). 


M. E. O. Fenzi, de Florence, vient d'annoncer au Gardeners Chronicle 
(1868, n° 2), un évènement dont la date deviendra historique dans les 
annales de la science. 

Un des rois du règne végétal, celui-là même que l’on s’accordait à 
reconnaître pour le doyen des Monocotylédones, le grand Dracaena Draco 


(1) Voyez la Belgique horticole, t. IF, p. 79. 


sin 1 


d'Orotava n'est plus. Un violent coup de vent l’a complètement détruit 
l'automne dernier; quelques minutes ont suffi pour abattre au niveau du 
sol cette couronne immense qui avait crû et prospéré pendant soixante 
siècles. Chose étrange! malgré cette vie si longue, on ne l’a connu d’une 
facon un peu générale que pendant le dernier siècle de son existence. 
C'est le baron de Humboldt qui, le premier, il y a de cela soixante 
ans, a répandu des notions scientifiques sur cet arbre; plusieurs de 
nos lecteurs connaissent sans doute la description qu’il en a donnée et la 
manière dont il a calculé l’âge extraordinaire de ce colosse végétal. 
Notons pourtant qu'avant Humboldt il avait été visité en 1795 par le 
voyageur anglais sir George Staunton, et en 1771 par un Français, 
F. Ch. Borda, qui laissa du Dracaena un dessin que Humboldt publia 
nombre d’années plus tard. La tempête du 21 juillet 1819 dépouilla 
l'arbre d’une partie de sa couronne; mais il n’en resta pas moins un 
merveilleux objet d’admiration. On publia une grande et bonne gravure 
anglaise représentant l’arbre tel que l'avait fait la tempête (1). Cette gra- 
vure fut faite, je crois, d’après le dessin original de Webb, qui le 
mesura de nouveau et le décrivit dans son magnifique ouvrage sur 
l'histoire naturelle des Canaries, édité en collaboration avec M. Berthe- 
lot. Le Dracaena a été ensuite décrit par plusieurs auteurs qui se sont 
bornés à copier plus ou moins les descriptions mentionnées plus haut, 
et qui en ont donné en général des tableaux de fantaisie. Aussi me 
permettrez-vous de dire quelques mots sur l’état dans lequel il se trou- 
vait avant cette dernière catastrophe. 

Quand je le visitai en février dernier, il était encore en bonne santé; 
sa couronne immense était couverte d'innombrables panicules de fruits 
écarlates, et l'énorme tronc, quoique totalement délabré à l’intérieur, sou- 
tenait encore avec vigueur la masse de ses branches charnues et de ses 
feuilles en forme de glaive. Du côté de l’occident où le terrain s’abais- 
sait en pente, on avait bâti une muraille solide en dessous du tiers envi- 
ron du tronc; de l’autre côté, deux ou trois étais à moitié pourris soute- 
naient les branches les plus saillantes. Tout autour du tronc, un épais 
fouillis de plantes grimpantes et autres couvrait sa large base, dans un 
désordre vraiment pittoresque. Je me rappelle encore ÿ avoir vu quel- 
ques Bignonias, des Jasmins, des Héliotropes, des Abutilons etc., ainsi 
qu'un Amandier complétement fleuri qui avait poussé tout près du tronc. 
La circonférence de l'arbre (pour autant que les irrégularités du sol 
m'aient permis de mesurer exactement) n’avait pas moins de 78 pieds 
anglais (environ 26 mètres); mais la hauteur totale de l’arbre ne dépas- 
sait point 75 pieds. Chose assez curieuse! à travers quelques crevasses 
du tronc, on pouvait découvrir un petit Dracaena qui ceroissait sponta- 
nément dans les détritus végétaux de la plante mère. Mais maintenant 


(1) La Belgique horticole a donné cette gravure en 1852, p. 80. 


LE 
. 


-* 


CN — 
tout cela a disparu : c’est d'autant plus regrettable que nous ne pos- 
sédons pas de photographie du dernier état de l'arbre, car l'étroitesse 
de l’enceinte et la présence inopportune de nombre d’autres plantes 
n’ont pas permis de se placer à un bon point de vue pour le photo- 
graphier. Vraiment, c’est pitié qu'une telle curiosité naturelle, qu'un 
tel monument historique soit à jamais perdu ; et cela parce qu’on a sim- 
plement négligé quelques précautions peu dispendieuses. Car il est bien 
certain qu’on l’eût préservé de la destruction en plaçant des étais nou- 
veaux et plus nombreux. Mais à peu de distance de l’endroit où s'élevait 
le Dracaena, on trouve une nouvelle preuve de l'indifférence générale 
des Espagnols et du gouvernement de l'Espagne pour tout ce qui est 
botanique et beautés naturelles. Le fameux jardin d’Orotava a été com- 
plétement négligé pendant de longues années; et ce n’est que tout 
récemment que le jardinier, jeune Allemand aussi intelligent qu’actif, 
a amené le gouvernement espagnol à reprendre le paiement du maigre 
subside annuel. Tous les amateurs de botanique et d’horticulture par- 
tageront, j'espère, mon ardent espoir de voir notre jeune jardinier, 
M. Hermann Wildpret, avec cette science et cette activité qui le distin- 
guent, réussir dans les efforts qu’il fait pour développer et augmenter 
cet établissement si remarquable à cause du climat et si propre à la fois 
à faire progresser la science et à donner d'importants résultats pratiques. 


LES CHAMAEROPS EXCELSA, FORTUNE! sr 
SINENSIS, 


par M. A.-E. CARRIÈRE. 


Les plantes qu’on cultive sous les noms de Chamaerops excelsa, Thunb., 
C. Fortunei Hort., C. sinensis, Fort., appartiennent-elles à une même 
espèce, ou bien constituent-elles deux espèces, ainsi que l’affirment cer- 
taines personnes ? La question nous paraît difficile à résoudre, par cette 
raison que ces diverses opinions sont formulées isolément, d’après des 
sujets différents qu'on ne voit jamais réunis, et que par conséquent, on 
ne peut pas comparer. Jusqu'ici, nous avons penché pour une seule 
espèce; aujourd'hui la comparaison que nous avons faite d'individus 
cultivés dans différents endroits nous fait sinon changer d'opinion, du 
moins modifier celle-ci. Nous maintenons fortement notre opinion en ce 
qui concerne l'unité de l'espèce; nous la modifions en reconnaissant deux 
formes ou variétés très-distinctes dont nous allons essayer de faire res- 
sortir les différences, celles-ci, toutefois, portent sur des caractères 
physiques, que faute de mieux, nous appellerons caractères jardiniques. 
Ils sont peu nombreux du reste. En voici l’'énumération : 


ee gr, A — 


ces TO 

Le C. excelsa nous parait être plus vigoureux et aussi plus rustique que 
le C. Fortunei (C. Sinensis). Ce qui semble surtout le distinguer, c’est la 
très-longue persistance des pétioles, même bien longtemps après que le 
limbe qui les termine a été enlevé. D'où il résulte que le tronc ou stipe 
parait relativement ct pendant longtemps très-gros, à cause de la base de 
ces pétioles et de la quantité considérable de filaments qui les accompa- 
gnent. Mais, par suite de cette persistance des pétioles, les filaments 
deviennent très difficiles ou plutôt impossibles à enlever. Au point de vue 
industriel, ce serait un grand inconvénient. | 

Les quelques plantes un peu fortes que nous avons vues sous le nom 
de C. Fortuner ou C. sinensis ne nous ont pas paru différer sensible- 
ment par les feuilles, du C. excelsa, si ce n’est par leur pétiole, qui est 
beaucoup plus grêle. La principale différence consiste dans la nudité 
que présente bientôt la base du tronc par suite de la facilité qu'ont les 
pétioles de s’en détacher, en sorte que les filaments qui les acompagnent 
s’enlèvent très-facilement et qu’il devient alors plus facile de les utiliser. 
Ces filaments nous ont paru un peu plus jaune roux, moins gris, que 
ceux du C. excelsa. 

Pour donner une idée de cette différence de dépouillement des feuilles 
que présentent les plantes dont nous venons de parler, nous dirons que 
nous connaissons des C. excelsa de 2 mètres de hauteur, dont le tronc 
est encore couvert de feuilles, de la base au sommet, tandis que des 
C. Fortunei (du moins ceux que nous avons vus sous ce nom) beaucoup 
moins grands, avaient leur base complètement nue et leur tige bien nette 
et bien formée sur environ 20 centimètres de hauteur. Nous ajoutons que 
la plupart de ceux qu’on rencontre en pleine terre sont des C. excelsa. 

La différence physique entre ces plantes est telle, qu’elle apparaît 
à première vue. Ainsi, tandis que le C. Fortunei a les pétioles grêles, 
relativement étroits, le C. excelsa a les pétioles gros, larges, et son tronc 
est entièrement découvert et pendant très-longtemps par la base des 
pétioles. En général aussi, les divisions des feuilles sont plus larges et plus 
tombantes, et d’un vert un peu plus foncé, souvent glaucescent bleuâtre. 

Les caractères, que nous venons d'indiquer, sont-ils suffisants pour 
constituer des espèces ? Nous ne le croyons pas. Et, d’une autre part, 
y en a-t-il d’autres plus marquants et plus forts, ou bien y a-t-il, sous 
les noms que nous avons rapportés, d’autres plantes que celles que nous 
avons vues et que nous avons indiquées ? Nous l’ignorons. Dans cette 
circonstance, nous n’affirmons rien ; nous émettons des doutes; en cher- 
chant à attirer l’attention des horticulteurs sur cette question qui a un 
véritable intérêt pratique et même économique, et à laquelle s’en rat- 
tache un autre : l'intérêt scientifique. 

Une autre espèce de Chamaerops, très-belle et aussi très-rustique, est 
le C. Martiana, dont nous parlerons dans une prochaine chronique. 

s Revue horticole, 1868. 


NOTE SUR L'ÉRABLE PLANE A FEUILLES ROUGES, 


ACER PLATANOIDES L. vin. RUBRUM. 


(Figuré pl. 4.) 


Notre savant collègue, M: le D" Ed. Regel, de St. Pétersbourg, a 
récemment attiré l'attention sur ce bel arbre dans son Gartenflora 
(1867, p. 165, pl. 545). II l'avait remarqué dans les pares de St. Péters- 
bourg, où il produit le plus bel effet. Il existe aussi en Allemagne. 
Ses feuilles sont d’un beau rouge : les fruits sont verts. 

Nous ignorons si l’Érable rouge est introduit dans l’Europe centrale. 

Le climat du Nord n’est peut-être pas étranger à cette rubéfaction du 
feuillage. 

Le feuillage de certains arbres rougit, en effet, à l'automne, quand 
le froid commence à se faire sentir. 

Il est remarquable que toutes les plantes à feuillage rouge, brun ou 
noir des jardins sont des variétés d’un type vert : par exemple le Choux 
rouge, les Coudrier, Vinetier, Chêne rouge, le Hêtre noir. 


LE CHEVALIER JOSEPH DE RAWICZ-WARSZEWICZ, 
ESQUISSE BIOGRAPHIQUE 


PAR LE Garten-Inspeclor GAERDT. 
(Traduit du Wochenschrift par M. Auc. CHauvix.) 


D'après les récits de Warszewicz dans le cercle de ses amis intimes, il 
se trouvait en 1850 à Wilna lorsque le cri de guerre, qui devait donner 
le signal de l'insurrection de la Pologne, éclata dans sa patrie. En 
patriote jeune et ardent, il vint se ranger comme volontaire sous les 
drapeaux. Il prit part à divers combats et parvint par sa bravoure au 
grade d’oflicier. Blessé à la tête de la troupe, le destin le forca, comme 
des milliers de ses camarades, d'abandonner sa patrie. Il passa comme 
officier sur le territoire prussien et vint à Insterburg, où il fut recu 
dans la maison d’un haut fonctionnaire; il y trouva des hôtes pleins 
d'amitié et de compassion. Quand il fut guéri de ses blessures, son esprit 
plein d’ardeur chercha une nouvelle sphère d'activité dans le domaine 
du jardinage; il se présenta bientôt une occasion favorable à la réalisa- 
tion de ses vœux. 

Insterburg, autrefois fortifié, était encore entouré de fossés et de vieux 


ENT 


remparts tombant en ruines. Monsieur de S., homme très-distingué, 
occupait précisément à cette époque la place de président de régence; il 
nourrissait déjà depuis longtemps le projet de faire transformer ces 
ruines peu attrayantes en promenades et en jardins agréables. Il fit la 
connaissance de Warszewiez, le prit en amitié et lui confia l'exécution 
des plantations. Warszewiez réussit par son activité à mener à bonne fin 
cette tâche diflicile; ces créations éveillèrent bientôt l'attention générale. 

Mais il lui était réservé d'obtenir une consécration encore plus écla- 
tante de son talent; elle lui fut donnée par feu Sa Majesté le Roi Frédé- 
ric-Guillaume IV (qui était encore prince héréditaire à cette époque). 
Lors du voyage que Sa Majesté fit dans les provinces orientales, elle 
visita aussi Insterburg et à cette occasion elle se promena dans les plan- 
tations; elles lui plurent tellement qu'il fit tout de suite mander auprès 
de lui le jeune artiste. En bienfaiteur éclairé des arts, Sa Majesté royale 
exprima, de la manière la plus gracieuse et la plus encourageante, toute 
sa satisfaction au jeune architecte de jardins; elle décida alors que 
Warszewiez viendrait à Sans-Souci. 

Après un laps de temps assez long, Warszewicz recut l’ordre de se 
rendre à Potsdam. Peu de jours après avoir recu cette invitation il quitta 
Insterburg; dans la suite il. conserva toujours un souvenir plein de 
reconnaissance des nobles protecteurs, bienfaiteurs et amis qu'il y 
laissait. 

Warszewicz arriva à Potsdam au commencement de l’année 1852 et fut 
attaché à H. Sello jardinier de la cour à Sans-Souci. C’est alors 
qu'Alexandre de Humboldt fit sa connaissance; bientôt il prit, lui aussi, 
Warszewiez en affection et devint son protecteur. Mais Warszewiez ne 
s’apercutque trop tôt, que, malgré la sincère bienveillance de Humboldt, 
il ne pouvait, en sa qualité de Polonais, espérer se créer une carrière de 
cette facon. 

C’est pourquoi il quitta Sans-Souci la même année et se rendit à 
Schoneberg ; Warszewiez y fut recu avec joie par Otto dont le coup-d’æil 
pénétrant reconnut tout de suite en lui l’horticulteur doué d’autant de 
talent et de spontanéité que de connaissances pratiques. 

Le séjour de plusieurs années qu’il fit dans cet institut-modèle, devint 
le fondement de sa vocation future; c’est là qu’il étudia et parvint à 
connaitre à fond la plus riche collection de plantes qui existât. 

Son excellente mémoire vint seconder de la facon la plus heureuse le 
penchant irrésistible, qui le poussait à étendre sans relâche le cerele de 
ses connaissances botaniques; aussi était-il excessivement rare qu'il ne 
reconnüt pas immédiatement une plante donnée. Il s’acquit une répu- 
tation toute spéciale par son habileté dans la multiplication des plantes. 
Son activité se porta aussi sur la manière de faire les croisements ; 
ainsi par exemple, il en essaya d’abord avec des Bégonias et, si nous ne 
nous trompons pas, Walpers admit ses hybrides dans son répertoire. 


Plus tard il obtint de très-belles variétés de Gloxinia caulescens. 

Warszewicz sut mériter la confiance et la considération de Link, de 
Kunth, d'Otto, et plus tard de Bouché, par l’activité qu'il exercait dans 
tant de sphères différentes et par les résultats exceptionnellement 
heureux qu’il obtint dans la culture. Il chercha constamment à introduire 
une amitié sincère et intime dans ses relations avec ses collègues ; c’est à 
cette époque qu’il noua les liens d'amitié qui l’unirent à Regel, Ed. Otto 
et à nous-même; malgré tous les changements qui survinrent dans sa 
carrière, ces liens restèrent inaltérés. 

On eût dit qu'un bon génie s’en mélait : le service de l’État amena 
à Berlin le fils du noble protecteur, qui, pendant le séjour de Warszewiez 
à Insterburg, lui avait montré tant d’amabilité et de bienveillance; ce 
fut un très-grand bonheur pour notre ami ; ce digne fils continua les 
nobles procédés de son père d’une manière tout aussi affable., Warszewicz 
eut à partir de ee moment un soutien assuré dans son ami Bouché. 

Au bout de quelques années de travail assidu au jardin botanique, 
l'esprit inquiet de Warszewicz chercha un plus grand champ d'activité 
dans le domaine des sciences et des arts. 

Le retour de R. Schomburgk et les précieuses collections de plantes qu'il 
rapportait d'Amérique, les rapports de Karsten, ainsi que le retour 
d'Australie de Preiss avec les semences qu'il y avait récoltées, ne lais- 
sèrent pas d'exercer une influence très-considérable dans cette eir- 
constance. 

D'un autre côté, Klotzsch essaya aussi de le déterminer à passer au 
Chili où Philippi se trouvait à cette époque. 

Toutes ces raisons réunies lui firent concevoir le plan de se rendre en 
Amérique pour y collectionner ; il n’attachait pas une grande importance 
à la partie à explorer, pourvu qu’elle eût été peu visitée. 

Une circonstance propice se présenta du reste bientôt pour l’exécution 
de ce projet. 

Déjà en 1845, pour autant que nos souvenirs sont exacts, il se formait 
en Belgique une société pour la fondation d’une colonie belge au Guaté- 
mala; la direction en était confiée à un certain de Bulow. 

M. L. Van Houite, ne voulant pas laisser passer cette occasion favorable 
d'importer des plantes de ce pays en Europe, chercha un collectionneur 
qui voulüt s'engager à accompagner l’expédition comme membre de la 
colonie. 

Notre ami Otto Deines, qui connaissait les projets de Warszewiez et 
qui était employé à l'établissement Van Houtte entama tout de suite les 
négociations; on n’échangea que peu de lettres; pendant ce temps 
Warszewicz prenait conseil de A. de Humboldt, qui le pressa aussi très- 
vivement de se rendre au Guatémala; bientôt l'engagement fut conclu. 

Warszewicz, avant de quitter l’endroit qu'il aimait tant à habiter, et 
avant de dire adieu à ses amis, leur fit présent de son portrait, parfai- 


ss EDS 


tement réussi, en tenue d'oflicier; ce précieux souvenir est encore aujour- 
d'hui en notre possession. 

Pourvu de recommandations de A. de Humboldt et de Klotzsch, et 
plein d’une virile confiance dans ses forces, Warszewicz quitta Berlin 
par une belle matinée du mois d'août 1844; ses amis ne le quittèrent 
qu'au moment du départ. Se séparer de ses bienfaiteurs et de ses amis, 
être obligé de quitter, pour longtemps peut-être, cette Prusse qui 
l'avait accueilli jadis avec tant d’hospitalité et qui était devenue pour 
lui une seconde patrie, c'était certainement là une destinée rude et 
pénible pour notre ami. Mais sa résolution était prise, le signal du 
départ retentit, un dernier adieu — et quelques secondes après, le 
train, qui devait le mener à ses nouvelles et difficiles fonctions, l’em- 
portait de toute sa vitesse. 

La première lettre, toute pleine encore du regret de la séparation, 
apporta la nouvelle, qu'il était arrivé le 15 août à Gand et qu’il avait 
été reçu de la facon la plus aimable par M. L. Van Houtte. 

L'équipement du navire, avec lequel Warszewiez devait faire la 
traversée au Guatémala, trainait en longueur, et cette longue inaction 
lui fut, comme il l'écrivit, très pénible. Enfin le 7 décembre, à 7 heures 
du matin, comme nous l’apprend notre ami O. Deines, le deux-mâts 
belge, la Minerve, cap. Brix, mit à la voile à Anvers au bruit des boîtes 
et aux acclamations de la foule. 

Le 1" février 1845 Warszewicz toucha le sol américain. Il avait 
heureusement fait la traversée sans être malade, de facon que, sentant 
la terre ferme sous ses pieds, il n’eut pas besoin de s’accorder de repos 
pour se remettre en voyage; dès les premiers jours de son arrivée à 
St-Thomas, une ardeur insurmontable le poussa à parcourir les forêts 
vierges. Les lettres de Warszewiez montrent clairement quelle profonde 
impression la végétation puissante de ce pays avait faite sur lui. Il se 
consacra avec une ardeur infatigable aux fonctions qu’on lui avait 
confiées. Déjà au mois de mars, il envoya à L. Van Houtte 10 grandes 
caisses pleines de semences et de plantes vivantes, entre autres des 
Orchidées, des Palmiers..., etc. 

Toutefois, le climat (car Warszewicz disait constamment que St.Thomas 
était malsain et fatal aux Européens) et des fatigues par trop grandes, le 
clouërent lui aussi pour longtemps sur un lit de douleur. Bien plus, le 
peu d’aide qu’il recevait de la direction de la Colonie lui donnait autant 
de soucis que sa maladie; et ce secours finit même par lui manquer com- 
plètement. A la suite de cet évènement, Warszewiez eut à passer des 
moments bien tristes et bien misérables; par la faute de qui cela 
arriva-t-il? C’est par considération pour certaines personnes que Wars- 
zewicz ne voulut jamais le faire connaitre. 

Warszewicz était dans une position telle qu’il devait essayer de se 
tirer d'affaire avec ses seules ressources; même dans cette situation 


ENS FES 


pénible sa confiance en lui-même ne l’abandonna point. Les recomman- 
dations de A. de Humboldt lui servirent d'introduction auprès du 
consul de Prusse Klee, qui le recut de la façon la plus aimable. Klee le 
recommanda à Skinner qui reconnut bientôt en Warszewiez le parfait 
collectionneur, rien qu'aux plantes qu'il avait envoyées. Les lettres 
de crédit de Skinner le mirent à même d'entreprendre ses voyages si 
intéressants, mais en revanche si pleins de périls et de fatigues. Malheu- 
reusement toutes les plantes qu'il découvrit ne sont pas arrivées en 
Europe; souvent, à cause des communications mal établies, on perdait 
des trésors pour la réunion desquels il avait fallu de longs mois de 
peines. Cependant toutes les plantes que Warszewiez a envoyées en 
Europe sont les preuves les plus frappantes de la facon admirable dont 
il savait collectionner. 

Si ce parfait collectionneur avait été doué en même temps d’une 
certaine habileté commerciale, ses envois lui auraient procuré un revenu 
rémunérateur et proportionné à ses peines. Pour ne donner qu’un seul 
exemple, nous citerons la Monstera Linnea; n’aurait-elle pas rapporté 
des milliers de livres sterlings à maint anglais ? 

Mais à lui, elle n’apporta que le renom et l’honneur. 

Les Zamia Skinneri, Zamia Lindleyi, Maranta Warszewiczi, Tri- 
chopilia gloxiniæflora et beaucoup d’autres encore, conserveront hono- 
rablement dans l’histoire, le nom de Warszewiez aussi longtemps qu'il 
y aura une botanique et des jardiniers. 

En 1850, après six ans de travail pénible, de recherches et d’études 
sans repos dans les forêts vierges et sur les hautes montagnes des soli- 
tudes de l’Amérique, Warszewicz revint en Europe. C’est en Angleterre, 
où sa réputation l'avait depuis longtemps précédé, qu’il toucha de nou- 
veau le sol européen. Peu de semaines après, le désir de revoir ses amis 
le conduisit à Berlin. 

En outre des Orchidées vivantes, Warszewicz rapporta une grande 
quantité de semences des plantes les plus importantes; et de plus d’autres 
acquisitions du domaine du règne animal et du règne minéral. 

Pendant le séjour de près de huit mois qu'il fit à Berlin, le cercle de 
ses amis et de ses protecteurs s’élargit de plus en plus. Au nombre de 
ses amis, vint alors s'ajouter Giroud. L. Mathieu devint un des protec- 
teurs les mieux intentionnés de notre ami Warszewiez et lui fut utile 
de la façon la plus noble et en même temps la plus discrète. Il n’y a 
que peu de personnes qui sachent avec quelle sollicitude L. Mathieu 
s'employa pour lui. Warszewiez sut apprécier, en son for intérieur, 
cette noble facon d'agir, et toujours il parla avec une reconnaissance 
et un attachement cordial du bicnfaiteur qu’il honorait infiniment. 

Pendant son séjour à Berlin, la perspective de s'établir à Cracovie 
s'évanouit pour lui; mais comme il ne pouvait pas penser à ce moment 
à se fixer d’une facon définitive, il préféra entreprendre un second 
voyage au loin. 


A 


Il pouvait prendre cette résolution avec d’autant plus de tranquillité, 
qu'il savait que tous ses intérêts étaient gérés depuis longtemps d’une 
facon excellente par les soins de Brunow ; c'était son plus vieil ami et 
il lui était réellement dévoué. 

La tempête et les vents de l'hiver étaient dans toute leur violence, 
quand Warszewiez quitta pour la seconde fois Berlin, au commencement 
de Novembre 1850. Son itinéraire le conduisit directement à Londres, 
où il se pourvut de nouveaux crédits, et d’où il partit le 16 novembre 
pour aller s'embarquer à Southampton. Son deuxième voyage d’explora- 
tion eut pour objet le Pérou et la Nouvelle-Grenade. Tous ceux qui 
s'occupent de botanique et d’horticulture savent combien il a enrichi 
ces sciences des produits de ces deux contrées, 

En octobre 1855, il revint en Europe après un voyage non moins pénible 
que le premier; cette fois son esprit était en repos, attendu qu’il avait 
la certitude d’être appelé à Cracovie. Par son activité, Brunow avait 
réussi à mener à bonne fin, et cela, à des conditions très-favorables à 
Warszewiez, les négociations au sujet d’un emploi à Cracovie. Encore 
avant la fin de l’année 1855, il entra en fonctions comme inspecteur du 
jardin botanique I. et R. de Cracovie. 

Comme il vivait dans une entente parfaite et dans les rapports les 
plus amicaux avec son chef, celui-ci lui fit prendre part au travail de la 
publication du Catalogus Plantarum horti Botanici Cracoviensis, qui 
parut à Cracovie en 1864 lors du Jubilé du 500: anniversaire de l’univer- 
sité des Fagellons. Par ses relations étendues, ainsi que par ses rapports 
avec plusieurs des plus grands établissements horticoles de l’Europe, 
il parvint à enrichir l'institut du jardin botanique de plus de mille 
espèces. 

Son habileté pratique bien connue assurait au jardin les trésors 
végétaux les plus rares et lui donnait une renommée de spécialité pour 
ce qui concerne la culture des plantes. 

Quoique Cracovie fut devenu l'asile de Warszewicz et qu'il s’y fût 
bientôt créé un cercle d'amis, le but de ses aspirations demeura cepen- 
dant toujours Berlin et les amis qu’il y avait laissés. 

Chaque année il faisait le voyage de la capitale prussienne qui lui 
était devenue si chère, pour y passer quelques jours de bonheur au milieu 
de ses plus anciens amis. 

Ses manières affables lui procuraient partout d’amicales relations, 
aussi bien dans la modeste hutte de feuilles de palmier de l’Indien, 
que dans les salons splendides de la haute aristocratie européenne. II 
était tout dévoué à ses amis. Il aimait à venir au secours de l’indigent. 
Dans le cours de sa vie agitée et au milieu des circonstances les plus 
accablantes, il trouva toujours des consolations et la tranquillité d’âme 
dans la religion; car il était profondément religieux. 

Warszewiez, très estimé dans le monde horticole, était appelé à 


Ne 08 


toutes les expositions internationales comme juge pour tout ce qui a 
rapport au jardinage. C’est à l'exposition mémorable de l’hospitalière 
ville d’Erfurt alors toute en fête, qu’il séjourna pour la dernière fois au 
milieu de ses amis allemands. 

Les Esquisses de ses voyages en Amérique seront bientôt revues et 
publiées par un de ses amis à Cracovie et paraîtront en langue polo- 
naise. 


Nous apprenons la mort, en Russie, de M. TscnerNiAErr, directeur du 
Musée agricole de St. Pétersbourg, l’un de nos collègues du jury inter- 
national de l'Exposition universelle de 1867. 


LE GROSEILLIER A MAQUEREAU SANS ÉPINES. 


La variété dont il est question ici a été obtenue par M. Billiard, pépi- 
niériste à Fontenay aux Roses, près de Paris, et nommée Groseillier 
Billiard, par M. Carrière. Elle a fructifié cette année pour la première 
fois. Les fruits sont gros, d’abord d’un vert pâle jaunâtre, puis rouge 
foncé, finalement presque noir, lisses, savoureux, réunissant par consé- 
quent toutes les qualités qu’on peut désirer. En outre ils sont un peu 
oblongs et passablement gros. 

(Bull. du Cerc. prof.) 


UN VERGER D'AUTREFOIS 
A PROPOS DE LA DURÉE DES VARIÉTÉS, 


par M. Pauz DE Mortier. 


La notice de M. de Boutteville que nous avons publiée naguère (Belg. Hort. 1866 
p. 29), sur l'existence limitée et l'extinction des végétaux propagés par division, 
c’est à dire en termes plus simples sur la dégénérescence des anciens fruits, a donné 
lieu dans la presse horticole à une vive polémique. L'opinion dont M. de Boutteville 
s’est fait le défenseur a été contestée par plusieurs (voir le Rapport de M. le Dr Pi- 
geaux dans la Belg. Hortic. 4867, p. 186) et soutenue par d’autres. Nous nous sommes 
rangé parmi les plus convaincus au nombre de ceux-ci. Tel est aussi l'avis de M. Paul 
de Mortillet qui vient d'écrire dans la Revue de l’horticulture quelques pages fort 
simples et fort péremptoires, nous parait-il, pour le défendre. 

Sans vouloir prendre part au débat, nous croyons utile d'exprimer celte observation 
que la propagation par division, c’est-à-dire par bouture, greffe ou quelque procédé 
analogue, naturel (Fraisier) ou artificiel (Poirier), est à peu près étranger au fait de la 
dégénérescence des variétés. Les variétés, qui sont le résultat de phénomènes locaux, 


0e 


accidentels, éphémères, ont une existence limitée. Cela est vrai en-dehors de toute 
propagation. La greffe ou la bouture n'étend ou ne diminue leur durée. En parlant 
ainsi, nous considérons les choses en général en faisant exception de toutes les circon- 
stances particulières. En outre, nous avons spécialement en vue les variétés fruitières. 
Dans les sciences naturelles il faut se garder des aflirmations absolues : c’est pourquoi 
nous nous bornons à dire ici que le fait de la propagation par division n’est pas connexe 
de phénomène de l'existence limitée des variétés. 
Mais nous avons hâte de céder la place à M. de Mortillet. 


Qui donc le premier a dit : « Tout est dans tout? » Je ne saurais ré- 
pondre à cette question, mais je puis affirmer que cet aphorisme, si 
aphorisme il y a, recoit aujourd’hui une solennelle consécration dans 
les colonnes de la Revue de l’Horticulture. 

La variété est sujette à vieillir, dit l’un ; non, répond l’autre, elle 
peut vivre autant que l'espèce. La variété, reprend le premier, s’affai- 
blit par degré ; le fait même de sa multiplication par division peut bien 
retarder, mais ne saurait arrêter les effets de la caducité; après un 
temps plus ou moins long elle arrivera fatalement à la mort. Erreur, 
riposte le second, la variété puise une vie nouvelle dans chaque multi- 
plication ; si ancienne soit-elle, sa vigueur n’augmente ni ne diminue, 
quand elle est placée d’ailleurs dans des conditions qui lui conviennent. 

Jusqu'iei je vois deux affirmations contradictoires, mais la question 
est simple et bien posée. Quels sont les juges qui la trancheront ? L’ob- 
servation et les faits; je ne crois pas que l’on puisse distraire la cause 
de ce tribunal. 

Tel n’a pas toujours été l'avis des nombreux champions qui ont pris 
parti, qui pour l’une, qui pour l’autre opinion. On est remonté à l’ori- 
gine des choses ; on nous a parlé de grandes races éteintes; puis on 
s’est lancé dans les subtilités de la physiologie végétale : la graine 
n'est-elle, comme la bouture, qu’une parcelle de la mère ; la première, 
au contraire, amène-t-elle à la vie un être nouveau, alors que la seconde 
ne provient que d’une cité de bourgeons, sorte de polypie habitée et cons- 
truite par une population bourgeonnante ? À ce propos on nous a cité la 
théorie positive de l’ovulation spontanée de M. Pouchet: j'avoue que 
j'ai craint de voir arriver M. Pasteur. Ailleurs on se reprend à deux 
fois pour nous parler de l’homme actuel ; et, de peur que nous ne com- 
prenions pas, on nous avertit charitablement que « pour tous ceux qui 
ont un peu réfléchi et qui n’ont pas laissé obscurcir leur intelligence 
par le mysticisme, il est évident que tout être quelconque sort de la 
vie universelle pour y rentrer à un temps déterminé. » 

Au risque de paraître un peu hébété par le mysticisme, je pourrais 
contester cette proposition et bien d’autres, mais ce n’est pas ici le 
lieu. Je déclare donc que la passe-d’armes a été des plus brillantes ; les 
uns ont montré beaucoup de science, les autres une grande liberté de 
penser; et, maintenant que je suis en règle avec tout le monde, je 


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demande aux jardiniers et aux praticiens la permission de causer quel- 
ques instants avec eux de quelques vieux arbres que j'ai connus, je 
devrais dire que j'ai pratiqués, dans mon enfance. Peut-être arriverons- 
nous à quelques conclusions qui me feront pardonner, je l'espère, ce 
que la causerie pourra présenter d’un peu personnel. 

Il est incontestable que, de tout temps, les ordres religieux se sont 
adonnés, tout particulièrement, à la culture des jardins; tous ceux qui 
se sont occupés de l’origine des fruits ont pu se convaincre que la plu- 
part des anciennes variétés sortent des monastères; les unes y sont 
nées, les autres y ont été conservées alors que, au milieu de l’indiffé- 
rence générale, elles couraient grand risque de s’éteindre. Il me serait 
facile, à l'appui de cette assertion, de citer de nombreux exemples. 

Je me contenterai de rappeler les pépinières du Luxembourg, si flo- 
rissantes sous la direction des Chartreux. Leurs catalogues sont restés 
des documents que tout homme spécial doit connaitre et consulter. 

Les Oratoriens ne faisaient point exception à la règle générale; ces 
religieux possédaient autrefois près de Grenoble, sur la commune de 
Meylan, un domaine qui se nomme encore aujourd'hui l'Oratoire. Char- 
gés de l’enseignement ecclésiastique et de la direction du grand sémi- 
naire, les Oratoriens consacraient à l'alimentation de la communauté 
les produits de l'immeuble, qui servait encore aux délassements des 
élèves en même temps que les malades et les convalescents y trouvaient 
un refuge. 

Cette propriété fut vendue nationalement; elle était dans un tel état 
de prospérité que l'acquéreur n'’eüût qu'à jouir ; sauf quelques modifica- 
tions aux bâtiments, il respecta ce qui existait alors; et lorsque mon 
père, vingt-cinq ans plus tard, c’est-à-dire en 1818, fit à son tour l’acqui- 
sition du domaine de l'Oratoire, il put y reconnaitre encore les deux 
cachets des ordres religieux : des arbres centenaires et de magnifiques 
caves. Les arbres fruitiers surtont étaient nombreux, et toutes les variétés 
de choix connues à l’époque, s’y trouvaient représentées, principalement 
dans les genres Poirier, Pommier, Cerisier et Prunier. Je ne parlerai 
aujourd'hui que du premier et je rangerai par ordre approximatif de 
maturité les variétés que j'ai pu voir encore et dont la plantation datait 
des Oratoriens, c'est-à-dire du siècle dernier ; je ferai suivre le nom de 
chaque variété du numéro correspondant des descriptions de Duhamel. 


Amiré Joannet, VIII. — Petit Muscat ; Sept-en-gueule, 1. — Epargne ; Beau Pré- 
sent, XVII. — Gros Blanquet ; cramoisin, XIIL. — Poire à deux têtes ; à deux yeux, 
CXIIL. — Gros Rousselet; Roi d'été, XXXIV. — Bergamotte d'été, XLV. — Épine 
rose; Poire rose, LVII. — Epine d'été; Fondante musquée, LXII. — Bon Chrétien 
d'été, XC. — Grise bonne ; œuf (en Dauphiné}, CXIV. — Rousselet de Reims, XXXII. 
— Doyenné; Doyenné blanc; Beurré blane, LXXXI. — Verte longue ; Mouille-bouche, 
LXXIII — Bezi de la Motte, LXXXII. — Suerée vert, LXVIIL — Doyenné gris, 
LXXXIV, — Beurré; Beurré gris, LXXV. — Crassane; Bergamotte Crassanne, XLIX. 


sé. 


— Marquise, XCHI. — Lansac ; Dauphine ; Satin, CIX. — Bési de Chaumontel, LXXXI. 
— Ambrette, LXV. — Echassery ; Bezy de Chasserie, LXVI. — Martin see, XXX VI. 
— Frane-Réal (Poire Louve en Dauphiné), LX. — Virgouleuse, XCV. — Colmar; Poire 
manne, XCIV. — Saint-Germain; Inconnue la Fare, XCVI. — Catillac, CII. — 
Royale d'hiver, LXXI. — Bon Chrétien d'hiver, LXXX VIT. — Impériale à feuilles 
de chène, XCVIIE. 


Tous ces Poiriers étaient greffés sur france, élevés en haute tige ct 
cultivés en plein vent; les uns formaient une avenue, les autres alter- 
naient avec des Pommiers dans un verger gazonné; quelques variétés 
se trouvaient isolées dans des treillages ou dans des vignes basses; pour 
ceux qui étaient plantés régulièrement, la distance d’un arbre à l’autre 
était de 42 à 15 mètres. 

Tous ces arbres ont disparu; mais j'en ai gardé un souvenir assez 
précis pour pouvoir donner les dimensions approximatives des plus 
beaux. Un Poirier gros Blanquet devait mesurer au moins 3 mètres 
de circonférence à hauteur d'homme; ses branches s’étendaient sur un 
rayon de 8 mètres environ; il couvrait par conséquent une superficie 
de 58 mètres. Tous les deux ans, il donnait une pleine récolte; on 
étendait alors, au-dessous, un chargement de paille, un homme montait 
dans les branches, les secouait tour à tour, et l’on portait au marché 
les fruits à plein tombereau. Un Poirier à deux têtes approchait beau- 
coup des dimensions du précédent; son tronc était un peu moins gros, 
sa tête moins Ctalée, mais beaucoup plus élevée; on avait adopté pour 
lui le même genre de cueillette. Un Franc-Rcal, de même taille, rem- 
plissait, certaines années, un appartement de ses excellents fruits à 
cuire. Ces trois arbres étaient hors ligne et d’une force que je n'ai plus 
rencontrée. Après ceux-ci venaient, par ordre de développement, Verte 
longue ou Mouille-bouche, Epargne ou Beau présent, Sucré vert, Martin 
sec, Echassery, Virgouleuse, Royale d'hiver, Bon-chrétien d’été, Lansac 
ou Dauphine, Cattillac, Impériale à feuilles de Chêne. Le tronc de tous 
ces arbres avait au moins un mètre et demi de circonférence, et la tête 
était développée en proportion. Sans atteindre d'aussi fortes dimen- 
sions, les autres variétés présentaient encore des arbres fort remar- 
quables. 

Quelques-unes des variétés que je viens de citer sont devenues rares 
et tendent à disparaitre. Combien de personnes connaissent aujour- 
d’hui l’Épine rose, la Marquise, la Lansac, l'Ambrette, la Poire à deux 
têtes? Et cependant, ces variétés n'étaient pas sans mérite. Je retrouve 
encore la Marquise inscrite sur le catalogue de M. André Leroy, mais 
avec cette annotation : « 2° qualité. » M. Leroy peut avoir raison au- 
jourd'hui, mais autrefois ce fruit était considéré comme un des meil- 
leurs de sa saison, et je puis assurer que ceux que j'ai mangés dans mon 
enfance étaient de première qualité. La Marquise était un gros fruit 
pyriforme, d’un vert très-prononcé, tiqueté de gros points plus foncés. 


LÉ 
J 


a nt à né ds sodftie fé. eu, ddr nid ju és à 


HET : À 


OP. 


Voici, du reste, l'appréciation de Duhamel : « La chair est beurrée et 
fondante. L'eau est sucrée, douce, quelquefois un peu musquée. Ce 
Poirier est un des plus vigoureux; il est beau, fertile, et se greffe sur 
franc ou sur Coignassier..….. La grande vigueur de l'arbre exige qu'on le 
charge à la taille. » La Lansac et l’Ambrette étaient d'excellents petits 
fruits d’arrière-automne. 

Les fruits récoltés sur ces vieux arbres étaient généralement très- 
sains; cependant, certaines variétés laissaient déjà apercevoir quelques 
défectuosités. Parmi celles-ci, je citerai le Besi de Chaumontel, le Bon- 
chrétien d'été, le Bon-chrétien d'hiver, la Crassanne, l'Ambrette, le 
Doyenné blanc, le Saint-Germain, la Royale d'hiver, le Rousselet de 
Reims. Je tiens à établir toutefois que ces défectuosités n'étaient pas per- 
manentes ; elles dépendaient essentiellement de la température de l’année, 
et, même dans les cas les plus défavorables, elles n’attaquaient jamais la 
totalité du fruit; ainsi, le Bon-chrétien d'hiver et le Doyenné blanc 
étaient parfois tachés; l’Ambrette et le Bon-chrétien d'hiver parfois pier- 
reux; le Saint-Germain et la Crassanne présentaient exceptionnellement 
des taches ou des concrétions ; la Royale n’arrivait pas toutes les années à 
maturité ; le Rousselet de Reims laissait à désirer dans son bois; la variété 
la plus défectueuse sous le double rapport de la végétation et de la qualité 
du fruit, était sans contredit le Resi de Chaumontel. 

Lorsque les vieux Poiriers plantés par les Oratoriens existaient encore, 
je ne m'occupais nullement de culture; je n’avais guère que vingt ans 
lorsque les derniers se sont éteints; mais ce que je connaissais fort bien, 
c'était la qualité de leurs fruits, et plus tard lorsque j'ai voulu planter 
à mon tour, il m'a semblé que je ne pouvais mieux faire que de revenir 
aux variétés qui avaient fait les délices de mon enfance et de ma jeu- 
nesse ; j'ai donc greffé et regreffé; voici mes résultats : 

Les variétés qui se sont maintenues les plus vigoureuses et les plus 
saines sont : l’Épargne, la Bergamotte d'été, la Grise bonne, le Franc- 
Réal, le Catillac, l'Impériale à feuilles de Chène; mais il me faut bien 
reconnaître que jamais les arbres n’atteindront les dimensions de leurs 
devanciers. J'ai été obligé de renoncer à la culture en plein vent du 
Beurré gris, du Doyenné blanc, de la Crassanne, de la Marquise, du Bezy 
de Chaumontel, de la Virgouleuse, du Colmar, du Saint-Germain, du 
Bon Chrétien d'hiver ; les arbres deviennent chancreux et les fruits 
ne sont plus mangeables. Quant aux autres variétés, elles ont d’abord 
poussé vigoureusement ; plusieurs ont produit des fruits sains et en 
assez grande abondance; mais, à quinze ou vingt ans, les arbres 
étaient vieux; ils ont cessé de croitre, le tronc ne prend plus de déve- 
loppement ; l’écorce exfoliée se couvre chaque année, malgré tous les 
soins, de Lichens et de Mousses. Le Bon-Chrétien d'été est devenu im- 
possible ; la Royale d'hiver ne mürit plus ses fruits. Il faut à ces arbres, 
comme à tous les vieillards, un soleil plus chaud ; et de même que vous 


prolongerez la vie d’un poitrinaire en l’envoyant à Nice ou à Hyères, 
de même vous obtiendrez encore quelques bons fruits en plaçant cer- 
taines variétés dans des conditions exceptionnellement favorables. 
Duhamel, nous parlant du Beurré gris, débute ainsi : « Ce Poirier est 
très-fertile, s’accommode de toutes les formes, espalier, buisson, éven- 
tail, plein vent, et presque de toutes les expositions. Il se greffe sur 
franc ou sur Cognassier. » Quel est le jardinier qui en dira autant aujour- 
d'hui? Que l’on ne croie pas au reste que j'ai manqué de constance 
lorsqu'il s’est agi de multiplier chez moi les variétés anciennes; j'y ai 
apporté, au contraire, l’entêtement qui s'attache aux souvenirs d’en- 
fance. J'ai choisi des terrains analogues à ceux dans lesquels j'avais vu 
prospérer les mêmes variétés; j'ai adopté la même exposition; le sol 
d’ailleurs était vierge de la culture du Poirier. Lorsque j'ai reconnu 
que les arbres achetés chez les pépiniéristes ne réussissaient pas, j'ai 
choisi chez eux les plus beaux égrains, et je les ai greffés en place; 
après un nouvel échee, je suis allé moi-même dans les bois, et j'ai fait 
déplanter sous mes yeux des sauvageons; j'ai cueilli mes scions à 
greffer sur les arbres les plus sains que j’ai pu rencontrer; tout a été 
inutile. 

Je le demande à tout homme pratique, puis-je conclure autre chose, 
sinon que les variétés vieillissent et qu’elles sont destinées à disparaitre 
dans un temps donné? Faites-moi les raisonnements les plus spécieux, 
exposez-moi les théories les plus savantes, vous ne ferez jamais que les 
faits ne soient pas des faits. 

Un mot encore. Lorsque mon estimable collègue, M. de Bouteville, 
m'adressa son remarquable Mémoire sur l’extinction des variétés mul- 
tipliées par division, je me permis quelques observations. Ainsi, Je ne 
crois pas que l’on puisse avancer, comme l’ont fait quelques auteurs, 
que la durée d’une variété est nécessairement limitée à la durée qu’au- 
rait pu avoir le pied-mère. Je pense, au contraire, que la multiplica- 
tion par division prolonge toujours, plus ou moins et suivant certaines 
conditions qui nous échappent encore , la durée de la variété. Je suis 
aussi porté à croire que les variétés de certaines espèces à bois mou 
ou tendre se maintiennent plus longtemps que les variétés des espèces 
à bois dur; les variétés de la vigne, par exemple, me paraissent devoir 
durer plus longtemps que celles du Poirier. J’admettrai volontiers que 
la multiplication par bouture amènera moins promptement la caducité 
et par suite l'extinction que la multiplication par la greffe. Ces appré- 
ciations de détail ne sont pas purement hypothétiques ; elles reposent 
sur un ensemble d'observations et de faits qu’il serait trop long de dé- 
velopper aujourd’hui. 


mt. Des 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS. 
par M. G. DELCHEVALERIE, 


Chef de culture au fleuriste de la ville de Paris. 
(Suite, voir page 14.) 


if 


Les grands froids de l'hiver qui commence à s’écouler, ont exercé 
quelques ravages dans les squares et les jardins publics de la ville 
de Paris. 

Une partie des végétaux exotiques qui y sont cultivés, furent atteints 
de la gelée, qui depuis longtemps, n'avait été aussi intense que cette 
année. Les Aucuba du Japon, les Lauriers tins, les Lauriers amandes, les 
Bambous et un grand nombre d’arbustes exotiques à feuilles persistantes 
qui n'étaient pas abrités, ont eu les feuilles légèrement endommagées. 

Les végétaux exotiques plus délicats, tels que Gunnera scabra R. et P. 
G. manicata LiNDEN, Gynerium argenteum albo-lineatum, ete., qui ont 
été empaillés pendant le moment des fortes gelées, sont découverts 
pendant les parties les plus chaudes de la journée, et recouverts le soir 
lorsque le temps se dispose à la gelée. 

Pendant le courant du mois, on peut mettre en place les plantes telles 
que Muguet alpestre, Myosotis alpestris Scumpr, Giroflée jaune, 
Cheiranthus cheiri Lin., Pensées annuelles, Viola tricolor L., ete., 
qui ont passé l'hiver à l'abri du froid, ou dont la plantation n'aurait pu 
se faire avant l'hiver. On remplace également le vide que l'hiver aurait 
laissé sur les plates bandes plantées à l’automne, avec du plant hiverné 
à l'abri. 

Le Lierre d'Irlande, Æedera hibernica, Lax., si fréquemment employé 
pour la formation des bordures autour des massifs de fleurs et d’arbustes 
peut être planté déjà, sur la fin de ce mois, alors que les fortes gelées 
ne sont plus à craindre. Dans les jardins des palais du Louvre, des 
Tuileries, des Champs-Elysées, ete., on en voit des bordures admirables, 
qui ont l'avantage sur toutes les autres, d’être d'un beau vert foncé 
pendant toute la mauvaise saison. 

On se les procure aisément sur le marché du quai, ou chez les pépi- 
niéristes de Fontenay-aux-roses, qui en font chaque année des quantités 
considérables pour la grande ville. 

On les plante en bordures, en les couchant en long, sur des talus de 
0,50 ou 0,40 centimètres de largeur, selon la grandeur des massifs; 
on les fixe sur le sol à l’aide de crochets en bois, et on étend par dessus 
les rameaux une légère couche de terre; les autres soins consistent 


D2 — 


seulement à les débarrasser des mauvaises herbes, et à les entretenir 
dans un état d'humidité modérée; traité de cette facon, le Lierre 
d'Irlande formera déjà de belles bordures pour l’année suivante. 

A Paris, on l'emploie aussi communément pour garnir les grilles 
et les treillages qui clôturent les parcs et les jardins; on leur fait subir 
le palissage pendant les premières années, afin de bien combler les 
vides, et à la fin de la deuxième année, on peut avoir des grilles com- 
plètement recouvertes; alors, il suffira de couper chaque année, les 
rameaux qui auraient une tendance à sortir de l'alignement. 

Les Lierres que la ville de Paris emploie pour garnir les plates-bandes 
de ses squares, les troncs d'arbres, grilles, entourages, etc., se cultivent 
et se multiplient dans les pépinières du Bois-de-Boulogne. Là, c’est ordi- 
nairement sur la fin de l'été que l’on pratique le bouturage du Lierre 
commun; on coupe les boutures à trois ou quatre feuilles, et on les 
plante en pépinière à mi-ombre; lorsqu'elles sont suffisamment enra- 
cinées, ce qui a lieu ordinairement au printemps suivant, on les empote 
isolément dans des pots de 10 à 15 centimètres de diamètre ; ensuite, 
on plante au milieu de ceux-ci, un tuteur de un à deux mètres de hau- 
teur, que l’on maintient en alignement, en les fixant sur des fils de fer 
tendus à un mètre de hauteur, afin d’avoir des planches bien régulières, 
et que le vent ne puisse les renverser; plusieurs fois pendant l'été, on 
palisse les rameaux, et à la fin de la deuxième ou troisième année, les 
plantes sont assez fortes pour être employées aux différents usages. 

Les pépiniéristes des environs de Paris, le multiplient ordinairement 
par marcottes. À cet effet, ils plantent des mères à une assez grande 
distance et lorsqu'elles sont bien ramifiées, ils enfoncent dans la terre, 
des pots de 10 à 12 centimètres de diamètre; ils procèdent alors au 
marcottage, en fixant à l’aide d’un crochet en bois, un rameau au milieu 
de chaque pot; ensuite, ils enfoncent un tuteur dans celui-ci, sur lequel 
ils palissent les rameaux au fur et à mesure qu’ils se développent ; 
lorsque les marcottes sont suffisamment enracinées, on les sépare des 
mères, et vers la deuxième ou troisième année, ils les livrent au commerce 
avec leurs pots; de cette façon, la transplantation s'opère d’une manière 
parfaite puisque les racines sont conservées intactes, et les chances de 
réussite, ne sont alors nullement compromises. 

Le Lierre d'Irlande, est aussi très-avantageusement employé pour 
former les bordures dans les endroits ombragés où le gazon ne peut 
prospérer. Si on le plante contre le mur d’un rez-de-chaussée, il y ab- 
sorbera aussi une grande quantité de l'humidité de celui-ci. 

Pour la fin de ce mois, les labours devront être entièrement terminés, 
les allées sablées à neuf, et les plates bandes garnies de plantes à floraison 
printanière telles que l’Aubrietie deltoïde, Aubrietia deltoidea D. C.; 
A. deltoidea, var. foliis variegatis ; A. Campbellii ; A. Campbelli, var. 
foliis variegatis; A. purpurea Horr.; Digitale pourprée, Digitalis 


P 


si 


purpurea L.; D. purpurea, var. alba., etc.; Primevères des jardins, 
Primula veris L., var. alba, rubra et lutea ; Arabette printanière, Arabis 
verna, Ait. ; À. verna, var. foliis variegatis ; À. lucida L.; A. lucida, 
var, foliis variegatis ; A. mollis Srev.; À. mollis, var. foliis variegatis; 
Corbeille d’or, Alyssum saxatile L. ; À. saxatile var. foliis variegaltis ; 
Campanule des montagnes, Campanula carpathica Jaco. ; C. carpathica 
var. alba ; Platycodon à grandes fleurs, P. grandiflora DC.; Silène 
à fleurs pendantes, Silene pendula Lax., Primevères élevées, Primula 
elativr Jaco.; P. elatior, var. alba, rubra et lutea ; Hélianthes vivaces, 
Helianthus multiflorus, L., latifolius Pers., Orgyalis, Dei, ete., vio- 
lette de Parme et des quatre saisons, etc. 

Toutes ces plantes sont propres à fleurir les parterres, depuis le com- 
mencement de mars, jusqu’au moment de la floraison des plantes exoti- 
ques, que l’on livre ordinairement à la pleine terre dans les premiers 
jours du mois de mai. 

A cette époque de l’année, on voit déjà les fleurs du safran printa- 
nier, Crocus vernus ALL., dont les premières fleurs s’épanouissent ordi- 
nairement vers la fin de février ; étant plantés en massifs ou en groupes 
en mélangeant les couleurs, ou eu les séparant pour en faire des dessins, 
forment de très-jolis effets, lorsqu'ils sont disposés en bordure autour 
des massifs, ou sur plates bandes. On voit aussi les fleurs de la Nivéole 
du printemps, Leucoium vernum L., de la Galantine perce-neige, Galan- 
thus nivalis L., de l'Eranthe d'hiver, Eranthis hiemalis L., de l'Hellé- 
bore noire, Helleborus niger, L., du bois gentil, Daphne Mezereum L., 
de l’Hellébore d’Abasie, Helleborus abschaticus AL. Braux. — H. purpu- 
rascens WiLLp., etce., dont l'avant-garde nous laisse entrevoir le prin- 
temps avec son nombreux et magnifique cortége de fleurs. 

Vers la fin de ce mois, on peut semer toutes les plantes annuelles qui 
doivent produire leurs fleurs au commencement de l'été, telles que le 
Réséda odorant, R. odorata L., dont on fait les semis en pots, afin de 
pouvoir les transplanter sans les faire souffrir ; le Lobelia erinus gracilis, 
et L. erinus Paxtonii, ete., ou encore, celles qui doivent être élevées sous 
chassis, et avoir un certain degré de force avant d’être livrées à la 
pleine terre, telles que Cobæa scandens Cav., Celosia cristata L., Wigan- 
dia Vigierii Bar, Nicotiana grandiflora purpurea, Eucalyptus glo- 
bulus LaBiiL., Solanum marginatum Lix., S. Warscewiczit (extra) S. la- 
ciniatum A1T., S. betaceum Cav., S. robustum WexpL., S. reclinatum 
Ener., ete., Cyperus papyrus Lix., ete. Ce dernier par la légèreté et la 
ténuité des parties de-ses grosses ombelles retombantes portées sur de 
longs pédoncules, est devenu l’objet d’une culture très-étendue dans les 
jardins publics de la ville de Paris; comme cette plante n’est pas assez 
répandue encore dans les cultures, nous allons indiquer un moyen de la 
multiplier, qui nous a parfaitement réussi. 

Le Papyrus antiquorum Lk., (Cyperus papyrus, L.), vulgairement 


= vs 


souchet à papier, parce que les anciens Egyptiens faisaient une sorte 
de papier avec la moelle de ses tiges, peut être semé depuis le mo- 
ment de la récolte des graines jusqu’à la fin de février ; d’abord, pour 
s'en procurer des graines, on plante un pied de Papvrus dans le bassin 
d’une serre tempérée-froide, et on l'y laisse sans y porter aucune atten- 
tion; lorqu'arrivera l'automne de la deuxième année, les premières 
têtes qui se seront développées, auront sans doute produit des graines; 
on les récolte alors, et on les sème en terrines ou en plein chassis, sur 
une terre de bruyère brute tourbeuse, grossièrement concassée. Les grai- 
nes étant très-fines, ne doivent pas être recouvertes; on leur donne tout 
simplement un léger bassinage, afin de les fixer sur le sol, de facon à ce 
qu'elles puissent s’intercaler dans les interstices laissés entre les petites 
mottes de terre. Là, leur germination s'effectuera d’une manière par- 
faite, si on a soin de donner à ces graines une chaleur souterraine {18 
à 20 degrés centigrades), et beaucoup d'’obscurité. Trois semaines, un 
mois après, on récoltera déjà le premier plant, qui aura à peine la gros- 
seur d’un fil de soie; on l’empotera isolément dans des godets de 0.05 ou 
0,04 centimètres de diamètre, dans une terre siliceuse mélangée de bon 
terreau de feuilles; ensuite, on place ce jeune plant sur les tablettes 
de la serre les plus rapprochées de la lumière, mais alors, dans un 
milieu légèérementombragé. Vers la fin du mois qui succède au répiquage, 
on les empote dans des godets plus grands, et lorsque arrive le mois de 
février, on place ces plantes sur une couche tiède et sous chässis à l’air 
libre. Vers la fin d'avril, on peut les empoter dans des vases de 0,10 à 
0,12 centimètres de diamètre, en les replacant de nouveau sur couche 
et sous chässis, mais alors, en leur donnant de l'air, afin de les habituer 
insensiblement à la température extérieure. Pour le 15 mai, si le jeune 
plant a été convenablement traité, il aura déjà 0,25 ou 0,50 centimètres 
de hauteur, et pourra dès lors, être livré à la pleine terre, où il atteindra 
pour la fin de l’été si on a eu soin de le planter dans le sol substantiel 
et frais du voisinage des pièces d'eaux, deux mètres de hauteur, portant 
de grosses et belles têtes de feuilles cylindriques retombantes du plus 
gracieux effet. 

En ce moment, on poursuit aussi activement le bouturage des plantes 
exotiques qui doivent servir à l’ornementation des squares et jardins de 
la ville de Paris pendant toute la belle saison. Telles sont, les Alyssum 
maritimum Lank., var. foliis variegatis, très-jolie miniature dont on 
fait grand usage pour la formation des bordures, les Veronica, L., 
Cuphea, Jaco., Fuchsia, PLux., Coleus, Lour., Gaura, Lix., Achyran- 
thes, W., Alihernanthera, Forsk. Ageratum , Laix., Anthemis, Lix., 
Verbena, Lix., Solanum, Lix., Pelargonium, L'HéniT., Begonta, Lix., 
Hibiscus, Lix., Wigandia, Kuxta., Lantana, Lix., Gnaphalium, Lin, 
Salvia, Lix., Heliotropium, Lax., Calceolaria, Feuizz., Coronilla, Lix., 
Plumbago, Tour., Centaurea, Lix., Pentstemon, L'HÉRIT., Nierember- 


- 
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à dd fi 


gia, R. et P., Dianthus, Lax., Tradescantia, Lix., Petunia, Juss., Cyr- 
tanthera, Nees., Gazania, Gzxrtx., Cassia, Lix., Abutilon, GærTx., 
Erythrina, Lax., ete., ete. 

Les marchés et les fleuristes en boutiques abondent en ce moment de 
Violettes de Parme, Viola Parmensis, Hort., et des quatre saisons, 
Viola odorata, Lix., variété; les bouquetières de Paris en emploient 
des quantités considérables pour la confection des bouquets à cette épo- 
que de l’année; elles les montent par petits groupes sur des tiges de 
jone, Juncus glaucus, Swetu., et entourent les pétioles de quelques 
feuilles de pervenches, Vinca minor, Lis. ; ensuite, elles réunissent 
ensemble un certain nombre de ces petits groupes pour en constituer 
un bouquet d’une grosseur convenable, dans lequel elles disposent avec 
une grande habileté, des fleurs de Camellia, du Lilas blane, des roses, 
ete. ; un bouquet de ce genre, lorsqu'il est bien constitué, se vend en ce 
moment de 15 à 25 francs. 

Pour avoir des violettes pendant tout l'hiver, les jardiniers des envi- 
rons de Paris les cultivent sur des planches ordinairement inclinées au 
midi, et proportionnées en largeur, à la longueur de leurs chassis; au 
commencement d'octobre, on récolte déjà les premières fleurs, et lors- 
que arrive le mois de novembre, on entoure les planches de coffres que 
l'on recouvre de chassis; lorsque le froid devient plus intense, on établit 
des réchauds dans les sentiers, et on couvre les chassis de paillassons 
pendant la nuit. On donne de l'air toutes les fois qu'il ne gèle pas ou 
qu’il fait du soleil afin d'empêcher l’étiolement; car ces plantes fleuris- 
sent mieux sous l'influence d’une température de quelques degrés centi- 
grades que lorsqu'elle est plus élevée. Traitées de cette facon, les Vio- 
lettes fleuriront abondamment, et le cultivateur pourra tous les jours en 
faire une ample cueillette et en alimenter les marchés pendant toute la 
mauvaise saison. 

La culture en pots ne diffère en rien de celle-ci. Les Violettes une fois 
empotées, sont placées sous chassis à froid, où elles fleurissent absolu- 
ment comme celles qui se trouvent plantées en pleine terre. On enlève 
au fur et à mesure les plantes qui fleurissent pour les envoyer sur les 
marchés. 

Les cultivateurs de violettes des environs de Paris, les empotent ordi- 
nairement pour les livrer sur les marchés lorsqu'elles sont en fleur ; 
alors, les touffes sont soulevées avec de bonnes mottes de terre, et empo- 
tées avec précaution dans des vases de 0,10 à 0,12 centimètres de dia- 
mètre. 

La Violette de Parme est plus délicate que celle des quatre saisons ; 
lorsqu'on la cultive en pleine terre, on doit lui donner une exposition 
bien abritée. Aussi, sont-elles très-recherchées pour la formation des 
bouquets, qui sont toujours d’un prix plus élevé que ceux qui sont com- 
posés de violettes des quatre saisons. 


a: CRC 


Les Jacinthes Parisiennes à fleurs simples, telles que la romaine 
blanche hâtive, blanc de montagne, couleur chair, ete., que les jardi- 
niers destinent à la culture forcée pour les livrer au commerce en pots, 
ou pour en couper les fleurs et en approvisionner les marchés à l’au- 
tomne et au comment de l'hiver, sont devenues rares. En ce moment, 
ce sont les Jacinthes de Hollande qui tiénnent le premier rang parmi les 
oignons destinés à la culture forcée. On en voit sur tous les étalages, des 
quantités considérables à fleurs doubles et simples, dans les couleurs 
rouges, roses, bleues, jaunes, blanches, etc., ete. 

Les Jacinthes de Hollande destinées à être chauffées, de même que 
celles de Paris, doivent être empotées à l'automne; on enfonce également 
les pots qui les contiennent jusqu'aux bords, sur des planches ou plates 
bandes en pleine terre, en les recouvrant même de quelques centimètres 
de terre. Au fur et à mesure que l’on est disposé à les chauffer, on les 
place successivement à la chaleur, soit sur couche chaude sous chassis, 
ou en serre, sur les tablettes les mieux exposées. Enfin, si on veut avoir 
la jouissance des fleurs pendant tout l'hiver, on rentre tous les huit ou 
quinze jours, la quantité d'oignons nécessaire à son approvisionnement. 
Plus ou force les Jacinthes de bonne heure, plus ou leur procure d’obscu- 
rité, afin de forcer les tiges à monter; sans cette précaution, elles ne 
donneraient que des petites hampes de fleurs, et fleuriraient même en 
partie dans le sol; mais lorsque arrivera la saison où elles fleurissent 
naturellement en plein air, on pourra les laisser fleurir à la lumière, 
alors qu'on n'aura plus à craindre l’avortement des fleurs. 

On fabrique à Paris de jolis vases à pied en terre et en verre, percés de 
trous dans toutes les directions, dans lesquels on place la tête des oignons, 
qui se développent alors dans tous les sens, et produisent de très-beaux 
effets au moment de la floraison. 

Les amateurs parisiens, affectent aussi la culture des Jacinthes sur 
carafes. A cet effet, ils se procurent des carafes, dont l’orifice est propor- 
tionnée à la grosseur des oignons; on les emplit d’eau, et on pose les 
oignons sur l’ouverture, de facon à ce que la base touche le niveau de 
l’eau. On a soin de remplir la carafe au fur et à mesure qu’elle se vide, et 
de renouveler l'eau tous les quinze jours, pour éviter qu'il ne se déve- 
loppe des algues autour des racines. Les fleurs mettent environ deux 
mois d'intervalle entre le moment de la plantation et leur épanouisse- 
ment. 

Ce mode de culture s'applique ordinairement dans les appartements, 
où il procure au cultivateur, les fleurs les plus suaves pendant une partie 
de l'hiver, et dont il ne peut avoir la jouissance qu'au printemps dans les 
jardins. 

On trouve également à Paris, des appareils en verre, dans lesquels on 
plante deux oignons de Jacinthes , l’un la tête en bas et dans l'eau, et 
l’autre la tête en l’air; ils fleurissent parfaitement dans ces circonstances 


De. 


N- 


lat. du 1. d 


TE. -S 


et produisent de très-singuliers effets, surtout, si on a eu soin d'y placer 
deux variétés de couleurs différentes. 

Les Tulipes duc de Thol, Tulipa suaveolens, Rotu., variétés à fleurs 
simples, blanc pur, rosé, écarlate, jaune pur, rouge flammé de jaune, 
blanche flammée et panachée de violet, semi double à fleurs rouges bordées 
de jaune, etc., abondent encore en ce moment. On les plante ordinai- 
rement par trois dans des godets de 0,08 centimètres de diamètre, 
en les traitant sur couche chaude sous châssis, ou en serre, où ils fleu- 
rissent promptement. 

La Tulipe Tournesol double et semi double, est également cultivée 
à Paris, où elle succède ordinairement aux variétés due de Thol; sa 
fleur globuleuse est plus grosse, et d’un beau rouge marginé de jaune. 

Les Narcisses à bouquets ou de Constantinople, Warcissus Tazelta 
Lix., variété à fleurs pleines, N. Tazetta flore pleno Horr., variété toute 
blanche X. T. totus albus, Hort., variété Soleil d’or, , T. aureus 
Loisez., variété Grand primo, N. T. concolor Hort., variété Grand 
monarque, Ÿ. T. concolor, var., Horrt., elc., se cultivent parfaitement 
sous chàssis, en serre, ou dans les appartements à la manière des 
Jacinthes pendant tout l'hiver; à cet effet, on empote à l'automne, 
plusieurs oignons ensemble, dans des pots, ou des terrines d’une gran- 
deur convenable, et on les enfonce dans le terreau d’une plate bande 
à l’air libre ; on peut commencer à les rentrer vers le mois de novembre 
pour les chauffer, et successivement tous les quinze jours, si on veut 
en avoir en fleurs jusqu’au moment où ils fleurissent en plein air. 

Le Safran des fleuristes, Crocus vernus ALL., se livre à la culture 
forcée de même que les Narcisses, Tulipes, etc., en plantant les oignons 
en groupes dans des pots, et en pleine terre, sur couche sous chässis, 
ou en serre. Là, ils fleuriront pendant tout l'hiver, si on a soin d’en 
renouveler la plantation tous les quinze jours. 

On les force aussi dans la mousse humide, ou sur des carafes pleines 
d'eau; ils v fleurissent parfaitement bien. On confectionne pour cet 
usage des vases et des suspensions de toutes sortes, dans lesquels on 
plante les oignons de différentes manières. 

La terre que l’on emploie ordinairement pour empoter les oignons 
destinés à la culture forcée, est un mélange de terre franche, terre de 
potager, terreau de feuilles et de fumier, de gros sable, ete. On les 
plante isolément ou en groupes, selon leur nature spécifique. 

Les plantes vivaces que l’on force pour avoir les fleurs pendant l'hiver 
sont; le Diclytra remarquable, D. spectabilis Hont.; les touffes sont 
relevées à l'automne de la pleine terre, empotées, et placées sur couche 
froide sous châssis jusqu’au moment de les forcer; en les plaçant sur 
couche tiède dans les premiers jours de janvier, on peut jouir de ses 
belles fleurs rose vif, disposées en jolies grappes arquées pendant tout le 
mois de février. 


=: 9 2 


L'Hoteia du Japon, 4. Japonica Dexe., jolie plante vivace de pleine 
terre, est aussi en faveur, et l’objet d’une grande culture pour les 
marchés de Paris. On relève à l'automne les touffes de la pleine terre, 
et on les empote dans des vases proportionnés à leur développement. 
On les rentre après sur couche froide pour leur faire développer les pre- 
mières racines, et les habituer insensiblement à la chaleur. Vers le 
milieu du mois de Janvier, on commence à les chauffer, en les plaçant 
sur couche tiède; et pour le mois de février, ces admirables plantes 
auront développé des tiges pyramidales garnies d’une profusion de jolies 
petites fleurs blanches, qui sont d'une grande ressource pour la formation 
des bouquets. 

Les OEillets remontants ou à floraison perpétuelle, Dianthus caryo- 
phyllus, Lix., variétés formant une section renfermant un grand nombre 
de variations à fleurs unicolores ou striées, à fond blanc, rouge, jaune, 
ardoise, rose, cramoisi, etc., présentant des formes à pétales entiers, et 
d’autres à pétales dentés; tous les œillets de cette section étant rentrés 
sur couche froide sous chassis, en serre froide, jardin d'hiver, orange- 
ries, y fleurissent pendant tout l'hiver. Les fleurs étant coupées sont 
très-recherchées des bouquetières, qui les montent sur des tiges de jonc, 
et en font de jolis bouquets très-recherchés sur les marchés et chez les 
fleuristes de Paris. 

Le Lys de la St. Jacques, Amaryllis formosissima, Lix., étant relevé 
de pleine terre, empoté, et tenu sur couche sourde ou placé sur des cara- 
fes pendant l'hiver, produitses jolies fleurs rouge pourpre foncé dans le 
courant de ce mois. 

Enfin, la Galantine perce-neige, Galanthus nivalis, Lin. ; l’Iris de 
Perse, Iris Persica, Lan. ; le Cochléaria acaule, C. acaulis, Desr.; la 
Scille de Sibérie, Scilla Siberica, Axor.; le Triteleia uniflore, T. uni- 
flora, Lio. ; l'Hépatique à fleurs bleues, Æepatica triloba Cuaax, var. 
cœærulea ; le Mugnet ou Lys des vallées, Convallaria maialis Lin, etc., 
étant empotés et rentrés sur couche et sous chassis pendant l’hiver, pro- 
duisent des fleurs dans le courant de février, qui sont d’une grande 
ressource pour la confection des bouquets, la garniture des serres froides, 
orangeries, appartements, etc. 

Les arbustes de pleine terre dont on voit les fleurs en ce moment 
sont : 

Le Lilas commun dit de Marly, Syringa vulgaris, L., var. purpurea 
Lix. C’est celui que les chauffeurs de Lilas de Paris préfèrent pour avoir 
des fleurs pendant tout l'hiver. Les pépiniéristes leur en préparent 
chaque année des quantités considérables de touffes , auxquelles ils cou- 
pent l’année précédente, unc partie des racines, afin de forcer la plante à 
végéter moins vigoureusement et à produire beaucoup de boutons à 
fleurs. Les touffes ainsi préparées, n’ont pas moins de deux mètres de 
hauteur, sur autant de circonférence ; à l’automne suivant, on procède à 


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l’arrachage, et on les place alors entre les mains de ces habiles horticul- 
teurs qui les livrent ensuite à la culture forcée. 

Vers le mois de novembre, ils plantent ces touffes dans les bâches de la 
serre destinée à les recevoir, de facon à ce que leurs têtes soient très-rap- 
prochées des vitrages; ensuite, ils commencent par les chauffer à l’aide 
du themosvphon. Lorsque les boutons à fleur commencent à vouloir se 
développer ils couvrent leurs serres de paillassons, afin de leur procurer 
une obscurité complète. Les fleurs alors qui s'épanouissent dans ces cir- 
constances sont blanches, au lieu d'être pourpre violacé, et constituent 
les Lilas blanes dont on fait un commerce considérable à Paris, où il n’est 
pas rare de voir vendre dix et quinze francs, un bouquet de ces fleurs 
pendant l'hiver. 

On force aussi le lilas commun à fleurs blanches, Syringa vulgaris, 
Lix., var. alba ; les fleurs qui en proviennent étant du blane le plus pur, 
“ sont très-recherchées des fleuristes ; malheureusement, cette belle variété 
( se prête mal à la culture forcée, et produit beaucoup moins de fleurs 

que le lilas de Marly. 
Le lilas saugé, Syringa saugeana Lix., l'une des plus jolies variétés 
qui fait abandonner la culture du lilas de Perse, est également très- 
| recherché par les chauffeurs de Paris. On le cultive en pépinière, et on 
le taille en buissons de 0,50 ou 0,60 centimètres de hauteur ; vers la fin 


de l'hiver qui précède celui où on doit le chauffer, on l’enlève de la pleine 
terre, et on l'empote dans des vases d'environ 0,15 centimètres de 
diamètre, afin d'arrêter la végétation, et de leur faire produire ainsi 
beaucoup de boutons à fleur pour l'année suivante. Ces plantes sont alors 
enterrées avec leurs pots pendant tout l'été, sur des planches ou plates 
bandes en plein air, et vers le mois d'octobre ou novembre, on peut 
commencer à les chauffer ; n'étant pas très-élevées, elles peuvent être 
placées sur les tablettes des petites serres hollandaises que l’on construit 
pour cet usage. On les chauffe comme les lilas blancs, seulement, on ne 
leur donne point l'obscurité. Lorsque les fleurs commencent à s'épanouir, 
on livre les plantes avec leurs pots sur les marchés, et chez les fleuristes 
qui les vendent en grand nombre pour les garnitures d'appartements, 
des bals, des soirées, etc. 

La rose de Portland, variété dite du roi, Rosa Portlandica, Luw. 
var. du roi, celle que l’on soumet la première à la culture forcée, produit 
pendant tout l'hiver, des fleurs d’un beau rouge éblouissant. Les sujets 
destinés à être chauffés, sont greffés sur églantier à quelques centimètres 
du sol, et cultivés en pépinière jusqu’à la fin de l'hiver de la deuxième 
année ; alors, on les enlève de la pleine terre, on les empote dans des 
vases de 0,12 ou 0,15 centimètres de diamètre, que l’on enfonce jus- 
qu'aux bords sur plate bande à l'air libre jusqu'à l'automne suivant. 
Vers le mois de novembre, on leur donne la taille convenable, et on peut 
ensuite commencer à les chauffer, si on veut avoir des roses de bonne 


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heure. On les force ordinairement dans des serres hollandaises très-basses, 
au milieu desquelles se trouve un petit sentier pour le service; des deux 
côtés, se trouve une bâche emplie de terreau, dans laquelle on enfonce 
avec leurs pots, six ou sept lignes de ces rosiers demi tiges; entre Ceux-ci, 
on plante encore des rosiers franc de pied tels que le Bengale à fleur rouge 
cramoisi, Rosa semperflorens, Curr., var. cramoisi supérieur, dont on fait 
un grand usage à Paris pour avoir des fleurs au commencement de l'hiver; 
lorsque le placement est terminé, on commence par chauffer la serre 
à l’aide de deux tuyaux du thermosiphon qui circulent autour des 
bâches. Quelques temps après, les bourgeons se développent, et les 
boutons à fleurs apparaissent. Lorsqu'on approche du moment de la 
floraison, on diminue la chaleur, et on Fe même un peu d'air si on 
opère au premier printemps. 

Les rosiers du Roi, étant bien traités pendant l'hiver, donnent leurs 
premières fleurs environ deux mois après avoir commencé à les chauf- 
fer, et fournissent au cultivateur une floraison continuelle, s’il a soin 
d’en chauffer à différentes époques ; pendant l’hiver, il n’est pas rare 
de voir se vendre à Paris, douze francs, un bouquet composé d’une 
douzaine de ces jolies roses. 

Les rosiers que l’on destine à être chauffés à l’aide du fumier chaud, 
doivent être également empotés une année d'avance. On se sert ordi- 
nairement de rosiers franc de pied, et de basses tiges. Après leur avoir 
fait subir la taille, on enfonce les pots sur couche tiède, et on entoure 
les coffres de réchauds; on les couvre ensuite de châssis vitrés, sur 
lesquels on met des paillassons pendant la nuit lorsque le temps devient 
plus intense. Les réchauds doivent être renouvelés toutes les fois 
que la chaleur tend à diminuer. On donne un peu d’air lorsque la 
température le permet, surtout, lorsqu'on approche de l’époque de la 
floraison. 

Après le Bengale cramoisi supérieur et la rose du Roi, viennent la 
reine, la gloire de Dijon, la reine d’Angleterre, Jules Margottin, baronne 
Prevost, général Jacqueminot, triomphe de l'exposition, ete. 

De tous les temps, la rose fut un objet d’admiration; elle a obtenu 
le titre de reine des fleurs, et aucune autre jusqu'à ce jour, n’a réuni 
toutes les perfections que l’on rencontre chez elle; en effet, il n’est 
pas de fleurs réunissant à la fois les nuances les plus vives et le parfum 
le plus suave que la rose: emblème de la vertu, de la grâce et de la 
beauté, elle fut célébrée par tous les poètes; elle servit à couronner 
Horace dans ses jours de festin ; et enfin, on rapporte que « dans un 
banquet de l’Olympe l’amour voltigeant au milieu des déesses, renverse 
une coupe avec son aile, et le nectar répandu sur les roses blanches, les 
colora en rose, » etc. 

En ce moment, on admire en fleurs de nombreuses variétés hybrides 
des Rhododendrons arborés, R. arboreum Suit. ; Rhododendron campa- 


ét 


nulé, R. campanulatum G. Dox.; Rhododendron pontique, R ponticum 
Lix., ete., dont les magnifiques et volumineux corymbes de fleurs 
rouges, écarlate, roses, cramoisi, lilas, blanches, etc., ordinairement 
ponctuées et maculées sur les lobes de la corolle, contribuent pour une 
large part à l’'ornementation des serres et des appartements à cette épo- 
que de l’année. On les force à peu près de la même facon et à la même 
époque que les rosiers. 

Le Kalmia à larges feuilles, Æ. latifolia Lix., et la variété à fleurs 
blanches étant empotés à l’automne et chauffés en serre ou sous châssis 
pendant l’hiver, se couvrent de belles fleurs blanches lavées de roses, 
disposées en jolis corymbes, qui sont d’une grande ressource pour la 
confection des bouquets. 

Enfin, les arbustes de pleine terre que l’on soumet le plus à la culture 
forcée pour les garnitures d’appartements ou la confection des bouquets 
pendant l'hiver sont : la spirée à feuilles de prunier, Spiræa prunifolia 
var. flore pleno, Sies., le prunier de la Chine à fleurs blanches doubles, 
Primula sinensis, Pers., var. alba plena, le Weiïgelia à fleurs roses W. 
rosea Linpc., le Deutzie à rameaux grêles, Deutzia gracilis, Zucc., le 
Deutzie à feuilles rudes, Deutzia scabra, Horr., le Spirée calleux, variété 
à fleurs blanches, Spiræa callosa Tauxs., var. alba, l’Azalée gracieuse, 
Azalea amæna, Horr., etc. 

Parmi les plantes de serre, on remarque de nombreuses variétés -du 
Camellia du Japon, C. Japonica, L., qui sont en pleine floraison à cette 
époque de l’année. 

Les espèces destinées à produire les fleurs pour les bouquets, sont 
cultivées en pleine terre dans de grandes serres froides ou jardins d’hi- 
ver, et plantées sur des plates bandes de terre de bruyère siliceuse, dont 
le fond doit être convenablement drainé; on y entretient pendant l'hiver, 
une température de 6 à 10 degrés centigrades, ce qui suffit pour en 
déterminer la floraison qui commence ordinairement vers le mois de 
décembre et qui se prolonge jusqu’en avril. 

Ceux que l’on cultive pour vendre en pots sur les marchés, sont eulti- 
vés dans des petites serres sur les tablettes ou gradins les plus rappro- 
chés de la lumière ; au fur et à mesure que les fleurs sont suffisamment 
épanouies, ou les transporte chez les fleuristes et sur les marchés. 

Les fleurs de Camellia sont également très-recherchées pour les garni- 
tures d'appartements l'hiver. On en compose des bouquets, en montant 
les fleurs sur des tiges de jonc dont on entoure le pétiole de quelques 
feuilles de petite pervenche. 

On en fait aussi des corbeilles de table, et on en garnit les cheminées, 
les vases, les jardinières, etc., dans les appartements. 

Les Azalées de l’Inde, Azalea Indica, Lix., de même que les Rhodo- 
dendrons s’accommodent parfaitement de la culture forcée, et se conser- 
vent en fleur pendant très-longtemps dans les appartements. Aussi, les 


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horticulteurs qui en font leurs spécialités, en multiplient-ils des quan- 
tités considérables qu'ils eultivent à cet effet dans des petits pots; ils 
commencent à chauffer les variétés les plus précoces au commencement 
de l'hiver et continuent ensuite avec toutes les meilleures variétés 
jusqu'au moment où elles fleurissent naturellement dans les serres. 

Ces plantes se couvrent d’une profusion de fleurs remarquables par la 
fraicheur et l'éclat de leurs corolles brillant des plus vives couleurs, et 
constituent l’une des branches les plus importantes du commerce horti- 
cole actuel. On les vend en pots, ou on en coupe les fleurs, qui étant 
montées sur des petites tiges de jonc sont très-employées pour confec- 
tionner les bouquets, etc, 

Les Cinéraires hybrides naines, Cineraria hibrida nana, Hook., sont 
aussi en pleine floraison à cette époque de l’année. Au moyen de semis 
précoces et d’une culture convenablement dirigée, on en obtient des 
fleurs pendant toute là mauvaise saison. Pendant l'hiver surtout, elles 
sont favorablement accueillies des bouquetières qui en montent les fleurs 
et les disposent dans les bouquets; on en garnit aussi avantageusement 
les serres tempérées, jardins d'hiver, orangeries, appartements, etc. 

Les Epiphyllum Ruckerianum, Horruz., var. rubrum et superbum ; 
Ep. truncatum, Haw. var. speclabilis, CELs.; et var. aurantiacum, 
Horr., etc,, abondent encore en ce moment sur les marchés et chez les 
fleuristes de Paris. La vente de ces plantes, se fait ordinairement en 
pots. On en coupe aussi les fleurs, que l’on monte sur des tiges de jonc 
pour en confectionner des bouquets charmants. M Luddmann, horti- 
culteur distingué boulevard d'Italie, et Chevet fils à Paris-St. Mandé, en 
préparent chaque année des quantités considérables ; ils les cultivent en 
serre tempérée sur les tablettes rapprochées de la lumière, ou leurs jolies 
fleurs rouges, orange, rose cocciné, blanc marginé de rose violacé, etc., 
se succèdent une grande partie de l’hiver. Les sujets sur lesquels ils les 
greffent sont le Peireskia aculeata, PLum. et le Cereus rostratus, Lin. 
Ce dernier périt quelquefois par le pied, mais aussi, sur celui-ci, les 
greffes reprennent bien mieux que sur le Peireskia, et on n’en manque 
presque pas. | 

Le Libonia floribond, Libomia floribunda, C. Kocu., jolie Acanthacée 
récemment introduite en Europe par M° Linden, est actuellement l’une 
des plantes les plus à la mode pour les garnitures d’appartements. 
Mr Châté, horticulteur à Paris-St. Mandé le cultive en très-grand nombre 
pour les marchés ; il en forme de jolies petites pyramides se couvrant 
de fleurs tubuleuses d'un rouge cinnabre à la base, et orange à l’extré- 
mité, dont l’ensemble forme une des plus gracieuses petites plantes pour 
les marchés à cette époque de l’année. 

On voit aussi en fleur en ce moment sur les marchés, le genêt des 
canaries, Genista canariense, Lix., l’Arum d’Ethiopie, Richardia Æthio- 
pica, Scnorr., le Pittospore ondulé, Pitiosporum undulatum, Ann., 


— 65 — 


l’'Oranger, Citrus aurantium, Lin., le Viorne Laurier tin, Viburnum 
tinus, Lin, l’Anthémis frutescente, Chrysanthemum frutescens, L., la 
Célestine à fleurs bleues, Ageratum cœlestinum, Lix., Cuphéa à fleurs 
couleur de feu, C. ignea, Aupu. DC., l'Eupatoire à feuilles molles, £upa- 
torium gleconophyllum, Less., le Stevia de Lindley, Stevia Lindleyana, 
la Lopézie à fleurs rouges, Lopezia miniata, DC., le Bilbergia pyramida- 
lis, Tauxs., l'Amaryllis à bandes, À. vittata, L'Hénir., var. rubra, les 
Erica campanulata, Monr., E. gracilis, Horr., Æ. hyemalis, Honr., 
E. Linneoides, Honr., £. persoluta alba, Hort., E. rubra superba, Horr. 
E. regerminans, Hont., £. transluscens rosea, Honr., £. vilmoreana, 
Horr., Phylica ericoïdes, Lix., Primevères de la Chine, Primula sinen- 
sis, LinpL., etc. 

En fait de plantes à feuillage ornemental, ce sont les Begonias Rex 
Prz., les B. Leopardina, B. grandis, B. secrétaire Morren, B. van den 
Heckii, B. Princesse Charlotte, B. Duchesse de Brabant, B. secrétaire 
Kegeljan, etc., les Ficus, Tour., Dracæna, Vauv., Curculigo, GæÆrrx., 
Latania, Corux., Aspidistra, Ker., Acanthus, Tourner., Yucca, Lin., 
Chamærops, Lix., Pandanus, Lin, Adianthum, Saxifraga, Lix., Agave, 
Lin., etc., etc. 


(À continuer.) 


ÉCOLE DU FLEURISTE DE LA VILLE DE PARIS. 


Paris, le 12 février 1868. 


MONSIEUR, 


Comme il me paraît supposable que les fréquents rapports que vous 
avez avec les personnes qui s'occupent d’horticulture, peuvent vous 
attirer parfois des demandes de renseignements sur l’emploi d'élève 
jardinier au fleuriste de la ville de Paris, je m'empresse de vous infor- 
mer que nous avons en ce moment plusieurs vacances de ce genre. 

Désirant vous procurer toute facilité pour l’exactitude des indications 
que vous jugeriez devoir donner à ce sujet, j'ai l'honneur de vous adresser 
ci-joint les conditions d'admission pour 1868 en vous priant de vouloir 
bien les porter à la connaissance de tous ceux qu’elles vous paraîtraient 
capables d’intéresser. 


Je saisis cette occasion pour vous renouveler, Monsieur, l'assurance de 
mes sentiments les plus distingués. 


Le Jardinier en Chef, 
BARILLET. 


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MONSIEUR, 


J'ai l'honneur de vous informer que par décision de Monsieur le 
Directeur de la Voie publique et des Promenades, les conditions d’admis- 
sion des Élèves au Fleuriste de la Ville de Paris, sont ainsi fixées pour 
l’année 1868 : 


1° Etre âgé de 18 ans révolus ; présenter une pièce pouvant servir à 
constater l’identité; posséder les premières notions de l’art horticole et 
avoir fait pendant un an au moins de la culture pratique ; 


2 L’Administration alloue mensuellement aux Élèves, à titre de rému- 
nération de leur travail : 
Pendant les 5 premiers mois, 60 fr.; 
» les 5 mois suivants, 70 fr. ; 
Cette période écoulée, l’allocation mensuelle peut être portée, suivant 
les aptitudes et les capacités de l’Élève à 80 ou 85 fr. et au-dessus ; 


5° Les Élèves sont assujettis aux règlements concernant les ouvriers et 
Chefs de section des Etablissements horticoles de la ville de Paris; 


4° Chaque mois, ils sont changés de section, afin d'étudier avec fruit 
tous les genres de culture; 


5e Les Élèves qui désirent quitter l’Établissement en préviennent le 
Chef de culture quinze jours à l’avance et ne peuvent réclamer le paie- 
ment de ce qui leur est dû avant le jour de la paie, qui a lieu du 8 au 10 
de chaque mois. 

Une place d'élève se trouvant vacante, en ce moment, veuillez, si vous 
remplissez les conditions relatées au $ 1°", et si les dispositions ci-dessus 
indiquées sont à votre convenance, vous présenter à mon bureau d'ici 

jours. | 

Passé ce délai, je disposerai de cette place en faveur d’un autre postu- 
lant. 


Recevez, Monsieur, mes salutations, 


Le Jardinier en Chef, 
BARILLET. 


B eSonia boliviensis 


— 65 — 


HORTICULTURE. 


LES NOUVEAUX BEGONIA, 


Begonia Boliviensis DC. figuré Planche V. 
— Veitchi Hook. r. figuré Planche VI. 
— rosacflora Ilook. r. figuré Planche VIT. 
— Clarkei Hook. r. figuré Planche VIIT. 


Gp > es Bégonias fournissent à nos cultures un fond 
C SANT 2s inépuisable et d’une variété infinie. Jadis de 
belles espèces frutescentes ornaient les serres 
et les expositions; Anvers et Malines en mon- 
traient notamment des collections remarquables. Ces 
plantes, cultivées en buissons élevés, ruisselaient de 
fleurs. Elles ont été délaissées. Puis sont venus les 
Bégonias à feuillage coloré : Le Begonia rex en tête. 
Ils ont fait fureur et déjà la mode en est passée; on les 
trouve communs. Mais ce dédain même est éphémère : 
les Bégonias, anciens et nouveaux, resteront toujours les 
_ hôtes de nos serres. 

Il vient d’en arriver toute une nouvelle fournée. On a déjà remarqué, 

f avec un légitime étonnement, que les nouveautés d’un même genre 
apparaissent, en général, par troupes, comme les années d’abondance 
et de disette, les heurs et les malheurs. IT fut un temps où l’on ne voyait 
venir que des Caladium, puis des Maranta et ainsi de suite. L'année 1867 
s’est signalée notamment par ses nouveaux Bégonias dignes d’un véritable 
intérêt. 

Plusieurs se ressemblent un peu. Nous avons cru pouvoir, sans craindre 
une certaine monotonie, réunir les portraits des plus intéressants. 
L’amateur aura ainsi, en même temps, sous les yeux la figure exacte des 
espèces nouvelles signalées dans les catalogues. Toutes ont été décrites 
dans le Botanical Magazine par le D" J. Hooker, l’éminent directeur des 
jardins de Kew. 


Begonia Boliviensis DC. ou Begonia de la Bolivie (Prodr. vol. 
XV,1re partie, p. 287. — Bot. Mag. 1867, pl. 5657). Voyez planche V. 
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Ce Bégonia s’est trouvé à l'exposition universelle de Paris, dans le lot 
de plantes nouvelles exposé par MM. Veitch. Il y a été fort remarqué 
par la conformation de ses fleurs aussi singulières qu'élégantes. Ces 
fleurs, au périanthe fort allongé et d’un rouge vermillon, pendent avec 
grâce à la manière des fleurs de Fuchsia. Il avait été découvert par 
M. Weddell dans les Cordilières de la Bolivie, mais on doit son intro- 
duction dans les cultures à l’infatigable M. Pearce, le voyageur de 
MM. Veitch, qui a retrouvé la plante dans les mêmes contrées. 

C’est une belle plante de serre tempérée. Sa tige est herbacée et glabre ; 
elle s'élève à 2-5 pieds en se ramifiant : les feuilles ont un pétiole court. 
Les fleurs sont nombreuses. Elle sera fort estimée. 


Begonia Veitchi Hook. riz. ou Bégonia de Veitch (Gard. Chron., 
1867, p. 754. — Bot. Mag., 1867, t. 5663). Voyez planche VI. 

« De tous les Bégonias connus, dit le D' Hooker, celui-ci est, je crois, 
le plus beau. » Or, on en connait bien près de mille. Il a le port trapu, 
la tige fort courte, les feuilles rondes d’un vert foncé, crénelées, ciliées 
sur les bords. Tout cela rappelle, presque à s’y méprendre, le Saxifraga 
ciliata. Ses fleurs sont énormes, rondes, régulières, d'un rouge vermil- 
lon tellement vif que le pinceau ne saurait le reproduire. 

Cette belle plante est de pleine terre. C’est pour nos jardins une 
acquisition telle qu’ils n’en ont pas faites depuis fort longtemps. Il pas- 
sera en plein air, sinon partout, au moins dans les jardins un peu favori- 
sés, dans un sol bien drainé et peut-être sous une légère couverture. 

Il a été découvert près de Cuzco, au Pérou, à une élévation au-dessus du 
niveau de la mer de 12,000 à 12,500 pieds près des neiges. C’est encore 
M. Pearce qui a fait cette belle découverte et c’est à MM. Veitch que nous 
devons son introduction dans les jardins. 

Cette plante se propagera bien vite ct sans doute on en tirera grand 
parti. 


Begonia rosaeflora Hook. riz. ou Bégonia à fleurs de rose (Bot. 
Mag. 1867, pl. 5680). Voyez planche VII. 

Même patrie et même origine que le précédent auquel il ressemble 
d’ailleurs beaucoup. On ne saurait dire s’il est de la même espèce. 
Quoi qu’il en soit, il diffère du B. Veitchi par ses pétioles et ses pédoncules 
plus forts et rouges, par ses feuilles plus arrondies, par sa hampe velue 
et par ses fleurs d’un coloris manifestement rose. Il est acaule, comme 
le Vertchi et pourra, sans doute, se cultiver comme lui en pleine terre. 


Begonia Clarkei Hookx. FIL. ou Bégonia du major Clarke (Bot. 
Mag., 1867, t. 5675). Voyez planche VIII. | 

Celui-ci est de serre tempérée : il a une tige qui se ramifie, un feuil- 
lage ample et opaque; les fleurs sont grandes et.d’un rose foncé. Il est 


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probablement originaire de contrées plus chaudes que le Bégonia de 
Veitch, auquel il ressemble par les fleurs. Le D' Hooker l’a dédié au 
major Clarke qui l'avait recu il y a quelques années de M. Henderson, 
comme venant du Pérou. 


. 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS, 


PAR M. DELCHEVALERIE. 


Chef de culture au fleuriste de la ville de Paris. 
(Suite, voir page 51.) 
VI. 


Parmi les arbres, arbrisseaux et arbustes que l’on voit en fleurs en 
ce moment dans les jardins, on remarque quelques espèces d’Erables, 
d’Alisiers, de Spirées, de Pruniers, Groseilliers, ete. L’Amandier satiné, 
Amygdalus argentea Laux.; le Viorne laurier tin, Viburnum tinus Lin. ; 
le Mahonia à feuilles de Houx, Hahonia aquifolium Hurr.; le Forsythie à 
fruit doux, Forsythia suspensa Sies. ; le Skimmia du Japon, Skimmia 
Japonica Turc.; l’Akebie à cinq feuilles, Akebia quinata Dxe, ete., y 
sont en pleine floraison en ce moment. 

Les plantes annuelles à floraison printanière, couvrent déjà de leurs 
jolies fleurs les massifs, plates bandes, corbeilles ou les bordures à cette 
époque de l’année. 

Les Pensées à grande fleur surtout, Viola tricolor Lix. var. hortensis 
Hort., sont en pleine floraison. On en voit des massifs fleuris dans presque 
tous les jardins publics; les nuances qu’on y rencontre le plus sont celles 
à fond blanc ou jaune, cuivrées, mordorées, rougeàtres, etc. Cette plante 
est sans contredit l’une de celles qui constitue le plus bel ornement des 
parterres à la sortie de l'hiver. 

La Giroflée jaune simple, Cheiranthus Cheiri Lin, est également très- 
recherchée pour garnir les jardins au premier printemps; on en voit ence 
moment de très-beaux massifs recouverts d’une abondance prodigieuse de 
fleurs ressemblant à de jolis rameaux d’or. 

Les Cinéraires hybrides naines, Cineraria hybrida nana Honr., dont la 
floraison s’est effectuée en serre, peuvent étant enfoncées sur plates 
bandes avec leurs pots, à l'air libre à une exposition bien abritée, pro- 
duire leurs jolies fleurs jusqu’à la fin de mai. 


— 638 — 


Les Narcisses à bouquets, Varcissus Tazella Lix., variété jaune, double, 
orange Phænix, grand double, naine, etc. ; les Jacinthes hâtives à fleurs 
simples, Æyancinthus orientalis Lan. ; les variétés nombreuses du Safran 
printanier, Crocus vernus ALc.; le Bulbocode printanicr, Bulbocodium 
vernum Lix.; la Nivéole du printemps, Leucoïum vernum Lin.; la Scille 
de Sibérie, Scilla siberica Axv.; le Triteleia uniflore, 7. uniflora Linos. ; 
ele., qui, étant plantés autour des massifs d’arbustes à feuilles persistan- 
tes, en groupes, en corbeilles, ete., en séparant les couleurs pour en faire 
des dessins de toute sorte, nous procurent de très-gracieux effets au 
moment de la floraison. 

Les plantes vivaces dont on voit les fleurs en ce moment sont la Pulmo- 
naire de Virginie, Pulmonaria Virginica Lin. ; la Saxifrage de Sibérie, 
Saxifraga crassifolia Lin.; le Tussilage blanc de Neige, Tussilago nivea 
Viz.; la Violette odorante des quatre saisons, Viola odorata Lix.; la 
Violette de Parme, Viola Parmensis Horr.; l’Anémone Hépatique À. Hepa- 
tica Lix. ; l’'Anémone à fleurs bleues doubles, À. Æepatica triloba var. flor. 
ros. pl.; la Corbeille d'argent, Arabis alpina Lin. ; la Corbeille d'argent 
à feuilles panachées, Arabis alpina foliis variegatis ; le Dielytra remar- 
quable, Dielytra spectabilis DC.;le Doronic du Caucase, Doronicum cauca- 
sicum Biss.; l'Eranthe d'hiver, Eranthis hiemalis Sauss. ; l’Hellébore 
d’Abasie, Helleborus abschaticus ALL. Bram.; le Muscari à grappes, M. race- 
mosum Lix.; la pervenche grande, Vincu major Li. ; la Primevère oreille 
d'ours, Primula auricula Lix. ; l’'Héliotrope d'hiver, Tussilago suaveolens 
Desr.; la Primevère des jardins, Primula elatior Horr., etc.; toutes ces 
plantes sont propres à fleurir dans les parterres au premier printemps. 

Parmi les plantes qui garnissent les rochers et les rocailles, on voit en 
ce moment les fleurs de l’Ionopsidium acaule, I. acaule Recs. ; l'Anémone 
sylvie, À. nemorosa Lin., var. flore pleno ; l’'Adonide du printemps, À donis 
vernalis Lix.; la Corydale bulibeuse, Corydalis bulbosa DC. ; le Cynoglosse 
printanier, Cynoglossum omphaloides Lin. ; la petite pervenche, Vinca 
minor Lix.; etc. Cette dernière est propre à orner les talus des bords 
ombragés des rivières et des pièces d’eau; étant plantée ou mélangée 
dans les bordures de Lierres, avec lequel son feuillage s’accorde parfaite- 
ment, elle forme de trés-jolis effets surtout au printemps au moment de 
la floraison. 

Pour avoir de belles bordures à feuillage blanchâtre, nous recomman- 
dons tout particulièrement la Cinéraire maritime, Cineraria maritima 
Lix. Elle imite en quelque sorte la Centaurée candide si recherchée dans 
les jardins; étant plantée en bordures autour des massifs d’arbustes à 
feuillage persistant, tels que Lauriers tins, Troënes, Fusains, ete., elle 
forme de très-beaux contrastes pendant toute la belle saison et même 
pendant l'hiver. Nous en avons remarqué cette année dans plusieurs 
jardins de Paris, et notamment aux champs Elysées, qui ont parfaitement 
résisté sans aucun abri aux grands froids de cet hiver, et qui sont aussi 
fraiches et aussi vigoureuses qu’elles l’étaient à l’automne dernier. 


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— 69 — 


Une autre plante récemment introduite dans les cultures par M. Lin- 
den, vient également de passer l'hiver en pleine terre sous le climat de 
Paris; c’est le Gunnera manicata Lixn.; pendant tout le temps que-cette 
belle plante fut cultivée en serre, on n'a pu en obtenir que des sujets 
faibles et d’une mauvaise venue. L'année dernière M. Barillet Deschamps, 
en fit essayer un pied à la pleine terre dans le jardin d'expérience de la 
Muette ; il y passa l'hiver qui fut cependant assez rude, aux mêmes con- 
ditions que le Gunnera scabra R. et P., c’est-à-dire qu'il fut couvert d'un 
bon capuchon en paille pendant les fortes gelées. 

Pendant le courant de ce mois on dédouble les plantes vivaces qui 
auraient pris trop de développement, telles que Phlox, Aster, Aconit, 
Campanules, Chrysanthèmes, Ancolie, Pyrêthre, Lobelia, Pivoines. ete. 
De même on peut mettre en végétation en ce moment, les plantes exoli- 
ques bulbeuses qui ont passé l'hiver dans les caves ou selliers à l'abri 
de la geléc, tels que Canna, Dabhlia, Erythrina, Mirabilis, Begonia, ete. 
On les empote ou on les plante en pleine terre sur couche et sous 
châssis, en les recouvrant d’une légère couche de terre ou de terreau. 
Dès qu’ils commencent à pousser, on leur donne de l'air, ct on l'augmente 
au fur et à mesure que l’on approche de l’époque de les planter en 
pleine terre. 

En ce moment, on sème les plantes annuelles de pleine terre qui 
doivent fleurir de bonne heure et succèder aux semis d’automne. A 
cet effet, on élève vers les premiers jours du mois, une couche que l’on 
entoure de réchauds et que l’on recouvre de châssis; elle doit être 
exposée au pied d’un mur au midi si c’est possible. Dès que le fumier 
a jeté son feu, et que la couche de terreau étalée à la surface ne ren- 
ferme plus que 20 ou 25 degrès de centigrades, on y sème les graines 
des plantes telles que Rhodante de Mangles, Rhodante Manglesii Lixve. ; 
Perilla de Nankin, Perilla Nankinensis Dxe.; Perilla à feuilles crispées, 
P. arguta crispa ; Celosie à épi rose, Celosia margaritacea Lix. ; Lobelie 
erine grêle, Lobelia erinus gracilis Horr.; Lobelie erine de Paxton, 
Lobelia erinus Paxtonii; le Maurandia de Barcley, M. Barcleyana, Bot. 
Mag. et ses variétés; le Brachycome à feuilles d’ibéride, Brachycome 
iberidifolia Bexru.; les Giroflécs quarantaines, Mathiola annua DC. 
variétés liliputiennes, cocardeau, anglaise, demi anglaise, anglaise à 
grande fleur, ete. Pour avoir de bonne heure les fleurs de la Giroflée 
quarantaine, on la sème vers la fin de l'été, et on la repique sous 
châssis en octobre où elle passe l'hiver; au printemps, on la met en 
pots ou en pleine terre, et les premières fleurs apparaissent en mai; 
en faisant ensuite des semis successifs depuis le mois de février jusqu’à 
la fin de juin, on peut en avoir en fleurs jusqu'aux gelées. Les semis 
de février et mars doivent être faits et repiqués sur couche et sous 
châssis; mais à partir du mois d'avril on peut déjà les faire en pleine 
terre à bonne exposition. 


— 70 — 


Pendant le mois de mars, on peut encore semer sur couche et sous 
châssis, les plantes dont la floraison se fait longtemps attendre telles 
que la Pervenche de Madagascar, Vinca rosea Lin. et la variété à fleur 
blanche; le Baguenaudier d’Æthiopie, Sutherlandia frutescens R. Bn.; 
la Centaurée gymnocarpe, Centaurea gymnocarpa ; le Cobée grimpant, 
Cobæa scandens Don. ; l’Alonzoa de Warcewiez, A. Warcewiczit REG. ; 
le Lophosperme grimpant, Lophospermum scandens Dox.; l’Argemone 
à grande fleur, À. grandiflora, Bot. Reg.; les Roses Tremières de la 
Chine, Althœæa sinensis Cav.; le Chocnostome fastigié, Chœnostoma 
fastigiata Honr.; la Nycterinée à feuilles de Selagine, Nycterinia selage- 
noides BExTu.; la Cinéraire maritime Cineraria maritima Lin.; le 
Daubentonia magnifique, D. magnifica; le Liseron d’Algérie, Convolvulus 
Mauritanicus Bois. ; l’Erythrine crète de Coq, £rythrina crista galli Lin; 
la Belle de nuit, Mirabilis Jalappa Lix. ; le Tabac à grandes fleurs pour- 
pres, Vicotiana grandiflora purpurea; le Phytolacca pourpré, Phytolacca 
purpurascens ; le Tournefortia faux héliotrope, Tournefortia heliotro- 
pioides Hook.; le Wigandia de Vigier, W. Vigierii Bar. ete. Toutes ces 
plantes doivent être semées sur couche et sous châssis, el repiquées 
séparément dans des godets proportionnés à leur développement; on 
continue ensuite de les élever sur couche et sous châssis en leur donnant 
d’abord un peu d’air, puis en l’augmentant au fur et à mesure que l’on 
approche du moment où on peut les livrer à la pleine terre. 

En ce moment, on sème aussi en pépinière à l’air libre et à bonne 
exposition, les plantes telles que Collinsia bicolore, C. bicolor BENTu.; 
Cynoglosse à feuille de lin, Cynoglossum linifolium Lin. ; l’Eschsholtzie 
à feuille menue, Eschsholtzia tenuifolia Benxtu.; l’Adonide d’été, Adonis 
æstivalis Lix.; le Pois de Senteur varié, Lathyrus odoratus Lin., variétés 
à fleurs blanche, rouge, violet, brun, panaché rose, panaché violet, etc.; 
les pieds d’Alouette des blés à fleurs doubles, Delphininm consolida Lax., 
variété blanche, couleur chair, lilas, gris de Lin, violette, rouge, pana- 
chée, etc. On leur prépare une planche de terre à bonne exposition, à 
laquelle il est bon d’ajouter une certaine quantité de terreau. On y sème 
ensuite les graines à la volée, en rayons ou en fosses, et on les recouvre 
d’une couche de terreau égale à leur épaisseur. Lorsqu’elles sont très- 
fines ou qu’elles sont aigrettées, on les mélange avec de Ja terre ou du 
sable, afin de pouvoir les disséminer régulièrement sur le sol. 

Lorsque le plant est suffisamment développé, on le repique sur une 
plate-bande bien préparée ou on l’éclaircit sur place en attendant delle 
planter à demeure. 

À cette époque on peut semer en place en plein air les plantes telles 
que Réséda odorant, Reseda odorata Lin. Pavot des jardins, Paparer 
Rhœas Lix.; Lupins annuels, Lupinus Guatemalensis Horr., L. hirsutus 
Lix., L. luteus Lix., L. mutabilis Swr., L. nanus Doucr., L. pubescens 
Horr., L. speciosus, L. sulphureus Hort., L. varius Lin. cte. La terre 


CN Sn 


BEGONIA ROSAEFLORA 


EL à Ve 


destinée à les recevoir étant bien préparée, on y sème les graines; 
lorsque le plant est suffisamment développé, on l’éclaireit de manière 
à laisser entre chaque plante une distance convenable qui lui permette 
de bien se développer. On donne de temps en temps un léger binage 
afin de faire disparaitre les mauvaises herbes et d'assurer au jeune 
plant une belle végétation et une floraison abondante. 

Vers la fin du mois, on commence aussi à semer les gazons; lorsqu'on 
veut former de jolies pelouses dans les jardins d'agrément telles qu'on 
en voit chaque année dans les jardins des palais du Luxembourg, des 
Tuileries, ete. On emploie le Ray-grass ou gazon anglais dans la propor- 
tion de un à deux kilogrammes par are, selon que l’on voudra obtenir 
une herbe plus ou moins fine. 

Le Ray-grass anglais Lolium perenne Wiio. forme des pelouses ravis- 
santes lorsqu'on le sème dans un sol riche et profond, convenablement 
arrosé dans les moments de sécheresse ; mais dans les terrains secs de 
peu de profondeur, il se dessèche ordinairement pendant les chaleurs 
de l'été. 

Le terrain étant labouré et la surface convenablement régularisée par 
la herse ou le rateau selon la grandeur des pièces, on sème les graines 
à la volée le plus également possible, et on les recouvre légèrement en 
y passant la herse et le rouleau, ou ce qui vaut mieux encore, en semant 
sur la surface une légère couche de terreau. Vers la fin du printemps on 
donne un bon sarclage afin d'enlever les mauvaises herbes et surtout 
celles à racines pivotantes ; on fauche très-souvent, tous les quinze jours 
au moins, afin d'avoir des pelouses constamment vertes et un gazon bien 
régulier. On donne après chaque coupe un coup de roulcau, pour raffer- 
mir les plantes qui auraient pu être soulevées par les vers. On arrose 
le soir ou le matin pendant le moment des fortes chaleurs, et vers la 
fin de l'été on donne un second sarclage pour finir d'enlever les mauvaises 
herbes qui y seraient restées. A l'automne, on étend sur la surface une 
légère couche de fumier ou de terreau, et an commencement du prin- 
temps, avant que l'herbe ne commence à pousser, on enlève la paille 
qui ne serait pas consommée avec la herse ou le rateau. Lorsqu'il se 
trouve des places ou l'herbe a dépéri, on y répand des graines à la volée 
et on les recouvre d’une légère couche de terreau; on passe ensuite 
un tour de rouleau, ct cela suflit pour rétablir l'équilibre dans une 
grande pièce de gazon qu'il est toujours coûteux de retourner et de 
refaire à neuf. Mais s'il ne s'agissait que d’une petite pelouse, siluée 
près d’une habitation dans un jardin d'agrément, le meilleur moyen 
de lavoir toujours parfaitement fraiche est de la retourner et de la 
ressemer chaque année. 

Pour les grandes pelouses à établir dans les terrains secs et peu pro- 
fonds, la maison Vilmorin Andrieux et Ci° recommande un mélange de 
graines composé de Brome des prés, Bromus pralensis Linx.; Fetuque 


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durette, Festuca duriuscula Wirup.; Fetuque ovine, Festuca ovina L.; 
Paturin des prés Poa pratensis, L.; Flouve odorante, Anthoxantum 
odoratum L.; Crételle des prés, Cynosurus cristatus L.; Trèfle blanc, 
Trifolium repens L.; comme résistant mieux à l’action dévorante de la 
sécheresse. 

Pour former les gazons sous bois, c’est-à-dire sous des arbres élevés 
où l'air circule encore assez librement, la même maison recommande 
un mélange composé de Paturin des bois Poa nemoralis L. vel. angus- 
tifolia L.; Flouve odorante Anthoxanthum odoratum L.; Fetuque à 
feuille menue, Festuca tenuifolia Sisru. ; Fetuqueheterophylle, Festuca 
heterophylla Per. ; ordinairement, dans des mélanges de graines de 
ce genre, on ajoute une certaine quantité de Ray-grass, qui garnit 
bientôt le terrain, et qui cède ensuite la place aux autres au fur et à 
mesure qu’elles se développent. 

Les grandes pelouses de ce genre se sèment ordinairement de bonne 
heure à l'automne, en ayant soin de ne pas laisser séjourner dessus 
pendant l’hiver, les feuilles qui y seraient tombées à la fin de l’automne. 
Ces sortes de gazons ne demandent pas à être fauchés aussi fréquemment 
que le Ray-grass, cependant, on doit leur donner au moins deux ou trois 
coupes par an, les engraisser et les rouler selon le besoin. Au bout de 
deux ou trois ans, si la mousse voulait les envahir, il faudrait les ratisser 
fortement avec des rateaux en fer, afin de l'enlever complètement ; 
à la suite de cette opération, le gazon qui se trouve à moitié déraciné 
se rétablira parfaitement, si on a soin de semer des graines dans les 
parties qui seraient trop dégarnies, et de répandre ensuite à la surface 
une légère couche de bonne terre ou de terreau et d’y passer ensuite 
le rouleau pour raffermir les plantes. 

Les marchés et les fleuristes de Paris sont abondamment pourvus 
de plantes de terre de bruyère de toute sorte en ce moment. 

Le Camellia du Japon Camellia Japonica Lin. (dédié par Linné au 
révérend père Camelli, son importateur en Europe) est encore en pleine 
floraison en ce moment; les fleurs étant coupées et montées sur des tiges 
de jonc sont toujours employées pour la formation des bouquets, pour 
garnir les corbeilles, jardinières, etc. On en cultive aussi des quantités 
considérables en pots pour vendre sur les marchés ou chez les fleuristes 
en boutiques dès qu’ils sont en fleurs. 

Le Camellia est sans contredit la plus riche conquête que l’horticul- 
ture ait faite dans le courant du siècle dernier. Le port élégant de cet 
arbrisseau, le vert brillant de ses feuilles et ses jolies fleurs axillaires Qui 
varient autant par la grandeur et la perfection des formes, que par la 
fraicheur et la beauté du coloris, apparaissent dans la saison la plus 
critique de l’année au moment où les fleurs de toute sorte font générale- 
ment défaut. ; 

Les premières variétés à fleurs doubles, le blanc, le panaché, ct le 


+ 


rouge furent introduites du Japon en Europe vers la fin du siècle dernier 
seulement. Au commencement de ce siècle apparurent ensuite les variétés 
à fleurs carnées, rouge foncé, rouge pourpre, rose carminé, ete. Entre 
ces dernières et le Camellia du Japon type, les horticulteurs obtinrent des 
hybrides charmants qui furent multipliés et accueillis par tous les 
amateurs. À partir de cette époque, le Camellia se répandit de par le 
monde entier, et on en obtint successivement de nouvelles variétés per- 
fectionnées qui vinrent détrôner les anciennes. 

L'abbé Berlèze, dans la troisième édition de sa monographie du genre 
Camellia, publiée en 1845, en décrit déjà 701 variétés. Aujourd'hui, que 
la science horticole a poussé à un haut degré de perfection les procédés 
de propagation et d’hybridation artificielle, le nombre de variétés de 
Camellia obtenues sur le continent européen a peut-être doublé depuis 
cette époque. 

Le Camellia n’est pas seulement ca faveur dans nos pays, où on lui 
construit des serres spécialement affectées à sa culture. Dans son pays 
natal, où la fleur porte le nom de rose du Japon, il est également très- 
estimé, et fait l’objet d’un commerce considérable pour l'exportation. 

Les Bruyères du Cap, ne sont pas moins en faveur sur les marchés 
de Paris; les horticulteurs qui s'occupent spécialement de la culture 
de ces jolies plantes pour l’approvisionnement des marchés, en ont 
adopté 25 ou 50 seulement, parmi les nombreuses espèces et variétés 
cultivées aujourd’hui dans les collections. Leur but étant d’avoir des 
plantes faciles à multiplier, et qui se prêtent parfaitement à la culture 
ordinaire et à la culture forcée, de facon à les propager rapidement et en 
grand nombre pour l’approvisionnement des marchés aux différentes 
époques de l’annéc. 

Parmi celles-ci, on remarque en ce moment la Bruyère persolute à fleur 
blanche, Erica persoluta ulba Horr.; l’une des plus belles et des plus flo- 
ribondes qui soit conaue. M. Deshayes, l’un des plus habiles cultivateurs 
de Bruyères de Vincennes, a su apprécier toute sa valeur. Dans son 
élablissement, plusieurs grandes serres sont exelusivement consacrées à 
la culture de cette belle Bruyère, et les plantes qu’il livre chaque année 
au commerce n'ont pas moins de 0",45 centimètres de hauteur sur 
autant de cireonférence, recouvertes de myriades de jolies petites fleurs 
blanches ayant la forme de petits grelots réfléchis. Au moment de la flo- 
raison, c’est l’une des plantes les plus gracicuses connues, et dont les 


fleurs sont très-recherchées pour la confection des bouquets, ete. 


_ On en cultive également une charmante variété à fleurs roses vif, 
l’'Erica persoluta rubra superba. 

La Bruyère de Wilmore £rica Wilmoreana Bot. Gard., est également 
l’une de celles qui fait l'admiration des marchés et des fleuristes à cette 
époque de l’année; ses jolies fleurs roses et blanches, disposées en gros 
épis pyramidaux, diffèrent essentiellement de l'espèce précédente. Les 


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fleurs étant coupées servent à faire les bouquets, les corbeilles de able, 
suspensions, etc. En pots, on l'emploie énormément pour garnir les 
jardinières, les vases, les étagères, potiches, ete., ses jolies fleurs se 
conservent fraiches pendant très-longtemps dans les appartements. 

Enfin, la Bruyère du Cap Phylica ericoides Lix., est sans contredit la 
plus rustique du genre, puisqu'elle se conserve en fleurs pendant plus de six 
mois dans les appartements. Aussi, est-elle favorablement accueillie sur 
les marchés. Elle nous offre une Fe buissonneuse s’élèvant à 25 ou 50 
centimètres de hauteur, sur un diamètre presque égal. Les fleurs qui 
apparaissent depuis septembre jusqu’à la fin de mars, sont d’un beau 
blanc cotonneux. Elles sont ordinairement réunies en petites têtes 
formant de gros épis blancs au sommet des rameaux; sa grande rusticité 
lui permet de supporter quelques degrés de froid sur les marchés à l’air 
libre pendant l'hiver; c'est aussi l’une de celles que l’on emploie le plus 
communément dans les garnitures d'appartements. 

Les horticulteurs de Paris qui font spécialement les Bruyères pour les 
marchés, les cultivent dans des serres basses, le plus souvent exposées au 
nord, bien éclairées et bien aérées. Pendant le moment des gelées 
seulement, ils tiennent leurs serres fermées et les chauffent à l’aide du 
thermosiphon, afin que la température n’y descende pas au-dessous de 
zéro. Aussilôl que le dégel arrive ils recommencent l’aération. 

La terre de Bruyère pure est à peu près la seule qu’ils emploient pour 
empoter leurs Bruyères. Cependant, les espèces robustes comme le 
Phylica ericoides par exemple, pourraient à la rigueur être cultivées 
dans un mélange de terre ordinaire. Ils emploient de préférence la terre 
de Bruyère neuve, c’est-à-dire qui arrive directement des pays où on 
la tire; elle doit être sablonneuse et contenir une grande quantité de 
détritus de végétaux. Les pots dans lesquels ils empotent leurs Bruyères 
sont fortement drainés, avec des lessons, plalras ou fragments de bri- 
ques. L'époque du rempotage varie pour chaque plante, puisqu'elles 
fleurissent presque toutes à différentes époques. Toutefois, c’est ordinai- 
rement aprés la floraison qu'on leur fait la taille pour leur donner une 
forme convenable. 

Vers le mois de mai, on les sort des serres; celles dont la floraison 
est terminée doivent, après avoir été taillées et rempotées s’il y a lieu, 
être enfoncées avec leurs pots sur plate bande et à l'air libre. Quand 
à celles qui sont en fleurs ou sur le point de fleurir, on les place à l’abri 
d’une haie de Thuyas, ou tout autre lieu abrité, af de les De 
des rayons solaires, et de prolonger ainsi leur floraison. à: 

A la fin d'octobre on les rentre en serre; les grandes plantes sont 
distribuées sur des gradins, de facon à ce qu’elles se trouvent près de la 
lumière ; tandis que les petites sont placées sur les tablettes de devant la 
serre. Les arrosements bien appliqués, une grande propreté dans les 
plantes et une température régulière, sont les principales choses qui 
dépendent le plus du succès de la culture des Bruyères. 


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A Paris, on les multiplie ordinairement de boutures herbacées au 
printemps, pour la plupart de celles qui sont cultivées en grand pour 
les appartements ; le Phylica cricoides, est à peu près la seule que l’on 
multiplie maintenant par le marcottage. Pour les boutures, on prépare 
des terrines plates, et on les emplit de terre de bruyère très siliceuse, 
au fond desquelles se trouve un bon drainage. Après avoir égalisé la 
surface et l’avoir tassée légèrement, on y étend une légère couche de 
sable blanc qui doit être fortement tassé avec une petite planchette 
ou le fond d'un pot. On prend ensuite les extrémités herbacées des 
plantes que l’on se propose de multiplier, et on les coupe à envi- 
ron 0,02 centimètres de longueur, en ayant soin d'enlever les feuilles 
de la base ou talon. On pique ces petites boutures dans les terrines 
ainsi préparées, en les espaçant de deux ou trois centimètres, puis 
on leur donne un léger bassinage à l’aide d’une seringue percée de 
trous fins. 

On pose alors une cloche sur chaque terrine et les autres soins ne 
consistent plus qu’à préserver les boutures d’un excès d'humidité, à 
enlever la moindre pourriture si elle s’y manifestait, et enfin, à leur 
procurer le degré de chaleur et d'humidité propre à leur nature 
spécifique. 

Quelques horticulteurs emplissent tout simplement leurs terrines de 
terre à deux ou trois centimètres du bord ; ils y piquent ensuite leurs 
boutures, et les recouvrent d’un verre posé à plat suffisamment inclisé pour 
que la buée puisse glisser le long du verre pour venir se perdre sur les 
bords de la terrine, plutôt que de tomber sur les boutures, ce qui pour- 
rait occasionner leur pourriture ; traitées de cette facon, les boutures 
réussissent tout aussi bien que celles qui sont soignées sous cloche. 

L'introduction des Bruyères en Europe est assez récente encore. 
Linné dans son Species plantarum publié en 1755 en déerivit seulement 
quelques espèces tandis que Willdenow en décrit près de cent cinquante 
dans son Species plantarum publié la vers fin du sièele dernier, la 
plupart originaires du Cap. En 1804, l'impératrice Joséphine en réunit 
une collection dans les serres de la Malmaison, qui passe pour l'une 
des plus remarquables et des plus complètes de ectte époque. Enfin, 
Pyr. de Candolle dans son Prodromus, publié en 1859, en décrit environ 
six cents espèces ct variétés originaires pour la plupart, du Cap de Bonne 
Espérance. | 
* Les roses forcées sont très-abondantes en ce moment sur les marchés. 
La. rose du roi y lient toujours le premier rang. Viennent ensuite la 
reine, le souvenir de la Malmaison, Jules Margottin, les Bengales, ete. 
Les roses coupées sont très-recherchées pour faire les bouquets, garnir 
les corbeïlles de table, les vases jardinières, ete. Les rosiers fleuris 
abondent aussi en ce moment; on les emploie en grand nombre pour 
garnir les appartements. 


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Les Lilas blancs et le Lilas saugé provenant des cultures forcées 
abondent toujours sur les marchés et chez les fleuristes. On les emploie 
considérablement pour monter les bouquets et pour les garnitures 
d'appartements. 

Les Oignons à fleurs, tels que les Jacinthes de Paris et de Hollande, 
les Tulipes Due de Thol, les Tulipes Tournesol, les Crocus, les Narcisses, 
les Jonquilles, ete., abondent toujours en ce moment ; les bouquetières 
emploient en grand nombre les fleurs coupées pour monter leurs bou- 
quets. Les Narcisses des poëtes, Varcissus poeticus Lax., et le Narcisse des 
Prés, Varcissus pseudo-Narcissus Lix., sont déjà en pleine floraison 
en ce moment. On emploie les fleurs pour monter les bouquets, garnir 
les jardinières ete. 

Les Rhododendrons, les Azalées de l'Inde, les Kalmia, les Hoteia, les 
Cyclamen, etc., provenant également des cultures foreées, forment de 
véritables tapis de fleurs en ce moment sur les marchés. Les fleuristes 
des boulevards exposent chaque jour des lots d'ensemble de ces belles 
plantes sur leurs vitrines qui font l’admiration du public parisien à cette 
époque de l’année. 

Les Violcttes de Parme et des quatre saisons constituent peut être la 
branche du commerce horticole la plus importante du printemps à Paris. 
En effet, chaque matin aux halles centrales, le carré affecté à la vente des 
Violettes, ne forme qu’un véritable tapis de ces jolies fleurs, répandant 
un parfum extrêmement suave dans tout le voisinage de la halle. C’est 
là, tous les matins, que les fleuristes établies sur tous les points de Paris 
viennent s'approvisionner de Violettes. Pendant le jour, après la levée 
de la halle, les marchands ambulants en vendent des petits bouquets à ia 
main sur tous les boulevards et à tous les coins de rues de Paris. 

Le Viorne boule de neige, Viburnum opulus sterilis, provenant des 
cultures forcées, abonde aussi sur les marchés. Ses grosses ombelles se 
divisent parfaitement par petites parties, qui étant montées sur des liges 
de jonc et garnies de quelques feuilles de petite pervenche, sont fréquem- 
ment employées pour monter ies bouquets. 

Le Thlaspi vivace, Iberis semperflorens Lis, l’une des plus belles cruci- 
fères connues se prête aussi très-bien à la culture forcée, il forme de très- 
jolies petites plantes, dont les rameaux se couvrent de belles fleurs blan- 
ches en corymbes, très-recherchces pour les bouquets. 

L'Acacia à longues feuilles, Acacia longifolia Waius., est l’un de ceux 
que l’on cultive le plus pour les marchés. Les plantes que l'on voit en 
fleurs en ce moment, ont 45 ou 30 centimètres de hauteur, bien ramifiées, 
et recouvertes de jolies fleurs jaune citron en longs épis qui font un effet 
charmant au moment de la floraison. 

Les fleurs de Pensées abondent aussi en ce moment; on s'en sert 
beaucoup pour monter les bouquets. Les jardiniers de Paris en culuvent 
spécialement une variété à fleur fond jaune pour les marchés. 


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Les OEïillets des fleuristes Dianthus caryophyllus Lix., provenant des 
cultures forcées, sont également très-employés pour monter les bouquets ; 
on en remarque surtout deux variétés; l’une à fleur blanche, et l’autre 
à fleur rouge. 

Le Réséda odorant, Reseda odorata Lax., est en pleine floraison en ce 
moment sur les marchés; ils proviennent de semis fait à l’automne 
dernier et qui ont été repiqués et cultivés sur couche et sous châssis 
pendant l'hiver; si on veut en avoir en fleurs pendant toute l’année, 
les semis doivent être répétés depuis le mois de février jusqu’à la fin 
de juillet. Le Réséda est très-cullivé à Paris pour l’approvisionnement 
des marchés ; la vente en pots est très-considérable ; les fleurs coupées 
sont également très-recherchées des bouquetières. 

Enfin, les Cinéraires, Senecio cruentaY' Henir., variétés à fleurs blanches, 
pourpre, roses, lilas, carmin, violettes, bleu d’azur, bleu tendre, unies 
ou bicolores etc. ; les Primevères de la Chine, Primula sinensis LiNpL.; 
le Myosotis des Alpes, Hyosotis Algestris Scuwior.; les Gireflées quaran- 
taines, Mathiola annua, variétés à fleurs blanches, violettes, lilas, ete. ; 
l’Euphorbe à fleurs de Jacquinia, Euphorbia Jacquiniæflora Horrt.; Île 
Goldfusia à feuilles de Pêcher, Ruellia Persicæfolia Bor. Rec.; l'Amaryllis 
Belladone d'été, variété à fleurs rose foncé, Amaryllis vittala l'Henir. 
var. flore rubro ; l'Imatophyllum rouge minium Z. miniatum, Hook.; le 
Begonia de Verschaffelt, B. Verschaffeltii; les Violettes blanches en 
pots, les Fuchsia, les Pelargoniums à grande fleur, les Epacris, etc., 
sont en pleine floraison en ce moment sur les marchés. 

Parmi les plantes à feuillage coloré employées aux garnitures d’appar- 
tements, on remarque une jolie petite Broméliacée (Tillandsia splentens 
Ap. Broxcx.), à feuilles coriaces zébrées sur les deux faces, développant 
au centre un long épi formé de bractées du plus beau rouge écarlate ; 
on l’utilise avantageusement pour garnir les petits vases, les corbeilles, 
étagères, potiches, etc. M. Truffaut de Versailles, horticulteur distingué, 
qui cultive parfaitement bien les Broméliacées d'appartements, en élève 
chaque année des quantités considérables en pots ou en godets. II les 
cultive dans le sphagnum pur, ct il prétend avec raison que les plantes 
s’y développent et se colorent beaucoup mieux que si elles étaient eulti- 
vées dans la terre. 

Enfin, on voit encore, comme plantes à feuillage, le Dragonnier à 
feuilles de Balisier, Dracæna cannæ/folia Honr.; le Houx myrthe, lex 
myrlifolia Waur.; le Bambou de Fortune, Bambusa Fortuneii var. H.; 
les Aucuba du Japon, Aucuba Japonica Lix.; les Fusains du Japon, 
Evonymus Japonicus Tauxs.; la Pervenche grande à feuilles panachées, 
Vinca major Lix., var. foliis variegatis ; cette dernière est fréquemment 
employée pour garnir les lampes ou les suspensions dans les appartements. 


(A continuer.) 


EXPOSITION INTERNATIONALE A ST. PÊTERSBOURG , 
EN 1869. 


Les résolutions suivantes ont été arrêtées et ont déjà reçu la sanction 
impériale. 
4° L'exposition s'ouvrira au commencement de mai 1869 et durera 
15 jours. 
2% L'exposition n'a pas seulement pour but de mettre en relief l’horti- 
culture russe, mais aussi de développer les relations internationales. 
5° Les objets admis à l'exposition sont : 
a. Plantes fleuries, feuillages d'ornement ct végétaux utiles. 
b. Fruits et légumes, à l’état frais et conservés. 
c. Objets de toutes sortes employés pour la culture en appar- 
tement, les jardins d'hiver et le jardinage. 
d. Ustensiles de jardinages et matières accessoires. 
e. Plans et dessins. 
4° L'exposition aura lieu au manège Michel {im Lokale der Michaels- 
manege). 
5° Un congrès de botanistes, horticulteurs et amateurs aura lieu en 
coïncidence de l'exposition. 
G° L'exposition sera organisée par un comité spécial nommé par la 
Société Impériale d’horticulture de St. Pétersbourg. 
7° Ce comité se composera d’un président, un vice-président, des 
membres, un trésorier et deux secrétaires. 
8° Le comité élaborera un programme qui sera envoyé à toutes les 
Sociétés et à toutes les notoriétés horticoles. 
9° Des réductions ct des facilités de transport, pour l'aller et le retour, 
seront accordées par les chemins de fer, les bateaux à vapeur, etc. 
10° Une tombola aura lieu à la fin de l'exposition spécialement com - 
posée des objets qui seront venus de loin. 
11° Afin de rendre le séjour des étrangers à St, Pétersbourg aussi 
agréable que possible : 
a, les membres de la Société les inviteront à loger. 
b, des arrangements seront pris avec les hôteliers et les propriétaires 
de logements garnis. 
12 Des excursions seront organisées pour visiter les curiosités de la 
ville et les environs. 
15° Un banquet sera offert aux étrangers et aux jurés. 
14 Un déjeuner sera servi aux jurés pendant leurs opérations. 
15° Les membres du Congrès nommeront leur Président, deux vice- 
présidents et les secrétaires. 


MI, 


16° La langue officielle du Congrès sera le francais ; cependant chacun 
aura le droit de s'exprimer dans un autre idiome. 

17° Le congrès ticndra trois séances. 

18° A chaque séance on traitera une question d'intérêt général par- 
ticulièrement importante pour la Russie. 

19° Si le congrès le juge convenable il aura la faculté de se diviser 
en deux ou plusieurs sections. 


L. JACOB-MAKOY, HORTICULTEUR A LIÉGE. 


Cet important établissement vient de faire paraître son 112: catalogue. 

On y remarque d'abord une collection extraordinaire de conifères 
rustiques. Il fait remarquer, avec raison, que le goût des amateurs pour 
les Résineux est à l’ordre du jour et ce goût est pleinement justifié. 

Parmi les plantes nouvelles ou rares pour la pleine terre, nous remar- 
quons les Erables à feuilles pourpres et laciniées, l’Aune doré, le Chà- 
taignier lacinié, le Noisctier de Trébizonde, le Deutzia marbré, le Noyer 
à grandes feuilles et l’Aubépine orange double. Puis l’Orme doré, le 
Chêne doré et un grand nombre de végétaux panachés que l’établisse- 
ment affectionne. Nous pouvons citer encore une infinité d’Aucuba et 
spécialement une nouveauté de grand mérite le Panicum plicatum foliis 
niveo-viltatis. La panachure, d’une richesse remarquable, est on ne peut 
plus constante. Pendant une année entière d’expérience pas un seul in- 
dividu n’est retourné au type dans les cultures. Le fond de la feuille 
est d’un vert franc égayé de jolis rubans blanc de neige très-nombreux 
et longitudinalement disposés suivant les nervures. 

L'établissement annonce aussi le Groseillier à maquereau sans épines. 

On pourra désormais cueillir les groseilles, sinon les roses, sans 
douloureuses égratignures. 


CULTURE DES GLOXINIA, 


par M. J, VaLzLeranp (1). 


(Suite, Voyez page 22.) 


J'arrive maintenant à la multiplication des Gloxinias par boutures, 
qui, on le sait, se fait à l’aide de feuilles détachées des plantes, avant 
que celles-ci aient terminé leur végétation. C’est lorsque les plantes 


(1) Extrait de la Revue hort., 1868 p. 112. 


ON ES 


sont en fleur que j'ai l'habitude de faire ces boutures. Si lon attendait 
plus longtemps, les tubereules auraient de la peine à se former et 
seraient d'une conservation diflicile, souvent même impossible; dans 
tous les cas les sujets qui en proviendraient ne pourraient être que des 
plantes bien chétives. La dimension de la feuille influe aussi sur la 
grosseur du tubereule à produire. En conséquence, je prends les plus 
belles feuilles, je les coupe à 2 ou 5 centimètres du limbe, et je les 
plante, en enterrant le pétiole seulement, dans des godets de 6 à 7 cen- 
timètres de diamètre remplis de terre de bruyère; j'arrose peu ou même 
point si la terre est humide ; je les place ensuite sous cloche, en enterrant 
les godets dans le sable ou dans la tannée d’une bâche, dans une serre 
saine sans chaleur artificielle, à moins que la saison ne soit U'ès-avancée ; 
j'ombre, et j'ai soin chaque jour de lever les cloches pour en essuyer 
la buée, je retranche les parties des feuilles qui sont altérées, s’il y en 
a, puis je recouvre. 

Lorsque les racines apparaissent au pourtour de la motte, je donne 
un peu d’air; une dizaine de jours après, j'enlève les cloches; j’arrose 
ensuite pour entretenir la végétation le plus longtemps possible ; mais, 
du moment où les feuilles commencent à prendre une teinte blonde, 
je cesse les arrosages, puis je relève les godets pour les mettre sur les 
tablettes de la serre; là je laisse sécher mes boutures ct les conserve 
ensuite ainsi que je l’ai indiqué en parlant des plantes faites. Au 
printemps suivant, lorsque la végétation commence à se faire sentir, 
je rempole mes plantes avec de la terre dont j'ai indiqué précédemment 
la composition, ct les mets dans des godets de 7 à 8 centimètres que 
je place sur couche, bien entendu, et lorsque les plantes commencent 
à se développer, je rempote plus grandement. On comprendra sans 
peine que ces tubercules, relativement très-petils, ne pourraient pros- 
pérer si on les mettait tout de suite dans des pots de grandes 
dimensions. 

Les semis de Gloxinias ont sur les boutures l’avantage de produire 
dès la seconde année de plus fortes plantes; mais, par contre beaucoup 
sont bien inférieures comme mérite, et souvent même ne valent guère 
la peine d’étre cultivées, surtout lorsque les graines ont été récoliées 
au hasard. Je vais indiquer quels sont les moyens à l’aide desquels 
j'arrive chaque année à trouver dans mes semis un plus grand nombre 
de beaux Gloxinias. Ce moyen, c’est la fécondation artificielle. Bien 
que cette opération ne soit plus aujourd’hui un secret pour personne, 
néanmoins je erois devoir indiquer la marche à suivre, afin de guider 
ceux qui voudraient la pratiquer et de leur éviter les déceptions que 
moi-même j'ai éprouvées. 

Je dirai d’abord (je me fais même un devoir de le rappeler) que c’est 
à l’obligeance d’un de nos semeurs, bien connu dans cette spécialité, 
que je dois les Gloxinias sur lesquels j'ai tenté mes premiers essais de 


PINS 


ss, 


SAR à gene 


fécondation. Comme il mettait ses plantes d'élite au commerce, je fus 
encore trop heureux qu’il voulût disposer en ma faveur de quelques-unes 
de second ordre. Les résultats de mes trois premières années furent bien 
décourageants, lorsque je comparais mes gains à ceux des Rosciaud, des 
Van Houtte, des Rollisson. Mais, au bout de ce temps, je fus un peu 
plus favorisé; j'obtins un nouveau type; la fécondation avait agi, et, 
l’année suivante, toute une série de jolies plantes de différents dessins, 
de coloris variés et de formes parfaites, commenca le noyau de ma 
collection, qui se compose aujourd’hui de plus d’une centaine de va- 
riétés, bien qu'aucune plante du commerce n’y soit jamais entrée. Ma 
collection tout entière est donc le produit de mes semis. 

Il est loin de ma pensée de vouloir engager tout amateur qui veut 
se former une collection de Gloxinias à procéder comme je l’ai fait, car 
si parfois l’on y trouve son compte, il y a de nombreuses déceptions, 
et en admettant même qu'il soit très-favorisé, il lui faudra plusieurs 
années pour obtenir un nombre relativement petit de plantes méri- 
tantes ; il vaut donc beaucoup mieux faire un sacrifice pécunier afin 
d'économiser du temps et d’être certain d’avoir immédiatement un bon 
résultat. Je ne proscris pas les essais, au contraire, car c’est le moyen, 
en se fortifiant, d’acquérir des connaissances solides. Du reste, un 
moyen n'exclut pas l’autre. En rappelant les principaux incidents 
de mes premiers essais sur la fécondation des Gloxinias, j'ai voulu 
montrer à ceux qui auraient l'intention de s’occuper de ces plantes, 
qu’il faut y mettre de la persévérance et ne pas se laisser décourager 
par quelques insuccès. Bien que dans cette circonstance Ja nature fasse 
beaucoup, néanmoins les soins de l’opérateur y entrent aussi pour une 
bonne part. Je crois donc très-important d’indiquer comment et sur quel- 
les plantes on doit opérer, car il en est qui, bien que parfaites, n’ont que 
des tendances rétrogrades, tandis que d’autres, relativement médiocres, 
tendent au perfectionnement. C’est surtout à distinguer ces choses que 
l'opérateur doit s’exercer ; il doit donc saisir un type ou un dessin nou- 
veau lorsqu'il se montre, puis le fixer et le perfectionner s’il y a lieu ; 
quant aux différents coloris, ils manqueront rarement de se produire. 
C’est en opérant ainsi, qu'en deux années, j'ai pu obtenir cette nouvelle 
série de plantes à fleurs ponctuées, d’un père qui n’était pas, tant s’en 
faut, une plante de mérite, mais qui révélait une particularité de bon 
augure pour moi. 

On doit autant que possible, dans le sens horticole s’entend, viser à 
l'amélioration de ces plantes. Sans prétendre faire autorité, je me per- 
mets de dire que, à mon avis, la perfection d’un Gloxinia se trouve dans 
les qualités suivantes : une plante acaule très-floribonde, à feuilles bien 
nourries et étalées horizontalement; puis de forts pédoneules de 8 à 
10 centimètres de haut, portant des fleurs penchées, ou de préférence 
droites, avec le tube et la gorge de la corolle de moyenne grandeur rela- 


ER 


tivement au limbe qui doit être large et plan, et que les lobes se super- 
posent bien afin qu'il paraisse d’une seule pièce; en un mot, se rappro- 
chant pour la forme de certains Dipladenia (comparaison faite dans un 
article du Gardeners’ Chonicle du 20 juillet 1867, en parlant de quelques- 
unes de mes plantes exposées au Champ de Mars). Il serait peut-être plus 
difficile encore d'établir une règle quant aux dessins et coloris, car ce qui 
fait l'admiration des uns est considéré comme médiocre par d’autres; 
celui-ci aime les tons clairs, et celui-là les tons foncés; etc.; mais je 
crois cependant que les teintes vives, franches, les dessins nets et précis, 
devront toujours être les plus recherchés. Telles sont les observations 
que j'ai faites et mes idées générales sur l’hybridation des Gloxinias. 
Maintenant, pour la pratique, voici comment jagis. Ayant fait choix 
des plantes sur lesquelles je veux opérer, j'attends une belle journée afin 
que le pollen soit bien pulvérulent; alors, avec le bout d’une très-petite 
spatule de bois, j'en prends dans une fleur ouverte seulement depuis deux 
jours, et j'en imprègne le plus possible le stigmate de la fleur que je veux 
féconder, qui doit être bien développé, ce qui n’arrive que lorsqu'il s’est 
allongé au-delà des étamines. Il n’est pas nécessaire de supprimer 
celles-ci, seulement il faut faire attention que le pistil n’ait pas traversé 
entre elles comme cela arrive quelquefois, car, alors, il aurait pu se char- 
ger de quelques grains de pollen, ce qui ferait avorter la fécondatton 
artificielle. La chute de la fleur un jour ou deux après l'opération est un 
signe à peu près certain que le succès est assuré. Lorsque la floraison est 
entièrement passée, je transporte mes porte-graines dans une serre 
moins ombragée et plus aérée, où, comme je l’ai dit plus haut, je les 
place sur une tablette. Excepté les engrais liquides, le traitement de ces 
plantes doit être suivi, une végétation vigoureuse étant très-favorable à 
la bonne conformation des graines. Lorsque les capsules commencent à 
s’entr'ouvrir, je ménage l’arrosement, puis une dizaine de jours après je 
les cueille pour les faire sécher et en récolter les graines. Puis ces plantes 
jusque-là si privilégiées, si dorlotées, pourrait-on dire, sont de nouveau 
placées dans la serre ordinaire avec les autres. 

Les graines étant récoltées il faut les tenir à l’abri de l’humidité 
jusque vers la seconde quinzaine de janvier, qui est l’époque où il 
convient de les semer ; si l’on opérait plus tôt, le plant serait difficile à 
élever, et, plus tard, on courrait le risque qu’une grande partie de ces 
semis ne püt fleurir la même année, surtout si celle-ci était froide et 
pluvieuse. Dans ce cas, il faudrait les remettre en végétation l’année sui- 
vante, ce qui devient embarrassant lorsque l’on en fait une certaine 
quantité, ce qui est toujours nécessaire puisque l’on doit s’attendre que 
les neuf dixièmes, au moins, des plantes de semis seront sans mérite. 

Je sème en petites terrines convenablement drainées et remplies aux 
trois quarts de terre de bruyère un peu foulée et bien unie à la surface. 
J'y répands la graine, puis je saupoudre par-dessus quelques parcelles 


de terre de bruyère très-fine, je bassine légèrement à la seringue, je 
couvre chaque terrine d’un morceau de verre, et je les place ensuite sur 
les tablettes, près du verre, dans une serre chaude dont la température 
varie de 18 à 25 degrés; j'ombre un peu les vitres de la serre au-dessus ; 
j'entretiens l'humidité de la terre, sans excès toutefois, mais il faut 
cependant qu’elle ne sèche jamais. Huit ou dix jours après, les graines 
commencent à lever; chaque jour je retourne le morceau de verre afin de 
mettre la partie sèche du côté du jeune plant; ensuite j'habitue celui-ci 
graduellement à l'air, et j'ai toujours soin de le bassiner lorsque le soleil 
ne donne plus dessus, avec de l’eau tiède bien entendu. Du reste, et pour 
ne plus avoir à y revenir, je dirai que tous bassinages donnés aux 
Gloxinias ne doivent jamais être faits dans d’autres conditions. Lorsque 
les deux premières petites feuilles, après les cotylédons, apparaissent, je 
repique le jeune plant à 2 ou 5 centimètres l’un de l’autre, toujours en 
terre de bruyère, mais alors dans des terrines plus grandes ; je bassine, 
je recouvre d’un morceau de verre comme pour le semis, mais sans 
donner d’air pendant quatre ou cinq jours ; après je soulève une peu le 
verre et le retire tout à fait lorsque les plantes arrivent à se toucher. 
Jusqu'au moment où ces plantes seront mises en place, je les mets sous 
châssis, dont il faut blanchir les vitres. Il faut les ménager à l’eau, ne 
leur en donner que très-modérément. Arrivé à l’époque convenable pour 
mettre ces plantes en place, voici comment j’opère : dans une bâche dont 
la profondeur est de 50 à 60 centimètres, je fais une couche de 20 à 
25 centimètres d'épaisseur , recouverte de 8 à 10 centimètres d’un 
compost de terre de bruyère, additionnée d’un quart de terreau; 
j'égalise parfaitement la terre, puis Je foule un peu avec une planche. 
Deux ou trois jours après, lorsque la chaleur est un peu montée, je 
repique définitivement les jeunes plantes à environ 12 centimètres l’une 
de l’autre, si c'est dans le but d’apprécier le mérite des variétés ; si, au 
contraire je veux faire de fortes plantes pour obtenir une floraison 
d'automne, je double la distance : il est inutile d’ajouter que j'arrose 
et donne de l'air en cas d'opportunité. 

Arrivé en juillet, commence ce que j'appellerai la période de 
sensation pour le semeur. C’est en effet le moment où les plantes vont se 
dessiner, où son allente est constamment en éveil. En effet, telle se 
montre avec de bonnes dispositions, le cœur palpite d’aise, et l'espoir est 
d’autant plus grand que les graines ont été récollées sur des plantes 
parfaites ; mais bientôt cet espoir se perd, chassé par la triste réalité : au 
lieu d’une plante hors ligne qu’on avait rêvée, on en a une très-médiocre, 
souvent même mauvaise. Telle qui a une bonne forme se tient mal, telle 
autre qui se tient bien, et dont la forme est irréprochable, présente un 
coloris affreux, etc. 

Cependant çà et là surgissent quelques plantes de mérite; mais, fatalité, 
il arrive parfois, lorsque vous les avez repiquées, que l’on a placé dans le 


si 0 Se 


bas des coffres des plantes méritantes qui alors, privées d'air et ne 
recevant qu'une lumière insuflisante, s’étiolent ou périssent même par 
l'humidité ; ou bien elles se trouvent placées près d’autres qui n’ont de 
mérite qu'une vigueur exubérante, de sorte que ce n’est souvent qu'avec 
peine qu'elles parviennent à montrer leurs fleurs, et il faudra parfois que 
le hasard vous les fasse découvrir; à preuve, mon premier pied à fleurs 
ponctuées qui a failli ne jamais voir le jour, parce qu'il se trouvait placé 
dans des conditions analogues à celles que je viens de rapporter. Il faut 
donc arracher sans pitié ces plantes très-vigoureuses dont le mérite est 
plus que douteux, afin de donner de l'air à celles qui, moins favorisées 
sous le rapport de la vigueur, le sont, au contraire, sous celui des quali- 
tés. Il faut alors d’autant plus soigner celles-ci qu’elles ont plus souffert. 

Lorsque des plantes ont montré des qualités requises, je les lève 
soigneusement pour les mettre en pots, puis je les place dans une bonne 
serre chaude; elles vont ensuite grossir le nombre de celles que j'ai, en 
commencant, appelé des plantes faites; ce qui nous ramène enfin au 
point d’où nous étions partis. 

Après cette disgression un peu longue peut-être, mais que j'ai cru 
nécessaire pour donner une idée des particularités que présentent les 
plantes de semis, je crois devoir aussi, avant de terminer, répondre à un 
reproche qu’on adresse souvent à ceux qui traitent de la culture d’une 
plante : « de ne pas s'étendre assez sur le chapitre des maladies et des 
moyens qu’il faut employer pour les combattre. » Mais il faudrait 
d’abord s'entendre sur ces mots. Combien de fois, en effet, appelle-t-on 
maladie ce qui n’est autre chose que les conséquences d’un mauvais 
traitement, et dans ce cas comment indiquer un remède à des maux dont 
le cultivateur est la seule cause ? Cela est impossible. En effet, si au lieu 
de donner un peu d’air pour laisser échapper la buée des couches, on n’en 
a pas donné, cette buée en se déposant sur les feuilles y occasionne des 
taches grises qui paraissent dues à des insectes qui auraient sucé les tissus. 
Est-ce là une maladie ? Evidemment non. Si au contraire, au lieu de les 
cultiver sous châssis, on place les Gloxinias dans une serre dont la 
température s’élève jusque 40 degrès et qu’on n’ombre pas, dans ce cas, 
les feuilles se recoquillent, et leurs tissus sont comme corrodés. Est-ce là 
une maladie? Non plus. Et si d’autre part, au lieu de les arroser médio- 
crement on arrose en plein, comme si l’on avait affaire à des choux, et 
qu’alors les plantes languissent, jaunissent et même fondent, appellera- 
t-on cela aussi une maladie? Ce serait à tort, bien qu’en réalité ces faits 
puissent être considérés comme tels. Mais n’étant que la conséquence 
d’un mauvais traitement, on pouvait les éviter en donnant aux plantes 
les soins qu’elles réclament. On ne peut appeler cela des maladies; ce 
sont des accidents fâcheux qu’on aurait pu éviter, car les causes du ma] 
n’échappent pas à nos observations. Telle est, selon moi, l'apparition 
soudaine de certains insectes, Sous ce rapport, je ne crains pas d'affirmer 


= — 


que, pour moi du moins, le plus terrible ennemi des Gloxinias est une 
sorte de Thrips, vulgairement appelé Tigre, qui, lorsque les plantes 
végètent mal, se développe sur les plus jeunes feuilles du centre de la 
touffe, ou le plus souvent dans l'intérieur du calice des fleurs, lorsque 
les boutons commencent à se former. II est rare que les plantes soient 
attaquées avant cette époque, à moins qu'elles aient été très-mal cultivées 
Ou qu’elles proviennent de tubercules déjà infestés l’année précédente. 

Les fumigalions, et encore mieux l'eau de tabac provenant d’une 
infusion, projetée avec une seringue fine sur les plantes, ou mieux 
encore l'immersion des plantes dans ce liquide, donnent d'assez bons 
résultats pour détruire ces insectes; mais il est bien difficile de les 
atteindre tous, lorsque les boutons sont envahis : c'est ce que je tâche 
toujours d'éviter, en visitant souvent mes plantes auparavant et même si 
un arrêt momentané de végétation me donne quelques doutes, je fais des 
fumigations préventives. Quaad, sur une plante, quelques boutons 
seulement sont infestés, je les enlève et donne ensuite un bassinage 
d'eau de tabac; mais lorsqu'il y en a une certaine quantité, pour la 
sécurité des voisines, après les avoir immergées entièrement, je retire 
de la serre les plantes envahies. 

Les pucerons se montrent aussi parfois; deux ou trois fumigations, en 
laissant un jour d'intervalle entre chacune, suffisent pour les détruire. 
Il peut aussi arriver que l’araignée rouge se montre sur les feuilles des 
Gloxinias cultivés sur les tablettes d’une serre trop chaude et insuffisam- 
ment aérée. Du moment où l’on s’en apercoit, il suffit de les mettre dans 
un endroit de la serre bien ombragé, sans air, et alors, à l’aide de 
quelques seringages d'eau de tabac, on s’en débarrasscra; seulement, on 
doit prendre certaines précautions pour ramener les plantes au jour et à 
l'air, les transitions subites leur étant toujours préjudiciables. 

Jusqu'à présent, ce sont les seuls ennemis que j'ai eu à combattre dans 
la culture des Gloxinias ; aussi j'en conclus qu’en suivant bien les prinei- 
pes que je viens de donner sur les soins qu’ils réclament, à moins de 
circonstances locales ou de quelques faits particuliers, on aura rarement 
besoin d’avoir recours à la pharmacopée horticole, qui, disons-le, laisse 
beaucoup à désirer. Rappelons toutefois qu’il est toujours plus sage de 
suivre les règles d'hygiène que de commettre des excès, comptant, pour 
en réprimer les suites, sur les effets d’un remède, si efficace qu'il soit. 


— 86 — 


SCÈNES DE LA VÉGÉTATION TROPICALE. 


NOTES SUR LES PLANTES DU PÉROU, 


par Rogenr Cross. 
(The Gardeners’ Chronicle and agricultural gazelle, 1862, No IT, page 405.) 


Trapurr par M. Vicror Cu. 
(Suite, voyez page 29.) 


Dans ma dernière lettre j’ai raconté comment je remontai le Quayaquil 
jusqu’à Bodegas. Le général Franco avait promis à M. Mocatta, vicc- 
consul de Sa Majesté Britannique pour Quayaquil, qu’à son arrivée à 
Bodegas, il embarquerait immédiatement un nombre suffisant d'hommes 
dans un canot pour me conduire à un endroit nommé Calaramas : 
c'était son dernier avant-poste; de là à Ventanas la distance était assez 
courte. Mais on ne tint pas cette promesse. Je me rendis plusieurs fois 
à la maison du général pour m'informer des hommes que l’on devait 
envoyer avec moi; à la fin, on m’annonça que l’armée allait bientôt 
continuer à remonter le fleuve et qu’alors, je pourrais l'accompagner. 
Cet arrangement ne me convenant pas, je pris des informations et je 
trouvai quelqu'un qui se chargea de me transporter en canot, avec mes 
boîtes, jusqu’à Ventanas. L’après-diner de ce même jour, une partie du 
radeau où se trouvaient mes boîtes vint à céder, et mes caisses, ainsi 
que quelques menus objets à mon usage, furent précipitées dans la 
rivière. Et ce ne fut pas sans peine que je réussis à les repêcher pendant 
que le courant les emportait. 

Le lendemain, de bonne heure, on mit mes boîtes dans un grand 
canot, et nous commencämes à remonter la branche de Caracol du 
Quayaquil. Il nous fallait vaincre de grandes difficultés pour atteindre 
le village de Caracol vers minuit. Là, je dus m'arrêter pendant trois 
jours : la personne qui me transportait avait en ce lieu un grand radeau 
chargé de bananes qu’elle désirait vendre: car les « patriotes » en 
avaient déjà emporté une partie considérable. Je remarquai dans les bois 
des environs de Caracol plusicurs espèces de Ficus dont quelques indi- 
vidus avaient atteint d'énormes proportions; jy vis aussi des Mimosa, 
des Randia, des Melastomacées, des Smilax, et des Monstera. Dans les 
endroits découverts, les arbres sont chargés de Broméliacées et de 


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plusieurs espèces d'Orchidées, notamment des Oncidium, des Epiden- 
drum et des Stelis. Cependant ce n’est pas uniquement dans les places 
découvertes que l’on trouve les Broméliacées, car je les ai vues croitre 
avec une égale abondance dans des endroits ombragés et au fond de 
profonds ravins, espèces de précipices où ne pénètrent jamais les rayons 
du soleil. Quand nous eûmes quitté Caracol, notre marche fut consi- 
dérablement ralentie par des bancs de sable, et par des troncs d'arbre 
que les eaux avaient charriées pendant la saison des pluies. Par suite, 
nous fümes plus d’une fois forcés de sortir du canot et de le trainer 
au-dessus des bancs de sable ct des autres obstacles. Et en agissant 
ainsi nous devions nous mettre à la merci de centaines d’alligators qui 
nageaient par essaims dans le lit de la rivière. Nous arrivämes à Cata- 
ramas le 21 juillet, la soirée étant déjà avancée. Nous bivouaquämes 
sur un grand banc de sable, dans un pli au tournant de la rivière. Là 
se trouvait un grand amas formé de bois qui, descendant à la dérive, 
était venu s’y amonceler. Nous fimes du feu à côté de cet amas afin de 
nous préparer du café. Mais pendant que nous étions activement occupés 
à cuisiner, il advint que quelques étincelles furent emportées dans la 
direction du tas et y mirent le feu. La nuit, toute noire, était extré- 
mement chaude ; aussi le bois, scc comme de la poudre, présenta bientôt 
une flamme immense qui illuminait la rive opposée du fleuve. Ce feu 
nous montrait une vingtaine d'alligators qui avaient atteint toute leur 
taille, couchés de leur long sur le sable et assistant à ce spectacle avec 
un air de profonde indifférence. Jamais je n'ai rien vu d’äâussi beau 
que la scène qu'offrait l'incendie de ce monceau de bois. Un ficus aux 
larges feuilles se trouvait sur la rive du fleuve; à cet arbre pendaient 
des rideaux de fleurs de la passion, de Bignonias et d’Aroïdées dans 
lesquels s’enlacaient çà et là plusienrs beaux spécimens de palmiers et de 
Salix Humboldtiana; tout cet ensemble présentait, à la lueur rouge 
du bois en feu, un aspect grandiose et pittoresque. 

Vers une heure du matin nous rentràmes dans notre canot et nous 
nous remimes à remonter le fleuve. À mesure que nous avancions, le 
paysage s'élevait par degrés; les rives du fleuve, couvertes de fougères, 
nous montraient, par-dessous, une couche profonde d'argile bleue, et 
au-dessus, un dépôt de nature sablonneuse. La couche argileuse était forte- 
ment entremélée de troncs d'arbres et de branches, comme les marais 
ou tourbières de la Bretagne. Mais le dépôt supérieur ne contenait que 
les racines vives des arbres et des arbustes, qui, pliées et tordues d’une 
facon remarquable, formaient un véritable réseau à la surface du sol. 

Le 22, vers 5 heures de l'après-midi, nous arrivâmes à Ventanas, alors 
au pouvoir des troupes de Quito sous le commandement du général 
Florès. Le lendemain, avis de mon arrivée fut donné à M. Spruce et au 
docteur Taylor par un officier qui, pour quelque affaire relournait à 
l'intérieur. À l’arrivée du D° Taylor à Ventanas, les boites furent remi- 


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ses dans des canots, transportées trois milles plus haut, puis enfin dépo- 
sées chez le propriétaire d’une vaste plantation de Theobroma Cacao. Le 
lendemain, le D' Taylor et moi, nous partimes pour Limon situé à environ 
60 milles de là (1). La route, ou plutôt le sentier (car il n’y a pas de 
routes à l'Equateur), passe sur une chaîne de collines en longeant le bord 
des ravins escarpés : les talus de ces ravins sont couverts d’une haute 
et épaisse forêt. Au fond, croissent de nombreux et beaux spécimens 
du Grias cauliflora, atteignant la hauteur de 50 à 60 pieds (2). Quand 
on approche de la base des Cordillières, les fougères deviennent plus 
abondantes, et dans les ravins plus profonds, elles recouvrent presque 
entièrement les troncs et les branches des arbres. A ces troncs on voit 
aussi pendre de grands filets de Selaginella dont quelques-uns ont une 
longueur de 30 à 40 picds, et qui se balancent silencieusement au gré 
des bouffées de vent qui balaient les ravins tantôt dans un sens tantôt 
dans l’autre. 

Nous atteignimes Limon, le 27 juillet, assez tard dans l’après-diner. 
J'y retrouvai M. Spruce qui avait choisi cet endroit pour y faire des 
assortiments de graines et de plantes de Cinchona succirubra ou quinquina 
rouge du commerce. Avant l’arrivée de M. Spruce, les Cascarilleros 
l'avaient informé que l’on trouvait de nombreuses « planches » de 
jeunes plantes dans les forêts aux environs de Limon. Mais le D' Taylor, 
en compagnie de plusieurs personnes, fit des recherches pendant tout 
un mois sans rencontrer un seul quinquina. Il devenait donc nécessaire 
de recourir à des moyens artificiels pour obtenir des plantes d’une taille 
en rapport avec les boîtes. Le 29 et le 50 juillet, avec l’aide de deux 
Indiens, je creusai une fosse et je préparai un mélange composé de 
parties égales de terre, de feuilles mortes et de sable pour recevoir des 
boutures. Le 8 août j'en avais planté plus de mille. Mais après les avoir 
mises en terre, je vis que j'avais à vaincre encore deux difficultés. D’abord, 
je devais arroser mes boutures au moyen de bambous : par suite de leur 
structure particulière, ils versaient l’eau d’une facon fort irrégulière, 
ébranlant plusieurs de mes plantes, et parfois même les arrachant de 
leur place primitive. En second lieu, je n’avais à ma disposition que 
l’ombre que me donnaient les feuilles d’une espèce de Gynerium (G. Sac- 
charoïdes); et ces feuilles, quand elles avaient été exposées quelques 
jours aux rayons du soleil, perdaient absolument toute vertu. 


Sierra de Caxanuma, près de Loxa, octobre 1861. 


(1) Le mille anglais — Kilomètre 1,6093. 
(2) Le pied anglais — Mètre 0,30479. 


(The Gardeners' Chronicle and agricultural gazette, 1862. No IV, page #20 ) 


Je reprends le récit de mes expériences concernant le Quinquina. A 
mesure que la saison avançait je voyais s’augmenter les difficultés 
que me causaient les boutures. Comprenant que les feuilles du Gyne- 
rium ne couvenaient pas, j'eus recours aux frondes du Palmier, 
et, dans la suite, à celles du Bananier (Musa sapientum). Ce fut 
là ce qui me réussit le mieux. En effet les feuilles du Bananier main- 
tenaient l’atmosphère de la fosse dans un état de fraicheur et d'humi- 
dité; et quoiqu'il fallüt aussi les renouveler, cette opération ne prenait 
que quelques minutes, sept ou huit des plus grandes feuilles suffisant 
pour couvrir toute la fosse. Néanmoins je n'étais pas encore trop ras- 
suré sur le nombre des jeuncs plantes saines que me donnerait la 
planche des boutures : aussi je me décidai à faire un certain nombre de 
marcottes. Je fis donc chaque jour des excursions dans la forêt voisine 
pour trouver des surgeons sortant des racines d’arbres antérieurement 
abattus ou des branches d’arbres assez voisines du sol pour pouvoir être 
utilisées comme marcottes. Toute cette opération du marcottage était 
certes la besogne la plus difficile et la plus dangereuse que j’eusse encore 
eu à faire. En général, on ne court pas grand risque à voyager par la 
forêt primitive et à faire des collections de spécimens dans quelque but 
botanique. Mais il en est tout autrement quand il s’agit d’attacher 
soigneusement au sol les pousses ou les branches toujours fragiles du 
Quinquina rouge; et cela, au milieu d’une masse de feuilles mortes et de 
Lycopodes où l’on est toujours certain de trouver abondance de serpents. 
Le 2 septembre, j'avais abaissé environ 700 marcottes ; toutes, j'en étais 
convaincu, devaient tôt ou tard prendre racine. 

Les premiers jours de septembre, le D' Taylor qui était allé à un 
endroit nommé San Antonia ct situé à environ une journée de marche de 
Limon pour y examiner quelques arbres de Quinquina pourvus de 
semences, revint nous annoncer que les capsules étaient encore vertes et 
que, selon toute probabilité, elles ne seraient pas bonnes à récolter avant 
une quinzaine de jours. M. Spruce néanmoins tenait fort à y aller voir 
lui-même; car on avait déjà fait la récolte des graines à Limon; aussi, 
à l’arrivée du D° Taylor, il nous quitta pour aller à San Antonia. Au 
commencement de septembre je mis encore en terre environ 700 boutu- 
res prises de pousses fortes et bien müres; car mes premières boutures 
avaient dépéri et il n’en restait plus rien : en effet, pour me conformer 
aux vœux de M. Spruce qui voulait en faire entrer autant que possible 
dans les boites, j'en avais taillé la plupart dans des pousses faibles et non 
muries. 

Vers la mi-septembre, le ciel devint plus nuageux ; de temps à autre, il 
y avait de fortes ondées qui concouraient grandement à faire prendre 
racine aux marcottes et aux boutures. Au commencement de novembre, je 


D = 


préparai un mélange de parties égales de feuilles mortes et de sable pour 
y transplanter les marcottes et les boutures. J'avais examiné au préala- 
ble les marcottes sur lesquelles j'avais dès l’abord fondé de grandes 
espérances; je trouvai qu'elles avaient déjà de bonnes racines fbreuses : 
car en les abaissant, j'avais incisé chaque pousse afin de l'aider à prendre 
racine. 

A son relour de San Antonia le docteur Taylor s'était par malheur, 
enfoncé une épine dans l'articulation du médium de sa main gauche. 
Et comme son bras commençait à présenter une apparence gangréneuse 
au-dessous du coude, il se décida à retourner chez lui dans la Sierra ou 
région montagneuse. On me laissa donc seul dans la forêt; je n'avais 
pour compagnon qu'un seul indien ; mais ce dernier me fut d'un grand 
secours, car il m'avait accompagné quand j'avais abaissé les marcottes 
et il se rappelait l'emplacement de chaque rejeton. Le 10 novembre, 
j'avais achevé de transplanter toutes les marcottes et toutes les boutures 
qui avaient de bonnes racines dans la couche préalablement préparée 
à cet effet. Je vis que les marcottes étaient bien mieux pourvues de 
racines que les boutures. Les racines de ces dernières semblaient fortes 
et saines ; mais Îles plantes elles-mêmes étaient cxtrémement fragiles ; 
et quand Je le transplantai, plus d’une perdit ses feuilles et finit par 
périr. La cause immédiate de la mort était le fait de les transplanter 
avant que les racines fussent convenablement pourvues de fibres. Les 
racines solides et müres des marcottes, quand on les transporta dans 
la couche où se trouvait le mélange, ne tardèrent pas à pousser de grands 
ct forts bouquets de fibres; les plantes, de leur côté, donnaient des 
feuilles et des pousses vigoureuses et bien développées. Pendant le 
restant de Novembre je m'occupai à faire des observations sur les con- 
ditions générales qui semblent nécessaires au Quinquina rouge pour 
prospérer. 

La surface du pays aux environs de Limon se compose d'une série 
de petites éminences arrondies courant parallèlement les unes aux autres 
de l’est à l’ouest. La partie occidentale de ces collines va graduellement 
se perdre dans les vastes savannes d’où sortent les différents cours d’eau 
qui finissent par former les ondes sombres et boueuses du Quayaquil. 
Dans la direction de l’est, elles s’élèrent bientôt en hautes collines, 
semblables à des tours, et vontenfia s'unir au grand plateau d’où s'élèvent 
plusieurs grands pics de montagnes, et notamment le fameux Chimborazo 
au sommet toujours couvert de neige. Le dépôt d'allurion des collines 
arrondies dont il vient l’être question est, en maint endroit, d'une grande 
profondeur, et ressemble fort à l'argile (loam) de Wimbledon au double 
point de vue Ge la composition et de la couleur. Les collines et les 
vallées des alentours de Limon sont recouvertes d’une épaisse régétation 
tropicale. Sur les coteaux on voit de nombreux et beaux spécimens de 
l'Ivoire végélal qui dominent les arbres de la forêt. Dans les ravins 


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les plus profonds, à côté de petits cours d’eau ou à la base de roches 
brisées, se dressent de magnifiques spécimens de fougères arborescentes 
mesurant une hauteur de 40 à 50 pieds. Le nombre actuel des espèces 
que l’on rencontre dans les forêts de Limon doit être considérable, 
et il y en a certainement bon nombre d’inconnues. Néanmoins ce sont 
les Ficus, les Solanum, les Pipéracées et les Mélastomacées, qui dominent 
sans conteste. 

Les Solanum abondent et revètent toutes les formes depuis celle de 
petite plante herbacée jusqu’à celle d’arbre à large ramure. Quant aux 
Pipéracées je les ai vus, comme épiphytes ne pas dépasser la longueur d’un 
pouce (!) ; comme arbres, ils atteignent la hauteur de 20 à 50 pieds (2). 
Dans tout le parcours de la forêt on trouve aussi trois espèces de Cinchona, 
des Crotons, des Inga, des Bambous, et le Psidium Cattleyanum. On 
voit s'enrouler autour des arbres les Aristoloches, les Bignonia, les 
Passiflores, les Smilax, les Rubus et les Monstera. Dans les endroits 
secs s'élèvent de gigantesques ricins (Ricinus communis) dont les habi- 
tants ignorent les précieuses propriétés. On trouve bien d’autres plantes 
encore sur le sol, sur le tronc ou même sur les branches des arbres ; 
car il semble qu'il n’y ait pas de lois spéciales ni de limites fixes pour 
l'habitat des plantes, dans ces primitives forêts des tropiques. Notons 
parmi ces plantes les Caladium, les Tradescantia, les Mimosa, les Cal- 
ceolaria, les Fuchsias, les Cineraria, les Begonia et les Achimenes. 
Ajoutez-y une grande variété de fougères telles que les Asplenium, les 
Adiantum, les Lastrea, les Blechnum, les Lomaria, les Diplazium, 
les Gleichenia, les Gymnogramme, les Lygodium, les Nephrolepis, 
les Trichomanes, ainsi que plusieurs espèces de Lycopodes, de Lichens 
et de Champignons. Le long des bords de quelques uns des ravins les 
plus profonds croissent des plantes parfaites de Didymochlaena trun- 
catula et de Hemidictyon marginatum. On trouve en général la première 
sous un épais ombrage, sur des amas de feuilles mortes. Quant à la 
seconde, je l’ai toujours vue croître sur le bord de torrents ou de petits 
ruisseaux que surplombait son feuillage ; parfois même il plongeait dans 
l'eau. Plusieurs espèces de fougères semblent prospérer aussi bien à 
l’ombre des arbres que sous l’ardeur des rayons du soleil. 1] faut ranger 
dans cette seconde catégorie les Asplenium, les Blechnum, les Lygodium 
ct les Vephrolepis. Quant aux Lastrea, Hymenophyllum, et Trichomanes, 
on les trouve plus fréquemment dans des endroits sombres et ombragés 
où l'humidité est toujours grande. Dans les expositions ouvertes les 
branches et les trones des arbres sont surchargés d’orchidées telles que 
les Schomburgkia, Oncidium, Stanhopea et Epidendrum. Leurs fausses 


(1) Le pouce anglais — centim. 2,599. 
(2) Le pied anglais — mètre 0,304;9. 


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bulbes qui sont d'abord toutes petites, acquièrent par degrés de la force, 
grâce à leur pleine exposition au soleil et par suite des influences atmos- 
phériques : on les voit alors atteindre leur taille véritable et produire 
des épis de fleurs dont le parfum m'a maintes fois réjoui dans mes voyages 
à travers la forêt, 

Les Orchidées sont rares sous un ombrage épais. Dans de tels 
endroits, elles dégénéreraient bien vite et dépériraient tristement comme 
cela arrive sans cesse en Angleterre. On m'a dit que les Orchidées con- 
venablement cultivées en Angleterre produisent des fleurs plus belles 
que dans leur pays natal, assertion que je ne puis admettre Sur quel- 
ques-unes des plus grandes hauteurs de Limon, il arrive que les arbres 
soient assez parcimonieusement distribués et d’une forme passablement 
rabougrie, ce qui donne assez bien à ces endroits l’aspect des vieux 
vergers anglais; dans ces lieux j'ai vu des Oncidium si abondants et 
couverts d’une telle profusion de fleurs qu’il semblait, à quelque dis- 
tance et sous les rayons du soleil du matin que ces bois clair-semés 
fussent en feu. 

Après un examen attentif, je trouvai que les racines de chaque plante 
adhéraient fortement à l’écorce de l’arbre sur lequel elles croissaient; 
plusieurs de ces racines que je suivis sur les branches, se trouvaient 
à huit ou dix pieds de distance de la plante-mère. Bien différent toutefois 
est le système artificiel de culture que l’on suit en Angleterre. En effet, 
un jour que je visitais un certain établissement des environs de Londres, 
je vis une belle collection d’orchidées fourrée dans une petite fosse 
sombre; on avait soigneusement enduit de couleur le verre qui la 
protégeait; pendant le jour on y mettait encore des paillassons ou des 
draps; de la sorte on parvenait à exclure tout ce qui aurait pu donner 
de la vie et de la vigueur aux plantes qu’on y avait renfermées. Quand 
on pourra obtenir des cullivateurs d’Orchidées qu’ils découvrent leurs 
serres pendant les mois d’été, ils verront s’améliorer l’état matériel de 
leurs plantes et ils obtiendront une plus grande quantité de fleurs. Mais, 
pour le moment, même les plus beaux spécimens que l’on expose chaque 
année aux exhibitions horticoles de Londres, feraient bien triste figure, 
avec leurs pseudo-bulbes en bien des cas soutenues par des étais, si on les 
placait à côté des fleurs que j'ai vues sur les merveilleux coteaux des 
Andes, arrosées, comme elles le sont, par les brouillards des sommets des 
montagnes, lavés par des torrents de pluie et illuminées par le soleil. 

Sierra de Caxanuma, près de Loxa, novembre 1865. 


(The Gardeners’ Chronicle and agricultural gazette, 1862. N° V,p. 644) 


La Cinchona succirubra fleurit dans les forêts des environs de Limon 
sur des déclivités escarpées où l’on trouve en général une bonne épais- 
seur de matières végétales en décomposition, reposant sur un sous-sol sec. 


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Ce sous-sol est formé ici d’une argile tenace, ailleurs de petites pierres 
mélées à des rocs d’une taille prodigieuse. Cà et là, le long des bords des 
ravins d’une plus grande profondeur, on voit affleurer des rochers strati- 
fiés, de couleur bleuâtre, et frangés, pour ainsi dire de Fougères et 
de Lycopodes. On ne trouve jamais le Quinquina rouge sur les terrains 
plats ou en talus qu'humectent des sources ou des torrents ou qui sont 
exposés à des inondations périodiques. Parfois je l'ai vu croître sur les 
rives de quelque ruisseau; mais alors le sol se trouvait de chaque côté à 
quelques pieds au dessus du lit du courant; et, dans de telles situations, 
il est tout naturellement aussi peu humide que celui des déclivités escar- 
pées. J'ai toujours vu des arbres de Quinquina rouge pousser vigoureuse- 
ment dans les expositions où les feuilles peuvent recevoir en plein les 
rayons du soleil. J'avoue que j'ai vu quelques rares plantes toutes jeunes 
et d’un habitus divariqué croître sous un ombrage épais; mais ces plantes 
étaient dans un état de malsaine blancheur; plusieurs des petites bran- 
ches avaient moisi et étaient mortes par suite de l’excessive humidité 
de l’atmosphère du milieu de laquelle elles s'étaient développées. Les 
plantes, quand elles se trouvent sous un feuillage touffu, semblent lutter 
péniblement et hésiter entre la vie et la mort, jusqu’à ce qu’elles par- 
viennent à percer le rideau que forment les branches inférieures des 
arbres avoisinants. Et en effet ces arbres, outre qu'ils sont perpétuelle- 
ment munis de feuilles, sont encore couverts d'un manteau de fougères 
et de mousses pendantes et enlacés dans les tiges des passiflores, des 
Bignonias et des Aroïdes. 

La température des forêts de Limon varie de 57 à 80° Fahrenheit. 
Rarement elle tombe au-dessous de 58° et pendant les sécheresses, qui 
commencent en mai pour finir en novembre, elle s’élève rarement au- 
dessus de 75. La variation ordinaire est de 59 à 70°. Pendant la saison 
des sécheresses les jours sont beaux en général et le soleil jette un vif 
éclat jusque vers 5 heures de relevé ; mais alors un épais brouillard des- 
cend des montagnes et enveloppe les bois pour le reste de la journée. 
A l’aube, quoique le pays soit en général éclairé, on remarque souvent 
sur les bords des ravins qui ont une plus grande profondeur, de larges 
colonnes de brouillard qui semblent sortir de cheminées et qui s'élèvent 
lentement du milieu de la sombre végétation verte; on dirait presque la 
fumée qui monte d’un wigwam indien au milieu des montagnes. 

Je n’ai pas encore pu m'assurer exactement de la limite supérieure 
du Quinquina rouge ; mais je l’ai trouvé sur des coteaux à plus d'une lieue 
au-dessus du village éparpillé de Limon ; ce devait être à 4000 pieds({) 
au-dessus du niveau de la mer. Les Cascarilleros affirment qu’il descend 
jusqu'aux éminences qui sont immédiatement au-dessus de Ventanas. 


(1) Le pied Anglais — mètre 0,50479. 


— 94 — 


Or, Ventanas ne doit pas avoir une élévation de plus de 1000 pieds. 
La plante présente un facies compact ; la tige mesure une hauteur de 
40 à 50 pieds. Les trones de tels arbres ont à la base un diamètre de 
4 1/2 à 2 pieds. A en croire ce qu'assurent les Cascarilleros, on rencon- 
trerait parfois des troncs mesurant un diamètre de 3 12 à 4 pieds; mais 
on ne peut pas toujours accorder toute confiance aux affirmations de 
ces hommes. On donne un âge de 8 à 10 ans aux tiges qui mesurent un 
diamètre de 18 pouces (‘). Mais, sous ce rapport, les affirmations des 
chasseurs d’écorce ne peuvent pas faire foi, car leurs observations ont 
principalement trait à l'épaisseur et à la couleur de l’écorce. Les Casca- 
rilleros ne dépouillent que bien rarement les arbres de Quinquina quand 
ils ont moins de 18 pouces de diamètre. 

Voici le système que l’on suit pour récolter l'écorce. Une troupe de 
6, 8 ou 10 hommes s'avance dans la forêt et emportent des provisions 
pour 10 ou 15 jours. Dans la plupart des cas, ces provisions consistent 
en ce qu'on appelle « polvo » ou farine de pois qui se mange sèche. 
Quand on découvre un ou plusieurs arbres, on « observe » la localité 
et on « conjecture » de même le rendement probable de l’écorce., Ils 
continuent de la sorte leurs recherches pendant quelque temps jusqu’à 
ce qu'ils aient trouvé un certain nombre d’arbres convenables ; chacun 
retourne alors chez soi. Après un repos de quelques jours, ils se réunis- 
sent de nouveau; mais d'ordinaire, leur nombre se trouve augmenté 
à la seconde fois; ils emportent alors des haches et des couteaux afin 
d’abattre et d’écorcer les arbres. Arrivés au district où se trouvent les 
plantes antérieurement découvertes, ils dressent au centre de la localité 
un appentis temporaire pour y emmagasiner l'écorce quand elle aura été 
séchée. Puis les hommes se divisent par groupes de 2 ou 5; chacun de ces 
groupes marche à l’arbre le plus proche, l’abat immédiatement et le 
dépouille de son écorce. On enlève cette écorce par bandes d’un pied de 
long et de 2 pouces de large. On ne recucille que celle du tronc et des 
grosses branches; car ils pensent que celle des branches moindres ne 
vaut pas la peine qu’on devrait se donner. Les Cascarilleros en font 
ensuite des paquets convenables et les transportent au magasin; là, si le 
temps est humide ou nuageux, on dresse une plateforme en bambou 
d'environ quatre pieds de haut et l’on y répand l’écorce à une épaisseur 
d’un pied environ. Cela fait, on allume des feux sous la plate-forme et on 
les entretient jusqu’à parfaite dessication de l’écorce. Il faut bien veiller à 
ce que les flammes ne l’atteignent pas; pour éviter tout accident de cette 
espèce, on laisse continuellement de service un homme qui doit alimen- 
ter le feu, et, au besoin, retourner l'écorce. Arrive-t-il que les arbres 
croissent à une distance considérable du hangar ? on fait alors sècher 


(1) Le pouce Anglais — centim. 2,5399. 


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l'écorce sur place en l’exposant au soleil ou en se servant du feu; et ce 
n’est que plus tard qu’on la transporte à l’appentis. 

L'opération de la dessiceation achevée, on coud les écorces dans de 
grandes peaux et on les amène au port le plus rapproché. Pour le 
Quinquina rouge, c’est Quayaquil. On s’imagine communément que la 
Cinchona ne tardera pas à s’éteindre, grâce à la destruction continuelle 
des arbres un peu considérables. Mais il y a plusieurs centaines de jeunes 
arbres qui poussent dans les bois de Limon et de San Antonia; et dans 
le laps de peu d'années, il sera possible d’en retirer des quantités 
considérables d’écorces. De la sorte, on pourra se procurer un approvi- 
sionnement de temps à autre; car on voit les racines des arbres abattus 
produire des surgeons qui. en leur temps, seront propres à fournir de 
l'écorce. Pourtant, si l’on n’en fait pas des plantations que l’on cultivera 
en règle, le Quinquina rouge devra cesser en grande partie d’être un 
article de commerce. Toutefois cette plante nc peut s’éteindre actuellement 
(du moins pour assez longtemps encore); car il faudrait pour cela 
chercher de propos délibéré des moyens propres à l’extirper du milieu 
des hautes et épaisses forêts où il croit en abondance. 

Quayaquil, décembre 1861. 


NOTICE SUR FRANCOIS-JOSEPH RIGOUTS 


Pharmacien en chef de l’hôpital Ste-Elisabeth, directeur du jardin bota- 
nique, professeur de botanique, d'histoire naturelle médicale, de phar- 
macie théorique et pratique ; membre de la commission médicale de la 
province, du comité de salubrité publique, du conseil d'administration 
de la société Royale de zoologie, secrétaire de la société royale d’horti- 
culture et d'agriculture, trésorier de la société de paléontologie de 
Belgique; membre honoraire et associé correspondant de plusieurs 
associations scientifiques regnicoles et étrangères. 


par C. BRoEcKkx, 
Membre honoraire de lu Société de pharmacie d'Anvers, etc. 
(Extrait du journal de pharmacie d'Anvers. Février 1868) (1). 


La création de l’école de médecine et de pharmacie d'Anvers par 
arrêté du marquis d’Herbouville, préfet du département des Deux- 


(1) Fr. Jos. Rigouts était honoré et aimé de tous ceux qui en Belgique s’adonnent à 
la botanique ou à la culture. Il ne comptait que des amis. Pendant Jongtemps il a pris 


mn 


Nèthes, du 10 fructidor an XIT (28 août 1804) ne fut pas seulement 
utile aux progrès de la médecine, elle constitua un véritable bienfait 
pour la pharmacie. A côté de médecins renommés, des pharmaciens de 
mérite rivalisérent de zèle pour instruire les élèves dans les connais- 
sances théoriques et pratiques de leur profession. Les noms des Sommé, 
des Van den Zande, des Hoylarts, des Van Haesendonck, des Leroy se 
trouvent favorablement cités dans les annales de la médecine nationale. 
Ceux des Van Merstracten, des Adelmann, des Verbert, des Emeri, des 
Rigouts méritent aussi une place dans le souvenir reconnaissant de 
de leurs concitoyens. 

Si la ville d'Anvers a eu le bonheur de posséder plusieurs phar- 
maciens distingués, il est juste de reconnaître que les professeurs de 
l'école de pharmacie y ont contribué pour une large part. Depuis la 
réunion de la Belgique à la France, en 179%, surtout depuis l’applica- 
tion à notre pays de la loi du 18 août 1792, qui avait proclamé la 
liberté de toutes les professions, l'exercice de la pharmacie présentait 
un bien triste aspect dans notre ville. Le préfet du département des 
Deux-Nèthes, par son arrêté du 6 ventose an IX (25 février 1801), 
soumit, il est vrai, les aspirants à l’examen d’une commission de santé, 
mais l'absence de toute source d’instruction pharmaceutique paralysa, 
en grande partie, cette mesure réparatrice. Ce ne fut qu'après l’institu- 
tion de l’école de médecine et de pharmacie que l’on vit s'élever ici 
une génération nouvelle, instruite, à Ja hauteur des progrès et propre 
à exercer convenablement une profession appelée à rendre tant de 
service à l'humanité et à la société. 

C’est une pieuse coutume parmi nous que de faire connaître et d’ho- 
norer les hommes qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ont donné 
des preuves de savoir et de leur amour pour le progrès des sciences. 
Cette coutume n’a pas seulement lieu à légard des hommes de génie qui 
par leurs découvertes changent la face des choses; elle s'applique aussi 
à ceux qui, dans une sphère moins élevée, cultivent la science avec succès 
et servent ainsi de guides à la jeunesse studieuse. C’est müû par ces 


une part active à tous les jurys d'exposition et il a contribué à la création de la Fédéra- 
tion horticole. Il a dirigé avec autant de talent que de dévouement le jardin botanique 
d'Anvers où il a su conserver les bonnes et anciennes traditions. Il a soutenu et élevé la 
Société d’horticullure d'Anvers. Rigouts s’est trouvé pendant de longues années le 
représentant daus cette ville de l’aimable science de Linné. C'était un homme instruit, 
modeste et consciencieux. 

Noussommes heureux de pouvoir publier ici la notice que lui a consacré M. C. Broeckx, 
son collègue et ami et lui-même un homme instruit, ardent et opiniâtre pour la publi- 
cation de nos annales scientifiques et médicales. 

Le portrait de Rigouts est fort ressemblant. Nous en devons la communication à 


l'obligeance de M. Fr. Van Pelt, secrétaire de la société des pharmaciens à Anvers. 
E. M. 


ms DT ais 


dernières considérations que nous nous proposons d’honorer la mémoire 
de notre collègue à l'hôpital S'--Élisabeth, du professeur Francçois-Joseph 
Rigouts. 

« La chimie et les sciences naturelles, disait naguère M. Alphonse 
Milne-Edwards(l), sont les principales bases de la pharmacologie. Les 
hommes qui cultivent avec distinction cette dernière branche des con- 
naissances humaines ne peuvent donc être étrangers ni à l’une ni à l’autre 
de ces sciences, et, pour tout esprit philosophique, leur étude offre tant 
d’attraits que souvent ceux qui y ont goûté une fois ne peuvent plus s’en 
détacher et y consacrent leur vie entière. » Rigouts était de ce nombre. 

Il naquit à Lierre, le 28 novembre 1796, de Théodore-Charles et de 
Jeanne Cools. Il était d’extraction noble et sa famille portait pour armes : 
Écartelé au premier et au quatrième de gueule à deux glaives d’argent, 
gardes d’or, passés en sautoir, les pointes en bas: au deuxième et au 
troisième d’or à la frette de sable. Timbre : Un casque d’acier poli, 
taré aux trois-quarts, visière ouverte, grillé de cinq, orné d’un bourlet 
d'argent et de gueule. Cimier : un buste de Maure lié d’argent, vêtu 
de gueule, le rabat d'argent. Lambrequins : D'argent fourrés de gueule. 

Dès l’âge le plus tendre il se sentit irrésistiblement porté vers l'étude 
de la nature. Aussi, dès qu’il eût achevé ses humanités, il crut atteindre 
son but en s’adonnant à l’étude de la pharmacie. Ce fut chez J. Van 
Eeckhoven, pharmacien distingué à Lierre, que le jeune Rigouts puisa 
les premiers éléments de l’art qu’il se proposait d’exercer un jour. 
Le choix était des plus heureux. C’est dans cette officine, c’est dans cette 
clinique pharmaceutique, s’il est permis de nous exprimer ainsi, qu'il 
prit ces habitudes d'ordre, de propreté et de méticuleuse exactitude qui 
font la base de toute bonne éducation pharmaceutique et qui ne peu- 
vent s’acquérir que dans une officine, sous les yeux d’un maitre 
instruit. 

Nous avons connu J. Van Eeckhoven; c'était un pharmacien modèle, 
un praticien profondément instruit et animé du véritable amour des 
sciences. Ainsi il se tenait constamment au courant des progrès de la 
chimie et ne reculait devant aucun sacrifice pour répéter et vérifier, 
dans son laboratoire, les expériences nouvelles qu’il trouvait consignées 
dans les publications périodiques dont il faisait sa lecture habituelle. 
Il sut faire partager cette passion par son élève et en le rendant ainsi 
témoin des phénomènes de la réaction des corps, il l’initiait aux secrets 
d’une science basée sur l'expérience. Cette méthode d'enseignement est 
de bien loin la meilleure et même la seule qui soit en état d’engendrer 
des connaissances solides en chimie. L’aphorisme de la philosophie 


(1) Journal de pharmacie et de chimie de Paris, janvier 1867. 


Re ne 


sensualiste : nthil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu cest 
rigoureusement vrai pour les sciences d'observation. 

Sans vouloir paraitre le laudator temporis acti d'Horace, il faut bien 
l'avouer, nos devanciers appréciaient mieux que nous ce qui est néces- 
saire pour devenir un bon pharmacien. Is faisaient marcher de front 
la pratique et la théorie, tandis que nos lois actuelles relèguent à la fin 
des études un stage insuffisant et souvent encore trop facilement éludé.… 
Et puis encore comment exiger d’un jeune homme qui se sera exelu- 
sivement nourri, pendant plusieurs années, des théories les plus élevées 
de la science, qu’il change tout d’un coup d’habitudes pour s'adonner 
aux travaux quelquefois rebutants d'une officine afin de s’y occuper 
de la confection d’un onguent ou du mélange intime d’une masse 
pilulaire ? Allons donc: aquila non capit muscas ! La loi de 1849, 
n’en déplaise à nos législateurs, pourra peut-être nous doter de quelques 
savants ; de pharmaciens —, jamais. 

Après avoir passé plusieurs années dans l’officine de J. Van Eeckhoven, 
Rigouts se rendit à Anvers pour y compléter ses connaissances pharma- 
ceutiques. C'était l’époque la plus brillante de l’école de médecine et de 
pharmacie d'Anvers. Le professeur Verbert(l), qui en 1819 avail succédé 
à Adelmann, initiait alors par un enseignement clair, méthodique et à la 
hauteur des progrès, les jeunes aspirants dans les secrets théoriques et 
pratiques de la pharmacie. Rigouts se fit bientôt distinguer parmi ses 
condisciples et obtint, le 21 septembre 1821, la place d’élève-interne en 
pharmacie à l’hôpital Ste-Élisabeth. 

C’est à ce foyer d’instruction et sous la direction de ses maitres, que 
Rigouts acquit des connaissances profondes en chimie, en pharmacie et 
en botanique. Le docteur Sommé dirigeait alors le jardin botanique de 
l’école. Il prit en affection le jeune interne et c’est cette protection, 
remplacée plus tard par une constante amitié, qui augmenta encore chez 
Rigouts sa passion pour la science des végétaux. 

« Convaincu avec les naturalistes que, dans toute science d’observa- 
tion, l'examen comparatif des choses est une nécessité de chaque jour ct 
qu'on a sans cesse besoin de scruter leurs caractères tant extérieurs qu'in- 
térieurs, il commença à former une collection de tous les objets dont 
l’étude constitue les sciences auxquelles il s’était voué. On sait que les 
pharmaciens ont toujours eu le goût des collections et plus d’une officine 
est devenue un riche musée. On peut citer à ce sujet celui d’Albert Seba, 
pharmacien hollandais qui, au dix-septième siècle, forma à Amsterdam 
la plus belle collection zoologique qu’on eût encore vue. Acquise par 
Pierre-le-Grand, czar de toutes les Russies, elle devint la base du Musée 


(1) Voyez notre Wolice sur Verbert, Anvers, 1856, in-8v. 


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— 99 — 


d'histoire naturelle de St.-Pétersbourg et servit, de nos jours, aux tra- 
vaux des illustres savants Pallas, Baër et Brandt. » 

La collection de Rigouts fut loin d’égaler celle du pharmacien d’Am- 
sterdam. Elle était formée des produits naturels ou fabriqués qui sont 
actuellement en usage en médecine ou qui le furent anciennement. I] y 
joignit aussi un échantillon des substances qui servent à fabriquer ces 
produits. Il augmentait constamment cette collection des substances 
nouvellement introduites en médecine. Elle renferme des objets très- 
curieux ct des échantillons très-rares. C’est ce que les pharmaciens appe- 
laient une matière médicale, un droguier. Nous devons ajouter que la 
collection de Rigouls est une collection scientifique. Tous les objets y 
sont étiquetés et classés d’après le dernier ouvrage du professeur Gui- 
bourt de Paris, tandis que dans les anciennes matières médicales les 
objets sont disposés en catégories : les écorces, les bois, les semences 
sont respectivement mis ensemble sans s'inquiéter du végétal dont ils 
proviennent. Il en fut de même des minéraux et des substances animales. 

Le 51 mai 1895, il se présenta devant la Commission médicale de la 
province d’Anvers pour subir les épreuves de pharmacien. Il en sortit de 
la manière la plus honorable. Ce ne fut toutefois qu’au commencement 
de 1825 qu'il s'établit comme pharmacien praticien; il reprit la pharma- 
cie du professeur Verbert, dont il devint le gendre le 4°* février de la 
même année. 

La chaire de professeur d'histoire naturelle médicale et de pharmacie 
à l’école de médecine d'Anvers élant devenue vacante par le décès du 
pharmacien Emeri, Rigouts y fut nommé le #4 octobre 1829. Il ouvrit 
immédiatement son cours et le fit, la première année, en langue fla- 
mande. Rigouts comprit les devoirs du professorat et désira se mainte- 
nir à la hauteur des sciences qu’il était chargé d’enseigner. A cet effet 
il s’adonna d’une manière spéciale à l'étude de la minéralogie et de la 
zoologie et profita plus d’une fois des sages conseils de son beau-père. 

Ce fut en 1852 que l'épidémie du choléra-morbus envabit pour la 
première fois la Belgique. Dès le commencement de 1851 le gouverne- 
ment et la régence d'Anvers prirent des mesures préventives contre le 
fléau. A cet effet la commission médicale de la province fut érigée en 
commission sanitaire centrale et M. Rogier, gouverneur, adjoignit à ce 
corps trois personnes compétentes. La ville d'Anvers fut divisée en 
diverses sous-commissions. Rigouts fut adjoint temporainement à la 
commission médicale de la province (26 juillet 1851). Il fit partie de la 
sous-commission de la quatrième section (12 septembre 1851) et devint 
membre de la commission sanitaire locale (11 octobre 1851). Par les 
soins de ces divers corps on tàâcha de calmer l'inquiétude de la population, 
on prescrivit les moyens préventifs et curatifs, on visita et on assainit 
les quartiers insalubres. 

Après la disparition de l'épidémie, le gouvernement récompensa le 


— 100 — 


zèle du corps médical par des distinetions honorifiques. Rigouts reçut 
la médaille d'argent pour services rendus pendant l'épidémie du choléra 
(51 août 1855). 

On sait que le choléra exerea ses ravages à Anvers en 1855, 1848, 1849, 
1854, 1835, 1859 et 1866. La régence eut chaque fois recours aux 
connaissances et au dévouement de Rigouts et chaque fois notre pharma- 
cien s'acquitta de la mission qui lui fut confiée à la satisfaction de 
l'autorité. 

Dans le courant de l’année 1854 quelques membres de la commission 
médicale de la province donnèrent leur démission. Elle fut réorganisée 
l’année suivante. Les talents dont notre pharmacien avait fait preuve 
comme professeur et les services rendus dans les commissions sanitaires 
le désignèrent à l’autorité pour en faire partie. Le gouvernement, par 
arrêté du 10 octobre 1855, le nomma membre de la commission médi- 
cale de la province d'Anvers. C’est au sein de ce corps qu'il eut l’occasion 
de montrer le fonds des connaissances variées qu’il avait acquises par 
une étude assidue de toutes les parties qui constituent les sciences phar- 
maceutiques. Il remplit avec une exactitude exemplaire tous ses devoirs : 
il assista régulièrement aux séances, aux examens des pharmaciens et 
visita avec soin les officines des médecins de campagne. Quand l’autorité 
eut recours aux lumières de la commission dans des questions d'hygiène 
ou du ressort de la pharmacie, Rigouts contribua pour une large part à 
leur solution. 

La réputation d’habile chimiste que Rigouts s'était acquise ne fit que 
croître, à mesure qu'on inyoqua ses connaissances. Le parquet du tribu- 
nal de première instance et Je tribunal de commerce d'Anvers le nom- 
mérent plusieurs fois chimiste-expert. Il s’en acquitta toujours de la 
manière la plus honorable pour le corps auquel il se faisait gloire d’appar- 
tenir. Avant que l'administration communale d’Anvers n’eût institué 
un conseil de salubrité publique, c'était toujours au professeur de phar- 
macie qu'elle s’adressait pour toutes les questions d'hygiène. Il fit pour 
la ville un grand nombre d’analyses chimiques, des recherches nom- 
breuses sur la falsification des denrées alimentaires, qui lui prenaient 
quelquefois plusieurs semaines. Ces travaux lui valurent toute une série 
de lettres de remerciments. 

Après notre régénération politique, la Belgique vit surgir partout 
l’esprit d'association scientifique. Le corps médical ne fut pas le dernier 
à s'associer à ce mouvement intellectuel. La ville d'Anvers vit s’élever 
dans son sein plusieurs associations scientifiques dont la Société libre 
des pharmaciens, actuellement la Société de pharmacie d'Anvers ne fut 
pas la moins importante. De tout temps les pharmaciens belges ont été 
moins portés que les médecins à faire part au public du fruit de leurs 
méditations et de leurs investigations. C’est que, sans nul doute, il leur 
manquait un centre d'union. La société de pharmacie d’Anvers, créée 


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— 101 — 


en 1854, le leur fournit. Dès lors on vit les pharmaciens rivaliser de 
zèle avec les médecins pour démontrer au monde savant que la phar- 
macie est exercée et cultivée avec succès dans notre petit coin de terre 
qu’on nomme la Belgique et que désormais ils sont cn état d’apporter 
leur contingent scientifique pour prouver que leur pays, tant sous le 
rapport pharmaceutique que sous le rapport politique, mérite d’être 
admis dans la grande famille des nations. Rigouts fut l’un des membres 
fondateurs de cette compagnie savante qui continue à jeter un grand 
éclat tant par la publication de son journal que par les efforts inces- 
sants qu'elle fait pour que la pharmacie occupe parmi les professions 
libérales le rang auquel elle a le droit d’aspirer par les services qu’elle 
prodigue à la société et à l'humanité souffrante. 

La juste considération dont Rigouts jouissait et son zèle pour les pro- 
grès des sciences naturelles le firent entrer dans la plupart des sociétés de 
ce genre de notre ville. Ainsi il devint successivement l’un des fondateurs 
de la Société royale d’Horticulture et d’Agriculture d'Anvers, et con- 
tribua pour une bonne part à son développement. Secrétaire pendant 
trente ans, il s’acquitta de cette charge avec une activité digne d’éloge. 
Aussi eut-il la satisfaction de voir ses efforts appréciés par ses conci- 
toyens comme ils le méritaient. Aussi l’autorité communale lui décerna, 
le 51 août 1840, une médaille et la société royale d'horticulture et 
d'agriculture, dans sa séance du 21 septembre 1856, lui vota une 
médaille extraordinaire en vermeil, de grand module, pour le zèle au-delà 
de tout éloge qu'il n'avait cessé de déployer durant 50 ans pour son 
bien-être et sa prospérité. Deux ans avant sa mort, il fut nommé secré- 
taire honoraire. C’est à ces fonctions qu’il dut d’avoir été nommé, 
le 15 mars 1849, directeur de la bibliothèque rurale et, le 16 décem- 
bre 1850, membre délégué du comice agricole pour la province d’Anvers. 

Les sociétés d’horticulture régnicoles et étrangères, ayant eu l’occasion 
d'apprécier ses connaissances et son jugement impartial, le demandèrent 
constamment pour faire partie des jurys chargés de décerner les récom- 
penses lors de leurs expositions. Le gouvernement belge le nomma 
membre du jury pour l'exposition universelle d’horticulture de Bruxelles 
en 186% et celui de Hollande pour l'exposition internationale d’Amster- 
dam en 1865. 

En 1842 fut fondée à Anvers la société royale de zoologie. Rigouts y 
contribua pour sa part et fut membre du conseil d'administration depuis 
sa fondation. 11 s'était attribué la partie scientifique de cette association. 
Il avait à diriger les plantations et l’entretien du jardin. C’est à lui qu'on 
doit les beaux arbres qui s’y trouvent et qu'on commence seulement à 
apprécier maintenant qu'ils se développent. I] fit même plusieurs voyages 
en Hollande pour acheter des arbres qu’on ne pouvait pas se procurer 
dans le pays. 

En 1856, le docteur André Uytterhocven forma avec quelques savants 


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la société de paléontologie de Belgique. Notre pharmacien fat au nombre 
des fondateurs et membre du bureau depuis sa fondation. 

En 1858 les fouilles qui furent faites pour le creusement des nouveaux 
bassins au nord de la ville, amenèrent la découverte de plusieurs objets 
qui parurent présenter quelque intérêt. scientifique. La régence, par 
lettre du 15 mars, eut recours aux connaissances de Rigouts et le pria 
d'aller examiner ces objets déposés au Kattendyk et de faire savoir au 
collége communal si quelques uns d’entre eux méritaient d’être conservés. 
Rigouts accepta cette mission avec empressement et répondit, le 25 du 
même mois, par la lettre suivante : 


MESSIEURS, 


« J'ai l'honneur de vous rendre compte de la mission dont vous avez 
bien voulu me charger par votre lettre en date du 15 de ce mois. 

« Les objets déposés au bureau des travaux du Kattendyk sont de 
deux espèces : 1° Des parties d’armes, débris de vases, etc. 2° Des fossi- 
les. C’est de ces derniers seulement que j’ai cru devoir m'occuper. » 

« Parmi ces fossiles il y en a qui appartiennent à l’ancienne, d’autres 
à la nouvelle formation géologique. Quelques-uns d’entre eux présentent 
un certain intérêt comme étant des débris organiques caractérisant l’un 
des étages de notre terrain tertiaire, ainsi que la formation tourbière 
subséquente et doivent se rapporter en partie à l’époque des dépôts anté- 
diluviens, en partie à l’époque des dépôts modernes. Je suis par consé- 
quent d’avis que ces pièces méritent d’être conservées avec soin. Ce sont 
notamment celles indiquées sur la liste ci-jointe et numérotées d’après le 
tableau dressé par M. l’inspecteur Van Mens qui, lors de ma visite au 
Kattendyk, a eu la complaisance de me donner tous les renseignements 
désirables. » : 

« Depuis quelques temps une nouvelle association sous le nom de société 
de paléontologie de Belgique s'est formée dans notre ville. Trois de 
mes honorables collègues, membre du conseil d'administration et fonda- 
teurs de cette société, MM. Uytterhoeven, Nyst et Norbert De Waal ont 
bien voulu me prêter, pour l’examen dont j'étais chargé, le secours de 
leurs connaissances. Ces Messieurs et moi, nous prenons la liberté de 
vous demander que vous vouliez disposer des objets en question en faveur 
du cabinet paléontologique que cette sociéte organise en ce moment dans 
notre ville. Ces objets formeraient dans notre collection un bel et intéres- 
sant noyau de cette catégorie de produits fossiles du sol anversois. » 

« J'ai cru, Messieurs, pouvoir me borner à vous communiquer mon 
opinion sur l’ensemble des objets que j'ai eu à examiner; si cependant 
vous jugiez utile d’avoir encore d’autres renseignements, je m’empres- 
serai de vous les faire parvenir. » 

La régence accorda la demande et fit déposer les fossiles du Kattendyk 
au musée de la compagnie paléontologique. 


— 105 — 


Par ja loi de 1855 sur l'enseignement supérieur, on ne créa plus que 
des docteurs en médecine eten chirurgie. Dès lors les commissions médi- 
cales ne purent plus procéder aux examens des chirurgiens de ville et de 
campagne ct les écoles secondaires de médecine perdirent une grande 
partie de leur importance. C’est ainsi qu’à Anvers les professeurs Sommé, 
Stevens, Messieurs Van Haesendonck et Matthyssens cessérent leurs 
cours. Verbert et Rigouts continuèrent à enseigner, le premier la chimie 
et la botanique, le second l’histoire naturelle médicale et la pharmacie, 
jusqu’à la promulgation de la loi organique du 15 juillet 1849 sur l’en- 
seignement supérieur. Cette loi enleva aux commissions médicales pro- 
vinciales le droit de créer des pharmaciens et en investit les jurys 
universitaires. 

En vertu des dispositions transitoires de la loi précitée, prises en 
faveur des élèves pharmaciens régulièrement inscrits en cette qualité au 
moment de sa promulgation, le gouvernement réunit à Bruxelles, en 
1849 et 1850, un jury spécial de pharmacie. Ce jury avait pour mission 
de procéder aux examens conformément à la loi du 12 mars 1818. 
A cette fin, le gouvernement choisit les membres de ce jury parmi les 
praticiens qui faisaient partie des différentes commissions médicales 
provinciales du royaume. Rigouts fut nommé à ces importantes fonc- 
tions en qualité de membre effectif ct y représenta la commission médi- 
cale de notre province. 

Ce choix était des plus heureux. En effet, sa qualité de professeur de 
pharmacologie le rendait éminemment propre aux délicates fonctions 
d’examinateur. Tout le monde sait que la manière de poser une question 
a une grande importance pour le récipiendaire et que celui qui enseigne 
possède ordinairement l’art d'interroger. 

A la mort de Verbert, Rigouts fut nommé, le 25 juin 185%, pharmacien 
en chef de l'hôpital St-Élisabeth. 11 remplit avec un zèle et un dévouc- 
ment au-dessus de tout éloge ces importantes fonctions dans un établis- 
sement hospitalier de 700 malades, le plus considérable de toute la 
Belgique. 

Deux ans plus tard, le décès du docteur Sommé ayant laissé vacante 
la direction du jardin botanique, l'administration communale lui confia 
ces fonctions le 8 février 1856 et le nomma en même temps professeur 
de botanique, en le déchargeant du cours de pharmacologie. Ce cours 
était donc officiellement supprimé ; mais un grand nombre d'élèves 
vinrent prier Île professeur de ne point suspendre son enseignement. 
Il y consentit et continua à donner des leçons jusqu’en 1866, c’est-à-dire 
pendant dix années ct ce gratuitement, car le traitement avait été 
supprimé en 1856. Rigouts eut Ja satisfaction de voir son dévouement 
récompensé. Ses auditeurs lui offrirent vers le 16 juillet 1856 unc coupe 
d'argent, en témoignage de reconnaissance. 

À l’époque où Rigouts fut nommé directeur du jardin botanique, 


— 104 — 


les plantes y étaient encore classées d’après le système de Linné. Il 
remplaca cette classification par la disposition en groupes naturels. 
Il voulut rendre cet établissement utile même aux simples promeneurs, 
en faire un livre où tout le monde, même les illettrés, pussent lire. 
A cette fin il fit renouveler toutes les étiquettes et, au moyen de signes 
et de couleurs conventionnels, dont la clef se trouvait affichée dans 
les deux langues, il fit en sorte qu'à la seule inspection d’une étiquette 
on put reconnaitre immédiatement non seulement le nom et la patrie, 
mais encore la durée, la propriété principale ou l’usage le plus important 
de chaque végétal. On ne trouve dans aucun établissement du même 
genre tant de renseignements près de chaque plante. C’est un progrès 
que le jardin botanique d’Anvers a été le premier à réaliser. 

C'est pendant que Rigouts était directeur du jardin botanique cet grâce 
à ses intéressantes démarches que furent construites les nouvelles serres. 

Disons un mot du cours de botanique de Rigouts. On se tromperait 
si l’on croyait qu'il ressemblait à des lecons académiques. Le professeur 
d’une université est forcé de se restreindre dans les limites d’un pro- 
gramme officiel et ne peut se permettre aucune excursion sur le domaine 
d'une autre branche des connaissances humaines sans compromettre 
le but que ses auditeurs désirent atteindre ; celui de passer leur examen. 
Rigouts avait les coudées franches. Il s’adressait à une catégorie de per- 
sonnes qui ne lui demandaient que quelques instants d’utile délassement. 
Il avait soin d’entreméler d’attrayants épisodes ce que la science pure 
pouvait avoir d’aride et de couper cette partie de son cours par de 
fréquentes parenthèses dont l’horticulture et l’agriculture, l’industrie, 
l’économie domestique ou la médecine fournissaient la matière. C'était 
surtout l'exposé de ces applications qui était écouté avec le plus d'intérêt 
ct qui lui attirait un nombre loujours croissant d’auditeurs. 

Dès le jour où Rigouts fut nommé directeur du jardin botanique 
et chargé d’enseigner cette branche de l’histoire naturelle, il s’oceupa de 
la formation d’un cabinet botanique. A cette fin, il réunit des produits 
végétaux, des dissections, des préparations anatomiques, des objets de 
tératologie et de paléontologie végétales, une riche collection de bois 
exotiques et de bois indigènes, en un mot tous les objets qui pouvaient 
venir en aide à son enseignement. 

Notre professeur a beaucoup étudié, beaucoup écrit et peu publié. 
Inutile d’en rechercher la cause, nous avouons l’ignorer complètement. 
Qu'on nous permette de passer en revue les publications auxquelles il a 
attaché son nom. 

4° Solidification du baume de copahu par le moyen de la magnésie. 
(Dans le répertoire de chimie, pharmacie, matière pharmaceutique et 
chimie industrielle, par P.J. Hensmans, Louvain 1829, in-8°, à la page 
12 du tome III.) 

L'auteur énumère d’abord les espèces du genre Copaifera qui fournis- 


— 105 — 


sent le baume de copahu et attribue à cette diversité d'origine les 
caractères si dissemblables de ce produit, tel que le commerce nous le 
livre, même en le supposant exempt de toute adultération. II décrit 
ensuite les deux sortes commerciales de ce baume; il fit connaitre les 
substitutions et les falsifications dont il est l’objet et les moyens de les 
constater. Enfin il indique quels sont les caractères que doit posséder le 
baume de bonne qualité, celui qu'il faut choisir pour l’usage médical. 

Après cette introduction, il expose l’objet de son travail. M. Mialhe 
avait prétendu qu’on pouvait faire prendre au baume de copahu une 
consistance pilullaire en lui incorporant de la magnésie fortement 
caleinée. (Journal de pharmacie et des sciences accessoires. Paris, 1828, à 
la page 182 du tome XIV.) L'auteur ne partage point cette opinion et 
expose les expériences auxquelles il s’est livré, pour démontrer que la 
solidification dépend bien moins du degré de calcination de la magnésie 
que de la bonne qualité du baume lui-même et que l’action intense et 
prolongée de la chaleur sur l’oxyde est sans influence sur le résultat. 

I] résulte d’un travail récent dû à M. Z. Roussin(f), que ni MM. Mialbe, 
ni Rigouts ne paraissent avoir bien apprécié la véritable cause du 

_ phénomène en question. 

Les expériences du pharmacien français semblent mettre hors de doute 
la nécessité de l'intervention de l'eau pour opérer la combinaison de la 
résine du baume de copahu (acide copahudique) avec les oxydes métalli- 
ques et notamment avec Ja chaux et la magnésie. Sile copahu et la 
magnésie employés sont tous les deux anhydres, toute solidification 
devient impossible. Si ces deux corps ou seulement l’un d’eux contien- 
nent la proportion d’eau nécessaire pour hydrater complètement la 
magnésie, la solidification se produit. Si la proportion d’eau est insuffi- 
sante, la soldification sera incomplète. 

Telle est l’explication la plus récente du phénomène. Est-ce la vraie ? 
« À moins que le monde finisse demain, personne sans doute n’aura 
« la prétention de croire que nos contemporains ont donné le dernier 
« mot de la science, et que nos descendants n'auront plus aucun fait à 
« découvrir, aucune erreur à rectifier, aucune théorie à redresser (2). » 

2 Remarques concernant la pharmacopée et la pharmacotechnie. 
Bruxelles, 1842, in-8, (dans les Archives de la médecine belge, livraison 
de juillet 1842.) 

Comme son titre l'indique, ce travail a spécialement pour objet la 
préparation des médicaments. L'auteur signale les lacunes de la phar- 
macopée belge de 1825. Les formules d’un grand nombre de préparations 


(1) Études sur les causes de la solidification du baume de copahu par la chaux et la 
magnésie, par M. Z. Roussix. Paris, 1865, in-S°, dans le journal de pharmacie et de 
chimie, 4° série, à la page 521 du tome I. 

(2) F. Boerer, Histoire de la chimie, Paris, 1866, in-8o, à la page 251 du tome [. 


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très-usilées dans notre province y font défaut. Il en résulte que chaque 
pharmacien a adopté pour ces préparations une formule à sa guise et 
que, par suite, elles diffèrent d'une officine à une autre, au grand détri- 
ment du bon exercice de la médecine. 

Pour qu'une pharmacopée atteigne son but, il faut non seulement 
qu'elle soit adaptée aux usages du pays auquel elle est destinée, si on 
peut s'exprimer de la sorte, mais il faut encore qu'elle soit l’œuvre de 
pharmaciens praticiens et qu’elle soit révisée à époques fixes pour la 
tenir constamment au courant des améliorations qui peuvent s’intro- 
duire dans la pratique médicale. 

Les formules des médicaments à préparer par digestion ou par macé- 
ration présentent dans la pharmacopée belge de 1825 un défaut capital, 
et ce défaut se rencontre également dans toutes les pharmacopées que 
l'auteur a examinées. 

Le formulaire officiel de 1825 indique bien la quantité de véhicule à 
employer, mais nullement la quantité de produit à obtenir; de sorte que 
celui-ci peut varier par suite d'une infinité de circonstances. Ce défaut 
peut entrainer les conséquences les plus graves, lorsqu'il s’agit de la 
préparation de médicaments énergiques, par exemple du laudanum. 

Les auteurs de la pharmacopée belge de 1856 ont introduit dans cet 
ouvrage les indispensables améliorations réclamées par Rigouts. Ils ont 
indiqué la quantité de produit à obtenir dans toutes les formules où ce 
renseignement était nécessaire. 

5° Recherches sur la falsification des substances médicamenteuses et 
alimentaires. Bruxelles, 1844, in-8°. (Dans la livraison de février 184% 
des Archives de la médecine de Belgique.) 

L'auteur croit que le motif pour lequel les médecins perdent quelques 
fois leur confiance dans la vertu de certains médicaments, c’est que les 
matières premières, qui avaient servi à la préparation de ces remèdes, 
n'étaient point de bonne qualité. On s’occupe un peu trop, d’après lui, 
des falsifications des préparations pharmaceutiques et chimiques et pas 
suffisamment des substitutions et des adultérations que l'ignorance ou la 
cupidité font éprouver aux drogues simples. 

A l’appui de son assertion il a cité l'exemple de l'écorce de la racine 
de grenadier. Quelques thérapeutistes l’ont préconisée comme un ténia- 
fuge d’un effet assuré et d’autres l’ont rangée parmi les vermifuges ordi- 
naires. À quoi doit-on attribuer cette divergence d'opinion si ce n'est 
à la qualité de la substance employée ? 

L'auteur a examiné un grand nombre d'échantillons d’écorce de cette 
racine pris par lui dans différents magasins de droguerie et il a trouvé 
qu’en moyenne ils n'étaient composés que de la moitié de véritable 
écorce ; l’autre moitié était formée par des écorces de buis, d’épine- 
vinette, de mürier et surtout d’écorces des branches et des tiges de 
grenadier. 


en . « * 
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TE — 


Les Listes. 


A nn LL ANA. 


— 107 — 


Si on emploie un pareil mélange sans l'avoir préalablement soumis 
à un minutieux triage, cst-il étonnant qu'il en résulte une préparation 
d’un effet très-douteux et qui doit nécessairement détruire la confiance 
que le médecin avait dans les propriétés de ce médicament ? 

À propos de l’emploi du tartrate de fer pour distinguer l'écorce de la 
racine de grenadier de celle de l'épine-vinette, Rigouts fait quelques 
observations critiques sur les réactions indiquées par les pharmacologistes 
pour découvrir certaines falsifications. Il en conclut que, quelle que soit 
la confiance que puisse inspirer la renommée d’un chimiste, il est tou- 
jours utile de contrôler ses expériences. 

Il passe ensuite à l’examen de la Spigelia et, après avoir prouvé que 
c'est le Spigelia marylandica L. et non le Spigelia anthelmia L. que nous 
recevons en Europe, il signale une nouvelle falsification de ce produit 
exotique par le Zinnia multiflora L. et il donne les caractères botaniques 
de cette plante pour pouvoir reconnaitre la substitution. 

Le végétal connu au Pérou sous le nom de Watico ou de Matica a fait 
encore l’objet des recherches de Rigouts. Le docteur Sommé en avait recu 
directement du Chili. Le lieu de provenance était donc certain. Après 
avoir décrit les caractères de cette Pipéritée, il signale le Salvia sclarea L., 
labiée qui croit abondamment dans le midi de la France, comme étant 
substituée par les négociants européens à la plante américaine et il se 
demande si cette substitution n’est pas la cause probable de l'oubli dans 
lequel le Matico est tombé. 

Il fait connaitre ensuite les substances étrangères qu'il a découvertes 
dans la digitale pourprée, la lobélie enflée et l’iode et il donne les 
moyens propres à les faire distinguer. Il a trouvé la première de ces 
substances falsifiée par les feuilles du Symphitum officinale, L., la 
deuxième par le Sentelloria lateriflora, L., et la troisième par du plomb 
sulfuré. 

Rigouts a fait l'analyse de plusieurs substances alimentaires, telles 
que la féeule, le beurre, le pain et le vin. 1l en fait connaitre les résul- 
tats. Entre autres, un échantillon de beurre qui lui avait été soumis 
contenait du kaolin (terre à porcclaine). 

Dans le dernier chapitre de son mémoire, Rigouts propose certaines 
dispositions réglementaires à imposer au commerce des drogues pour 
rendre les fraudes plus difficiles et il préconise la eréation, sous les 
auspices du gouvernement, d'une pharmacie centrale avec jardin destiné 
à la culture des plantes médicinales. II démontre l'utilité d’une pareille 
institution. 

Les deux mémoires que nous venons d'analyser ont, pour ainsi dire 
et à peu de chose près, un but unique. On est convaincu en les lisant 
que le bon exercice de la pharmacie était l’objet de la constante préoc- 
cupation de leur auteur et que c’est ce but qu’il voulait atteindre, tantôt 
en démontrant les défauts de certains modes opératoires, tantôt en 


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metllant ses confrères en garde contre des falsifications qu'il avait été 
assez heureux de découvrir le premier, grâce à ses recherches et surtout 
à ses connaissances spéciales. Ses expériences sur quelques substances 
prouvent également qu'il ne laissait échapper aucune occasion de con- 
tribuer au bien-être général de ses concitoyens. 

Ces intéressants travaux furent appréciés comme ils le méritent, 
non seulement dans notre pays mais même à l'étranger ; une sommité 
pharmaceutique, M. Chevallier, les cita honorablement dans son dic- 
tionnaire des falsifications. | 

4° Floraison d'un Agave americana au jardin de la Société Royale 
de zoologie d'Anvers. Bruxelles, 1860 in-8° (Bulletin de la fédération 
des sociétés d’horticulture de Belgique, Tome I.) 

Un des deux gigantesques Agaves, que la Société de zoologie devait 
à la générosité de M. Edmond Legrelle d'Anvers, fleurit en 1860. 
Rigouts, un des administrateurs de la Société, publia, à cette occasion, 
une notice destinée à faire apprécier à sa valeur un événement si rare 


dans nos contrées et, hâtons-nous de le dire, son travail atteignit plei- 


nement le but qu’il s'était proposé. 

L'auteur puise d’abord dans les Annales de la science horticole les 
détails de toutes les floraisons extraordinaires qui ont précédé celle 
d'Anvers et il rassemble tous les faits qui sont de nature à en faire 
comprendre l'importance. I] donne ensuite les caractères du genre Agave 
propres à distinguer celui-ci du genre Àloës, avec lequel il a été quelques 
fois confondu. 

Après cette introduction, il fait connaitre dans quelles circonstances 
et sous l’influence de quels phénomènes météorologiques s’est accompli 


l'événement qui fait l’objet de son travail. Il décrit avec la plus grande 


exactitude et jusque dans les moindres détails le développement du 
magnifique panicule depuis la première apparition de la hampe jusqu’au 
complet épanouissement du dernier bouton floral. Enfin il termine sa 
notice par la descriplion des divers usages auxquels sont employés les 
différentes parties de la plante et par l’exposé des investigations aux- 
quelles il a soumis lc liquide sécrété par les glandes nectarifères. 

C’est un travail rempli de faits très-curieux et d’observations très- 
intéressanies , qui dénotent chez l’auteur de profondes connaissances 
en botanique et en horticulture. 

5° Observations sur les phénomènes périodiques, adressées à l’Aca- 
démie Royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, et 
insérées dans les publications de cette compagnie. 

Rigouts a publié aussi des articles dans les journaux quotidiens. 
Quelques-uns de ces articles datent des premières années de la fon- 
dation de la Société de zoologie et avaient pour but de faire connaitre 
l'utilité et l'agrément de cet établissement. D’autres ont pour objet la 
Société d’horticulture et sont des comptes-rendus des expositions de 
cette Société. 


— 109 — 


Si Rigouts n’a pas élevé un monument considérable aux sciences 
qu'il cultivait, il faut convenir qu'il a rempli dignement sa carrière et 
qu’il a exercé sa profession de manière à mériter l'estime et la consi- 
dération de ses concitoyens. Il mourut avec le calme du vrai chrétien 
qui attend la récompense de ses actes dans un monde meilleur, le 
45 février 1867, à l’âge de 70 ans. 

M. le docteur Lambrechts prononca sur sa tombe le discours suivant : 


MESSIEURS, 


Qu'il me soit permis, comme organe des sentiments de la commission 
médicale provinciale, de vous retracer la vie si honorablement remplie 
du collègue et de l’ami dont nous pleurons aujourd’hui la perte. 

Néà Lierre, en 1796, Francois-Joseph Rigouts, plus favorisé du ciel 
que ceux dont nous avons eu à déplorer la mort dans ce dernier temps, 
a pu fournir une longue carrière. 

Sa belle existence a été pour sa famille et pour ses nombreux amis 
une douce consolation, et pourtant nous avons compris en le perdant 
que, quel que soit l’âge de celui qui nous est ravi, la douleur de la sépa- 
ration n’est ni moins vive ni moins profonde. C’est que, Messieurs, 
pour l’homme de bien le temps multiplie les regrets, parce que chaque 
jour de son existence lui offre une occasion nouvelle de conquérir un 
titre de plus à la gratitude et à l’estime de tous. 

Rigouts se livra de bonne heure aux études scientifiques, mais la 
chimie et surtout la botanique furent les sciences au culte desquelles il 
se voua tout entier. 

Il vient à Anvers en 1821 et obtient la place de pharmacien, élève 
interne, à l’hôpital Ste-Élisabeth, Grâce à sa rare intelligence et à l’en- 
seignement éclairé de ses maîtres, il se perfectionna promptement dans 
les connaissances de son art. Son application l’ayant fait distinguer par 
le corps professoral, le gouvernement hollandais le nomma, en 1829, 
professeur de pharmacie et d'histoire naturelle à l’école de médecine de 
cette institution. 

En 185% il fut promu à la place de pharmacien en chef de cet établis- 
sement et dans cette nouvelle position, qui réclame de la part de celui 
qui l’occupe une grande activité, Rigouts sut toujours remplir tous ses 
devoirs, jusqu’au dernier moment de sa vie, avec un zèle digne d’éloge. 

En 1849 et 1850, le Gouvernement l’honora de sa confiance en le 
nommant membre titulaire du jury spécial de pharmacie réuni en session 
extraordinaire et centrale à Bruxelles. 

Ses connaissances spéciales en chimie et son caractère consciencieux 
el observateur firent que souvent le parquet eut recours à ses lumières. 

D'autres administrations surent mettre à profit les connaissances 
variées et étendues que possédait notre ami regretté, et malgré ses 


— 110 — 


nombreuses occupations, il ne resta jamais sourd à leur appel chaque 
fois qu'il a cru que son concours et son dévouement pouvaient étre 
utiles à la réalisation d'une œuvre de progrès ou d'humanité. — C’est 
ainsi que lors de chacune des invasions d’épidémie il fut nommé mem- 
bre de la commisson sanitaire et qu'en 1852 il sut mériter la médaille 
décernée par le Gouvernement comme récompense des services rendus 
pendant l'épidémie de cette époque. 

Nommé également membre du Comité de salubrité de la ville d'Anvers, 
le 2% février 1866, il contribua à prescrire les mesures sanitaires qui, 
quoique impuissantes à éloigner de nous le mal, auront néanmoins eu 
pour effet d’atténuer l'intensité d’un fléau dont les ravages devaient être 
malheureusement si meurtriers. 

L’administralion communale d'Anvers, qui sut apprécier le dévouement 
dont il fit preuve lors de ces douloureuses circonstances, lui adressa 
à différents reprises des lettres de remerciments pour les services gra- 
tuits rendus à la chose publique. 

Professeur-directeur du Jardin botanique de cette ville, depuis 1829, 
nous rencontrons également en lui un des fondateurs de notre belle 
Société de zoologie qui perd en Rigouts un de ses membres les plus zélés. 

Mais c’est surtout comme membre de la commission médicale provin- 
ciale, dont il faisait partie depuis 1855, que nous avons pu apprécier les 
éminentes qualités qui distinguaient notre ami. Son zèle ct ses lumières 
ne nous faisaient jamais défaut et sa grande expérience, dont il sut nous 
faire profiter, nous fut constamment d’un précieux concours dans les 
questions souvent délicates qui nous furent soumises. 

Sa place laissera parmi nous un véritable vide et nous tous, qui à côté 
des qualités de son esprit avons su apprécier celles de son cœur, nous 
pleurerons en lui un membre dévoué auquel nous garderons un éternel 
souvenir. 

Que les regrets unanimes qui éclatent sur sa tombe et la foule qui se 
presse autour de nous, pour rendre à cet homme de bien un dernier 
hommage, soit pour sa famille éplorée un adoucissement à sa douleur. 

Adieu, Rigouts, adieu. 


ARBORICULTURE. 


L'ORME GRAS A LARGES FEUILLES 


(Orme de Pitteurs, Ch. Morren), 
pan Eu. Ronicas. 


A quelques pas vers l’est de ce qui reste debout des vieux remparts de 
St. Trond, derrière une élégante et simple maison de campagne, se 
déroulent de larges massifs d'ormes, dont la riante verdure attire de 
loin les regards. Cette riche et magnifique végétation est encore 
aujourd'hui telle que nous l'avons connue il y a quelque vingt ans : 
elle occupe le même emplacement ; elle a la même vigueur, la même 
jeunesse. En visitant ces lieux au mois d'août dernier, cette stabilité 
nous frappa, et nous aurions volontiers cédé à l'envie d'évoquer le 
souvenir de notre enfance, de ces années où il nous suffisait de con- 
quérir un papillon, de trouver une fleur agreste nouvelle pour nous, 
d'entendre la chanson d’une fauvette, pour goûter le bonheur. Mais 
maintenant chacun de nos pas doit avoir un but, et les six membres 
du Cercle professoral que nous avons le plaisir d'accompagner dans 
celte visite, moins indulgents que nos camarades d'autrefois, étaient 
là pour nous rappeler qu'il fallait prendre des notes. Ce sont ces notes 
que nous transerivons ici. 

L’ormaie de M. Vax Her, dans laquelle le propriétaire nous guide 
avec une parfaite urbanité, a une étendue de près de quatre hectares. 
Elle est traversée par un chemin publie et côtoyée sur toute sa longueur 
par la Cicindria, petite rivière, jadis plus considérable, qui descend des 
collines des environs et qui, en passant par le milieu de la ville, emporte 
les eaux perdues et les immondices des nombreux égoûts. C’est au voisi- 
nage de cette rivière à l’eau peu limpide, noire parfois comme de 
l'encre, que nous n'hésitons pas d'attribuer la meilleure part du succès 
de la culture et la beauté remarquable des jeunes arbres que nous 
avons sous les veux. En effel, la pépinière est située en aval de la 
ville et dans un bas-fond; à cet endroit le courant est considéra- 
blement ralenti à cause d'un barrage établi plus loin pour l’alimen- 
tation d'un moulin. Il en résulte que toutes les matières tenues en 
suspension par les caux s’y déposent, au grand bénéfice des riverains, 
qui ne manquent pas, d'en tirer un excellent parti. Ainsi les boues prove- 
nant du curage annuel de la Cicindria sont utilisées par M. le Sénateur 
DE Parreurs, l'agronome bien connu, dans sa belle exploitation de l’ancien 
domaine abbalial de Speelhof, et par M. Vax Hser dans son ormaie. Ces 


— 112 — 


dépôts ne constituent pas seulement, au bout d’une année de mise en tas, 
un puissant engrais, mais leur formation en fait un amendement d’une 
nature très-fertile. Les eaux pluviales, les orages, la fonte des neiges y 
charrient des quantités de terres diverses et surtout de l'argile qu’elles 
enlèvent dans leur trajet. On pourra se figurer la masse de ces dépôts, 
quand on saura qu’une partie de l’ormaie de M. Van Hger, sur une éten- 
due de deux hectares, a pu être exhaussée de plus d'un mètre et demi, 
dans l'espace assez court de trente ans. Ajoutons encore que l’abattoir 
de la ville se trouve à proximité et que beaucoup de substances animales, 
sang et autres, se déversent dans la rivière et s'y déposent à leur tour. 
Enfin le sol, autrefois un marécage, qui sert de base à ce terrain artificiel, 
est de très-bonne qualité par lui-même, étant constitué par Île limon 
hesbaien auquel les environs de St. Trond doivent leur richesse agricole. 
On comprend après cela pourquoi les ormes de cet établissement sont 
d'aussi belle venue et comment la même essence se succède sans inter- 
ruplion au même endroit depuis tant d'années. J 

Ce n'est pas ici le lieu d'examiner la valeur de l'Orme en sylviculture. 
Chacun sait que cet arbre est classé au premier rang à cause des qualités 
de son bois, de son feuillage bien nourri et de ses racines nullement 
traçantes. Il convient sous tous les rapports aux plantations routières, et 
finira, espérons-le, par faire disparaitre le malheureux Peuplier du 
Canada, dont l'expérience a suffisamment démontré les nombreux défauts. 
À ceux qui douteraient encore, nous dirions d'aller se convaincre sur la 
route de St. Trond à Tirlemont : les peupliers qui la bordaient ont été 
abattus l'hiver précédent, et par delà les fossés, les sauts-de-loup profonds, 
dans les champs et les prés voisins, quel qu’en soit le niveau, les vieilles 
racines se trahissent par d'innombrables drageons ; elles allaient épuiser 
le sol jusqu’à huit mètres du tronc! Les faits sont là pour attester notre 
témoignage. s 

En Belgique et en Hollande, l'Orme gras est préféré à l’Orme tortillard, 
qui d’ailleurs a eu le triste privilége d’être le premier infesté par le 
Scolyte destructeur, cet affreux petit Colcoptère, dont il a été parlé à 
satiété et qui se rit de toutes nos malices. Dans l’ormaie de M. Vax Here, 
on cultive une seule variété, celle qui est née de graine à cette pépinière 
même, et que CuarLes Morrex fit connaïtre en 18481), dans les termes 
suivants : « Ce qui distingue surtout l’Orme de Pitteurs, c’est l'ampleur de 
la feuille; celle-ci mesure 2 décimètres de longueur sur 18 centimètres 
de largeur, et il y a des feuilles mêmes un peu plus grandes; elles sont 
orbiculaires, ovales, bombées, la convexité tournée en haut, les nervures 
très-prononcées ct donnant à l’organe une forte trame; le bord est denté, 
les dents irrégulières, doubles ou triples; le vert est foncé et indique une 


(1) Journal d’Agriculture pratique, p. 114. 


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— 115 — 


végélation vigoureuse. Le bourgeon est conique, écaillé, les écailles 
fortes et brunes. 

« Avec des feuilles de cette nature, on concoit que la croissance soit à 
la fois rapide et forte : les feuilles la déterminent tellement, que, placées 
alternativement, elles entrainent chacune de son côté la tige qui provient 
du développement, de son bourgeon respectif. Il s’en suit que les jeunes 
pousses sont ployées en zigzag: mais la seconde année ces angles dispa- 
raissent et les branches se redressent. 

« Le bois de cet Orme est plus dur et plus fort que celui de l’ancienne 
variété, dite de Malines, si estimée dans le pays. Les qualités de ce bois 
s'expliquent au reste fort bien par la vigueur et l’ampleur des feuilles. 

« Nous avons vu dans les propriétés de M. le conseiller DE Pirreurs 
de ces Ormes dont les pousses de l’année mesuraient 2 mètres 50 centim. 
C’est décidément un arbre qui mérite de se propager partout, et pour 
le baptème duquel nous choisissons le nom de son producteur, car il est 
juste et digne de perpétuer le souvenir d'hommes honorables et utiles 
par les arbres qu'ils ont pour ainsi dire créés de leurs soins. C'est ainsi 
qu’en ont jugé les autorités forestières les plus compétentes. » 

Cette appréciation est de tous points exacte, et les détails donnés par 
Cuarces Morrex concernant la largeur des feuilles et le développement 
des pousses n'ont rien d’exagéré : nous avons mesuré des feuilles cueillies 
au hasard et parmi elles nous en avons conservé qui sont plus amples 
encore; nous avons vu aussi des pousses d’un an presque aussi longues, 
et leur végétalion n'était pas arrêtée. Quant à la valeur du bois, il sufira 
de citer ce seul fait à notre connaissance, c’est que des Ormes de Pitteurs 
de vingt ans ont élé vendus récemment au prix élevé de 42 franes et cela 
sur les confins de notre Campine. Cependant, disons que par la suite les 
feuilles ne sont plus tout à fait aussi grandes et que la pousse moyenne 
annuelle des jeunes pieds est de 1=,40 au moins. Les sujets de quatre à 
cinq ans ont en effet une hauteur moyenne de six mètres. Leur épaisseur, 
à 4 mètre au-dessus du sol, varie entre 10 et 14 centimètres. Ils sont 
droits, comme des flèches, ont l'écorce admirablement lisse, en un mot, 
ils sont de toute beauté. 

Tous proviennent de marcotles. Le marcottage se fait par couchage 
simple; il a lieu au mois de mars. L'émission des racines est prompte 
et il peut être procédé impunément au sevrage dès l’automne ou le prin- 
temps ; il est immédiatement suivi de la déplantation, la seule que les 
jeunes arbres subissent jusqu’à leur sortie de l’ormaie. Il va de soi qu'ils 
sont plantés en lignes. Celles-ci ont entre elles un peu moins d’un mètre 
de distance, soit 090 ; les plants sont espacés de 050 dans les lignes. 
La pépinière fournit tous les ans de 15 à 20 mille marcottes, c'est à peu 
près un vingtième des besoins du pays. La plantation à demeure peut se 
faire en automne ou au printemps; en plantant au mois d'octobre, on 
gagne une pousse. Quoique les sujets soient enlevés au choix, nous 


— 114 — 


n'avons nulle part remarqué de vide : c’est que des plants plus jeunes 
occupent incontinent la place laissée libre, et ils s’en trouvent fort bien, 
grâce, sans doute, au limon d’atterrissement dont il a été parlé plus haut. 

Tous les sujets sont bien soignés. Jamais il n’y a eu la moindre trace 
du Scolyte. Parfois une chenille ronge le bourgeon terminal et donne 
lieu à une bifurcation naissant du développement des yeux stipulaires. 
Dans certaines années bon nombre de feuilles ont pourri brusquement, 
puis se sont desséchées, comme si elles avaient été atteintes d’une ma- 
ladie analogue à celle des pommes de terre. Un fait très-remarquable et 
qui est de nature à mériter l'attention des tératologistes nous a été affirmé 
par M. Vax Heer, c'est que cette maladie des ormes s’est constamment 
produite quinze à vingt jours avant l'apparition de la maladie des 
pommes de terre, en outre elle se manifestait avec une intensité plus ou 
moins grande mais toujours égale à celle du mal qui ne manquait pas de 
frapper la Solanée. Plein de confiance en cette curieuse observation, 
M. Van Heer a pu déclarer tous les ans, vers l’époque ordinaire de l’inva- 
sion de la maladie, si oui ou non les pommes de terre seraient séricuse- 
ment entamées. 

La propreté étant une condition première de toute pépinière, les sar- 
clages ne sont point négligés iei; et ils sont de rigueur dans ce sol artificiel 
naturellement très-herbeux. L’humidité exceptionnelle de la saison avait 
contrarié les binages ordinaires. Les arbres sont taillés avant l'hiver et 
élagués au mois de juin. La taille qu’ils subissent est une vraie taille en 
trois temps, suivant l'expression de M. Carrière. Elle consiste tout sim- 
plement à dégarnir le tronc et à ne conserver que la flèche, qui d’ailleurs 
l'emporte toujours sur les ramifications ou pousses latérales. On taille 
fort peu la première année qui suit le sevrage, et successivement plus 
court les années subséquentes. 

N'oublions pas de mentionner un fait qui nous a été signalé par le pro- 
priétaire et qui est tout en faveur du drainage. Une partie du terrain au- 
trefois la plus marécageuse a été drainée et exhaussée comme le reste de 
l’ormaie. Depuis lors, les sujets qu’on y cultive présentent un système 
radiculaire beaucoup mieux développé que les plants des autres quartiers 
de la pépinière. Pour le débouché, ces arbres sont supérieurs aux autres. 

Naturellement il doit venir à l'esprit de tout arboriculteur que des 
sujets élevés dans des conditions aussi favorables, habitués si l’on veut à 
un tel bien-être, doivent languir, périr même dans les terres qui leur sont 
destinées ordinairement. A cette réflexion il nous a été répondu par des 
chiffres et les preuves à l’appui. Sur la route de Francorchamps à La Reid 
on a planté 1809 de ces ormes. Or cette partie de la province de Liége, 
les Hautes-Fagnes, a un sol des plus ingrats. Eh bien, sur ce chiffre, 57 
plants ont péri, pas même 2 pour cent. Des résultats analogues ont .été 
obtenus ailleurs en Belgique et même à l’étranger, notamment à Vienne 
(Autriche) et à Douai (France). Il est arrivé aussi que la mortalité a été 


— 115 — 


grande. Tel a été le cas, par exemple, pour les nouveaux boulevards de 
Gand dont les ormes proviennent également de St-Trond. Dirigées par 
un homme d’une compétence reconnue, M. H. Van Huzze, ces plantations 
ont été entourées de tous les soins désirables ; la mortalité qui s’y est pro- 
duite doit être attribuée, selon nous, à l’excessive sécheresse qui a succédé 
de près à l’époque de la mise en terre, circonstance toujours très-perni- 
cieuse dans un sol sableux comme celui des environs de Gand. Dans 
son rapport adressé à l’administration communale sur la mortalité de 
ces ormes, M. Van HuLce dit, que « c’est aux abords des quartiers popu- 
leux qu’ils ont eu le plus à souffrir, ainsi qu’aux boulevards de la Byloque 
et d’Akkergem, où les grands vents, qui y règnent presque toujours, 
font beaucoup de tort à la reprise des plantes. » Les arbres qui ont résisté, 
et ils sont nombreux, sont dans la voie la plus prospère. 

La réputation de l’Orme gras à larges feuilles est bien établie désor- 
mais. Il est telle administration provinciale qui pour ses routes a soin 
de stipuler dans les cahiers de charges, non-seulement cette variété 
d’orme, mais même la pépinière d’où les plants doivent être tirés. C’est 
là une mesure fort sage et destinée à prévenir des mécomptes : elle 
garantit lidentité de tous les sujets en même temps que la qualité. 
Toute administration ayant le devoir d’agir en bon père de famille a le 
droit de s’entourer de toutes les précautions possibles, Nous ne préten- 
dons certes pas que les plants de l’ormaie de St-Trond seront toujours 
cc qu'ils sont aujourd’hui; pour cela nous avons trop la conviction que 
le mode de multiplication employé, le marcottage qui n’est autre 
chose qu’un bouturage dissimulé, mène avec certitude au dépérissement 
sénile, et qu’il deviendra nécessaire un jour d’avoir recours à la voie du 
semis. Mais en attendant, les meilleures marcottes seront toujours celles 
qui sont issues le plus directement de la plante-mère; les soins parti- 
culiers dont elles sont l’objet, aideront d’une manière efficace à pro- 
longer leur vigueur caractérisque. D'ailleurs, cette variété a l’avantage 
d'être postérieure aux autres et d’avoir encore son brevret de jeunesse. 
Le pied-mère de l’Orme de Pitieurs est pieusement conservé par le pro- 
priétaire actuel de l’enclos, et ille mérite bien : son tronc droit et 
lisse couronné par une tête irréprochable, a au moins vingt mètres de 
hauteur. 

Un jardinier et un manœuvre suffisent à l’entretien ordinaire de la 
pépinière. En temps de presse seulement ils ont l’aide de quatre ou cinq 
ouvriers passagers. Nous nous plaisons à reconnaitre la bonne direction 
donnée à l’établissement ; mais le maître ne veut pas s’arroger ce qui 
ne lui revient pas : il a tenu à nous présenter son jardinier, Henri Nys, 
qui dirige l'exploitation depuis trente ans, se distinguant par un zèle 
infatiguable et une probité à toute épreuve. Nys est à la fois bon chef, 
bon ouvrier et bon père. Le Cercle ferait -chose utile en le recomman- 
dant à la bienveillance du Gouvernement, qui, plein de sollicitude pour 


— 116 — 


ceux qui se distinguent par leurs talents et leurs longs et loyaux ser- 
vices, ne manquerait pas de lui décerner la décoration agricole. Tel est 
le vœu des membres du Cercle qui ont visité avec nous l’ormaie de 
M. Van Heen. 


Gand, le 20 novembre 1867. 


LES ANCIENNES POMMES ET LES ANCIENNES POIRES EN 
NORMANDIE, 


PAR M. EUGÈNE No. 


Cette communication, intéressante en elle-même, vient aussi à l’appui de l'opinion 
soutenue par MM. de Boutteville, de Mortillet et autres. 


La série d'articles publiée par la Revue de l’horticulture sur la dégé- 
nérescence par la greffe et le bouturage, aura certainement fait faire 
un pas à cette question importante; mais voici un document qui peut, 
je crois, apporter aussi quelque lumière au débat; je l’'emprunte à un 
livre extrêmement curieux, publié à Rouen, il y a deux ans, sous ce 
titre : Votes et documents concernant l’état des campagnes de la Haute- 
Normandie dans les derniers temps du moyen-äge, par M. Ch. de 
Robillard de Beaurepaire, archiviste: de la Seine-Inférieure. Ce recueil 
précieux pour l’histoire, sorti tout entier de sources authentiques et 
résultat des recherches de toute une vie laborieuse, contient sur la situa- 
tion des campagnes du XIe au XVII siècle, les révélations les plus 
intéressantes, les plus inattendues. On voit dans ce livre quelles variétés 
de Pommes et de Poires étaient cultivées au moyen-âge en Normandie. 
Les voici dans leur ordre chronologique : 

Pommes. — La plus ancienne variété dont il soit fait mention dans 
les anciens baux, contrats de vente, etc., est la Pomme de Richard, dont 
la culture remonte au XIe siècle. Mais cette culture du Pommier attendit 
plus de deux siècles pour se généraliser; aussi ce n’est guère qu’au 
XIVe siècle que l’on voit les variétés se multiplier. De 1360 à 1398 
apparaissent les Pommes de Bosquet, de Cornil, de Jacob, de Montigny, 
de Resté, de Pépin, de Bédane, de Roger, de Permaine, de Castegnier, de 
Blandurel, de Blanche-Pomme, de Douche, de Daniel; de 1404 à 1462, 
nous trouvons : les Pommes d’Anglais, de Bécu, de Blanche-Ente, de 
Candelier, de Capendu et enfin la Passebon, dont on a fait la Passe- 
Pomme ; en 1410 apparaît la Pomme de Rissel ; en 1545, la Rainette. 

Nous avons vu la culture des Pommes commencer en Normandie par 
la Pomme de Richard au XI° siècle; on sait que cette Pomme fut trouvée 
à l’état sauvage par le duc Richard dans une forêt de Normandie, mais 


— 117 — 


rien ne prouve que cette Pomme sauvage ne descendit pas d'anciens 
Pommiers cultivés dans les jardins et vergers gallo-romains qui avaient 
été si nombreux en Normandie. 

Poires. — Les Poires les plus anciennement cultivées dans cette partie 
de la France paraissent avoir été les Poires d’Angoisse et de Saint-Rieul; 
mais la date de leur apparition n’a pu être exactement précisée ; elle 
dut avoir lieu au treizième siècle. De 1560 à 1592, on signale les Poires 
de Finor, de Caillouct, de Gros-Jean, la Poire de Noël, les Poires de 
Robert, de Quievreville, de Franc-Soret ou Rouge Poire de Soret, la 
Truffe et enfin le Rouget. En 1405 on a la Poire de Lequet ou Liquet, la 
Poire de Prael; en 1410 la Poire de Bosquet ; en 1415 la Jourdaine. 

Il ressort des mêmes documents que le cidre ne fut en usage en Nor- 
mandie qu'après le douzième siècle; cependant on y voit aussi que dès le 
onzième il commença d’être connu dans la vallée d’Auge. C’est donc 
dans la vallée d’Auge que commença la culture du Pommier et c’est là 
encore que de nos jours on fabrique le meilleur cidre. 

Nous avons vu apparaître en 1360 la Pomme de Montigny; le nom de 
cette Pomme lui venait sans doute du nom du village où l’on commenca 
de la cultiver; Montigny se trouve à quelques kilomètres de Rouen et les 
Pommes de ce cru sont aujourd’hui fort renommées. 

De tout ce qui précède on peut donc conclure : 1° que les terroirs qui 
étaient bons pour les pommes au quatorzième et au quinzième siècles, le 
sont encore de nos jours; 2° que presque toutes les variétés cultivées il y 
a trois où quatre siècles ont aujourd’hui disparu. Cependant on retrouve 
encore en Normandie quelques vieux pommiers de Bedane ou Bedanque ; 
nous avons encore la Passe-pomme ; mais est-il bien certain que ces noms 
soient appliqués de nos jours aux mêmes variétés qu’il y a trois cents ans? 
Nous avons encore la Rainette; mais la Rainette est une des dernières 
venues sur le catalogue emprunté au livre de M. Ch. de Beaurepaire; elle 
ne date que de 1545. 

On voit ici clairement deux choses : d’abord que, par la greffe, des 
variétés qui n’eussent produit que des sujets uniques et qui n’eussent pu 
de cette façon subsister qu'un âge de pommier (c’est-à-dire environ un 
siècle et demi) ont été par la greffe propagées partout et conservées un 
peu plus longtemps; très-peu cependant ont pu prolonger leur existence, 
comme variété, au delà du double de ce qu’elle eut été sur un sujet 
unique. Nous voyons, en effet, qu’en trois siècles tout s’est renouvelé. 

J'ai cru devoir livrer ce curieux document aux réflexions de tous ceux 
qu'intéresse la question de la dégénérescence par la greffe et par le bou- 
turage; ceci m'a d’ailleurs fourni l’occasion de faire connaître aux nom- 
breux lecteurs de la Revue de l’Horticulture, un livre des plus précieux 
pour l’histoire des campagnes au moyen âge. 


— 118 — 


ÉNUMÉRATION DES PÈCHES, 
Décrites et fiqurées dans le jardin fruitier du Muséum (), 
par M. J. Decaisxe (2). 


41. Pêcher de Chine à fleurs d’œillets, — Feuilles à glandes réniformes. Fleurs 
très-grandes, semipleines, lilacé clair. Fruit petit ou moyen, plus haut que 
large, mürissant à la fin de septembre. 


Arbre de vigueur moyenne, à rameaux dressés, couverts d’une écorce 
parsemée de nombreux points gris et saillants au point de la rendre 
rugueuse. À 

Fruit moyen, sensiblement plus haut que large, obtus, déprimé. 

Cette variété est très-précieuse au point de vue de l’ornement, et sous 
ce rapport il n’en est guère qui la surpasse. Ses fruits qui murissent 
vers la fin de septembre, ne sont pas dépourvus de valeur et sont rem- 
plis d’une eau parfumée. Elle se fait remarquer, à l’époque de la floraison, 
par la diversité de teintes et l’état de développement que présentent 
ses corolles. Ainsi l’on voit, à côté des rameaux chargés de fleurs d’un 
rose vif ou d’un rouge vermillon clair, des rameaux dont les fleurs sont 
d’un rose violacé. Ce sont celles qui s’épanouissent les premières qui 
présentent cette particularité. 


42. Pêcher Brugnon Elruge. Feuilles à glandes réniformes ou mixtes. Fleurs 
petites. Fruit sphérique, souvent bosselé, à chair non adhérente, mürissant 
fin août. 


Arbre vigoureux, à rameaux couverts d’une écorce rougcâtre où légè- 
rement violacée. 

Fruit sphérique, ordinairement bosselé, régulier ou un peu inéqui- 
latéral, parcouru sur l’un des côtés d’un sillon assez large, profond. 

Les fruits du Brugnonnier Elruge murissent à partir du 20 août; 
ils sont délicieux, et nous ont même toujours paru supérieurs à ceux 
du Brugnonnier violet, avec lesquels ils ont toutefois une certaine 
analogie. 


45. Pêcher Grosse Mignonne ordinaire. — Feuilles à glandes glohuleuses, 
petites, rares. Fleurs très-grandes, d’un beau rose foncé. Fruit gros, ordinai- 
rement plus large que haut, à chair non adhérente, mürissant dans la dernière 
quinzaine d’août. 


(1) Livraisons 81 à 92 inclusivement. 
(2) Voyez la Belgique horticole, 1865, p. 555, 


119 — 


Arbre très-vigoureux et très-productif, à rameaux bien nourris, cou- 
verts d’une écorce rougeâtre ou rouge sur les parties insolées. 

Fruit gros ou très-gros, inégalement déprimé, présentant souvent un 
côté beaucoup plus élevé que l’autre, marqué d’un sillon arrondi, peu 
profond. 

Le Pêcher Grosse Mignonne ordinaire mürit ses fruits dans la dernière 
quinzaine d'août; mais, lorsque les arbres sont plantés à des expositions 
moins avantageuses où un peu exposés au nord, les fruits muürissent 
durant une partie du mois de septembre. La fertilité de l'arbre et la 
qualité de ses fruits expliquent l'extension de sa culture et la mention qui 
en a été faite dans tous les ouvrages d’arboriculture fruitière. Plusieurs 
pomologistes lui ont attribué des caractères qui ne sont pas les siens; 
Loiseleur, par exemple (Vouveau Duhamel, vol. 6, p. 6), lui reconnait 
des glandes réniformes, tandis qu’elles sont nettement globuleuses. 

Ses synonymes sont de même assez mal établis. C'est ainsi que 
Poiteau et Noisette ont décrit notre Grosse Mignonne sous le nom de 
Vineuse, de Vineuse hätive, et, ce qui le prouve, c’est que Poitcau fait 
observer que l'arbre qui produit la Vineuse hätive ne se distingue en rien 
de celui qui produit la Grosse Mignonne; « ses feuilles ont la même 
grandeur, le même ton et les mêmes glandes; ses fleurs sont aussi les 
mêmes. » 

Quoi qu'il en soit, tous les auteurs, à partir de Merlet, ont signalé 
la Grosse Mignonne comme l’une de nos meilleures Pêches. 


44. PBêcher Nivette. — Feuilles à glandes globuleuses. Fleurs petites. Fruit gros, 
sphérique, très-coloré, à chair non adhérente, mürissant dans la dernière quin- 
zaine de septembre. 

Arbre vigoureux, à rameaux allongés, d’un vert herbacé passant au 
roux foncé. 

Fruit de bonne grosseur, sphérique, ou plus rarement inéquilatéral. 

Ce beau et bon fruit mürit vers le 20 septembre; mais, comme tous 
les fruits tardifs, il manque un peu de sucre lorsque l'arbre est planté en 
terre forte et froide et qu'il n’est pas exposé au grand soleil. 

La Pêche que Poiteau a décrite sous le nom de Vivette ne parait pas 
être la même que la nôtre; mais il avoue lui-même qu'il a été très-embar- 

rassé, et que, malgré toutes les recherches qu’il a pu faire au sujet de 

cette variété, il ne croit pas être d’ _… avec les différents auteurs qui 
en ont parlé avant lui. 


45. pêcher Royal-George. — Feuilles dépourvues de glandes. Fleurs petites. 
Fruit subsphérique ou légèrement déprimé, à chair non adhérente, ou très- 
légèrement adhèrente, mürissant vers la mi-août. 


Arbre de vigueur moyenne, à rameaux plutôt un peu grèles que gros, 


couverts d’une écorce d'un vert herbacé, passant au roux lorsqu'ils sont 
exposés au soleil. 


= ANS 


Fruit moyen, subsphérique ou légèrement déprimé, plus large que 
haut, rarement inéquilatéral. 

Cette variété, dont les fruits commencent à mürir vers le 12 août, 
n'est pas aussi répandue qu'elle devrait l'être. En effet, si leur grosseur 
n'égale pas celle d’autres pêchers de la même saison, ce léger défaut est 
largement compensé par une finesse de goùt tout à fait supérieure, qui 
rappelle celle des meilleures pêches de vigne; mais il importe de les 
cueillir à temps; car, si on les laisse trop longtemps sur l'arbre, elles 
perdent de leur parfum et deviennent trop sucrées où pâteuses. 


46. Pêcher Caroline Incomparable. — Feuilles à glandes reniformes. Fleurs 
petites, rose clair. Fruit plus haut que large, mamelonné au sommet, à chair 
très-adhérente, mürissant vers le 15 septembre. 

Arbre vigoureux, à rameaux assez allongés, à écorce roussâtre, pas- 
sant au rouge violacé. 

Fruit gros, plus haut que large, souvent bosselé et conique, mame- 
lonné, à peine sillonné. 

La pêche Caroline incomparable müûrit, à Paris, du 8 au 40 septembre ; 
elle est grosse, de très-belle apparence, et rappelle beaucoup par sa 
forme le Téton de Vénus. Malheureusement sa qualité ne répond pas à sa 
beauté, et, sous notre climat, on doit la classer parmi les médiocres. 
L'arbre doit être planté en espalier, au midi, dans un terrain chaud et 
léger. 


47. Pêcher Pourprée tardive. -— Feuilles bullées, à glandes reniformes. Fleurs 
petites, roses. Fruit subsphérique, à chair non adhérente, mürissant dans la 
deuxième quinzaine de septembre. 

Arbre vigoureux, à rameaux gros, assez courts, à écorce colorée. 

Fruit assez gros, à surface souvent un peu bosselée, ordinairement 
plus haut que large et muni d’une proéminence, parcouru sur le côté 
d’un sillon étroit, peu profond. Le pêcher Pourprée tardive, dont les 
fruits muürissent vers le 20 septembre, est très-facile à reconnaitre au vert 
sombre de ses feuilles et surtout aux nombreuses bullosités qu’elles pré- 
sentent; caractère qui n’a pas échappé aux auteurs anciens, et en parti- 
culier aux Chartreux, qui disent que cette variété est très-reconnaissable 
a ses feuilles « mal unies. » 

Ses fruits, sans être de première qualité, sont néanmoins très-bons 
pour la saison où ils mürissent,. 


483. Pêcher-Brugnon Boston. — Feuilles à glandes globuleuses. Fleurs petites, 
rose vif. Fruit subsphérique, ordinairement déprimé; chair non adhérente, 
jaune-orange pâle, mürissant dans la première quinzaine de septembre. 


Arbre très-vigoureux, à rameaux bien nourris, couverts d’une écorce 
d'un gris roux, brunissant un peu ou prenant une teinte violâtre à 
l’arrière-saison. 


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ssfesle mms tel but aidé os. A 


— 121 — 


Fruit très-gros, subsphérique, un peu déprimé, souvent inéquilatéral. 
Le Brugnon-Boston (Boston Nectarine) mürit ses fruits à Paris dans la 
première quinzaine de septembre. Ces fruits sont beaux, très-gros, bons 
lorsqu'on les prend à temps; mais ils ont l'inconvénient de passer 
très-vite, de devenir pâteux et de perdre ainsi promptement leur saveur. 
Il convient donc, pour les manger à point, de les cueillir un peu avant 
leur complète maturité. Les noyaux sont rarement entièrement fermés; 
on remarque presque toujours, vers les parties en voie de formation, de 
petites masses de tissu cellulaire, granuleux, blanchâtre, qui vers la base 
du noyau, forme une saillie ou sorte de bourrelet. Cette variété est 
encore rare et ne se trouve que rarement dans le commerce. 

49. pêcher Pavie abricoté. — Feuilles à glandes réniformes. Fleurs petites, rose 
vif. Fruit moyen, subsphérique, un peu déprimé, à chair adhérente, mürissant 
dans la première quinzaine de septembre. 

Arbre peu vigoureux , mais fertile, à rameaux relativement gros; 
couverts d’abord d’une écorce roussàtre, puis plus tard légèrement violacé. 

Fruits moyens ou gros, un peu déprimé, ordinairement plus large 
que haut. 

« Cette variété, dont les fruits muürissent à partir du 8 septembre 
environ , n'est pas à dédaigner , bien que ses fruits soient à chair 
adhérente, car leur saveur est assez agréable et l'arbre est très-fertile. » 
50. Pêecher Georges 1V. « Georges the Fourth, : Feuilles à glandes globuleuses. 

Fleurs très- petites, rose lilacé. Fruit sphérique, parfois déprimé, assez gros, 
parcouru d’étroits sillons; à chair non adhérente, mürissant du 20 août au 
15 septembre. 

Arbre vigoureux, à rameaux nombreux, couverts d’une écorce rous- 
sâtre ou bronzée, passant au rouge violacé. 

Fruit sphérique, assez gros, plus long que haut, brusquement arrondi 
au sommet, plus rarement un peu conique. 

« Variété américaine, actuellement cultivée dans les jardins anglais. 
Elle a été décrite dans les Transactions de la Société d’horticulture et 
dans le Guide du Potager par Lindley, et est figuré dans le Pomological 
Magazine, p. 105. Lindley l’a décrit comme il suit : 

« Feuilles larges, finement crénelées, à glandes globuleuses. Fleurs 
petites, rouge sombre. Fruit de grosseur moyenne (les Américains le 
décrivent comme très-gros, pesant souvent jusqu'à 9 ou 10 onces), 
globuleux, profondément lobé au sommet, avec une profonde cavité à la 
base, plus prononcée d’un côté de la suture que de l’autre. Peau modéré- 
ment duveteuse, d’une couleur uniforme, rouge foncé du côté du soleil 
et d’un beau jaune du côté de l'ombre, maculée de rouge vif à la jonction 
des deux couleurs. Chair jaune pâle; rayée de rouge au noyau; noyau 
libre, petit, brusquement ovale; saveur bonne lorsque l'arbre est cultivé 
en plein air, excellente quand il est forcé. » MIntosh, The Orchard. and 
Fruit. Gard., p. 254 (1859). 


— 122 — 


51. Pêcher Brugnon blanc. 


Feuilles à glandes réniformes. Fleurs grandes, 
rose carné pâle. Fruit moyen, sphérique, à chair non adhérente, blanc-jaunâtre, 
mürissant dans la dernière quinzaine de septembre. 


Arbre en général assez vigoureux, peu fertile, à rameaux longs, bien 
nourris, couverts d’une écorce vert clair, mais se dénudant assez vite. 

Fruit moyen, sphérique, quelquefois un peu plus large que haut, 
élargi à la base, un peu déprimé au sommet. Si l’on ne tient compte que 
de la qualité, le Brugnonnier blanc peut être placé en première ligne; 
ses fruits, qui mürissent dans la dernière quinzaine d’août et qui se 
succèdent jusqu’en septembre, sont excellents ; ils se conservent assez 
bien et ont l'avantage de pouvoir se faire au fruitier. On se trouve donc 
bien de les cueillir un peu avant la complète maturité, et de les manger 
quand ils commencent à se rider. Malheureusement l'arbre se dégarnit 
promptement, ses yeux s’annulent et de plus il est peu productif. 


52. Pêche à Bec. — Feuilles à glandes globuleuses. Fleurs grandes, rose foncé. 
Fruit gros, plus haut que large, ordinairement muni d’un mamelon terminal, à 
Le) ) O ‘) 1 
chair non adhérente, mürissant à la fin de juillet. 


Arbre en général délicat, très-fertile, se dénudant facilement, à 
rameaux plutôt grêles que gros, à écorce d’abord d’un vert roux, puis 
rougeatre. 

Fruit plus haut que large, souvent inéquilatéral , élargi et pour ainsi 
dire tronqué à la base, ordinairement bosselé, légèrement conique et 
terminé par un mamelon oblique. Cette variété a été observée pour la 
première fois, il y a environ vingt-cinq ans, chez M. Lacenne, pépinié- 
riste à Ecully (Rhône), M. Luizet, qui nous a donné ce renscignement 
et qui le premier a multiplié et vendu cette variété, nous apprend aussi 
que l'arbre primitif était déjà très-âgé à l’époque où il l’a remarqué et 
qu'il en ignore la souche. Pendant longtemps on l’a désignée sous le 
nom de Pourprée à bec. 


55. Pêche chevreuse Eâtive. — Feuilles à glandes réniformes. Fleurs petites, roses. 
Fruit gros, à chair non adhérente, mürissant vers la fin d’août. 

Arbre vigoureux, très-productif même en plein vent, à rameaux bien 
nourris, relativement courts, couverts d’une écorce d’un vert herbacé 
à l'ombre, rouge violacé au soleil. 

Fruit gros, sphérique ou à peu près, souvent un plus haut que large, 
arrondi à Ja base, légèrement atténué au sommet, où se voit quelquefois 
un petit mamelon terminé lui-même par un mucronule. 

Cette variété, très-fertile, de bonne qualité, muürit vers la fin d’août 
ou au commencement de septembre. Ses fruits, de saveur excellente, 
ont l'inconvénient de se détacher très-facilement ct de ne se conserver 
que peu de temps, lors même qu’ils sont cueillis avec précaution. 
J'ajoute encore qu’elle n’est pas avantageuse au point de vue commercial, 
à cause de son peu de coloration. 


L dore 


= 15 


d4. Pèche hâtive de Woïilande, — Feuilles à glandes réniformes. Fleurs grandes, 
d’un beau rose. Fruit moyen, souvent plus large que haut, à chair non adhé- 
rente, mürissant dans la deuxième quinzaine de juillet. 


Arbre de vigueur moyenne, ou même un peu délicat. Rameaux à 
écorce verte, rousse ou violacée. 

Fruit moyen, sphérique, arrondi, obtus au sommet, déprimé ou 
souvent concave ct muni au centre de la cavité d’un petit mucron épais et 
brunâtre, très-fortement sillonné sur l'un des côtés, et par suite presque 
toujours inéquilatéral. Le principal mérite de cette variété consiste dans 
sa précocité. 

Chaque année elle mürit au moins huit jours avant les pêches hâtives 
ordinaires. 


55. PFêcher-Brugnon Mewigton., — Feuilles dépourvues de glandes, bordées de 
dents aiguës, larges et irrégulières; fruit gros, subsphérique ; à chair adhé- 
rente, mürissant vers le 15 septembre. 


Arbre de vigueur moyenne, à rameaux gros et relativement courts, 
couverts d’une écorce rougeätre, parfois striée ou pointillée de gris; à 
mérithales rapprochés. 

Fruit subsphérique, déprimé, parfois un peu inéquilatéral, marqué 
d’un sillon large et peu profond, terminé au sommet par un mucron 
sétiforme. 

Le Pécher-Brugnon Newington où Old-Newinglon ne diffère guère 
du Brugnon Newington hâtif que par l’époque de maturité des fruits, 
qui arrive au moins quinze jours plus tard. Les fruits de ces deux variétés 
sont très-beaux, mais nous les regardons comme fort médiocres; leur 
maturité a lieu du 15 ou 20 septembre. 

Le Pécher-Brugnon Old-Newington était connu des Chartreux sous le 
nom de Pair de Newington. Nous pensons devoir rapporter à cette variété 
la Grosse Violette de quelques auteurs, à laquelle ils attribuent comme 
caractères principaux « des fleurs grandes » et « une chair adhérente. » 


56. Pècher Rendatler. — Feuilles dépourvues de glandes, fortement dentées ; fleurs 
grandes, rose-carné pâle ; fruit gros, légèrement sillonné ; à chair non adhérente, 
mürissant vers la fin d’août. 


Arbre vigoureux, à rameaux couverts d’une écorce rougeûtre. 

Fruit subglobuleux, élargi à la base ou surbaissé, et alors un peu plus 
large que haut, légèrement atténué et mamelonné au sommet, marqué 
sur l’un des côtés d’un sillon peu profond. Le Pêcher Rendatler, connu 
aussi sous le nom de Belle mousseuse, est très-remarquable par ses feuilles 
étalées ou légèrement réfléchies. Les fruits, qu’il donne en assez grande 
quantité, sont beaux et bons et mürissent à Paris vers la fin d'août. 


(A continuer.) 


— 124 — 


EXPOSITION FLORALE DE GAND. 


Gand, 29 mars. 


L'exposition florale qui vient de s'ouvrir à Gand est digne de la 
renommée de notre horticulture. De l’aveu de tous les botanistes qui 
ont répondu à l'appel de la Société royale d'agriculture et de botanique, 
jamais un aussi grand nombre de végétaux rares et gracieux n’a été 
réuni sur un point du globe. Le vaste local du Casino, agrandi dans 
des proportions considérables par une annexe permanente, présente 
l'aspect ravissant d’un jardin féerique qui contraste singulièrement avec 
le temps maussade de la saison. La ville est remplie d'étrangers et dans 
un état d'animation extraordinaire. 

Le jury a été installé par M. le comte de Kerchove de Denterghem, 
qui, au nom de la cité et au nom de la Société, a remercié les nombreux 
étrangers de distinction accourus pour le jugement des concours. Ce jury 
se compose de 120 membres : nous ne saurions citer toutes les notoriétés 
dont il se compose. 

Parmi les étrangers nous y avons remarqué MM. Koch ct Julhke de 
Berlin; Wendland de Hanovre; Barillet de Paris ; le général von Jacoby, 
de Breslau ; D° Hogg, Thomas Moore, Lee, Henderson, Eyles, Warner 
(Angleterre); Theleman de Bieberich; Wellinck et de Jonghe van 
Ellemeet (Pays-Bas). Le jury a été divisé en deux sections. M. le comte 
de Gomer a été nommé président, et M. Ed. Morren, secrétaire-général. 
Les jugements ont pris une journée entière. La médaille offerte par le Roi 
a été attribuée à M. Ambroise Verschaffelt; celle que la Reine avait 
destinée à un exposant étranger a été décernée à M. Veitch, de Londres, 
pour un contingent extraordinaire de plantes nouvelles provenant de la 
Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie. 

Parmi les végétaux que les dilettantes de l'horticulture admiraient 
le plus particulièrement, nous pouvons citer un peu au hasard un Aphe- 
landra, YAlocasia Jenningsii, le Clematis reine des Belges, le Trades- 
cantia regia, le Passiflora trifasciata, le Dioscorea nobilis. Citons même, 
au risque de faire sourire les profanes, un navet panaché, précieusement 
conservé dans une caisse vitrée. 

L'exposition est disposée en jardin pittoresque. Les azalées qui se 
comptent par centaines, la plupart de la taille des lauriers, ont un éclat 
et une parure à éclipser bien des fleurs animées. Les camellias sont plus 
sévères : les amaryllis, les jacinthes, les rosages forment de brillants 
parterres surmontés d’imposants massifs de palmiers, de fougères et de 
cycadées. Ces beautés ne se décrivent pas, mais tous ceux qui veulent 
se faire une idée de l’Eden doivent venir les admirer. 


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— 1925 — 


Le jury a recu l'accueil le plus affable. Il est invité au banquet offert 
ce soir à S. M. le Roi et à la famille royale; des stalles lui sont réservées 
à la représentation gala du théâtre. Le bourgmestre de Gand et Me de 
Kerchove donnent lundi un grand diner. 

Pendant le déjeuner qui a suivi les opérations du jury, M. le docteur 
Regel, de Saint-Pétersbourg, a renouvelé à tous les assistants, au nom du 
gouvernement russe dont il est le délégué, et de S. A. I. le grand-duc 
Nicolas, l'invitation de prendre part à l’exposition universelle et au con- 
grès de botanique qui auront lieu à Saint-Pétersbourg le 19 mai 1869. 


(Autre correspondance.) 


Gand, 50 mars. 


Un aimable collaborateur m'a prévenu en vous parlant, dès hier, de 
l'exposition organisée d’une facon si splendide par la Société d’agricul- 
ture et de botanique de Gand. Il n’a, de la sorte, quelque peu défloré 
mon sujet, mais je ne l’en remercie pas moins, car des dévouements 
pareils ne se rencontrent pas tous les jours, et vos lecteurs auront vu 
vingt quatre heures plus tôt de quel éclat a brillé cette fête horticole. 

Mon avis maintenant, et c’est celui de tout le monde ici, c’est que 
nulle part on n’a vu plus belle exposition. Gand s’est dit que noblesse 
oblige, et il l’a prouvé. Richesse et grandeur; des fleurs à profusion, des 
arbustes merveilleux, les palmiers les plus rares, des fougères arbo- 
rescentes de taille colossale; une serre monumentale, vaste et de pro- 
portions élégantes, d’une construction ingénicuse, portant sur des colon- 
nettes ne gênant en rien le regard et lui permettant d’embrasser l’en- 
semble à quelque point que se place le spectateur. 

Que les temps sont changés. Il faut entendre les Gantois de 1808 parler 
de la première exposition de la Société qui venait alors de se former, ce 
qui lui donne déjà l’âge vénérable d’une soixantaine d'années. Cette 
première exposition, qui se fit dans le même quartier de la ville, avait 
alors pour local, non pas comme aujourd'hui, un palais, mais un simple 
cabaret, et l’on en fut aussi fier que de celle qui vient d'amener dans la 
vieille cité flamande des visiteurs de toutes les parties du monde. Elle 
comptait une cinquantaine de plantes remarquables pour l’état où se 
trouvait alors l'horticulture. Le public la visita alors en foule, s’extasiant 
sur les merveilles de cette exhibition. Des prix furent donnés, et un 
banquet, après l'exposition, réunit les exposants et les membres de la 
Société. On but à la prospérité de l’œuvre, et, d’après ce que je viens de 
voir et d'admirer, l’œuvre a largement prospéré. 

Aujourd'hui, ee n’est plus cinquante plantes, mais des milliers qu’ex- 
pose la Société d'agriculture et de botanique de Gand, elle n’a plus pour 
exhiber ses fleurs les tables d’un cabaret, mais un des plus beaux locaux 


— 126 — 


qui se puissent voir. Tout cela en soixante ans! Et puis la fête prend des 
allures splendides, le souverain y assiste, et c’est avec toute la pompe 
imaginable qu'elle suit son cours. 

Avec le souverain et la famille royale, trois ministres, tout un monde 
officiel; la députation gantoise représentée par tous ses membres à la 
Chambre et au Sénat; le Collége échevinal, son Bourgmestre en tête, 
faisant les honneurs; l'administration communale, l'administration pro- 
vinciale, que sais-je ? L'armée et la garde civique sont sur pied, le canon 
tonne, les corps de musique militaire exécutent les plus jolis airs des 
opérettes à la mode; la population est en mouvement; la ville est 
pavoisée. Voilà ce que de 1808 à 1868 est devenue la Société d’agricul- 
ture et de botanique de Gand. 

La visite du Roi a été longue. Sa Majesté, arrivée à une heure, avec la 
Reine, son frère et la comtesse de Flandre, n’est sortie de l'exposition qu’à 
deux heures et demie, après l'avoir examinée dans tous ses détails, recueil- 
lant avec une satisfaction visible les renseignements qui lui étaient donnés. 

Plusieurs exposants ont été présentés, MM. Veitch, un Anglais, Amb. 
Verschaffelt et Van Houtte, qui vont demander au monde entier ses mer- 
veilles florales et d’autres encore. Sa Majesté avait fait appeler également 
M. Van Hulle, jardinier-chef du Jardin botanique de Gand, à qui l’on 
doit le dessin de l'exposition. 

Comme son auguste père, le Roi aime les fleurs. MM. Veitch ct 
Amb. Verschaffelt ont recu de Sa Majesté la commande de collections de 
fleurs précieuses. M. Verschaffelt est du reste habitué à traiter avec les 
souverains. Il est en pourparlers, m’a-t-on dit, avec le vice-roi d'Egypte 
pour lui fournir cinq cent mille francs de plantes et de fleurs, et, parmi 
les plantes, le croirait-on, des palmiers! | 

Après la visite du Roi, l'exposition a été ouverte au public, moyenuant 
une rétribution de cinq francs par personne. C’est un peu plus, je crois, 
qu’on ne paÿait au cabaret de Frascati, à la première exposition. En cela, 
comme pour le reste, il y a progrès, vous le voyez. Ce prix va diminuer 
de jour en jour, et lorsque l’heure de la foule aura sonné, la rétribution 
ne sera plus que de vingt centimes. 

De magnifiques bouquets ont été offerts à la Reine et à la comtesse de 
Flandre. Celui que Sa Majesté a reçu à l’exposition était tout entier de 
frais boutons de roses. Il faut croire que ces grands bouquets étaient un 
peu lourds pour des mains féminines, car au bout de quelques minutes 
on les confiait à celles du Roi et du comte de Flandre. 

Au banquet, car nous avons cu un banquet de deux cent cinquante 
couverts, nouveaux bouquets non moins beaux que les premiers. La 
Reine et la comtesse y sont venues en charmante toilette. S. M. avait une 
robe rose mat toute agrémentée de merveilleuses dentelles blanches; la 
comtesse une robe de mousseline blanche toute bouillonnée avec une 
double jupe verte à reflets nacrés. À l’exposition S. M. portait sur une 


— 127 — 


robe vert pâle un magnifique châle des Indes tissu d’or, et la comtesse 
une robe mauve, à tons changeants. 

Un seul toast a été porté au Roi et à la famille royale par M. le comte 
de Kerchove de Denterghem, bourgmestre de Gand. S. M. y a répondu 
de la facon la plus courtoise, en buvant à la prospérité de la Société et 
à celle de la ville de Gand. 

Après le banquet, donné dans les salons du Théâtre, il y a eu repré- 
sentation gala. Le Roi et la Reine y ont fait une apparition. LL. MM. se 
sont retirées vers neuf heures, saluées par d’affectueuses acclamations. Le 
comte et la comtesse, qui restaient à Gand, n’ont quitté le théâtre que 
plus tard. On jouait Mignon. Ce matin, une aubade a été donnée à 
LL. AA. RR. par la Société des Mélomanes. 

Je borne ici mon récit, mon collaborateur s'étant chargé de vous dé- 
tailler, en connaisseur lui, les merveilles de l’exposition, et de vous faire 
connaitre les lauréats. Il vous citera certainement M. Verschaffelt, qui 
emporte cinquante-quatre médailles et le prix d'honneur ! M. le bourg- 
mestre de Gand en a cinq. Vous voyez que c’est un amateur sérieux. 


(Autre correspondance.) 


Gand, 50 mars. 


Je me borne, ainsi que je vous le promettais hier, à vous donner quel- 
ques renseignements techniques sur l’exposition florale de Gand. 

M. Amb. Verschaffelt a exposé les nouveautés les plus remarquables. 
La plante fleurie la plus rare est un Odontoglossum Alexandræ. Les deux 
premiers prix pour la meilleure introduction nouvelle ont été attribuées 
au Cordyline Guilfoylei et au Passiflora trifasciata. Au concours de 
semis a été couronné le Panicum plicatum niveo vittatum de MM. Jacob 
Makoy, à Liége. Les orchidées de M. Beaucarne, à Eename, sont les plus 
éclatantes. La plus remarquable est un Dendrobium nobile de M. A. Ver- 
schaffelt. Les palmiers de M. le comte de Kerchove de Denterghem ont 
obtenu deux médailles d’or. Les plus nouveaux sont ceux de M. Verschaf- 
felt; les plus développés sont le Chamaerops tomentosa de M. vanden 
Hecke de Lembeke, et le Corypha australis de M. de Kerchove. 

M. de Ghellinek-de Walle a exposé des Cycadées aussi extraordinaires 
par leur énorme développement que par leur rareté; c’est une collection 
unique dans le monde. Les fougères arborescentes étendent sur toute 
la salle comme un voile de dentelle végétale; les plus belles appartiennent 
à MM. de Kerchove, vanden Hecke, de Ghellinck et Verschaffelt. Nous 
en citerons deux, les Cyatheu dealbata et medullaris. Nous ne saurions 
omettre les Lycopodiacées de M. de Ghellinck, les Aroïdées de M. de 
Beucker, à Anvers, les Anectochiles du Jardin botanique. La médaille 
d'or offerte par la ville de Gand pour les plantes ornementales à été 


— 128 —- 


remportée par M. Amb. Verschaffelt, une autre, pour les 75 plantes 
fleuries, par le même; une autre, pour la collection de 40 camellias, 
par le même. Une de ces plantes, le camellia Madame Ambroise Ver- 
schaffelt, a été jugée la meilleure parmi les plus nouvelles. Une médaille 
en or donnée par S. A. R. le comte de Flandre, pour 50 Azalea indica 
en fleurs, a été décernée à M Tertzweil-Bouqué. La même récompense 
offerte par M vanden Hecke de Lembeke, pour le même concours entre 
horticulteurs, a été brillamment remportée par M. A. Verschaffelt. Il 
nous faut encore attirer l'attention sur la valeur, consacrée par les 
récompenses du jury, des Azalea nouveaux de M. Vervaene, les Rhodo- 
dendron fleuris de M. de Graet-Bracq, les Azalea de pleine terre de M. Van 
Houtte, les Jacinthes de M. Van Waveren, à Harlem, les Amaryllis de 
M. Ed. d'Hane de Steenhuyse et de M. L. Van Houtte, les Agaves de 
M. Jean Verschaffelt, de M. le baron Ed. Osy à Anvers, qui a aussi obtenu 


la palme des Araliacées et surtout sur la collection hors ligne de M. de 


Kerchove d'Ousselgem, collection remarquable à ce point qu’elle avait 
en quelque sorte provoqué la réunion à Gand de tous les botanistes et 
amateurs qui, en Europe, s'occupent de cette spécialité de végétaux. 
Viennent ensuite les conifères de M. Narcisse Gaujard et de M. Van Beve- 
ren-Giet; deux superbes Chamaerops humilis du Jardin botanique; les 
bouquets de M®° Van Driessche-Leys; les raisins de M. le baron Osy 
de Zeywaerts. 

Nous n'avons pas même cité toutes les collections qui ont été jugées 
dignes d’une médaille d’or. C’est à péine si nous avons fait mention de 
M. L. Van Houtte, dont le vaste établissement est l’un des plus complets 
de la ville de Gand. Sa collection de 40 palmiers en grands exemplaires 
est d’un effet saisissant : jamais on n’a exposé un plus bel ensemble de 
ces robustes végétaux des tropiques. Ses amaryllis ont produit une véri- 
table sensation, tant ces plantes surpassent toutes celles qu’on connaissait. 

Les rhododendrum occupent une vaste tente, un peu obscure, élevée 
dans les jardins; ils couvrent près de mille mètres de terrain et sont tous 
si éclatants de fleurs que nous n’en saurions citer aucun, de peur d’en 
omettre trop. 

Les jacinthes remplissent deux jolies petites serres exposées comme 
des modèles. Celles de M. Krelage soutiennent la vieille réputation de 
la Hollande. Celles de M. Louis Van Houtte et M. Henry Vander Linden, 
à Anvers, montrent que la Belgique peut rivaliser avec elle sous ce 
rapport. Deux plantes à M. Ferd. Kegeljan, de Namur, le Campylobotris 
pyrophylla et le Tradescantia discolor zebrina, d’une culture hors ligne 
ont recu une récompense extraordinaire. 

En résumé, l’exposition est la plus considérable qui ait jamais été 
ouverte en Belgique. Elle n’est pas précisément internationale, mais elle 
est bien faite pour montrer quelle est l'importance et quelles sont les 
forces de l’horticulture gantoise. 


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INGRAM. 


ROSE MISS 


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— 129 — 


HORTICULTURE. 


ROSE MISS INGRAM. 


(Représentée planche IX.) 


(D’après le Floral Magazine tab. 555). 


n T. ette admirable et délicieuse fleur est venue au 
1 4 jour chez M. Ingram, le vieil intendant du jar- 

MES din royal de Frogmore, dont le nom était déjà 
Ÿ bien connu par les heureux résultats de maints 
semis en fruits et en fleurs ; il n’avait cependant 
encore rien produit d’aussi remarquable que 
cette rose nouvelle. Elle a fait sensation en Angleterre. 
M. Charles Turner, célèbre rosiériste, a fait l’acquisition 
de l'édition entière pour la mettre au commerce cette 
année même. 

Elle appartient au même groupe que Madame Rivers et 
Madame Vidot et l'emporte sur elles par une constitution 
plus robuste. Elle résiste au froid et fleurit à profusion. Sa forme est 
parfaite, ses contours arrondis; la chair des pétales est ferme, le coloris 
est suave et le parfum est exquis. Elle est belle entre toutes les roses, 
belle à se faire aimer. 


A propos de roses. 


Le marquis de Chesne, raconte ainsi, d’après Gessner, l’origine 
mythologique de la Rose. « Je poursuivais, dit Bacchus, une jeune 
nymphe ; la belle fugitive volait d’un pied léger sur les fleurs , et regar- 
dait en arrière ; elle riait malignement en me voyant chanceler et la pour- 
suivre d’un pas mal assuré. Par le Styx! je n'aurais jamais atteint cette 
belle nymphe, si un buisson d’épines ne s'était embarrassé dans un 
pan voltigeant de sa robe. Enchanté, je m’approchai d'elle et lui dis : 
Ne t’effarouche pas tant, je suis Bacchus, dieu du vin, dieu de la joie, 
éternellement jeune. Alors, saisie de respect, elle baissa les yeux et 
rougit. Pour marquer ma reconnaissance au buisson d’épines, je le touchai 


9 


— 150 — 


de ma baguette et j'ordonnai qu’il se couvrit de fleurs dont l’aimable 
rougeur imiterait les nuances que la pudeur étendait sur les joues de la 
nymphe. J’ordonnai, et la rose naquit. » 

Les poètes arabes, persans et turcs, dit Loiseleur-Deslongehamps, n’ont 
pas moins chanté la Rose que ceux de l'Occident, et leurs idées sur cette 
reine des jardins sont aussi riantes et aussi remplies de charmes. Une 
des principales différences qu’elles présentent, c’est qu’au lieu d’en faire 
l’amante du Zéphir, ils ont supposé qu’elle avait les amours du rossignol. 
Voici un échantillon des poésies orientales sur les Roses. 

« J'aime et j'admire la Rose comme la première des plantes. Elle est 
la reine des fleurs; sa présence annonce le triomphe de Ia belle saison. 

« Elle répand le parfum du muse. Semblable à une vierge timide, elle 
cache sa tête en rougissant dans une enveloppe de verdure. Son aspect 
réjouit les cœurs. Elle renferme la quintescence des plus suaves odeurs. 
Son bouton qui s’entr’ouvre, ressemble aux lèvres d’une jeune beauté qui 
s'apprête à donner un baiser à son ami. 

« La Rose dans la main de celle que j'aime, à l’exclusion de toute 
autre beauté, est comme l’incarnat de ses joues, et le jaune que l’on 
voit au milieu de cette fleur est la couleur de mon visage lorsque je ren- 
contre ma bien-aimée. 

« Jouis de la Rose, son existence est de peu de durée. Ne t’afflige que 
de sa disparition. Quitte-la avec des caresses, des baisers et des larmes, 
comme on quitte un ami qu’on ne doit revoir qu’au bout d’un an. 

« Le printemps et la Rose sont arrivés, et la nuit et le jour sont 
égaux en longueur. Ne cesse point de cueillir la Rose. Jouis-en et sou- 
viens-toi que la saison de cette fleur n’est qu’un prêt. 

« Au matin, lorsque je vois la Rose me présenter en s'entrouvrant une 
bouche vermeille, elle me fait souvenir des baisers que se donnent les 
amants à l’heure de leurs tendres caresses. Le matin passé, je trouve la 
Rose changée en une joue au milieu de laquelle le soleil a fait impres- 
sion. 

« Echanson! apporte le vin, car la saison des Roses est arrivée : 
rompons encore nos vœux de pénitence, au sein des Roses. Elancons- 
nous pleins de joie, dans les jardins parfumés : comme le rossignol, des- 
cendons dans un lit de Roses! » 

La rose était considérée comme le symbole du silence. De là l’expres- 
sion être sous le Rose, signifie que tout ce qu’on disait devait rester 
secret ; et de là aussi cette coutume qui s’était introduite dans quelques 
pays du Nord de suspendre une Rose au-dessus de la table dans les salles 
à manger, lorsqu'on voulait que les convives gardassent le silence sur 
tout ce qui pourrait se dire pendant le repas (Loiseleur-Deslongchamps). 

Cette expression et cette coutume sont connues dans les Flandres. 


CHRONIQUE. 
The horticultural directory for 1868(1). — C'est un 


keepsake indispensable aux horticulteurs qui ont des relations avec 
l'Angleterre. Petit in-12 de 166 pages, il donne tous les noms et 
toutes les adresses qui touchent à l’horticulture en Grande-Bretagne. 
Fleuristes, pépiniéristes, grainiers d'Angleterre, d’Ecosse et d'Irlande ; 
propriétaires et jardiniers des jardins renommés; jardiniers de Grande- 
Bretagne et d'Irlande; jardins botaniques et parcs publics; architectes 
de jardins et constructeurs ; Sociétés botaniques, horticoles et florales 
du Royaume-Uni avec les noms et adresses des secrétaires. Enfin quel- 
ques adresses, d’ailleurs assez exactes , concernant le continent. Publier 
ce sommaire c’est faire connaitre l'utilité du livre. 

Ce genre d'ouvrage est utile à une foule de monde. Il est publié par 
le D' Robert Hogg; la France possède les annuaires de M. Herincq à 
Paris et Ingelrest à Nancy ; l'Allemagne le Garten Calender du D° Koch. 
Il a été décidé dans la dernière assemblée générale de la Fédération que 
le Bulletin annuel suivrait la même voie cet donnerait les renseigne- 
ments de cette nature qui intéressent la Belgique. x 


Le douzième congrès agricole de Suède s'ouvrira à Stock- 
holm le 4 août prochain. La commission organisatrice est présidée par 
M. B. de Platen et a pour secrétaire M. C. Juhlin-Dannfelt; elle a pris 
diverses mesures dans le but d’être agréable aux étrangers et de leur 
procurer un domicile confortable et d’un prix modéré. Une course de 
chevaux sera donnée par la Société générale des courses suédoises; des 
excursions seront faites dans des localités intéressantes des environs de 
la capitale. L'exposition comprend les animaux reproducteurs, animaux 
de boucherie, produits de ferme, produits agricoles, produits forestiers, 
produits de pêche et de chasse, produits horticoles, instruments et 
machines agricoles, etc. 


L'Association britannique pour l'avancement des scien- 
ces se réunira cette année le 19 août à Norwich, sous la présidence 
de M. J. D. Hooker. Les personnes qui voudraient se rendre à ce congrès 
peuvent s'adresser pour les renseignements à M. J. Crompton, secrétaire 
du comité local, 


Le Congrès pomologique de France se réunira à Bordeaux 


(1) London, Journal of horticulture Office, 171, Fleetstreet E. C.— Two shillings. 


— 152 — 


le 17 septembre prochain, et à cette occasion la Société d'horticulture 
de la Gironde donnera une exposition extraordinaire de plantes et de 
fruits. Un appel est adressé non-seulement aux particuliers, mais aussi 
aux sociétés françaises et étrangères qui sont admises à concourir 
entre elles. Le bureau de la Société de Bordeaux, spécialement M. le 
président J. Michaelsen et le secrétaire-général D' Th. Cuigneau, vient 
d'adresser un chaleureux appel à tous les pomologistes de notre pays. 
Il est à désirer que la Belgique soit représentée à cette importante 
réunion ; il en a été ainsi en 1859, à pareille fête, et d’un autre côté la 
Société de la Gironde a pris part aux Congrès et expositions de pomo- 
logie de Namur en 1862. Nous espérons que plusieurs sociétés belges, 
entre autres les nombreux cercles pomologiques et arboricoles qui se sont 
constitués, tiendront à honneur de continuer ces bonnes relations. Pour 
tous renseignements s'adresser à M. le D' Th. Cuigneau, 19, ruc Rolland 


à Bordeaux (Gironde). 


Morrenia ou Herbier général des plantes de la Bel- 
gique. — Ce titre est un hommage à la mémoire de Charles Morren, 
dont le cœur et l’esprit ont toujours été dévoués au service de la science 
et de*la patrie. Il a été appliqué par deux jeunes botanistes belges, 
MM. Armand Thielens ct André Devos, à un recueil de plantes sèches 
dont ils ont entrepris la publication. Cet herbier est destiné aux gens du 
monde, aux horticulteurs, aux agronomes, aux médecins, aux pharma- 
ciens, etc. 11 se recommande aussi aux établissements d'instruction pri- 
maire et moyenne, aux athénées, colléges, pensionnats, écoles normales 
et primaires; aux instituts d'agriculture, d’horticulture, de sylvicul- 
ture, etc. Nous le signalons également aux élèves qui fréquentent les 
cours de sciences naturelles de nos universités. Cet herbier sera publié 
dans un but essentiellement pratique et contiendra, particulièrement 
dans les premières centuries, les plantes les plus communes, celles dont 
la connaissance est le plus indispensable. Chaque volume formera un 
fascicule de cent espèces de plantes. Ces plantes seront représentées par 
plusieurs échantillons en fleurs et en fruits et déposées chacune dans 
une feuille de papier demi-blanc très-fort; le tout sera renfermé dans un 
carton avec titre. 

On souscrit chez M. A. Thielens, rue de Namur, à Tirlemont, et chez 
M. À. Devos, place St. Hilaire, 4, à Namur. On peut également s’adres- 
ser aux bureaux et aux correspondants de la Belgique horticole. 

Cette publication nous paraît devoir être bien accueillie. En effet, on 
nous demande souvent le moyen de connaître aisément et sans être bota- 
niste les plantes qu’on rencontre à chaque pas. Les agronomes pour leur 
propre satisfaction, les pères de famille pour leurs enfants, les chefs 
d'institution pour les élèves, les hommes lettrés qui passent une partie 


— 1535 — 


de leur temps à la campagne, et bien d’autres, même des savants qui ne 
s’adonnent pas spécialement à la botanique, désirent trouver le moyen 
de connaitre la Flore rurale. Nous étions embarrassés de leur en fournir 
le moyen. On doit être familiarisé avec le langage botanique pour se 
servir des Flores; les ouvrages à planches sont rares et fort chers. Les 
herbiers publiés jusqu'ici avaient été recueillis plutôt en vue des bota- 
nistes de profession. Le Morrenia de MM. Thielens et Devos nous parait 
devoir être un guide sûr et commode. Ils renouvellent l'œuvre entreprise 
il y a quarante années par l’infortuné Courtois, sous le titre de Choix des 
plantes de la Belgique. Nous aimons à croire qu'ils réussiront. Le prix 
de la centurie est, pensons-nous, de 20 francs; c’est-à-dire 20 centimes 
par plante. 


La Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique 
s'est réunie en assemblée générale, à Bruxelles, au palais du Musée, 
le 26 avril, à 2 heures, sous la présidence de M. Fr. de Cannart d'Hamale, 
sénateur. 

Au début de la séance, plusieurs adhésions nouvelles ont été accueillies. 

On s’est occupé d’abord de la médaille commémorative qui sera frappée 
à l'effigie d’Auguste Royer; la souscription ouverte a déjà produit une 
somme de 600 francs. - 

Sur les rapports de MM. Ronnberg, Linden et de Cannart, une mé- 
daille en vermeil et un prix de 200 francs sont votés à M. Delche- 
valerie, chef de culture au fleuriste de la ville de Paris, pour son mémoire 
intitulé : Les plantes des squares et des jardins publics. Ce mémoire 
sera publié dans les Annales de la Fédération. 

Une monographie des platanes, par M. A. Wesmael, de Mons, est, sur 
le rapport de MM. Morren et René Della Faille, couronné d’un prix de 
100 francs. L’impression en est également décidée, avec les planches 
qui l’accompagnent. 

L'assemblée a décidé qu’une analyse détaillée de l'Exposition univer- 
selle d’horticulture, qui a eu lieu à Paris en 1867, et à laquelle les 
horticulteurs belges ont pris la part la plus distinguée, figurera au Bulle- 
tin qui va être publié. 

Toutes les questions déjà mises au concours ont été maintenues. On 
y a ajouté les questions suivantes : 

1° Exposer l'influence de la lumière sur la végétation, spécialement 
dans ses rapports avec l’horticulture. — Influence de la latitude, de 
l’altitude, du verre, des couleurs, etc.; 

2° Exposer la structure, la végétation et les fonctions des racines; 

3° Traité de la transpiration des plantes; rapport de la quantité d’eau 
évaporée avec l'absorption et les diverses circonstances de la végétation; 

4° Recherches sur la reproduction des lycopodiacées. 

A l’occasion de la formation du budget pour 1868, et en présence de 


— 154 — 


la situation prospère de l'association, l'assemblée a décidé qu'une somme 
de 500 francs serait consacrée chaque année à la création d’un grand 
prix, à décerner successivement par les principales Sociétés fédérées, à 
l'occasion de leur exposition. Ce prix, sous le nom de prix de la Fédé- 
ration, est destiné à récompenser des envois de plantes vraiment extraor- 
dinaires. 

L'assemblée s’est terminée par les élections pour le comité-directeur : 
le mandat de MM. Morren, Bivort, Ramoux, Muller et Rosseels a été 
renouvelé à l'unanimité. 


Les Rapports sur l'exposition universelle de Paris, 
rédigés sous la direction de M. Michel Chevalier, viennent d’être im- 
primés. Réunis ils forment treize volumes in-8°, mais la plupart de ces 
rapports sont aussi publiés en brochures séparées. Nous avons eu l’hon- 
neur d’en recevoir quelques-uns. 

Parcs et matériel de l’horticulture (classe 85), par M. J. Darcel, ingé- 
nieur au corps des ponts et chaussées. 

Arbres fruitiers et fruits (classe 86), par M. le vicomte Alphonse de 
Galbert. 

Légumes et fruits secs et conservés (classe 71), par MM. Pepin, Bignon, 
L. Wittmack et le marquis d’Arcicolar. 

Graines et plantes forestières , procédés divers de repeuplement des 
forêts, (classe 87), par MM. Frédéric Moreau et Eug. de Gayffier. 

Nous-mêmes avons rédigé le rapport concernant la classe 88, plantes 
de serres. Nous y avons exposé la situation générale de la floriculture et 
un aperçu des explorations botaniques et horticoles qui ont eu lieu sur 
le globe pendant le XIX° siècle. 

Nous reviendrons sur ces publications (1). 


Exposition et Congrès de St. Pétershourg. — Les divers 
comités spéciaux, chargés de cette importante organisation, viennent 
d’être constitués de la manière suivante : 

1re Section. — Comité du Congrès : président, MM. E. Regel ; secré- 
taire, Rosanow, physiologiste, au jardin impérial de botanique ; membres, 
professeur Betekow, G. Buck, professeur Taminzin, conseiller municipal 
Gernet, professeur Merklin, conseiller municipal Ruprecht. 

2% Section. — Programme et correspondance : président, MM. con- 
seiller municipal Maximowiez ; secrétaire, Otzolig; membres, conseiller 
Wolkenstein (secrétaire de la Société), E. Ender, curateur du Jardin 
botanique, Karaservitsch, général Kinowitsch, conseiller privé, Klin- 
genberg, conseiller Posemkowski, Petlin, général Mandelstern, E. Regel. 


(1) En attendant nous nous ferons un plaisir d’envoyer notre rapport à ceux de 
nos abonnés qu’il peut intéresser et qui voudront bien nous en adresser la demande. 


LR Ve 


— 155 — 


5 Section. — Comité de construction et d’arrangement de l’Expo- 
sition : président, MM. A. Rochel, horticulteur ; secrétaire, conseiller 
Kasatschok; membres, Bergemann, conseiller Gronow, N. Gratschef, 
F. Gratschew, A. Sewerin, Sokolow, ingénieur et architecte, Stegemann, 
horticulteur. 

4e Section. — Comité de réception des étrangers et organisation des 
fêtes, exeursions, etc. : président, MM. conseiller Muchortow; secrétaire, 
conseiller Mzekewitsch; membres, général Baranow, Auguste, Dabler, 
Makler, conseiller Fritsche, F. de Herder, curateur du Jardin botanique, 
Hoelzer , conseiller Rorbek et Saposchnikof, conseillers de commerce 
Siesmeyer, Treffurt et Stock. 

Le D* E. Regel a été nommé pour présider les sections réunies. Le 
programme définitif sera publié au mois de mai. 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS, 


PAR M. DELCHEVALERIE, 


Chef de culture au fleuriste de la ville de Paris. 
(Suite, voir p. 67.) 
Avril 1868. 


Vers les premiers jours d’avril, on commence à faucher les gazons. 
Cette opération doit être répétée tous les dix à quinze jours environ, 
pour les petites pelouses avoisinant les habitations dans les jardins 
d'agrément. 

A cette époque de l’année, les allées doivent être bien entretenues 
et ratissées selon le besoin, et les corbeilles garnies de plantes à flo- 
raison printanière. 

Les grands massifs d'arbres, arbrisseaux et arbustes à feuilles caduques, 
sont complétement feuillés pour la fin de ce mois, et un grand nombre 
nous offrent déjà leur belle et luxurieuse floraison : tel sont les 
Mérisiers et les Cerisiers à fleurs doubles, le Paulownia impérial, 
Paulownia imperialis Swes.; le Forsithie à fruits doux Forsythia sus- 
pensa Sres.; le Forsithie à feuillage sombre, Forsythia viridissima Lixx.; 
le Groseillier à fleurs rouges, Ribes sanquineum Pursu.; le Magnolia pyra- 
midal Magnolia pyramidata Bartr.; Magnolia à deux couleurs , M. dis- 
color Vexr.! Magnolia auriculé, M. auriculata Barrr,, etc., etc. 

Comme arbre isolé sur les pelouses, on admire surtout le Magnolia 
yu-lan Desr., dont les grandes et belles fleurs blanches à odeur douce, 
recouvrent complètement la plante en ce moment ; ses fleurs sont des 
plus précoces, et apparaissent presque toujours avant les feuilles; aussi 
sont-elles souvent atteintes des gelées tardives du printemps. Il existe 


— 156 — 


de cette espèce une variété charmante obtenue par M. Soulange, Magnolia 
Soulangeana (Horr.), dont les fleurs sont blanches à l’intérieur et pour- 
pres en dehors. 

Le Cognassier du Japon, Chænomeles Japonica Pers., l'un des plus 
beaux arbustes à floraison printanière, est en pleine floraison en ce 
moment; on en admire surtout dans les jardins des Champs-Elysées, 
une touffe d'environ deux mètres de hauteur sur autant de diamètre, 
complètement recouverte de jolies fleurs réunies en groupes presque 
sessiles, du plus beau rouge foncé, ayant un peu laspect d’une touffe 
de Camellia, et qui produit le plus bel effet sur les pelouses à cette 
époque de l’année. 

Les Rhododendrons hybrides d’arboreum et autres, supportent assez 
bien les hivers en pleine terre sous le climat de Paris; on les plante 
isolément, en groupes, en massifs, ou sur les rochers factices dans les 
jardins d'agrément; ils y fleurissent d’avril en Juin, et constituent les 
plus ravissants contrastes au moment où s’épanouissent leurs jolies fleurs 
terminales disposées en corymbes ou bouquets hémisphériques de couleur 
rouge, rouge foncé, rouge vif, rouge carmin, rouge amarante, rouge 
clair, rose, blanc, blanc carné, etc. etc. 

A cette époque de l’année, on plante aussi les arbres et les arbustes à 
feuilles persistantes, en prenant toutefois, la précaution de les abriter 
du soleil, surtout les arbres résineux, rares ou délicats, nouvellement 
replantés; on les entoure d’une toile supportée sur des piquets pendant 
les premiers mois de la plantation, et on les arrose copieusement afin de 
favoriser l'émission de nouvelles racines. 

Les massifs, plates bandes, corbeilles, bordures, rocaiïlles, ete., sont 
complètement garnis de plantes en fleurs à cette époque de l’année. 

Les Jacinthes à fleurs simples et à fleurs doubles entre autres, consti- 
tuent dans les jardins publics de la ville de Paris, et notamment au pare 
Monceaux, des groupes et des corbeilles d’une rare beauté ; chaque mas- 
sif est planté de deux ou trois sortes de fleurs seulement; par exemple 
le centre est planté de jacinthes à fleurs bleues, entourées de quelques 
lignes d’une variété à fleurs roses; puis, on forme autour une large 
bordure d’une variété naine à fleur blanche; les couleurs étant ainsi 
réunies ressortent beaucoup mieux que lorsqu'elles se trouvent mélan- 
gées, et constituent de merveilleux effets dans les jardins à cette époque 
de l’année; la fraicheur et l'éclat des fleurs de la Jacinthe, ainsi que 
l'odeur suave très-pénétrante qu’elle répand dans tout le voisinage, en 
font une des plantes les plus recherchées pour fleurir les jardins au 
premier printemps. 

La Tulipe Duc de Thol, Tulipa suaveolens Rota., est également en 
pleine floraison en ce moment; ses jolies fleurs à odeur suave, d’un beau 
rouge éclatant, s'élèvent à peine à quelques centimètres de hauteur; on 
forme de trés-jolies corbeïlles dans les jardins; où elles fleurissent 


— 157 — 


pendant tous le mois d'avril, jusqu'au moment où apparaissent les fleurs 
de la Tulipe des fleuristes; la Tulipe Tournesol et les Tuiipes flamandes 
sont également en pieine floraison eu ce moment. 

La Corbeille d'argent, Arabis alpina Lix., petite crucifère vivace se 
couvrant de jolies fleurs disposées en grappes ombelliformes, est égale- 
ment l’une des plantes les plus employées pour fleurir les parterres à 
cette époque de l’année; sa grande rusticité, sa végétation vigoureuse 
et sa floraison abondante, la font rechercher pour former les bordures 
autour des massifs d’arbustes; en espacant les plantes à environ 0,25 
ou 0,50 centimètres, elles couvriront bientôt le terrain d’un épais tapis de 
jolies fleurs blanches; cette plante est également employée pour fleurir 
les corbeilles, les talus, les rochers, les rocailles, etc. Elle commence à 
fleurir depuis la fin de mars jusqu’à la fin de mai. On la multiplie avec 
une grande facilité par la division des touffes aussitôt après la floraison, 
c’est-à-dire vers le mois de juin; on n’a alors qu'à les diviser en autant 
de fragments ou parties qu'on voudra avoir de plantes l'année suivante, 
et de les planter en pépinière, en les arrosant pendant les chaleurs de 
l'été; pour le mois d'octobre, ces jeunes plantes seront assez fortes pour 
être mises en place, ou si on ne les plantait qu’au printemps, il faudrait 
alors les transplanter avec de bonnes mottes afin de ne pas en faire souf- 
frir la floraison. 

La corbeille d’or, Alyssum saxatile Lix., également l’une des plantes 
fort à la mode dans les jardins de Paris, est très-rustique et peu difficile 
sur la nature du terrain. Elle fleurit admirablement à toutes les exposi- 
tions, et même sous l’ombrage des massifs d’arbustes, autour desquels 
on la plante ordinairement sur quatre ou cinq lignes de largeur, et à 
0,25 ou 0,50 centimètres de distance en tout sens. Dans ces conditions, 
elle formera bientôt un épais tapis de jolies fleurs jaunes réunies en 
grappes serrées et ombelliformes, et qui constituent l’une des plantes 
les plus recherchées pour l’ornementation de nos parterres à cette époque 
de l’année. On l’emploie aussi beaucoup pour orner les plates bandes, 
les grottes, les rocailles, etc. Elle fleurit ordinairement depuis le com- 
mencement d'avril jusque dans les premiers jours de juin. Sa multipli- 
cation peut se faire par le semis vers le mois de Juin-Juillet, mais c’est 
en divisant les touffes qu'on la multiplie le plus généralement. Aussitôt 
après la floraison, on peut pratiquer ce mode de multiplication, en 
plantant les divisions en planche et .en pépinière jusqu'a l'automne ou 
le printemps suivant, époque où on doit les planter à demeure. On peut 
la multiplier encore par le bouturage en toute saison, sur couche sourde 
et à l’étouffée. 

La petite paquerette des jardins, Bellis perennis Lixx., var. aureo reti- 
culata, forme également de jolies bordures en pleine terre à cette époque 
de l’année. Ses jolies petites fleurs roses ou purpurines contrastent 
agréablement sur le feuillage qui est vert et largement réticulé de jaune, 


— 158 — 


Les fleurs apparaissent ordinairement d'avril en juin. Cette petite plante 
demande à être plantée sur des pentes ou des massifs un peu élevés, 
car dans les bas fonds humides, elle dépérit souvent pendant l'hiver par 
excès d'humidité. Lorsqu'on veut en obtenir une floraison précoce, on 
doit la planter dans un lieu bien abrité, et on couvre les plantes avec des 
panneaux ou des paillassons, à la fin de l'hiver, afin de les garantir des 
gelées tardives du printemps. A l’aide de ce procédé, on peut avoir les 
paquerettes à fleur double en fleurs vers les premiers jours de mars, et 
même en février. On les multiplie à l'infini par la division des touffes 
après la floraison, et on plante les divisions en planche eten pépinière 
d'attente Jusqu'au printemps suivant, époque la plus convenable pour les 
mettre en place. Cette plante souffre très-peu de la transplantation, on 
peut même dans bien des circonstances la transplanter et même l'expédier 
pendant la floraison sans la faire souffrir, si on a la précaution de la 
soulever de terre avec de bonnes mottes. 

L’Aubrietie deltoïde, Aubrietia deltoidea DC., est également très-em- 
ployée à former les bordures dans les jardins de Paris. On l’emploie 
surtout pour orner les lieux rocailleux, les talus, les parterres, etc. Cette 
petite plante a les feuilles disposées en rosettes, et forme bientôt une 
sorte de tapis compacte se couvrant de jolies fleurs bleu lilacé réunies en 
petites grappes; elle est sans contredit l’une des plantes les plus rustiques 
et des plus à la mode parmi toutes celles que l'on cultive pour fleurir les 
jardins au printemps, et réussit parfaitement dans les terrains secs ; elle 
supporte toutes les expositions, même à l'ombre autour des massifs d’ar- 
bustes feuillés. Sa multiplication se fait par le semis vers le mois de juin, 
en terre légère età l’air libre; mais on la multiplie presque toujours par 
la séparation des touffes vers le mois de juin, et même en toute saison; 
on plante les éclats en planche et en pépinière à mi-ombre, ou ils se 
fortifient jusqu’à l'automne ou le printemps, suivant qu'on les plante à 
demeure. 

Le Myosotis des Alpes, Myosotis alpestris Scamipr., l'une des plantes à 
floraison printanière les plus recherchées et les plus cultivées dans les 
jardins de Paris, y forme des massifs, plates bandes, corbeilles, bordu- 
res, etc., couvrant completement le sol de ses rameaux floraux terminés 
par de jolies petites grappes de fleurs bleu pâle avec des lignes blanches 
et rayonnantes formant le plus bel effet au moment de sa floraison, qui 
commence ordinairement vers la fin de mars, aussitôt apres la sortie de 
l'hiver, et qui se prolonge jusqu'à la fin de mai ou le commencement de 
juin; une terre ordinaire et une exposition un peu ombragée convien- 
nent parfaitement à sa culture, qui du reste, n’exige aucun soin particu- 
lier ; sa multiplication a lieu par le semis en juillet, en pleine terre à mi- 
ombre; on repique le jeune plant en pépinière jusqu'à l'automne ou le 
printemps suivant, époque la plus favorable pour les planter à demeure. 
On peut aussi le semer au printemps, mais alors, la floraison en est 


— 139 — 


moins précoce et moins abondante que lorsqu'on sème en juillet l'année 
précédente. 

La Giroflée jaune, Cheiranthus Cheirii Lix., sans contredit la plante 
de prédilection dans les jardins de Paris au premier printemps. C'est par 
millions de Giroflées jaunes que l’on cultive pour l’ornementation des 
corbeilles, plates bandes, bordures, massifs, parterres etc., dans les 
squares de la ville de Paris, dans les jardins du Louvre et des Tuileries, 
du Luxembourg, du Palais royal, du Museum, dans les jardins particu- 
liers, etc.; cette petite plante, l’une des plus rustiques, des plus flori- 
bondes, et des plus élégantes que nous offre la saison printanière, se 
couvre de jolies fleurs jaunes plus ou moins foncé, odorantes, réunies en 
grappes allongées au sommet des rameaux, fleurit admirablementles par- 
terres depuis le mois de mars jusqu’à la fin de mai. Bien que la Giroflée 
jaune s’accomode de tous les sols, les terrains d’un peu de consistance et 
un peu secs paraissent lui convenir davantage. 

Les semis se font en juin-juillet, en planche à l'air libre; on repique 
le plant en pépinière, où il a le temps de se fortifier jusqu’à l'automne ou 
le premier printemps, quand on les plante à demeure. On les plante en 
quinconce à 0,50 ou 0,55 centimètres de distance, et les premières fleurs 
apparaissent fin de février ou au commencement de mars. Il existe une 
variété à fleurs brunes, qui fleurit plus tôt, quelquefois même à l'automne, 
lorsque les gelées sont tardives et qu’on a soin de la planter dans un 
endroit bien abrité des rigueurs de l'hiver. 

Les Pensées à grande fleur, Viola tricolor grandiflora Hort., sont 
également en pleine floraison en ce moment; elles constituent aussi 
l’une des plantes les plus à la mode et les plus cultivées dans les jardins 
de Paris au premier printemps, où on les dispose en massifs, bordures, 
corbeilles, plates bandes, ete. Les variétés les plus estimées sont celles 
qui ont les fleurs très-grandes, dont les pétales sont réunis et rapprochés 
du cercle, bien dégagés, et d’une bonne tenue, réunissant les coloris violet 
brunâtre, marron, poupre velouté, noir intense, blanc, jaune, ete., ete. 
Les Pensées sont très-recherchées pour |fleurir les parterres à Paris, où 
elles fleurissent depuis le mois de mars jusqu’au commencement de l'été, 
et souvent même jusqu'à la fin, si on a soin de les abriter des fortes 
chaleurs. 

Le sol qui parait le mieux convenir à la culture de la Pensée, est celui 
qui est meuble et fertile, bien exposé et surtout bien aéré. Les exposi- 
tions ombragées et trop humides leur sont souvent funestes et sont pres- 
que toujours la cause de l’insuccès de la culture des Pensées. La multi- 
plication se fait ordinairement par le semis vers les mois de juillet-août, 
en planche en plein air et à bonne exposition. On repique en pépinière 
dans un endroit bien aéré, et dans une terre légère, substantielle jusqu’à 
l'automne ou le printemps suivant; alors, on les lève en mottes, et on 


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les plante à demeure en les espaçant d'environ 0,25 ou 0,50 centimètres 
en tout sens. 

L'Hépatique trilobée, Æepatica triloba Cuaix., dont les jolies fleurs 
s'épanouissent au premier printemps, est également l’une des plantes les 
plus précieuses pour orner les jardins; on en fait des bordures autour 
des massifs d’arbustes, des plates bandes, corbeilles, cte., dans un sol 
un peu frais, consistant, à l’exposition du levant et même du nord. 
Les pieds doivent être plantés à 0,25 centimètres de distance, si on veut 
obtenir un épais tapis de ses jolies fleurs bleues apparaissant ordinaire- 
ment avant les feuilles. 

La multiplication des Hépatiques peut se faire d’éclats vers la fin de 
l'été ou à l’automne; une bordure bien établie peut parfaitement durer 
trois ou quatre ans avant d’être renouvelée, et fleurir abondamment 
chaque année au printemps. 

Le Lamier maculé, Lamium maculatum Lin., sans contredit l’une des 
plantes vivaces les plus rustiques et les plus méritantes pour former les 
bordures autour des massifs à l'ombre, et surtout pour orner les rochers 
et les rocailles, qu’elle tapisse et recouvre rapidement; bien qu’il préfère 
un sol substantiel et frais, il réussit parfaitement dans tous les terrains ; 
il vit également très-bien à l'ombre et en plein soleil et y fleurit parfai- 
tement; son beau feuillage panaché de jolies taches blanches, quelque- 
fois mélangées de rose dans les jeunes feuilles, en fait le principal 
ornement; au premier printemps, on admire aussi ses jolies fleurs rose 
purpurin, disposées en glomérules formant un épi dressé, depuis la 
fin de mars jusqu’à l'automne. On le multiplie facilement par la sépara- 
tion des pieds ou de drageons vers la fin de février ou le commence- 
ment de mars, ou même après la floraison. Les éclats peuvent être 
plantés immédiatement à demeuré, à distance convenable, et bientôt 
ils couvriront le terrain d’un épais feuillage. Lorsqu'on veut le mul- 
tiplier de graines, on sème en juillet et on repique le plant en pépinière 
pour le mettre en place au printemps. 

Le Tlaspi vivace, Zberis sempervirens Lin., également très-précieux 
pour fleurir les bordures, plates bandes etc., se couvre en ce moment de 
jolies fleurs blanc argenté, disposées en corymbe ombelliforme. Dès que 
les fleurs sont passées, il est bon de tondre légèrement les plantes pour 
les faire fleurir de nouveau à l'automne; étant rentré en serre ou sous 
chassis et tenu en pots pendant l'hiver, il fleurira presque sans inter- 
ruption. On le multiplie par la séparation des touffes, ou mieux de bou- 
tures sur couche sourde et à l’étouffée, où elles s’enracinent très-promp- 
tement. Par graines, on sème en avril-mai en pleine terre, et on repique 
en pépinière pour planter à demeure au printemps suivant. 

Enfin, les plantes dont on admire en ce moment les fleurs dans les 
pares et les jardins de Paris sont : le Primula auricula Lin. ; le Geum 
coccineum Sistu.; l'Anemone coronaria La. ; l’Anemone apennica Lin. ; 


— 141 — 


le Caltha palustris Lix. ; le Corydalis nobilis Pens.; le Dielytra specta- 
bilis DC.; le Doronicum caucasicum Bres.; l'Epimedium purpureum 
Honr.; l’Erythronium maculatum Lan.; le Fenzlia dianthiflora Benru. ; 
le Fritillaria imperialis Lix.; le Kaulfussia amelloides N£es.; le Var- 
cissus pseudo narcissus Lix.; le Pæonia tenuifolia Lin. ; l'Iris cœrulea 
Bor. Mac.; l’/ris allescens Hewox, etc.; le Primula elatior Horr.; le 
Primula grandiflora Laur.; le Valeriana montana Li. ; le Saxifraga 
crassifolia Lin.; le Scilla peruviana Lix.; le Tiarella cordifolia Lis. ; 
le Trillium grandiflorum Sause.; l’'Uvularia grandiflora Siru.; Île 
Vesicaria reticulata Lawk.; le Schizopetalum Walkeri Hook.; les vio- 
lettes odorantes de Parme, des quatre saisons, etc., ete. 

Dans le courant d'avril on peut semer sur couche et sous châssis les 
plantes telles que Amarantus bicolor Nocca.; A. sanguineus Lix.; À. 
melancholicus Hont.; Celosia cristata Lin.; Gomphrena globosa Lix.; 
Solanum ovigerum Dux.; Impatiens balsamea fl. pleno Lix.; Choenostoma 
fastigiata Benru.; Cineraria maritima Lix.; Datura meteloides DC.; 
Grammanthes gentianoides DC.; Maurandia barcleyana Lioe.; Mimulus 
cardinalis Lin.; Vinca Madagascariensis rosea et alba ; Petunia nyctagi- 
niflora Juss.; Petunia violacea Linoz.; P. gloire de Segrez Honr.; Cleome 
pungens Wizro.; Centauridium Drumundii Torr. et Gray; Dianthus sene- 
clauzi; Lathyrus latifolius Lix.; L. Napoleonis; L. odoratus Li; 
Linum grandiflorum Desr.; Zea variegata; Phlox Drummundii Hook.; 
Ricinus communis Laix.; R. sanguineus Horr.; Sanvilalia procumbens 
Law.; Aster sinensis Lix.; Portulacca grandiflora Lino; Rhodanthe Man- 
glesii Lioe.; Vittadenia trilobata DC.; Brachycome iberidifolia Benru.; 
Anthirrinum majus Lix., ete. 

Vers la fin d'avril, on peut semer en planche en plein air les plantes 
suivantes : Cosmidium Burridgeanum Hook.; Crucianella stylosa Tnix.; 
Digitalis purpurea Lix.; OEnothera purpurea Curr.; Epilobium spicatum 
Lamr.; Gaillardia perennis Horr.; Galega officinalis Lix.; Helichrysum 
bracteatum Wizip.; Linum grandiflorum Desr.; Lobelia erinus gracilis 
Horr.; Lychnis chalcedonica Lix.; Matricaria parthenoides Desr.; 
Menyanthes trifoliata Lix.; Dianthus sinensis Lix.; D. barbatus Lax.; 
Oxalis corniculata atropurpurea Morr.; Perilla nankinensis Dsxe.; 
Perilla arquta crispa; Æthionema cordifolium DC.; Alstræmeria pul- 
chella Honr.; Alyssum saxatile Lin.; Alyssum maritimum Lamk.; À. 
deltoideum Lix.; Anemone coronaria Lix.; Campanula pyramidalis Lix.; 
C. grandiflora JacQ.; Centaurea gymnocarpa ; Coreopsis tinctoria nana 
Honr.; C. Drummundii Tonn. et Gray.; Clarkia pulchella Punsu. ; C. ele- 
gans Doucr.; Pulmonaria officinalis ; Scabiosa atropurpurea Desr.; 
T'agetes lucida Car.; Zinnia elegans Jaca. 

En place en plein air, on peut déjà semer bon nombre de plantes 
rustiques, ou qui supportent mal le repiquage, telles que : Delphinium 
ajacis minus Hort.; Reseda odorata Lix.; Saponaria Calabrica Cuss.; 


— 142 — 


Silene pendula Lax.; Helianthus nanus Honr.; Adonis æstivalis Lin.; 
Agrostis capillaris Horr.; Mirabilis jalapa Laix.; Convolvulus tricolor 
Lix.; Campanula speculum Lix.; Tropæolum majus Lix.; T. hybridum ; 
T. minus Lix.; TT. Luciferum; T. compactum coccineum ; Carduus 
Marianus Lix.; Gentiana campestris ; Gypsophila elegans Bersr.; Linaria 
bipartita Wiiso.; Nemophila insignis Benru.; Papaver somniferum, ete. 

En fait de plantes aquatiques propres à orner les rivières, élangs ou 
les pièces d'eaux artificielles, on peut semer en ce moment l’Aponogeton 
distachyum Tauxs.; le Trapa natans Laix.; le Myosotis palustris Wiru.; 
le Vymphæa alba, et autres, l'Epilobium hirsutum Lix.; VIris pseudo 
acorus Lin., etc. 

Les plantes en fleurs de toute sorte provenant des cultures forcées, 
abondent encore en ce moment sur les marchés. 

L'Oteia du Japon, Æoteia japonica Dxe., sans contredit l’une des plan- 
tes vivaces de pleine terre les plus méritantes, qui se prête parfaitement 
à la culture forcée, et qui occupe un des premiers rangs parmi les plantes 
servant aux garnitures d'appartement, à faire les bouquets, etc. Cette 
admirable plante ne prospère que médiocrement dans une terre ordi- 
naire de jardin ; il lui faut essentiellement une terre de bruyère un peu 
siliceuse si on veut en obtenir promptement de fortes touffes. Les jardi- 
niers des environs de Paris la cultivent spécialement pour les marchés, 
en pleine terre à mi ombre et dans des massifs de terre de bruyère; ils 
relèvent leurs plantes à l’automne pour les empoter, puis ils les rentrent 
sous châssis à froid en attendant le moment de les soumettre à la culture 
forcée. Il n’est pas rare de voir des plantes ainsi cultivées, produire la 
deuxième ou la troisième année, une vingtaine de tiges et plus, garnies 
de myriades de jolies petites fleurs blanches disposées en panicules dres- 
sées, dont l’ensemble forme une sorte de gros bouquet pyramidal, garni 
à la base de grandes et belles feuilles triternées, vert tendre. Les fleurs 
étant coupées sont très-recherchées des bouquetières qui les disposent 
dans leurs bouquets; étant d’une grande légèreté, elles accompagnent 
parfaitement les bouquets de, fleurs de Camellia, d’Azalées, de Roses, etc. 

L’Oteia du Japon se multiplie très-facilement par la division des touf- 
fes après la floraison. 

Le Reseda odorata grandiflora Horr.; est également cultivé des jardi- 
niers de Paris qui approvisionnent les marchés. Pour l’avoir en fleur en 
avril ils le sèment à l’automne en pots, dans un mélange de bonne terre 
de potager, de terreau de couche et à bonne exposition; ils laissent ordi- 
nairement trois plantes dans chaque pot, et lorsque arrive la fin d'octobre, 
ils rentrent ceux-ci sous châssis et sur couche sourde, les tenant le plus 
près possible du verre, et leur donnant de l’air toutes les fois que le 
temps le permet; cultivé de cette facon le réséda fleurit depuis le com- 
mencement d'avril jusqu’à la fin de mai. 

L’Héliotrope du Pérou, A. Peruvianum Lix., cultivée en pots pendant 


— 145 — 


l'hiver, est très-recherchée au printemps sur les marchés; au moment 
de sa floraison, elle exhale un parfum suave très-recherché, qui fait à 
peu près le seul mérite de cette plante. Pour l'obtenir en fleur de bonne 
heure au printemps, on rentre les vieux pieds en serre à l’automne, 
après leur avoir donné la taille convenable, et on les dispose sur les 
tablettes les plus rapprochées de la lumière. Là, si la serre est suflisam- 
ment chauffée, les Héliotropes fleuriront de bonne heure au printemps, 
et même pendant l’hiver, et continueront ensuite pendant une grande 
partie de la belle saison. Multiplication très-facile de boutures herbacées 
sur couche tiède à l’étouffée. 

Les roses des quatre saisons, Jules Margottin, le Roi, la Reine, le 
souvenir de la Malmaison, les Mistriss, etc., provenant des cultures 
forcées sont toujours très-abondantes sur les marchés et à la halle de 
Paris. Les rosiéristes qui cultivent en grand les espèces destinées à la 
culture forcée, les greffent généralement sur églantier demi-tige et basse 
tige ; ils posent ordinairement deux greffes sur chaque pied, du moins 
lorsqu'il est possible, afin d’obtenir au moment de la floraison le plus 
grand nombre possible de roses sur chaque individu; un rosier de ce 
genre, lorsqu'il est bien fleuri, et qu’il contient environ une douzaine de 
belles roses, constitue un fort élégant bouquet, qui a l’avantage de se 
conserver frais pendant plus longtemps, que ceux dont les fleurs sont 
coupées et montées sur des tiges de jonc; néanmoins, les roses coupées 
se conservent parfaitement pendant plusieurs jours surtout si on a le 
soin de les tenir dans un milieu suffisamment humide; on les emploie 
énormément en ce moment pour monter les bouquets, pour garnir les 
jardinières, les vases, etc. dans les appartements. 

Les Lilas blancs, abondent toujours sur les marchés et chez les fleuris- 
tes; on continue à en faire des bouquets, dans lesquels on dispose des 
roses, des Azalées, des violettes, et autres fleurs de la saison. On l’emploie 
aussi considérablement pour les appartements ; le lilas saugé, cultivé en 
pots spécialement pour les garnitures abonde encore sur les marchés 
en ce moment. 

Les Pélargonium à grande fleur sont déjà en pleine floraison sur les 
marchés; ils proviennent de plantes de l’année précédente, qui ayant 
été taillées de bonne heure à l'automne et rentrées en serre froide sur 
les tablettes rapprochées de la lumière, fleurissent parfaitement sur la 
fin de mars et au commencement d'avril. 

Les Fuchsia, traitées de la même facon, fleurissent ordinairement à 
partir de la fin de Mars, et pendant toute la belle saison. 

Enfin, parmi les plantes provenant des cultures forcées, on remarque 
encore le Cineraria hybrida nana Monr.; le Primula sinensis, Lixou. ; 
le Weigelia rosea Lixoe.; le Xalmia latifolia Lix. ; le Prunus sinensis 
ft. pleno Horr.; le Spiræa callosa alba Horr. S. prunifolia Sies., etc. ; 
le Deutzia gracilis Zucc.; l’Aponogeton distachyum, Tauws.; les Rhodo- 
dendrons arbores, hybrides, pontiques, ete. 


— 144 — 


Parmi les fleurs de la saison, on remarque surtout en ce moment les 
Azalées de l'Inde, Azalea indica Lin. ; presque toutes les variétés fleuris- 
sent naturellement dans les serres au mois d'avril; les jardiniers, qui les 
cultivent spécialement pour les marchés, adoptent seulement les variétés 
les plus belles, les plus florifères, et qui se prêtent le mieux à la culture 
forcée, afin d'en avoir pour alimenter les marchés depuis le commence- 
ment de l'hiver jusqu’à la fin de mai; la vente en pots en est considé- 
rable; un pied d'Azalée bien fleuri est tout aussi recherché qu’un bouquet 
de fleurs coupées; il a en outre l’avantage sur ce dernier, de se conserver 
pendant plus longtemps dans les appartements. Lorsque les Azalées ne 
sont pas assez fleuries pour être livrées sur les marchés, on en coupe 
les fleurs qui sont très-recherchées des bouquetières qui les emploient 
en les montant sur des tiges de jonc pour les disposer dans les bouquets. 

Bien que la saison commence à s’avancer, les Violettes de Parme 
et des quatre saisons abondent encore sur les marchés et surtout à la 
Halle de Paris. La statistique de cette année porte à environ deux cent 
mille bottes de Violettes (équivalant à peu près à cinq millions de bou- 
quets), qui se sont vendues pendant la saison à la Halle de Paris. Le 
matin avant la levée du marché, les fleuristes établis sur tous les points 
de la capitale et les marchands des quatre saisons viennent tour à tour 
s'approvisionner de Violettes aux Halles centrales. Elles se vendent à 
l’amiable, et le cours varie tous les jours. Pendant que les fleuristes en 
boutique en confectionnent d’élégants bouquets dans lesquels ils dispo- 
sent des Roses et des Camellias, destinés à orner l’appartement du riche, 
les marchands des quatre-saisons, avec leurs petites voitures, en offrent 
sur les boulevards et dans toutes les rues de Paris, des bouquets de toute 
forme et de toutes dimensions, à la portée de toutes les bourses. 

Les Rhododendrons d’orangerie, de serre froide et autres, dont la 
plupart sont en pleine floraison à cette époque de l’année, abondent 
aussi sur les marchés en ce moment; ils constituent en même temps que 
les Azalées, une des branches les plus importantes de l’horticulture 
appliquée aux garnitures d'appartements. La vente se fait ordinairement 
en pots, et les plantes servent surtout à orner les grands vases, les 
jardinières, corbeilles etc., dans les salons. Les fleurs coupées sont trop 
volumineuses pour servir dans les bouquets; on est obligé de diviser 
les ombelles, et de monter ensuite chaque fragment sur des tiges de 
jonc pour pouvoir les disposer ensuite dans les bouquets. 

Parmi les bruyères du Cap, cultivées pour l’approvisionnement des 
marchés, on remarque en ce moment la bruyère cylindrique, Erica 
cylindrica Axor.; l’une des plus belles et des plus cultivées pour les 
appartements. Cette belle espèce affecte particulièrement la forme pyra- 
midale, s’élevant ordinairement jusqu’à 0,50 ou 0,40 centimètres de 
hauteur. Ses rameaux sont garnis de jolies fleurs rouge vif, réunies par 
trois ou quatre le long des rameaux, et constituent au moment de la 
floraison une des plantes les plus gracieuses connues. 


— 145 — 


Les Giroflées quarantaines, Cheiranthus annuus Lix., fleurissent déjà 
les marchés à cette époque de l’année. Cette belle race produit des 
rameaux compactes et bien fournis, se couvrant de jolies fleurs de 
coloris divers. Pour l'obtenir en fleur au printemps, on doit les semer 
vers la fin d’août, et repiquer le plant en pépinière jusqu’à la fin de 
l'automne; puis, on l'empote pour le rentrer sous châssis où il fleurit 
au premier printemps. 

Les Narcisses jaunes doubles, Varcissus pseudo narcissus Lix., très- 
répandus dans les jardins sont surtout employés à l’ornementation 
des plates-bandes dans les terrains légers et un peu secs ; ils y dévelop- 
pent vers la fin de mars et pendant tout le mois d'avril, de jolies fleurs 
jaune orangé et jaune clair disposées sur une hampe uniflore. On les 
coupe au moment de l'épanouissement des fleurs pour en faire des 
bouquets que les marchands des quatre-saisons vendent sur les boule- 
vards et dans les rues de Paris. Cette plante fait l’objet d'un grand 
commerec à cette époque de l’année. On la multiplie parfaitement par 
la séparation des caïeux après la floraison, c’est-à-dire de juillet en 
novembre ; mais les bordures bien établies peuvent durer quatre ou cinq 
ans sans être renouvelées et fleurir abondamment chaque année au 
printemps. 

Le Narcisse des poètes, Varcissus poelicus Lax., et la variété à fleur 
double sont très-communs dans les jardins, où on les dispose en bor- 
dures, sur les plates bandes etc.; ses jolies fleurs blanches ou blanc de 
lait sont disposées sur une hampe uniflore de 0,25 ou 0,50 centimètres 
de hauteur apparaissant en avril. Les fleurs étant coupées sont très-em- 
ployées pour faire les bouquets, pour orner les vases, les jardinières et 
autres meubles d'appartements. Le Narcisse des poètes se cultive à peu 
près de la même facon que le Narcisse à fleur jaune. Les marchands des 
quatre-saisons en font également un commerce considérable de bouquets 
au premier printemps. 

L’Arum d'Ethiopie, Richardia æthiopica Scuorr., sans contredit l'une 
des plus belles plantes aquatiques de nos jardins. On la submerge dans 
les bassins et autres pièces d'eaux pendant toute la belle saison. Pen- 
dant l'hiver, on descend les plantes au-dessous du niveau de la glace, 
ou on rentre les pieds à l'abri, en orangerie, sous châssis, ou dans les 
appartements. Là, ils fleurissent abondamment pendant l'hiver et sur- 
tout au premier printemps. C'est l’une des plantes les plus rustiques, les 
plus vigoureuses et des plus précieuses pour décorer les aquariums de 
salon. Les jolies fleurs disposées en cornet ouvert, sont d’un blanc pur, 
exhalant une odeur fort agréable. La terre un peu forte ou argilo-siliceuse, 
parait être celle qui lui convient le mieux. Dans les serres tempérées et 
les jardins d'hiver, le Richardia forme bientôt des touffes de 1 mètre 
de hauteur sur autant de diamètre, surtout si on a soin de le planter, 
ou de le superposer sur l’eau d’un bassin de la serre. Bien qu'il soit 


10 


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aquatique, on peut parfaitement l’employer pour orner les plates 
bandes, les rocailles et les bords des rivières dans les lieux frais et humi- 
des. Cultivé en pots, on doit l’arroser abondamment; les jardiniers de 
Paris qui le cultivent spécialement pour les marchés, le multiplient par 
division vers la fin d’août; ils empotent séparément chaque fragment 
dans des pots de 12 ou 15 centimètres de diamètre et plus, qu’ils enfon- 
cent ensuite dans le terreau d’une vieille couche et sous châssis, jusqu’à 
la fin de l’automne, en les arrosant modérément jusqu’à ce qu’ils aient 
émis de nouvelles racines. Lorsque arrive le moment des fortes gelées, ils 
couvrent leurs châssis de paillassons et de feuilles, et ils donnent de l'air 
pendant les parties les plus chaudes de la journée ; vers la fin de l’hiver, 
les plantes sont suffisamment développées, et fleuries pour la plupart; on 
les transporte alors sur les marchés, où il s’en vend un nombre très-con- 
sidérable pendant les mois de mars, avril, etc. 

La Primevère des jardins, Primula elatior Horr., abonde aussi en ce 
moment sur les marchés; les fleurs qui apparaissent, en mars-avril, 
répandent une odeur douce comme safranée; elles sont très-nombreu- 
ses et très-variées de forme et de coloris. On coupe les fleurs pour en 
faire des bouquets que les marchands des quatre-saisons vendent en ce 
moment sur les boulevards et dans les rues de Paris. Les variétés à 
fleurs doubles et celles à fleurs pleines sont également très-recherchées et 
cultivées sur plates bandes et en bordures dans les jardins. On les multi- 
plie parfaitement par la division des touffes de juin en septembre; on 
doit renouveler les bordures environ tous les quatre ou cinq ans. Les 
variétés simples se multiplient par le semis au printemps ; on sème en 
planche en plein air, dans une terre fraiche et légère, et on couvre légé- 
rement les graines; on repique ensuite le plant en pépinière pour ie 
planter à demeure à l’automne ou au printemps suivant. 

Enfin, les plantes dont on admire le plus les fleurs en ce moment sur 
les marchés sont : le Coronillu glauca; le Cheiranthus cheirit Linn.; 
l’'Amaryllis vittata rubra ; les Pensées, Viola tricolor grandiflora Horr.; 
l’Oranger Citrus aurantium Lan. ; le Genista canariensis ; l’Acacia longi- 
folia Wiro. ; le Saxifraga japonica ; le Ruscus aculeatus Li. ; les Calceo- 
laria herbacea, etc., etc. 

Quant aux plantes d'appartements, à feuillage ornemental, ce sont le 
Pteris cretica albo lineata ; V'Adiantum capillus veneris ; les Latania, Ficus 
elastica, Dracæna, Curculigo, Aspidistra, etc., et la plupart de toutes 
celles citées dans les mois précédents. 

(À continuer.) 


: 
4 


iY 


LANTANA CAMARA L. 


val) 


{ 


— 147 — 


NOTE CONCERNANT LES LANTANA. 


LANTANA CAMARA L. var. HORTENSIS. 


Figurés planche X,. 
N° 1. Jules César. — 2° Madame Dufoy. — 3° Adolphe 
Hivas. 


Les Lantana sont de singulières plantes : ils changent de couleur 
comme certains gens changent de sentiments : ils jouent du rouge au 
jaune, de l’orange au blanc. Comme pour plaire à tous les goûts, ils ne 
tiennent à aucune couleur. Cet excès de coquetterie ne leur a pas porté 
bonheur et ils sont un peu délaissés. Et puis on leur adresse un autre 
reproche : pour peu qu'on les froisse ils exhalent une mauvaise humeur ; 
ils n’aiment pas qu’on les tourmente et cherchent à éloigner les importuns 
en répandant de maussades émanations. Cet égoïsme est si invétéré que 
les fleurs se refusent à vivre dans les bouquets : elles périssent de chagrin 
sitôt qu’on les sépare de leur famille. 

On peut toutefois s’accommoder de ce mauvais caractère : ces fleurs 
sont jolies et la beauté fait pardonner bien des défauts. Vues de loin, 
en massifs, au plein soleil, ce sont comme des Verveines en arbre. Ces 
arbustes peuvent s'élever à plusieurs mètres ; par le couteau et le pince- 
ment on en fait ce qu'on veut. 

La plupart sont indigènes au Brésil. Chez nous il leur faut la serre 
en hiver et l’air libre en été. 

On les multiplie par boutures. L'espèce la plus répandue est le Lantana 
Camara de Linné, dont nous donnons trois nouvelles variétés. 


NOTE CONCERNANT L'ORIGINE DES RACES NOUVELLES 
CHEZ LES VÉGÉTAUX. 


M. Ch. Naudin a présenté récemment (1) à l'académie des sciences de Paris des 
considérations fort importantes concernant les variations qui se manifestent chez les 
végétaux. L'opinion de M. Naudin est en tous points celle que nous partageons nous- 
même. Elle se trouve résumée en quelques lignes dans le Bulletin de la Société 
botanique de France (tome XIV, p. 282) auquel nous les empruntons pour les repro- 
duire ici. | 


(1) Comptes-rendus, 1867, 1er semestre, t. LXIV, pp. 929-955. 


— 148 — 


I y aurait une distinction à faire entre les cas de monstruosités 
incompatibles avec la faculté de se reproduire par voie de génération 
chez les individus qui en sont atteints, et ceux où l’altération des formes 
n'est pas telle qu'elle entraine nécessairement la perte de cette faculté. 
De ce dernier nombre sont les Pavots observés par M. Gœppert, chez 
lesquels les étamines étaient partiellement transformées en carpelles; 
certaines variations, bien connues des horticulteurs, et que présentent 
les Fougères dans la forme de leurs frondes; enfin des anomalies très- 
considérables qu’on observe dans les trois espèces de Courges alimen- 
taires, plantes soumises depuis un temps immémorial à la culture, et 
qu'on n’a jamais trouvées à l’état sauvage. Pour ces dernières, il est 
vraisemblable que quelques-unes d’entre elles, sinon toutes, ont été 
produites par la culture : notamment une race du Cucurbita Pepo chez 
laquelle les vrilles se convertissent toutes en des sortes de rameaux qui 
donnent naissance à des feuilles, à des fleurs, ct souvent à des fruits; 
et ces nombreuses races à fruits difformes, verruqueux et bizarrement 
colorés, qui se conservent par le semis toujours semblables à elles- 
mêmes. Un exemple plus remarquable encore est celui d’une race 
chinoise du Cucurbita maxima dans laquelle l’ovaire et le fruit sont 
devenus entièrement libres, le tube calicinal étant réduit à une sorte 
de plateau qui soutient les carpelles. Enfin M. Naudin cite les formes 
remarquables de Datura que les expériences de M. Godron ont prouvé 
appartenir à un même type spécifique. 

On admet généralement, parmi les naturalistes qui croient à la muta- 
bilité des formes spécifiques, que les modifications par lesquelles 
l'espèce se transforme se sont effectuées avec une excessive lenteur et par 
des transitions insensibles. Au contraire, ce que pour le présent, dit 
M. Naudin, l’expérience et l'observation nous apprennent, c’est que 
les anomalies légères ou profondes, les altérations de ce que nous 
appelons, arbitrairement peut-être, des types spécifiques, les mon- 
struosités, en un mot, qu'elles soient passagères et purement indivi- 
duelles où qu’elles donnent lieu à de nouvelles races durables et uni- 
formes dans un nombre illimité d'individus, se produisent brusquement 
et sans qu'il y ait jamais de formes transitoires entre elles et la forme 
normale. À en juger par ce que nous connaissons, les transformations, 
si elles ont cu lieu, ont pu s’opérer dans un laps de temps incompara- 
blement moins long qu’on ne le suppose. 


— 149 — 


CASTRATION DES CITROUILLES ET DES MELONS. 


Nous avons parlé (1867, page 160) de cette singulière opération, 
pratiquée par les indigènes du Sénégal, et qui a été dernièrement l’objet 
d’une communication faite par le maréchal Vaillant. Le mème fait est 
rapporté, dit le Journal d'agriculture des pays-chauds, dans le très-in- 
structif ouvrage du docteur F. Ricard (le Sénégal, étude intime, Paris 
1865, in-8°, page 169). J'ai donné, dit-il, le nom de castration des ci- 
trouilles et des melons à une pratique usitée chez les Bamanos ; elle con- 
siste à développer le parenchyme utile de ces fruits en les privant de 
leurs graines, comme on augmente la viande des animaux en les rendant 
impropres à la reproduction. 

Le procédé consiste, lorsque les giraumons ont acquis leur développe- 
ment, à enlever, par un trou fait à emporte pièce au fond du fruit, la 
masse des graines et de leurs ombilies, qui à cette époque forment un 
tout lié peu adhèrent à la pulpe. On remet ensuite la pièce détachée, et 
on la lute avec de la bouse de vache ou du mastic à greffer. 

Les Bamanos pratiquent avec un couteau un trou carré qui permelte 
l'introduction d’une main d’enfant. Appliqué à un fruit de luxe comme le 
melon, la castration donnerait des tranches pleines sans résidus; ce fruit, 
ouvert au dernier moment sur la table, ne perdrait rien de son arôme. 

Le mode de nourriture des noirs leur fait apprécier un giraumon 
plein et sucré; mais il faut remonter aux temps de tranquillité qui ont 
précédé l'agitation d’Alagin, pour trouver une trace de cette pratique, 
dans les villages voisins de nos postes du Haut-Sénégal. 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS. 


PAR M. DELCHEVALERIE, 


Chef de culture au fleuriste de Paris. 


(Suite, voir p. 135.) 
Mai 1868. 


Les promenades publiques de la ville de Paris sont très-fréquentées 
en ce moment des amateurs de l’horticulture, qui viennent y admirer 
le riche domaine de Flore que nous procure le mois de mai. 

Le Maronnier d'Inde, Æsculus hypocastanum Lix., déploie en ce 
moment dans les jardins des Tuileries, du Luxembourg, du pare Mon- 
ceaux , du bois de Boulogne, du bois de Vincennes, des Champs- 
Elysées, etc., d’immenses chaines et tapis de verdure, hérissés de fleurs 


nd 


blanches disposées en thyrses pyramidaux. Le Maronnier d’Inde est sans 
contredit le plus bel arbre d'ornement et l’un des plus employés pour 
les plantations d’alignements; il s’'accommode parfaitement de tous les 
terrains, excepté ceux qui sont trop humides ou compactes. À ce sujet, 
la nature légère et perméable du sol parisien lui est très-favorable. 

Sur plusieurs promenades de Paris, on a substitué le Maronnier à fleurs 
doubles à celui à fleurs simples. Cette variété est tout aussi vigoureuse 
que le Maronnier à fleur simple et ses fleurs ont l’avantage de persister 
pendant plus longtemps. 

Le Paulownia impérial, Paulownia imperialis Curr., a les fleurs 
odorantes, d'un beau bleu violacé, ponctuées de brun et rayées de 
jaune, et disposées en fortes panicules pyramidales au sommet des 
rameaux. La croissance de cet arbre est extrêmement rapide, surtout 
quand on le plante dans une terre franche et fertile. Ses grandes et 
belles feuilles cordiformes, ornementales au plus haut degré, en font 
une des meilleures acquisitions pour les jardins; étant planté dans le 
centre des grands massifs ou isolé sur les pelouses, il produit beaucoup 
d'effet. 

L'arbre de Judée, Cercis siliquastrum Lix., que l’on voit çà et là isolé 
sur les pelouses et dans les grands massifs, est également en pleine 
floraison en ce moment. Ses nombreuses fleurs roses s’épanouissent 
avant le développement des feuilles sur le vieux bois, et produisent 
beaucoup d’effet à cette époque de l’année. 

Le faux Ebénier, Cytisus laburnum Lix., est également l’un des arbris- 
seaux les plus remarquables à floraison printanière. Ses jolies fleurs 
jaunes en grappes pendantes produisent le plus bel effet dans les massifs. 

La Glycine de la Chine, Glycine sinensis Curt., le Sureau commun, 
Sambucus nigra Lin.; le Magnolia Lenné, le pommier de Sibérie, Malus 
baccata Desr., var.; les Aubépines, Chèvrefeuille, Cerisiers, etc., sont 
également en pleine floraison en ce moment. | 

Parmi les arbustes à floraison printanière, on remarque surtout le 
Lilas commun, Syringa vulgaris Lin; il fleurit tous les jardins à cette 
époque de l’année. Ce charmant arbuste, naturalisé dans l’Europe 
entière, est l’un des plus rustiques et de ceux qui contribuent le plus 
puissamment à l’ornementation des bosquets ; il se couvre au printemps 
de jolies fleurs, disposées en thyrses lilas, d’une odeur suave, et d’un 
très bel effet en massifs au moment de la floraison. 

Le Seringa des jardins, Philadelphus coronarius Lin., également lun 
des plus beaux arbustes de pleine terre, se couvre en ce moment de 
jolies fleurs blanches odorantes; on le plante beaucoup en massifs où il 
fait beaucoup d’effets, surtout au moment de la floraison. 

Le Weigelia à fleurs roses, Weigelia rosea Linp., qui se couvre de jolies 
fleurs roses en petites grappes aux aisselles des feuilles et à l’extrémité 
des rameaux, est également en pleine floraison en ce moment. 


LUE 


Le Chamæcerisier de Tartarie, Chamzcerasus Tatarica Horr. ; l'Epine 
Vinette à gros fruit, Berberis vulgaris Lix.; le Deutzie grêle, Deulzia gra- 
cilis Lixpe., le D. scabra Huws.; le D. crenata Sies.; le Corete du Japon 
à feuilles panachées, ÆXerria Japonica foliis variegatis ; le Rhodotypus 
kerrioides; le Viorne boule de neige, Viburnum opulus var. sterilis ; le 
Viorne à gros capitules, Viburnum macrocephalum Fonr.; les Pivoines 
en arbre, Pæonia arborea, etc., sont également en pleine floraison en ce 
moment. 

De tous les arbustes à feuilles persistantes cultivés dans les jardins de 
Paris, les Rhododendrons pontiques, Rhododendron ponticum Lis. ; les 
R. ponticum hybridum et les Arboreum hybridum, etc., occupent le pre- 
mier rang. Ils y constituent des grands massifs, des corbeilles, des grou- 
pes, etc., d’une rare beauté. Avec un choix d'espèces précoces et tardives 
aussi varié que celui qui existe dans les jardins de Paris, on peut avoir 
une floraison successive depuis la fin de mars jusqu’à la fin de juin. 

L’Azalée à feuille de Souci Azalea calendulacea DC.; l'Azalée pontique, 
Azalea pontica Dc. ; l’Azalée nodiflore, Azalea nodiflora Dc., ete., sont en 
pleine floraison en ce moment; ils se couvrent au printemps de jolis 
corymbes de couleur blanche, rouge, jaune, etc., avant le développe- 
ment des feuilles. 

Le Kalmia à larges feuilles, Xalmia latifolia Lax. : les Andromèdes, les 
Arctostaphyllos, etc., sont également en fleurs en ce moment dans les 
jardins. 

Les plantes à floraison printanière comme la Giroflée jaune, le Myoso- 
tis des Alpes, la Pensée à grande fleur, l’Arabette des Alpes, le Tlaspi 
jaune, le lamier maculé, etc., sont encore en pleine floraison en ce 
moment. Le Ceraste de Bieberstein, Cerastium Biebersteinii Dc.; jolie 
petite plante vivace à feuilles blanchätres tomenteuses, très-employée en 
bordures, se couvre de jolies fleurs blanches terminales à cette époque de 
l’année. 

Les Tulipes de Gesner, Tulipa Gesneriana Lix., sont en pleine florai- 
son. La collection réunie dans les cultures de l'établissement de Passy 
est l’une des plus complètes qui soit connue de nos jours ; elle renferme 
au-delà de mille variétés d'élite, parfaitement classées, étiquetées, et 
plantées sur des plates-bandes abritées de la pluie et du soleil par une 
vaste tente. Cette belle collection attire chaque année un grand nombre 
de visiteurs, en même temps que la collection d’Azalées de l'Inde, qui 
passe pour l’une des plus belles et des plus complètes connues. A 
l’époque de la floraison de ces deux collections, on fait une exposition 
publique chaque année du 1°" au 10 mai dans les cultures de l'établis- 
sement horticole de la ville de Paris à Passy. 

Vers les premiers jours de mai on commence à sortir des serres de 
l'établissement horticole de Passy toutes les plantes exotiques qui 
servent à l’ornementation des jardins publics, pendant toute la belle 

saison. 


se I 


Le Pelargonium zonale est sans contredit la meilleure plante exoti- 
que cultivée pour fleurir les jardins. La ville de Paris en fabrique 
chaque année par centaines de mille pour garnir ses massifs, ses cor- 
beilles, ses bordures, etc. Les variétés qu’on y remarque le plus sont : 
Baronne Hausmann Bar.; Surpasse beauté de Suresnes Cas.; Beauté de 
Suresnes Cas.; Mistriss Pollock ; Stella Nosegay ; la Foudre Lenw.; Henri 
Lierval; Gloire des roses ; Rose d'amour ; Christinus ; Boule de feu Niv.; 
Tom Pouce; Eugénie Mezard BasouiL.; M. Barre Bag.; Gloire de Corbeny 
Bas.; Virgo Maria; Jederaceum variegatum ; Hederaceum album roseum ; 
Jane; Mountain of Snow; Manglesii; Lady Plymouth; Gloire de Mont- 
plaisir; Purity ; Empereur des Nosegay PLais.; Cybister Bearon; Fleur 
du jour ; Unique; rose Rendatler ; R. Lucrèce ; rosea superba, ete., ete. 

Parmi les Pelargoniums à grande fleur, on ne cultive guère que la 
variété gloire de Paris. On en forme des massifs, des corbeilles ou bor- 
dures, qu’on peut arrondir et diriger à volonté par le pincement. Cette 
belle variété a surtout la propriété de remonter et de fleurir pendant 
toute la belle saison. 

Les Canna (Balisiers) sont également très-employés à l’ornementation 
des squares et des jardins publics. Leur feuillage en est le principal 
ornement; si on a soin de bien assortir les grandeurs, les nuances de 
feuillage et du coloris des fleurs, on peut en faire des massifs d’une 
grande variation et d’une rare beauté. On peut en garnir de grands 
espaces. Certaines variétés atteignent 2,50 ou 5 mètres de hauteur, tandis 
que d’autres ne dépassent pas 0,75 centimètres ou un mètre. Cette 
plante est très-rustique et végète à toutes les expositions pourvu qu’elles 
soient plantées dans un milieu modérément humide. On rentre à 
l’automne les tubercules, et on les place dans une cave ou sellier bien 
sec et à l’abri de la gelée jusqu’à la fin de l’hiver. Alors, on les remonte 
des caves et on les étale sur couche sourde sous châssis en les recouvrant 
d’une légère couche de terreau. Au fur et à mesure que les œæilletons 
se développent, on les éclate pour les empoter, puis on les replace 
pendant quelques jours encore sous châssis à l'étouffée, et vers la fin 
d’avril ou le commencement de mai on peut les planter en pleine terre. 
Les variétés qu’on remarque surtout dans les jardins de Paris, sont : 
le Canna nigricans ANNÉE; l’Annei; l'Annei nana; le Zebrina; le 
Zebrina nana ; le Peruviana ; le Liervalü; le Bihorelü ; le spectabilis ; 
le Warcewiczoides, etc., etc. | 

Les Fuchsias se cultivent aussi par centaines de mille dans les jardins 
de Paris. Les variétés qu’on y remarque le plus, sont : le F. vainqueur 
de Puebla; F. Pauline; F. Louise de Lachapelle; F. Rifleman Banks; 
F. roi des blancs, etc. 

Les Solanum sont également en faveur dans les jardins de Paris, où ils 
contribuent beaucoup à l’ornementation; les meilleures espèces pour 
planter en massifs sont le S. marginatum ; le S. Jasminoides Paxrow; le 


— 155 — 


S. Bonarience lanceolatum; le S. robustum WexoL.; le S. Rantonettii 
Carr.; le S. Amazonicum Ken.; etc., ete. Parmi les espèces isolées sur 
les pelouses, les plus remarquables sont le S. Warcewiczü; le S. crini- 
tipes ; le S. macranthum, le S. crinitum Lau. ; le S. Maronience Horr.; 
le S. betaceum purpureum, ete. 

La famille des Aroïdées fournit aussi son contingent aux jardins pu- 
blics; on admire chaque année en pleine terre plusieurs espèces de 
Colocase à feuilles gigantesques; ce sont le Colocasia balaviensis, le 
€. odora; le C. esculenta, etc. On rentre les souches à l’automne sous un 
gradin bien sec de la serre tempérée où on les laisse se reposer jusqu’à la 
fin de l’hiver; aussitôt qu’ils commencent à vouloir se mettre en végéla- 
tion, on les divise à volonté pour les multiplier et on les empote dans une 
terre neuve en les remontant sur les gradins, les baches ou les tablet- 
tes, afin de les rapprocher de la lumière ; vers le mois d’avril, ils sont en 
pleine végétation ; on commence alors à aérer la serre qui les renferme 
pour qu’au commencement de mai, au moment de les planter en pleine 
terre, ils soient déjà habitués à la température extérieure. 

Le genre Begonia fournit aussi quelques bonnes espèces pour la pleine 
terre, et qu’on remarque chaque année dans les jardins de Paris : ce sont 
le B. fuchsioides var. miniata; le B. prestoniensis Horr.; le B. lucida; 
le B. ricinifolia Honr.; le B. discolor R. Br.; le B. subpeltatu albo 
rubra, etc. 

Parmi les Hibiseus cultivés en pleine terre l'été, on remarque aussi 
une espèce très-précieuse, qui ne donne pas de fleurs en abondance, mais 
qui en donne sans discontinuer pendant toute l’année : c’est l'A. rosa 
sinensis. On en forme des massifs et des groupes très-vigoureux et d’un 
très-bel effet dans les jardins. 

Parmi les Bananiers, on peut citer le Musa ensete comme étant le plus 
vigoureux, le plus gigantesque et le plus ornemental; on le plante isolé- 
ment sur les pelouses où il atteint de fortes proportions et surtout de 
grandes feuilles. Pour le faire progresser rapidement en pleine terre, on 
n’a qu'à le planter sur une espèce de couche formée de débris de végétaux, 
et sur laquelle on met une couche épaisse de bonne terre; planté dans 
ces conditions, dans un emplacement chaud, abrité des grands vents et 
maintenu dans un milieu suffisamment humide, ce bananier atteindra 
des proportions étonnantes dans l’espace d’une année. 

Les Verveines sont également recherchées pour orner les plates bandes, 
les bordures, ete. Parmi les nombreuses variétés cultivées, les plus flori- 
fères et les plus vigoureuses seulement sont cultivées en grand nombre 
pour la pleine terre : ce sont le V. gloire de Cuire; le V. Mahonetti; le 
V. gloire de l'Elysée ; le V. Saladin, ete. 

La Centaurée candide, Centaurea candidissima, sans contredit la plus 
belle plante à feuillage blane, est très-recherchée pour l’ornementation des 
jardins. On en forme d’élégants massifs et des corbeilles très-éclatantes 


— 154 — 


isolées sur les pelouses. Son beau feuillage argenté contraste très-agréa- 
blement sur les végétaux à feuillage foncé; on la multiplie avec une 
grande facilité de boutures en Juillet à l'air libre; les pieds doivent être 
hivernés sous châssis à froid et plantés à demeure vers la fin d'avril. 

Les Héliotropes concourent aussi pour une bonne part à l’ornementa- 
tion des parterres; les espèces qu’on remarque le plus dans les jar- 
dins de Paris sont : l’H. Anna Thurrel ; l’H. surprise ; l'Z. Peruvianum ; 
l'H. général Valubert, ete. 

Les Lantana sont également très-employés pour l’ornementation des 
jardins ; les variétés qu'on remarque le plus sont le L. rosea nana, 
L. solfatare, L. Queen Victoria, L. Rougier-Chauvière, ete. 

Enfin, les Petunia, Veronica, Ageratum, Calceolaria, Anthemis, Cuphea, 
Coleus, Nierenbergia, Alternanthera, Teleianthera, Plumbago, Gaura, 
Gnaphalium, Lobelia, Gazania, Portulaca, Reseda, Cyrtanthera, Aralia, 
Ricinus, Dabhlia, ete., ete., contribuent aussi pour une large part à 
l'ornementation des jardins pendant la belle saison. 

En ce moment, on peut encore semer en place ou en pépinière les 
plantes, telles que Æthionema coridifolium, DC.; Alyssum maritimum 
Lauk.; À. saxatile L.; Amarantus melancholicus Lix.; Aubrietia pur- 
purea, Hort.; Convolvulus tricolor Lix.; Brachycome iberidifolia Bexra.; 
Crucianella stylosa Trix.; Gentiana acaulis Lix.; Perilla Nankinensis 
Dxe.; Dianthus sinensis Lix.; Sanvitalia procumbens Lau.; Petunia 
violacea, Hook.; Phlox Drumundi Hook.; Zinnia elegans Jaco.; Silene 
pendula Lin.; les Balsamines, Capucines, Immortelles, Pied d’alouette, 
Reines Marguerites, Ricin, Reseda, Portulaca, Sanvitalia, etc., etc. 

Les marchés de Paris sont abondamment pourvus en ce moment de 
fleurs de la saison. 

Les Roses coupées de toute sorte y arrivent en grand nombre; on 
les utilise aux garnitures d'appartements, à faire des bouquets, etc. 
Les rosiers fleuris, cultivés en pots, sont également très-abondants sur 
les marchés. Les espèces qu'on y remarque le plus sont : la Rose du Roi, 
la Gloire de Dijon, la Rose Reine, le Souvenir de la Malmaison, Triomphe 
de l'exposition, les Roses de Mai, les Hermosa, les Roses Pimprenelles, 
Roses du Bengale, les Quatre saisons, etc., etc. Le commerce des Roses 
commence à devenir considérable sur les marchés, chez les fleuristes et 
surtout à la halle de Paris. Les marchands des Quatre saisons en vendent 
aussi des quantités considérables de bouquets, avec leurs petites voitures, 
sur les boulevards et dans toutes les rues de Paris. 

Le Muguet de mai, Convallaria Maïalis Lix., l’une des plus belles 
plantes en fleur de la saison abonde sur les marchés, chez les fleuristes 
et surtout aux halles centrales. Les marchands des Quatre saisons en 
vendent aussi des quantités considérables de bouquets à la main, sur les 
boulevards et dans toutes les rues. Cette petite plante produit des fleurs 
blanches, odorantes, en forme de petits grelots disposés en épi unilatéral. 


re, 
CRE 
: 


— 155 — 


On cultive plusieurs autres variétés également très-recherchées pour les 
bouquets et les garnitures d'appartements. 

Les fleurs du Lilas commun, Syringa vulgaris Lix. ; du Lilas de Marly 
Syringa purpurea Lix.; du Lilas sauge Syringa saugeana Lix., etc., 
abondent aussi sur les marchés de Paris; ils constituent avec la Giroflée 
jaune et le Muguet de mai, la principale branche du commerce des 
marchands des Quatre saisons à cette époque de l’année. 

Le Myosotis des Alpes, Myosotis alpestris Scawvr, dont les jolies 
fleurs bleu clair se succèdent en pleine terre d'avril en juin, abonde 
aussi sur les marchés en ce moment. Avec les fleurs coupées on fait des 
bouquets à la main, on garnit les corbeilles, les jardinières, elc. dans 
les appartements. On cultive de cette espèce une variété à fleurs blan- 
ches, très-remarquable et très-recherchée des bouquetières. 

Les Giroflées quarantaines, Wathiola annua Dc., sont également en 
pleine floraison en ce moment. On cultive spécialement pour les marchés 
les variétés à fleurs blanches, rouges, couleur chair, brunes, lilas, violet- 
tes, etc.; en faisant des semis successifs depuis février jusqu’à la fin de 
juin, on peu avoir la giroflée quarantaine en fleur depuis les premiers 
jours de mai jusqu'à l’automne; et pour l'avoir en fleur à la sortie de 
l'hiver, on sème en septembre et on repique le plant sous chassis où il 
passe l'hiver pour être mis en place au printemps ou pour fleurir 
en pots. 

Les Calcéolaires herbacces sont également en fleurs ; les variétés sont 
très-nombreuses et très-remarquables lorsque la culture et la féconda- 
tion artificielle leur sont bien appliquées. Les semis se font à la fin de 
l’été ; à l’automne on repique le jeune plant en terrines ou en godets 
dans une bonne terre de bruyère, et surtout dans du bon terreau de 
feuilles; on cultive ensuite ces jeunes plantes sur les tablettes les plus 
rapprochées de la lumière, dans la serre tempérée froide, pendant l'hiver 
et on leur donne de temps en temps le rempotage, afin d'obtenir des 
plantes vigoureuses qui puissent fleurir abondamment. 

Parmi les Bruyères du Cap cultivées spécialement pour les marchés, 
on remarque en ce moment la B. cylindrique, Erica cylindrica superba 
Hort., dont les jolies fleurs terminales d’un beau rouge vif à tube 
allongé et légèrement renflé sont des plus ornementales; en pots on 
l’emploie énormément aux garnitures d'appartements. Les fleurs coupées 
servent beaucoup pour monter les bouquets. On remarque encore en ce 
moment sur les marchés plusieurs autres bruyères en fleurs telles que 
E. persoluta alba Hort.; E. intermedia Mort.; E. syndriana Worr. ; 
E. cupressina, etc., etc. 

Le Rhodante de Manglès, Rhodante Manglesü Lixoc., l'une des plus 
belles plantes annuelles cultivées dans les jardins, abonde aussi sur les 
marchés en ce moment. Ses jolis capitules à involucre d’un blanc d'ar- 
gent et rose foncé apparaissent depuis les premiers jours de mai jusqu'à 


— 156 — 


la fin de juin; en faisant des semis à différentes époques, on peut en 
avoir en fleur pendant une grande partie de la belle saison; la terre 
légère, sableuse, modérément humide lui est très-favorable. Les fleurs 
peuvent se sécher comme celles des immortelles et conserver leurs coloris 
pendant plusieurs années. 

Le Collinsia bicolore, Collinsia bicolor Nurr. est également cultivé 
pour les marchés; cette petite plante annuelle se couvre de fleurs verti- 
cillées blanches et roses violacé en juin-juillet; semée sur couche et sous 
chassis de bonne heure au printemps, elle fleurit vers la fin d’avril ou 
dans les premiers jours de mai; on en cultive également une variété à 
fleurs blanches. 

Enfin, les Pensées à grandes fleurs, Viola tricolor Lin, l’Hortensia des 
jardins Æydrangea hortensis DC.; le Némophile maculé WNemophila 
maculata BeNtu.; là Fabienne imbriquée Fabiana imbricata R. P.; la 
Giroflée de Mahon Malcolmia maritima R. Br.; le Mimulus ponctué 
Mimulus quttatus Dec. ; l'Hoteia du Japon A. Japonica, le Deutzia graci- 
lis, l’Oranger, la Tulipe des fleuristes, le Réséda odorant, les Narcisses, 
les Jonquilles, les Héliotropes, les Cinéraires, les Pélargonium, les Azalées 
de l'Inde, les Rhododendrons, les Anthemis, les Lilas blancs, les Violet- 
tes, etc, abondent sur les marchés, à la halle, et chez tous les fleuristes 
en boutiques. 

La vente des plantes annuelles est très-considérable en ce moment sur 
les marchés, le jeune plant se vend à la bourriche, qui en contient un 
certain nombre ; les espèces qui se vendent le plus en ce moment sont, 
les Reines Marguerites, les Pensées, les Myosotis, les Réséda, les Giro- 
flées quarantaines, les Koeniga maritima, les Phlox Drumundi, le Petu- 
nia nictaginiflora, le Sunvitalia procumbens, les Lobelia erinus gracilis, 
les Balsamines, les Perilla, les Amaranthes, les Celosia, etc., etc. 


NOTE SUR LE LIS DE MAX LEICHTLIN. 


LILIUM LEICHTLINI D. Hook. Bot. aq. 1867, tab. 5675. 


Figuré planche XI. 


MM. Veitch en recurent les bulbes du Japon en 1866. M. le D: Dalton 
Hooker ayant vu les fleurs en 1867, reconnut une espèce nouvelle 
qu’il a dédiée à M. Max Leichtlin, zélé cultivateur de ce beau genre de 
Liliacées, à Carlsrhue. 

Le Lilium Leichtlinii ressemble un peu au Lilium tigrinum : son 
aspect est plus délié, son feuillage plus délicat et son coloris plus pâle. 
Les tiges ont deux à trois picds de haut; les feuilles sont alternes, 


LL 


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sessiles, linéaires, d’un vert pâle ; les fleurs sont jaune de paille mou- 
cheté de brun, les folioles sont révolutées. 

La culture, au sujet de laquelle nous ne sommes pas spécialement 
renseigné , est sans doute la mème que celle des Lis de pleine terre, 
c'est-à-dire qu'elle exige certaines précautions. 


LES CACTÉES DANS LES JARDINS. 
par M. G. Dexouunx. 


Pendant longtemps, les serres n'avaient contribué à l’embellissement 
de nos parterres, que pour la formation de quelques corbeilles com- 
posées de petites plantes à floraison continue, telles que Pelargonium 
zonale, Verbena, Fuchsia, Lantana, etc. 

Depuis quelques années le cercle s’est considérablement élargi; 
aux plantes à fleurs, toujours plus nombreuses et plus perfectionnées 
sont venus se joindre les végétaux à riche feuillage ornemental, au port 
plantureux , qui, se mariant avantageusement à nos plantes et à nos 
arbustes de pleine terre, donnent à nos jardins un aspect méridional. 

Ces nouvelles richesses de l’horticulture ne sont pas le produit unique 
des récentes introductions; bon nombre de plantes actuellement utilisées 
sont de vieilles connaissances, qui ont fait pendant longtemps piteuse 
figure dans la serre, faute d'espace et de nourriture. 

Essayées en pleine terre, elles donneront la somme des jouissances 
qu’elles peuvent produire. Les unes restées insignifiantes ont été défi- 
nitivement rejetées. D’autres qui ne pouvaient pas dans l'espace d'un 
été acquérir suffisamment d'ampleur, et qui souffraient trop de la trans- 
plantation, ont dùü également ètre supprimées, ou soumises à de 
nouvelles expériences. Maïs il en est beaucoup qui ont conquis une 
vogue inattendue, et leur nombre s’accroïtra rapidement par l'intro- 
duction de congénères que nos explorateurs avaient négligés jusqu’à 
présent faute d'emploi. 

La culture des plantes ornementales en pleine terre pendant l'été a 
été traitée dans les revues horticoles et dans quelques ouvrages spé- 
ciaux. Un des meilleurs, parmi ces écrits, est sans contredit celui qui a 
été publié par M. le comte L. De Lambertye, et dont les détails de culture 
sont d'autant plus précieux, qu'ils sont le résultat d'expériences faites 
sous un climat qui se rapproche du nôtre. 

Il est cependant une classe de végétaux, qui jusqu'à présent a été 
négligée et qui par les formes insolites, le port distingué, les fleurs 
et les fruits produits par plusieurs espèces, mérite une place parmi 
toutes les autres plantes ornementales. 


— 158 — 


Je veux parler des Opuntia et des Cereus de grande taille auxquels 
on pourra encore, je l'espère, ajouter quelques euphorbes. La plupart 
de ces plantes grasses, rejetées, même de beaucoup de collections de 
Cactophiles, se rencontrent à peine dans quelques vieilles serres et dans 
les jardins botaniques, où ils ne sont maintenus que comme objets 
de collection. Relégués dans quelque coin, à peine arrosés et serrés 
dans des pots trop étroits, ils restent chétifs, couverts de vermine, et 
ont presque perdu les caractères qui peuvent faire reconnaitre l’espèce. 

C'est en 1858 en visitant le pare de M. le duc d’Aremberg, à Enghien, 
que j'eus l’occasion d'admirer pour la première fois une ligne d’Opuntia 
en pleine terre, et deux ans plus lard, je recevais de M. Siraux, l’habile 
directeur des serres d'Enghien, les boutures de la plupart des espèces qu’il 
possédait. J'’augmentai successivement ma collection de tout ce que je 
pus rencontrer et Je soumis toutes mes plantes à la pleine terre en été, 
en leur adjoignant les eierges susceptibles de prendre un grand dévelop- 
pement. Le résultat que j'ai obtenu ne laisse rien à désirer, tant au point 
de vue de l’ornementation, que sous le rapport des caractères spécifiques 
rendus à chacune des plantes, caractères qui ont souvent disparu dans la 
culture en pots. 

Mes plus grands Opuntia ont maintenant 1 1/2 à 2 mètres de hau- 
teur sur un mètre de diamètre, d’autres prennent leur développement 
plutôt en largeur, et plusieurs sont constamment couverts de fleurs 
et de fruits. Les Cereus azureus, cœruleus, serpentinus, Beaumanni se 
chargent de fleurs, le dernier presque toute l’année. Un Peruvianus de 
trois mètres a présenté pendant deux étés de nombreux boutons que 
des changements brusques de température ont fait tomber. (Il a parfai- 
tement fleuri dans l’été de 1867.) 

J'ai l'espoir de voir la plupart des espèces qui sont encore en jeunes 
sujets, se mettre successivement en boutons lorsqu'ils auront acquis 
l’âge et la taille. 

Les moyens de culture sont des plus simples pour des plantes qui souf- 
frent à peine de la transplantation et qui sont peu difficiles par la nature 
de la terre. Ils résident presque exclusivement dans une méthode pour 
les manier et les maintenir avec facilité, car elles sont armées sur toute 
leur surface et elles atteignent un volume et un poids considérables aux 
extrémités, avec une force de résistance insuffisante dans leur tige prin- 
cipale. Je me bornerai à indiquer les moyens que j'ai employés. 

Mes grands Cactus sont plantés dans une plate bande d’un mètre et 
demi, longeant une serre de 50 mètres. La terre est meuble, bien 
terreautée et amendée par des plâtrats. A 2 1/2 mètres de distance sont 
placés de forts piquets de 1",20 de hauteur traversés par trois fils de 
laiton, distants entr’eux de 40 centimètres. Chaque piquet sert de 
soutien à un des plus grands Opuntia, de manière à en être caché, 
quelques unes des plus fortes branches sont aussi assujetties aux fils de 


— 159 — 


laiton. Les plantes de moindre taille sont mises dans les intervalles et 
sur le devant. Quelques végétaux à feuillage ornemental et des sar- 
ments de vigne laissés en liberté viennent harmoniser avantageusement 
le tout, et cacher le soubassement de la serre. Dans ces conditions les 
seuls soins pendant toute l’année consistent à visiter de temps en temps 
les ligatures et à supprimer une partie des jeunes pousses. Ces opérations 
doivent se faire surtout à l'approche de la pluie. L’humidité succédant 
à la chaleur, gonfle considérablement les feuilles, augmente le poids 
des extrémités, au moindre coup de vent les liens trop faibles sont 
rompus et la plante tombe en éclats. 

Les Cactus soumis à la pleine terre, doivent être remis en serre dans 
les premiers jours du mois d'octobre au plus tard. Alors on détache la 
plante du piquet fixe, pour lui donner un tuteur égal à sa hauteur et 
auquel toutes les parties sont assujetties ; lorsque la motte est détachée, 
on fait passer à la base de la plante une corde double, traversée par 
une barre de bois, qui sert à deux hommes vigoureux pour l'enlever de 
terre, un troisième passe en dessous une natte pour conserver la terre 
autant que possible, et maintient verticalement la plante en la tenant 
par le tuteur, tandis que les deux hommes qui tiennent la barre la 
transportent au lieu désigné, soit dans des pots ou des caisses selon 
la taille, soit en pleine terre les uns contre les autres où ils sont main- 
tenus presque secs, jusqu’au commencement de mai. 

La serre froide suffit pour la généralité des espèces. Le seul Opuntia 
brasiliensis qui mérite bien des soins particuliers avait perdu pendant 
trois hivers, ses feuilles et presque toutes ses racines, ce qui ne l’em- 
pêchait pas de fleurir à la fin de l’été. Fatigué de lui voir toujours perdre 
en hiver, ce qu’il gagnait en été, je l’ai placé l’année dernière en pot 
dans une serre plus chaude où il n’a cessé de végéter, et a fait l'été 
suivant l’un Ge principaux ornements de ma collection. 

La culture des Cactus en pleine terre leur donne une telle vigueur de 
constitution, qu'ils réparent en peu de temps toutes les avaries de l’hiver. 
Un vieil Opuntia stricta, couvert de boutons et de fruits peu mürs, 
avait perdu ses racines, il était ridé, et je l’ai remis simplement en 
pleine terre en mai, il se rétablit rapidement sans perte de boutons ni 
de fruits et continue à produire pendant toute l’année. Un Cereus ser- 
pentinus s'était dépèché au pied, je me contentai de faire glisser la partie 
saine jusqu'à terre, et deux mois après il se garnissait de ses belles 
fleurs blanches. 

Tels sont les résultats de mes expérimentations que je désirais 
vous communiquer. Elles ont été faites d'abord sur un nombre 
limité d'espèces communes. Je tiens à les continuer sur un plus grand 
nombre, et j'espère donner plus tard des détails plus étendus sur 
les diverses plantes grasses qui peuvent être utilisées dans la décoration 
des jardins. 


— 160 — 


LA PLANTE DE LA RÉSURRECTION. 


Selaginella lepidophylla Srrixc. — Lycopodium lepidophyl- 
lumm Hooker et GREV. — Eycopodium circinale Manrrius et: 
GALEOTT! (1). 


Cette Sélaginelle, répandue et connue dans l'Amérique du Nord sous 
le nom de Resurrection plant, est une plante essentiellement hygromé- 
trique, qui offre cette curieuse particularité de se contracter, de se 
peletonner et de se dessécher en apparence dans les temps d’aridité et 
de sécheresse (la vie y restant alors comme endormie ou latente), et de 
s’étaler au contraire , de reverdir ct de revégéter sous l’influence de 
l'humidité du sol ou de l’atmosphère. 

Les tiges de cette plante simulent, par leur forme, une plume à barbes 
ramifiées, mais leur aspect est celui de certaines Fougères ou plutôt de 
grandes Mousses, d’un beau vert foncé en-dessus, vert clair en dessous. 
Ces tiges feuillées, toutes radicales, et partant en très-grand nombre d’un 
même point, se développent en spirale étalée, formant une belle rosace, 
qui peut varier en diamètre de 15 à 50 centimètres. 

Le singulier tempérament de cette plante, qui lui permet de sup- 
porter à l’état sauvage et pendant de longues années, ces alternatives 
répétées et prolongées de sécheresse et d'humidité: cette faculté qu’elle 
a de se dessécher pendant une moitié de l’année, de reverdir au con- 
traire et de végéter durant l’autre moitié, rendent l'introduction de 
cette plante dans les cultures très-intéressante et la feront probablement 
rechercher. | 

Lorsque la caisse qui contenait ces plantes nous est arrivée d’Amé- 
rique, nous aurions pu croire, si nous n’eussions été prévenus, que 
tout était perdu, tellement ces touffes de Sélaginelle paraissaient sèches ; 
mais plusicurs exemplaires pris au hasard ayant été plongés dans l’eau, 
n’ont pas tardé à sortir de leur léthargie et à reprendre toutes les appa- 
rences de la vie. Quelques sujets soignés depuis un mois environ 
semblent même végéter et développer de nouvelles feuilles. 

Les spécimens que nous offrons sont à l’état de repos ou secs. I] 


(1) La plante existant déjà dans les collections et dans le commerce sous le nom 
de Selaginella lepidophylla, n’est point la vraie espèce : c’est le Selaginella pilifera 
A. Br, qui ne peut se cultiver qu’en serre chaude, et qui est loin de présenter 
ce curieux phénomène d’hygrométricité aussi développé. Une autre espèce, le 
S. cuspidata Lax. s’en rapproche un peu, mais à un degré moindre, et d’ailleurs 
elle est à peine connue dans les collections. 


— 161 — 


suffira, pour les faire revenir et les voir se développer, d'en plonger les 
racines ou la base dans l’eau, soit dans un verre ou tout autre vase 
et suivant que l’air ambiant sera plus ou moins chargé d'humidité, on 
verra, du jour au fendemain, les tiges et les ramifications commencer à 
se dérouler, à s’étaler et à reprendre peu à peu leur forme et leur posi- 
tion normales. On pourra, pour la faire revenir plus vite, plonger com- 
plètement et pendant an certain temps la plante dans l’eau, et la placer 
ensuite, comme il vient d’être dit, le pied dans un verre ou autre vase 
avec de l’eau, ce qui permettra de la conserver aussi dans les apparte- 
ments ; toutefois, et bien que nous ayons des sujets tenus ainsi les ra- 
racines dans l’eau depuis une trentaine de jours, qui semblent se main- 
tenir en bon état et même y prospérer, nous doutons que cette ali- 
mentation exclusive puisse suffire bien longtemps, et il y a tout lieu 
de penser que le meilleur mode de culture sera de placer cette plante 
en pots ou en terrines à fond drainé par des tessons, soit dans de la 
Mousse (Sphagnum de préférence), soit dans de la terre de bruyère 
tourbeuse grossièrement concassée ou même coupée en petites mottes, 
avec addition de terre franche, de terreau de feuille, de sable on de 
poussier de charbon de bois. La température d’un jardin d'hiver, d’une 
orangerie ou celle d’une serre tempérée et une situation ombragée, 
devront être les conditions qui conviendront le mieux pour l’avoir très- 
belle et bien étalée, quoiqu’on puisse espérer qu’elle viendra également 
bien au soleil, pourvu toutefois qu’il y ait dans l’air et aux racines une 
humidité suffisante. Cette curieuse plante pourra probablement aussi 
être cultivée sous cloche ou sous verre dans de la Mousse mouillée, ce 
qui la fera sans doute rechercher pour la culture en appartements, 
et, comme elle paraît susceptible de se conserver en bon état pendant 
un certain temps dans l’eau, on trouvera peut-être à l'utiliser pour 
orner passagèrement les aquarium, et l’y conserver même assez long- 
temps en la cultivant en terre dans les pots qui pourraient étre dispo- 


sées dans les aquarium, de telle façon, que leur base seule plongeàt 
dans l’eau. 


VILMORIN-ANDRIEUX. 


11 


— 162 — 


NOTE SUR LES PLANTES DU PÉROU, 


Pan R. Cnoss (1). 
(The Gardener’s Chronicle and agricultural gazette, 1865. pp. 7, 27, 101, 245.) 


Traduction de M. Vicror Cn..…. 


Dans les lettres précédentes de M. R, Cross, il est assez bien question 
des plantes du Pérou et de la végétation tropicale. Dans celles que 
contient le volume de 1865 du Gardener's chronicle (N° VI à IX) il 
s’agit uniquement du transport des Cinchonos jusqu'aux Indes, ainsi 
que des précautions variées et minutieuses, que l’intelligent voyageur 
a dû prendre. 

Aussi la rédaction du Gardener’s chronicle a-t-elle eu soin d’ajouter 
comme sous-titre le mot de Cinchonas. Ce serait nous écarter du but que 
nous nous proposons que de traduire littéralement ces quatre lettres. En 
voici pourtant un résumé où nous avons fait entrer tout ce qui nous 
semble de nature à intéresser le public. 

M. Robert Cross s’occupe d’abord d’empaqueter ses plantes. Il apporte 
à cette opération un soin extrême et une parfaite connaissance de la 
matière. Puis il faut les transporter de Limon jusqu’à la rivière. A cet 
effet, on se sert de mules; mais ce mode présente assez d’inconvénients : 
les sentiers des bois, quoique assez bons en général, sont quelquefois 
barrés par quelque roc ou quelque arbre abattu. Les mules doivent alors 
entrer dans la forêt, ce qui donne lieu à de grandes difficultés, car les 
plantes grimpantes les rendent inextricable; ou bien encore, la nuit, en 
broutant, elles s’enfoncent dans les bois et le matin, on ne peut les réu- 
nir qu’à force de recherches. 

Avant d'arriver au fleuve, le voyageur traverse une forêt de Gynerium 
saccharoïdes dont les pousses mesurent une hauteur de 15 à 18 pieds (2). 
Plus loin, il traverse un endroit que les Indiens appellent Wamaychu 
c’est-à-dire. « Eau de l’aigle. » Notons ce renseignement pour les phylo- 
logues. Il trouve aussi une espèce de fourmi ailée dont la blessure est dix 
fois plus douloureuse que celle de la guëêpe d’Angleterre. Mais ce qui 
frappe partout notre voyageur, c’est le caractère étrange que les plantes 
grimpantes donnent aux forêts : ces plantes s’enroulent autour des 
troncs et grimpent jusqu’au sommet de l'arbre; de là, elles s'étendent 
sur les grosses branches et leur petits rameaux vont s’entrelacer aux 


(1) Suite et fin. Voy. page 29. 
(2) — Mètre 0,30479. 


— 165 — 


branches de l’arbre. Cela forme une véritable draperie qui, vue d’en 
bas, rappelle les agrès d’un navire. 

De Ventanas, on embarque les Cinchonas sur un radeau. La navigation, 
d'abord assez malaisée, parce que les pluies récentes ont grossi le fleuve, 
devient plus commode à partir de Caracol. On arrive d’abord à Guaya- 
quil. L'aspect des caisses attire l’attention des gens du commerce qui 
accourent en foule pour savoir ce que contiennent ces « boites de verre. » 
Les plus intelligents d’entre eux semblent fortement s’affliger en l’appre- 
nant. 

Mais ils ne peuvent s’opposer à l'exportation; car il n’y a point de loi 
encore pour la prohiber. Ce n’est que plus tard (et M. R. Cross était déjà 
près du détroit de Babel-Mandel) que fut portée la loi ou le décret frap- 
pant d’une amende de 100 dollars par graine ou par plante quiconque 
exporterait des graines ou des plantes de l’arbre à quinine. Puis les voya- 
geur arrivent à Payta, ville située à l’entrée d’une baie ou bras de mer, 
immédiatement au dessus de la ligne du littoral. Voici sur cette ville 
d'apparence assez misérable quelques détails intéressants. Elle se trouve 
bâtie dans l’étroite région déserte qui courre le long des côtes septen- 
trionales du Pérou jusqu'aux frontières sud du Chili. Le sol sur lequel 
elle s'élève, est sablonneux et aride. Depuis vingt ans(l), il n’y est pas 
tombé une goutte de pluie; et ce phénomène est d’autant plus remar- 
quable, qu’à 60 milles (2) de là, vers le nord, il pleut à torrents pendant 
environ six mois de l’année. Aussi point de végétation à Payta : les 
lichens mêmes n’y sauraient prospérer. Derrière la ville, des collines 
sablonneuses, entrecoupées de profonds ravins; elles contiennent près de 
la surface une couche de coquillages, assez semblables d’aspect à ceux des 
rives de la mer, mais formant une masse compacte comme du granit. 

Dès ce moment il n’est plus question des plantes du Pérou; l’auteur se 
borne à raconter son voyage et les soins qu’il a dû donner aux plantes. 
De Payta, il s’'embarque pour Panama. Le chemin de fer le conduit à 
Aspinwall, à l’ouest de l’isthme. Là, nouvel embarquement : assez mau- 
vaise traversée jusqu'à St. Thomas; puis le voyageur passe à bord du 
steamer Atrato qui arrive bientôt à Southampton. On transporte les 
plantes à Kew; mais tout n’est pas dit encore; il s’agit de les conduire 
aux Indes. On décide que le voyage se fera par la mer Rouge et non par 
le Cap de Bonne-Espérance comme on l'avait d’abord projeté. Voici les 
différentes étapes : par mer jusqu’à Alexandrie ; par terre jusqu’au Caire, 
et de là à Suez. Puis voyage heureux sur la mer Rouge et arrivée à Bom- 
bay. De Bombay à Calcutta par le steamer Dalhousie. De Calcutta on 


(1) L'auteur écrit en 1862. 
(2) = Kilomètre 1,6095. 


— 164 — 


arrive à Oolacamund, terme du voyage; le transport des plantes se fait 
d'abord par le fleuve, puis à dos des coolies. 

Faut-il parler des difficultés de tout genre que donnent à M. Cross la 
conservation et le transport des plantes confiées à ses soins ? Faut-il par- 
ler de la paresse des ouvriers de l’isthme de Panama, nègres pour la plu- 
part, du sans-facon des porte-faix égyptiens ; des dangers de la mer Rouge 
où la température est si élevée (90 à 105° Fahrenheit) qu’elle a fait périr 
tous les envois précédent de Cinchonas; de la mauvaise grâce du capi- 
taine du Dalhousie qui semblait avoir pris à tâche de contrarier les 
efforts de notre voyageur? Faut-il raconter la patience et l’habileté 
qui fait triompher M. Cross de toutes ces difficultés ? Ce serait peut-être 
trop long. Bornons-nous donc à un renseignement encore. 

On avait recommandé à M. Cross de ne pas ouvrir ses boites en mer ; 
l'air de la mer, lui disait-on, est funeste. L'expérience a prouvé à 
M. Cross qu’il n’en est rien, au moins pour les Cinchonas. Tous les 
jours, quand les circonstances l’ont permis, il a donné de l’air à ses 
plantes et elles s’en sont bien trouvées. Mais, en revanche, l’eau de la 
mer produit sur les Cinchonas l'effet le plus désastreux. Les feuilles 
qu'atteint l’eau salée, noircissent en trois heures de temps, et, le lende- 
main, on voit tomber feuilles et pétioles. Et c’est par ce renseignement, 
bon à noter, que nous terminerons. 


NOTE SUR L'ANTHURIUM DE SCHERZER. 


ANTHURIUM SCHERZERIANUM D. Hook. 


Fam. des AROÏDÉES (ORONTIÉES.) 


Figuré pl. XII. 


Nous venons, un peu tard peut-être, parler de cette plante déjà 
connue de la plupart des amateurs. Elle a fait son apparition en 1862, 
et, depuis lors, on l’a vue dans la plupart des expositions. Mais nous 
n'avons pas perdu à attendre, car l’Anthurium Scherzerianum a si bien 
prospéré dans les cultures qu’il ne ressemble plus guère à ce qu’il était 
à l’origine. Le D° Hooker en a publié la description et le portrait, 
en 1862, dans le Botanical Magazine (pl. 5319). Or les proportions que 
nous lui donnons dans notre planche et qui ont été copiées sur la nature, 
sont environ cinq fois plus grandes que celles de ce portrait primilif. 
Ce résultat provient sans doute d’une culture mieux entendue. 

La plante aime la serre chaude en hiver et se contente d’une serre 
plus tempérée en été. Elle fleurit au printemps et, remarquable privilége, 


Anthurium Scherzerianum. 


— 165 — 


ses fleurs se maintiennent fraiches pendant plusieurs mois. Ces fleurs, 
ou mieux ces inflorescences, sont d’un beau rouge orangé. La spathe est 
en ovale aminci à la pointe; le spadice est singulièrement contourné 
en limaçon ; ils sont tous les deux de la même couleur. 

Cette Aroïdée, ou mieux cette Orontiée, a été découverte à Guatemala 
par M. Scherzer et retrouvée ensuite à Costa-Rica par M. H. Wendland 
qui l’a introduite à Herrenhausen, près de Hanovre, d’où en passant 
par Kew, elle s'est bien vite répandue partout en Europe. 

Nous avons vu des spécimens de cette superbe plante portant jusque 
20 spathes développés en même temps. Elle est de petite taille, ne 


dépassant guère 50 centimètres. 


CONSIDÉRATIONS SUR L'HYBRIDITÉ CHEZ LES 
VÉGÉTAUX, 


par M. Cu. Naunx (1). 


Je n'ai pas à faire ici l’histoire de l’hybridation ni des différentes 
opinions qui ont eu cours sur ce sujet, depuis l’époque où Bradley (1739) 
annonça l'hybridité de certaines Primevères, comme un fait positif ; j'ai 
seulement à faire ressortir les conclusions des expériences qui me sont 
personnelles et à y chercher la réponse aux questions proposées par 
l’Académie. Ces questions sont les suivantes : 

1° Etudier les hybrides végétaux au point de vue de leur fécondité et 
de la perpétuité ou non-perpétuité de leurs caractères; 

2° Dans quel cas ces hybrides sont-ils féconds par eux-mêmes? Cette 
fécondité des hybrides est-elle en rapport avec les ressemblances exté- 
rieures des espèces dont ils proviennent, ou signale-t-elle une aflinité 
spéciale au point de vue de la génération, comme on l'a remarqué pour 
la facilité de la production de ces hybrides eux-mêmes ? 

3° Les hybrides stériles par eux-mêmes doivent-ils toujours leur 
stérilité à l’imperfection du pollen? Le pistil et les ovules sont-ils tou- 
jours susceptibles d’être fécondés par un pollen étranger convenable- 
ment choisi? Observe-t-on quelquefois un état d'imperfection apprécia- 
ble dans le pistil et les ovules? 

4° Les hybrides se reproduisant par leur propre fécondation, con- 


(1) Ce chapitre est la conclusion des Vouvelles recherches sur l’hybridite dans les 
végétaux, mémoire présenté à l’Académie des sciences par M. Naudin en décembre 1861 
et couronné dans la séance du 29 décembre 1862. Le sujet dont il traite en termes fort 
judicieux présente autant d'intérêt que d'importance. Le mémoire de M. Naudin a ete 
publié dans les Nouvelles Archives du Museum, tome I. 


— 166 — 


servent-ils quelquefois des caractères invariables pendant plusieurs 
générations el peuvent-ils devenir le type de races constantes, ou 
reviennent-ils toujours, au contraire, aux formes d'un de leurs ascen- 
dants, au bout de quelques générations, comme semblent l'indiquer des 
observations récentes? 


L stérilité et fecondite des hybrides. 


Il y a un siècle, Koelreuter a démontré, par des expériences que celles 
d'aucun autre observateur n'ont surpassées en exactitude et qui ont 
encore toute leur valeur, le fait de la stérilité :bsolue de certains hybri- 
des, et celui de la stérilité partielle de certains autres. Ces deux faits ont 
recu depuis, de si nombreuses confirmations qu'il n'est plus possible 
aujourd’hui de les contester. J'en ai cité moi-même des exemples dans la 
première partie de ce mémoire. Nous avons vu les Vicotiana califor- 
nico-rustica, N. glutinoso-macrophylla, N. glutinoso-angustifolio-ma- 
crophylla, Digitatis-luteo-purpurea et Ribes gordonianum, stériles à la 
fois par les étamines totalement dénuées de pollen, du moins de pollen 
bien constitué, et par l'ovaire, puisqu'ils ne peuvent pas être fécondés 
par le pollen de leurs ascendants. Maïs, comme dans tous ces cas le pistil 
(carpelles, styles et stygmates) ne présente aucune difformité appréciable, 
il est naturel de chercher dans l’ovule lui-même, c'est--dire dans l'or- 
gane qui est, de tout l'appareil femelle, le plus intimement lié avec la 
reproduction, la véritable cause de cette inaptitude 2 recevoir l'impré- 
gnation. 

Ce qui prouve bien du reste que c’est dans l’ovule même que réside 
la défectuosité, et non dans les parties plus extérieures du pistil, c'est 
que, dans bien des cas l’hybridité, il n’y a qu'une partie des ovules 
d’un même ovaire qui se refuse à être fécondée, les autres se convertis- 
sant en graines embryonnées et capables de germer. C’est ce que nous 
avons vu dans les trois générations hybrides du Luffa acutanqulo- 
cylindrica, ainsi que dans le Luffa amaro-cylindrica, le Cucumis melo- 
nitrigonus, les hybrides des Wicofiana rustica et paniculata, ete. Le 
Cucumis myriocarpo-Figarei en est une preuve non moins convaincante, 
puisque sur une centaine de fruits qui s’y développent et mürissent 
sous l'influence du pollen de l'espèce maternelle, les neuf dixièmes au 
moins sont privés de graines, et que dans le petit nombre qui en 
contiennent, on n'en trouve pas plus d’une par fruit. Je pourrais même 
citer à l'appui de cette thèse l'exemple du Wirabilis longifloro-jalapa, 
quoique l'ovaire y soit uniovulé. Dans cet hybride, tous les stigmates 
étaient également développés, et sous ce rapport ils ne le cédaient pas 
à ceux des espèces parentes; cependant onze essais de fécondation par 
le pollen du M. longiflora restent sans effet, et il en faut dix par celui 
du Jalapa pour déterminer l'accroissement d’un ovule. Dans les Luffa 


— 167 — 


hybrides cités tout-à-l’heure, ainsi que dans le Cucumis Meloni-trigonus, 
quelque pauvre qu’ait été le pollen employé à la fécondation de leurs 
ovaires, il est hors de doute que le nombre des bons grains déposé sur 
leurs stigmates ait été supérieur à celui des ovules qui s’y sont déve- 
loppés en graines. 

Ce n'est là, sans doute, qu’une supposition, mais elle est extrémement 
probable. Il resterait à la confirmer par l’examen anatomique de l’ovule, 
et il serait intéressant de découvrir laquelle de ses parties reste défec- 
tueuse; mais c’est là un genre de recherches tout particulier, très-difficile, 
très-minutieux, souvent incertain dans ces résultats, et qu’on ne peut 
aborder que lorsqu'on en a une longue habitude et qu’on est pourvu 
d'excellents instruments, deux choses qui me manquaient également. Il 
m'aurait fallu d’ailleurs, pour l’entreprendre, plus de temps que ne 
m'en laissaient les expériences très-compliquées dans lesquelles j'étais 
engagé. Je me suis donc contenté de vérifier expérimentalement la 
fécondité ou la stérilité des ovaires, ce qui était plus expéditif et pro- 
bablement plus concluant; mais il n’y en a pas moins là un sujet 
à recommander aux micrographes de profession. 

Un fait très-certain et reconnu par tous les hybridologistes, c’est que 
l’action stérilisante de l’hybridité agit avec bien plus de force sur le 
pollen que sur les ovules. Ce fait ne doit pas surprendre, puisque le 
pollen est, de toutes les parties de la plante, la plus élaborée, la plus 
animalisée, si l'on peut se servir de cette expression. C'est dans ses 
granules, comme le prouvent des analyses chimiques plusieurs fois 
répétées, que s'accumulent, plus qu'ailleurs, les matières phosphorces et 
azotées, et on concoit que cetle haute organisalion soit entravée dans 
les hybrides où la végétation tout entière se ressent du trouble qui 
résulte de l’enchevétrement de deux essences spécifiques faites pour 
vivre séparément. Les hybrides dont j'ai fait l'histoire nous en offrent 
plusieurs exemples. Nous avons vu le Wirabilis longifloro-Jalapa, ne 
donner qu’un pollen impropre à la fécondation, soit qu'il fût appli- 
qué sur les stigmates de l’hybride, soit qu'il le füt sur ceux de ses 
deux parents, tandis que sur vingt-et-un croisements essayés sur lui avec 
le pollen de ces derniers il y en a un qui réussit et qui fait grossir 
l'ovaire. Ce résultat est très conforme à ceux qne M. Lecoq annonce 
avoir obtenus (Revue horticole, 1855, p. 185 et 207), du mème hybride 
dont il a toujours trouvé le pollen inefficace, mais qu'il a pu féconder 
par celui du M. Jalapa. L'inégalité de valeur du pollen et des ovules 
devient plus manifeste encore dans le Vicotiona glauco-angustifolia et il 
en eût certainement été de mème du Y. glauco-macrophylla, (si l'expé- 
rience en avait été faite), où toute la masse pollinique est défectueuse 
et inerte, tandis que l'ovaire se remplit de graines lorsqu'il est fécondé 
par le pollen des W. Tabacum et N. macrophylla. Tous les hybrides que 
j'ai observés, ayant quelques grains de pollen bien constitués dans leurs 


— 168 — 


anthères, ont été fertiles, et souvent à un haut degré, par leurs ovaires ; 
je n’en ai jamais vu, et je ne crois pas qu’on en puisse citer un seul, 
qui stérile par l'ovaire, ait été fertile par les étamines même au degré le 
plus faible. 

L'influence délétère qu'exerce l’hybridité sur l’appareil fécondateur se 
montre sous différentes formes. Le cas le plus ordinaire, ou du moins le 
plus remarqué, est l’atrophie directe du pollen dans les anthères, plus 
rarement l'atrophie des anthères elles-mêmes; mais nous l’avons vu 
agir aussi sur les fleurs entières. C’est ainsi que, chez tous les hybrides 
à la production desquels concourt le D. Stramonium, les fleurs tombent 
invariablement dans les dichotomies inférieures, sans s'ouvrir ; que dans 
tous les individus de Lu/ffa acutangulo-cylindrica de première génération, 
les premières inflorescences mâles périssent tout entières et que quelques 
fleurs ne parviennent à s’ouvrir que lorsque les plantes, plus qu’adultes, 
ont déjà perdu une partie de leur vigueur. Le même phénomène s’ob- 
serve sur le HMirabilis longifloro-Jalapa, qui jette bas les trois quarts 
de ses boutons; sur les Micotiana rustico-pariculata et paniculato- 
rustica des trois générations consécutives, elc. Enfin, un autre mode de 
stérilisation que nous avons encore vu s'effectuer est le changement 
de fleurs monoïques mâles en fleurs femelles, sur les Luffa hybrides de 
troisième génération. J'ai même tout lieu de croire aujourd'hui, bien 
que je ne l’affirme pas, que cet échantillon de Cucumis Figarei, si 
étrangement grand et si remarquable par l'absence presque totale de 
fleurs mâles, qui m'a servi, en 1856, à faire les expériences que j'ai 
rapportées plus haut, devait tout à la fois sa grande taille et sa quasi- 
unisexualité femelle à l’hybridité. 


Il. inégalité de fertilité des hybrides. 


S'il y a des hybrides absolument stériles par les étamines et par 
l'ovaire, il y en a aussi, et peut-être en plus grand nombre, qui sont 
fertiles; les uns le sont par l’ovaire seulement, les autres par le pollen 
et l'ovaire. Les exemples que j'en ai cités sont encore trop présents à 
l'esprit du lecteur pour que j'ai besoin de les rappeler ici. 

Les hybrides sont fertiles par eux-mêmes toutes les fois que leurs 
anthères contiennent du pollen bien organisé; seulement, lorsque la 
proportion en est très-faible, il est bon de n'en pas abandonner Ja 
fécondation au hasard, si on veut avoir la preuve de leur fertilité, et d'y 
aider en fécondant artificiellement l’hybride par son propre pollen; c’est 
ce que j'ai fait pour le Luffa acutangulo-cylindrica de première généra- 
tion qui avait si peu de fleurs mâles, et, dans ces fleurs, une si faible 
dose de bon pollen. Dans la majeure partie des cas, l'inspection 
microscopique du pollen renseigne avec assez de certitude sur sa valeur; 
la différence de forme, de grosseur et de transparence des bons et des 


— 169 — 


mauvais grains saute pour ainsi dire aux veux, et il est facile d'en juger 
du moins approximativement, la quantité relative. 11 y a des cas cepen- 
dant, peu communs sans doute, où cet examen ne sufbrait pas pour 
décider si le pollen est actif ou inerte, car il peut rigoureusement arri- 
ver qu'il ait toutes les apparences d’un bon pollen sans en avoir la vertu: 
lel était celui du Wirabilis longifioro-Jalapa, dont les grains, quoique 
inégaux, n'étaient pas difformes et semblaient pleins de fovilla, malgré 
leur inefficacité sur les stigmates des deux plantes paren‘es aussi bien que 
sur ceux de l’hybride. Peut-être l'emploi de réactifs chimiques eut-il 
mieux accusé que le microscope seul leur défectuosité. 

La fertilité des hybrides par le pollen est de tous les degrés. Nous 
avons vu le Luffa acutangulo-cylindrica de première génération être 
d’une extrème pauvreté sous ce rapport et se montrer notablement plus 
riche à la troisième. Il en a été de mème, et presque au même degré, 
du Zuffa amaro-cylindrica, des Nicotiana rustico-paniculata et panicu- 
lato-rustica, de bon nombre de Linaires hybrides (Linaria purpureo-vul- 
garis) des deuxième, troisième, quatrième et cinquième généralions. 
Une plus grande richesse pollinique se fait voir dans le Primula offici- 
nali-grandiflora de première ct surtout de deuxième génération, le 
Cucumis Meloni-trigonus, etc. Enfin, il est des hybrides où le pollen le 
cède peu, ou ne le cède pas du tout, en perfection, à celui des espèces les 
plus légitimes; c’est le cas du Coccinia Schimpero-indica , des Datura 
Meteloido-Metel, D. Stramonio-Tatula et Tatulo-Stramonium, D. Stra- 
monic-levis, Nicotiana angustifolio-macrophylla, N. Texano-rustica, 
N. persico-Langsdorffii, Petunia violaceo-nyctaginiflora, ete, ete., et 
mème de beaucoup de Linaires hybrides, des troisième et quatrième 
générations, déjà très-rapprochées du Linaria vulgaris. En un mot, 
comme je le disais au commencement de cet article, on trouve dans les 
hybrides tous les degrés de fertilité, depuis le cas extrême où l'hybride 
n’est fertile que par l'ovaire jusqu’à celui où tout son pollen est aussi 
parfait que sun des espèces les mieux établies. 


UE. L'aptitude des espèces à se croiser et la fertilite des hybrides qui 
en résultent sont-elles proportionnelles à l'aflinite apparente de ces 


espèces ? 


En général oui ; mais il y aussi des exceptions, et nous en avons con- 
staté quelques-unes. 11 y a effectivement des espèces plus voisines l'une 
de l’autre par leur organisation extérieure et leur physionomie, qui sont 
moins disposées à se croiser réciproquement que ne le sont d'autres 
espèces en apparence plus éloignées. C’est ainsi que nous avons vu les 
trois espèces de Courges comestibles, si semblables l’une à l’autre que la 
plupart des botanistes n'ont pas su les distinguer, se refuser à tout 
croisement entre celles, tandis que le Melon et le Cucumis trigonus, Si 
différents l’un de l’autre, donnent facilement naissance à des hybrides 


— 170 — 


d'une grande fertilité, quoique un peu défectueux par le pollen. C'est de 
même que le Vicotiana glauca, fort éloigné des N. angustifolia et 
macrophylla, donne avec eux des hybrides très-fertiles par l’ovaire, 
tandis que le NW. glutinosa, plus difficile à croiser avec eux, quoique 
appartenant à la même section du genre, ne donne qu'un hybride stérile 
à la fois par le pollen et par l'ovaire. 

Je pourrais citer encore le croisement du Datura stramonium et du 
D. ceratocaula, deux espèces si étrangères l’une à l’autre, dont le résul- 
tat a été un hybride fertile, quoique atteint de ce mode particulier de 
stérilité partielle qui consiste dans la chute des premières fleurs. Ces 
exceptions, dont il est probablement impossible de saisir la cause, n’em- 
pêchent pas cependant que l'affinité des espèces, révélée par l’organisa- 
tion extérieure, n'indique généralement leur degré d'aptitude à se 
croiser, el ne fasse même présumer jusqu’à un certain point le degré de 
fertilité de leurs hybrides. Nous en avons la preuve dans les Datura 
Meteloido-Metel, Datura Stramonio-Tatula et Tatulo-Stramonium, D. 
Stramonio-loeris, Nicotiana texano-rustica et rustico-texana, N. anqus- 
tifolio-macrophylla, etc., etc., dont les hybrides sont d’une fertilité par- 
faite. L'aptitude des espèces à se féconder réciproquement et le degré de 
fertilité des hybrides qui en naissent sont donc véritablement le signe de 
leur aflinité spéciale au point de vue de la génération, et, dans la grande 
majorité des cas, cette affinité est accusée par l’organisation extérieure, 
en un mot, par la physionomie des espèces. 


IV. Physionomie des hrhrides. 


Pour se faire une idée juste de l’aspect que présentent les hybrides, il 
est essentiel de distinguer entre la première génération et celles qui la 
suivent. 

J'ai toujours trouvé, dans les hybrides que j'ai obtenus moi-même, et 
dont l'origine m'était bien connue, une grande uniformité d'aspect entre 
les individus de première génération et provenant d'un même croisement, 
quel qu’en ait été le nombre. C’est ce que nous avons vu dans le Petuma 
violaceo-nyctaginiflora, les Datura Tatulo-Stramonium et D. Stramonio- 
Tatula, D. Meteloido-Metel, D. Stramonio-loevis, etc., les Nicotiana 
texano-rustica et rusticotexana, N. Persico-Langsdorffi, eic.; ayant déjà 
signaléces ressemblances, il est inutile que je m'y arrète plus longtemps iei. 

Cela ne veut pas dire cependant que 1ous les individus d'un même 
croisement soient absolument calqués les uns sur les autres; il y a 
quelquefois entre eux de légères variations , mais qui n’altèrent pas 
pour cela d’une manière sensible l’uniformité générale, et qui ne me 
paraissent pas dépasser celles qu'on observe communément dans les 
semis d'espèces légitimes d’une même provenance. Les infractions les plus 
notables à cette loi ont été celles du Cucumis Meloni-trigonus et du 


Datura Stramonio-loevis. J'ai dit comment, sur quatre pieds de 
C. Melonitrigonus, d’ailleurs parfaitement semblables de port et de 
feuillage, il s’en est trouvé un dont les fruits ont été un peu plus 
gros et assez différents de forme, de ceux des trois autres, mais il ne 
faut pas oublier que les graines qui ont fourni ce semis ont été tirées 
de trois fruits de C. trigonus fécondés (en 1859) par les pollens d’au- 
tant de variétés de Melons, ce qui explique suffisamment la différence de 
forme des produits obtenus en 1861. Quant aux D. stramonio-levis, 
toute la différence consistait en ce que trois individus sur quarante 
offraient sur leurs capsules, le phénomène de disjonction dont j'ai 
parlé en faisant l'histoire de cet hybride, mais cette légère modi- 
fication n'’altérait en rien l'aspect très-uniforme de celte collection. 
Les deux hybrides de Digitalis luteo-purpurea, diffèrent aussi quelque 
peu par la couleur des fleurs, mais ce sont des hybrides que j'ai trouvés 
tout faits, et dont l’origine ne m'est pas connue; ils peuvent du reste 
très-bien s'expliquer par le fait qu'on cultive dans les jardins deux 
variétés du Digitalis purpurea, Y'une à fleurs pourpres, l’autre à fleurs 
blanches. Si les pollens de ces deux variétés, qui sont assez constantes 
quand on les tient isolées l’une de l’autre, ont pris part, simultanément 
ou séparément au croisement, les hybrides ont dù nécessairement s’en 
ressentir. 

Eu somme, on peut dire que les hybrides d’un même croisement se 
ressemblent entre eux, à la première génération, autant ou presque 
autant que des individus qui proviennent d’une même espèce légitime. 

Faut-il admettre, comme le prétend M. Klotzsch, que les hybrides 
réciproques, (ceux qui proviennent des deux croisements possibles entre 
deux espèces), sont notablement différents l’un de l’autre ; par exemple, 
que l’hybride obtenu de l'espèce A, fécondée par l’espèce B, diffère sen- 
siblement de celui qu'on obtient de l’espèce B, fécondée par l'espèce A? 
Je ne suis pas en mesure de la nier d’une manière absolue; il faudrait 
pour prendre un parti à cet égard, avoir eu sous les yeux les hybrides 
qui ont amené M. Klotzsch à formuler cette règle, mais ce que Je puis 
aflirmer, c’est que tous les hybrides réciproques que j'ai obtenus, tant 
entre espèces voisines qu'entre espèces éloignées, ont été aussi sembla- 
bles les uns aux autres que s'ils fussent provenus du mème croisement, 
c’est ce que j'ai déjà indiqué en parlant des Datura stramonio-tatula et 
Tatulo-stramonium, Nicotiana paniculato-rustica et rustico-paniculata, 
N. angustifolio-macrophylla et macrophyllo-angustifolia, N. terano- 
rustica et rustico-texana, N. persico-Langsdorffi et Langsdorffio-persica. 
Il se peut sans doute qu’il n’en soit pas toujours ainsi, mais, si le fait 
est vrai, il doit être rare et être considéré bien plus comme l'excep- 
tion que comme la règle. 

Tous les hybridologistes sont d'accord pour reconnaitre que les 
hybrides (et il s’agit toujours des hybrides de première génération) sont 


— 172 — 


des formes mixtes, intermédiaires entre celles des deux espèces parentes. 
C’est effectivement ce qui a lieu dans l'immense majorité des cas; mais 
il n'en résulte pas que ces formes intermédiaires soient toujours à une 
égale distance de celles des deux espèces. On a souvent remarqué, au 
contraire, qu'elles sont quelquefois beaucoup plus voisines de l’une que 
de l’autre. On conçoit, du reste, que l’appréciation de ces rapports est 
toujours un peu vague, et que c’est le sentiment qui en décide. 

On a aussi remarqué que les hybrides ressemblent quelquefois plus à 
l’une des deux espèces par certaines parties, à l’autre par certaines 
autres, ce qui est également vrai, et nous en avons vu un exemple 
dans le Hirabilis longifloro-Jalapa, sensiblement plus semblable au 
M. longiflora par les organes de la végétation, et au M. Jalapa par 
les fleurs; mais je crois que c’est à tort qu’on a voulu rattacher cette 
distribution des formes aux rôles de père ou de mère qu’ont joués les 
espèces dans le croisement d’où est sorti l’hybride; je n’ai rien vu du 
moins qui confirmât cette opinion. M. Regel affirme (Die Pflanze und 
ihr Leben, etc., p. 404 et suiv.) que lorsque l’hybride provient d’espèces 
de genres différents (ce qui équivaut à dire d'espèces très-éloignées), 
ses fleurs portent les caractères essentiels de celles du père ; or, nous 
avons vu que dans le Datura ceralocuulo-stramonium, provenu de 
deux plantes presque génériquement différentes, les fleurs ont été abso- 
lument semblables à celles de la mère (D. stramonium); que dans les 
Nicotiana glauco-angustifolia et glauco-macrophylla, obtenus d’espèces 
très-éloignées, elles ont été notablement plus ressemblantes à celles de 
la mère qu’à celles du père, tandis que dans les V. californico-rustica 
et glutinoso-macrophylla, elles ont été très-sensiblement intermédiaires 
entre celles des espèces parentes. La règle posée par M. Regel me semble 
donc hasardée, ou tout au moins établie d’après un trop petit nombre 
de faits. 

Pour mon compte, je crois que ces inégalités de ressemblance, 
quelquefois très-grandes entre l’hybride et ses parents, tiennent avant 
tout à la prépondérance marquée qu’exercent beaucoup d’espèces dans 
leurs croisements, quel que soit le rôle (de père ou de mère) qu’elles y 
jouent. C’est ce que nous avons vu dans les hybrides des Petunia vio- 
lacea et P. nyctaginiflora, qui ressemblent notablement plus au premier 
qu’au second; dans le Luffa acutangulo-cylindrica, dont toutes les 
formes rappellent plus le L. cylindrica que l'espèce conjointe, et 
surtout dans les Datura ceratocaulo-Stramonium et D. Siramonio- 
lœvis, dont tous les individus sont incomparablement plus rapprochés 
du D. Stranonium que de l’autre espèce, bien que dans un cas, le 
D. Stramonium remplisse la fonction du père, et, dans l’autre, celle 
de mère. 

À partir de la seconde génération, la physionomie des hybrides se 
modifie de la manière la plus remarquable. Ordinairement, à l’unifor- 


— 175 — 


mité si parfaite de la première génération succède une extrême bigarrure 
de formes, les unes se rapprochant du type spécifique du père, les autres 
de celui de la mère, quelques-unes rentrant subitement et entièrement 
dans l’un ou dans l’autre. D'autres fois, cet acheminement vers les types 
producteurs se fait par degrés et lentement, et quelquefois on voit toute 
la collection des hybrides incliner du même côté. C’est qu’effectivement 
c’est à la deuxième génération que, dans la grande majorité des cas (et 
peut-être dans tous), commence cette dissolution des formes hybrides, 
entrevue déjà par beaucoup d'observateurs, mise en doute par d’autres, et 
qui me parait aujourd’hui hors de toute contestation. Nous allons en 
expliquer la cause dans le paragraphe suivant. 


V. Retour des hybrides aux types spécifiques des espèces productrices. 
Quelle est la cause déterminante de ce retour ? 


Tous les hybrides dont j'ai observé avec quelque soin la deuxième 
génération m'ont offert ces changements d'aspect et manifesté cette ten- 
dance à revenir aux formes des espèces productrices, et cela dans des 
conditions telles que le pollen de ces espèces n’a pas pu concourir à les v 
ramener. Nous en avons vu des exemples frappants dans le Primula offi- 
cinali-grandiflora, dans tous les hybrides du Datura Stramonium, le D. 
Meteloido-Metel, les hybrides réciproques des Vicotiana angustifolia et 
macrophylla, N. persica et Langsdorffii, Petunia violacea et nyctagini- 
flora ; dans le Luffa acutangula-cylindrica, et plus encore dans le Lina- 
ria purpureo-vulgaris. Chez plusieurs de ces hybrides de deuxième géné- 
ration il y a eu des retours complets à l’une ou à l’autre des deux espèces 
parentes ou à toutes deux, ct des rapprochements à divers degrés de ces 
espèces ; chez plusieurs aussi nous avons vu les formes intermédiaires se 
continuer en même temps que s’effectuaient, sur d’autres échantillons de 
même provenance, les retours dont je viens de parler. Il y a plus : nous 
avons constaté dans quelques cas (Linaria purpureo-vulgaris de troi- 
sième et de quatrième génération) de véritables rétrogradations vers la 
forme hybride, et même quelquefois nous avons vu sortir, d’une plante 
en apparence entièrement retournée à l’une des deux espèces, des indi- 
vidus qui semblaient rentrer presque entièrement dans l’espèce opposée. 
Tous ces faits vont s’expliquer naturellement par la disjonction des deux 
essences spécifiques dans le pollen et les ovules de l’hybride. 

Une plante hybride est un individu où se trouvent réunies deux 
essences différentes ayant chacun leur mode de végétation et leur finalité 
particulière, qui se contrarient mutuellement et sont sans cesse en lutte 
pour se dégager l’une de l’autre. Ces deux essences sont-elles intimement 
fondues? se pénètrent-elles réciproquement au point que chaque parcelle 
de la plante hybride, si petite, si divisée qu’on la suppose, les contienne 
également toutes deux ? Il se peut qu'il en soit ainsi dans l’embryon, 


— 174 — | 


et peut-être dans les premières phases du développement de l’hybride, 
mais il me paraît bien plus probable que ce dernier, au moins à l’état 
adulte,est une agrégation de parcelles, homogènes et unispécifiques prises 
séparément, mais réparties, également ou inégalement entre les deux 
espèces, et s’y entremélant en proportions diverses dans les organes de 
la plante. L'hybride dans cette hypothèse, serait une mosaïque vivante, 
dont l'œil ne discerne pas les éléments discordants tant qu'ils restent 
entremélés; mais si, par suite de leurs affinités, les éléments de même 
espèce se rapprochent, s’agglomérent en masses un peu considérables, 
il pourra en résulter des parties discernables à l'œil, quelquefois des 
organes entiers, ainsi que nous le voyons dans le Cytisus adami (1), 
les Orangers et les Citronniers hybrides du groupe des bizarreries, le 
Datura Stramonio-lœvis, ete. C’est cette tendance plus ou moins visible 
des deux essences spécifiques à se dégager de leur combinaison qui à 
induit quelques hybridologistes à dire que les hybrides ressemblent à leur 
mère par leur feuillage, à leur père par les fleurs, ou réciproquement. 
Elle n’avait pas échappé à Sageret, expérimentateur ingénieux, qui trou- 
vait les hybrides moins remarquables par l’état intermédiaire de chacun 
de leurs organes que par les ressemblances prononcées de certains organes 
avec ceux de père et de certains autres avec ceux de la mère. Il cite même 
un hybride de Chou et de Raiïfort dont certaines siliques étaient celles du 
Chou, et les autres celles du Raifort. S’il n’a pas pris ici une monstruosité 
pour un hybride, il a ajouté un remarquable exemple d’hybridité dis- 
jointe à ceux que nous connaissons. 

Bien que les faits ne soient pas encore assez nombreux pour conclure 
avec certitude, il semble que la tendance des espèces à se séparer, ou, si 
l’on veut, à se localiser sur des parties différentes de l’hybride, s’accroit 


(1) L'arbre connu dans les jardins sous le nom de Cytisus Adami, est une forme 
presque exactement intermédiaire entre le C. Laburnum (ou peut-être le C. alpinus), 
à fleurs jaunes, et le C. purpureus, à fleurs lilas pourpre. Ses fleurs, plus grandes que 
celles du C. purpureus, moins grandes au contraire que celles du C. Laburnum, sont 
de la teinte mordorée qui devait résulter de la fusion du jaune et du pourpre; de plus 
elles sont entièrement stériles. Toutefois, ce que le C. Adami offre de plus singulier, 
c’est que, de loin en loin, on voit sortir, de sa tige et de ses branches, des rameaux 
dont le feuillage et les fleurs sont identiquement ceux des C. Laburnum et C. purpureus, 
de telle sorte qu’il n’est pas rare de trouver réunies, sur un même arbre, deux espèces 
très-différentes, ainsi que leur hybride. En reprenant les caractères des espèces natu- 
relles, soit du Laburnum, soit du purpureus, les fleurs reprennent aussi leur fertilité. 
L'origine du C. Adami est fort obscure; je lui trouve tous les caractères des vrais 
hybrides, mais je ne dois pas dissimuler que la plupart des horticulteurs le croient 
provenu d’une greffe de C. purpureus sur le C. Laburnum, et que plusieurs botanistes 
admettent la possibilité du fait. Si cette supposition était un jour reconnue vraie, il 
faudrait admettre que, dans certains cas, la greffe peut produire les mêmes résultats 
que l’hybridation. C’est ce qu’il serait intéressant de vérifier par de nouvelles 
expériences. 


avec l’âge de la plante, et qu’elle se prononce de plus en plus à mesure 
que la végétation s'approche de son terme, qui est d’une part la produc- 
tion du pollen, de l’autre la formation de la graine. C’est effectivement 
aux sommités organiques des hyorides, au voisinage des organes de la 
reproduction, que ces disjonctions deviennent plus manifestes : dans le 
Cytisus AÀduami, la disjonetion se fait sur des rameaux fleuris; elle se fait 
sur le fruit lui-même dans l’Orange-bizarrerie et le Datura Stramonio- 
lœvis ; dans le Mirabilis longifloro-Jalapa et le Linaria purpurea, c’est 
la corolle qui manifeste le phénomène de la disjonction par la séparation 
des couleurs propres aux espèces productrices. Ces faits autorisent à pen- 
ser que le pollen et les avules, le pollen surtout, qui est le terme extrême 
de la floraison mâle, sont précisément les parties de la plante où la dis- 
jonction spécifique se fait avec le plus d'énergie ; et ce qui ajoute un degré 
de plus de probabilité à cette hypothèse, c’est que ce sont en même temps 
des organes très-élaborés et très-petits, double raison pour rendre plus 
parfaite la localisation des deux essences. Cette hypothèse admise, et 
j'avoue qu’elle me parait extrêmement probable, tous les changements qui 
surviennent dans les hvhrides de deuxième génération et de générations 
plus avancées s'expliquent pour ainsi dire d'eux-mêmes; ils seraient au 
contraire inexplicables si on ne l’admettait pas. 

Supposons, dans la Linaire hybride de première génération, que Ja 
disjonction se soit faite à la fois dans l’anthère et dans le contenu de 
l'ovaire; que des grains de pollen appartiennent totalement à l’espèce du 
père, d’autres totalement à l’espèce de la mère; que dans d’autres grains 
la disjonetion soit nulle ou seulement commencée; admettons encore que 
les ovules soient, au même degré, disjoints dans le sens du père et dans 
le sens de la mère; qu'arrivera-t-il lorsque les tubes polliniques descen- 
dront dans l’ovaire et iront chercher les ovules pour les féconder ? Si le 
tube d’un grain de pollen revenu à l’espèce du père rencontre un ovule 
disjoint dans le même sens, il se produira une fécondation parfaitement 
légitime, dont le résultat sera une plante entièrement retournée à l'espèce 
paternelle ; la même combinaison s’effuctuant entre un grain de pollen ct 
un ovule disjoints tous deux dans le sens de la mère de l’hybride, le 
produit rentrera de même dans l’espèce de cette dernière ; qu'au con- 
traire, la combinaison s'effectue entre un ovule et un grain de pollen 
disjoints en sens contraire l’un de l'autre, il s’opérera une véritable 
fécondation croisée, comme celle qui a donné naissance à l’hybride 
lui-même, ct il en résultera encore une forme intermédiaire entre les 
deux types spécifiques. La fécondation d’un ovule non disjoint par un 
grain de pollen disjoint dans un sens ou dans l’autre donnera un hy- 
bride quarteron; et comme les disjonctions, tant dans le pollen que 
dans les ovules, peuvent se faire à tous les degrés, il résultera des com- 
binaisons qui pourront avoir lieu, et que le hasard seul dirige, cette mul- 
titude de formes que nous avons vues se produire dans les Linaires 
hybrides et les Petunias, dès la deuxième génération. (A continuer.) 


— 176 — 


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Rue d'Angleterre, 15, à Gand. 


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toute espèce de châssis vitrés et à l’usage des serres, jardins d'hiver, 
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lesquels reposent les feuilles de toute épaisseur. Chaque tringle est 
cintrée à 95 centim. de rayon et percée d’un trou de 4 millim. carrés. 
Par cette disposition, la vapeur ou buée, qui se forme sur la face 
intérieure du carreau, se condense dans le réservoir et les gouttes d’eau 
passent par le trou et sur la face supérieure du carreau ; par conséquent, 
même avec peu de pente, plus de buée sur les plantes, les parquets, etc., 
et avec ce système, plus de poussière, solidité, propreté, chaleur con- 
servée, durée assurée, pose très-facile de vitres à remplacer, aspect 
agréable par le peu de recouvrements, économie de vitrage et dépense 
utile. 

Les soussignés invitent donc MM. les Ingénieurs, Architectes, Proprié- 
taires, Horticulteurs, etc., à se faire servir par ce système, dont ils 
reconnaitront la supériorité. Ils offrent de céder ces tringles au prix de 
70 centimes le mètre linéaire. De nombreux travaux ont été exécutés à 
Paris, aux environs, à l'exposition universelle de 1867, dans différentes 
villes de la France et à l'étranger. 

Les vitriers peuvent eux-mêmes en faire ie placement avec la plus 
grande facilité, ce travail étant très-simple à exécuter sans apprentissage. 
— On est prié de remettre les commandes au moins 15 jours d’avance, 
en désignant les dimensions ou la largeur des carreaux. 


NEIGES ET FLEURS, 


par J. MICHELET. 


Le proverbe de l’Engadine : « Neuf mois d'hiver, trois mois d'enfer, » 
élonne quelque peu l'étranger. La chaleur, l'été même, à une telle hau- 
teur, ne peut étre accablante. Pour cette année, la saison était froide. 
On faisait du feu en juillet. 


OUR. Sc bn 2. émis, sc matins "4. 


— 177 — 


« Chaque matin pourtant, quelles que fussent les douceurs du poële et 
le froid du dehors, je m'arrachais et je partais. La tentation était trop 
grande de se trouver si près des trésors de la botanique. Déjà à 
6,000 pieds, il suffit d’en monter 2,000, et l'on se voit sans effort en 
possession de la plus haute Flore Alpine. Une vaillante dame y montait 
avee moi, et d'excellents amis, infatigables montagnards. 

« Une fois cependant, j'allai seule au désert. Je ne sais quel attrait 
de solitude mr'entrainait. L'Engadine a encore des retraites ignorées, 
perdues, de sauvages vallées, dont les seuls visiteurs sont le vent, le 


-soleil. et aue l’on pourrait croire le royaume secret des esprits. C’est 
»setq 3 P 


ce que je cherchais. II m'eût fallu un lieu, un horizon où nul n’eût posé 
le regard. 

« Si quelqu'un connait de tels lieux, c’est un seul homme, Colani, à 
coup sûr, fils du fameux chasseur, qui lui-même sur ses vieux jours s’est 
fait chasseur de plantes. Il a deux choses à lui, la tradition et la nature, 
la connaissance de tout arbre, toute pierre, une entente parfaite avec l’âme 
de la contrée. Chaque fleur est à lui d'avance. 11 la prend à heure juste. 
Il sait à son foyer le moment où telle herbe va fleurir sur telle pente 
inconnue de la Bernina. 

« Lui-même il avait hâte de revoir les hauts lieux qu’en cette année 
tardive la neige quittait à peine. Il était plus pressé que moi de se remet- 
tre en possession de la montagne. Le temps était sévère. Le vent change 
sans cesse dans ces régions élevées. Il tourne plusieurs fois par jour. 
Nous avions, en été, les bourrasques d’un froid printemps. I] gelait cha- 
que nuit. Et la veille de notre départ, le soleil se coucha (très-mauvais 
signe) derrière un noir chaos, mobile et fantastique. Colani n’augurait 
rien de bon, mais il ne disait rien. Dans ses dents seulement, il murmu- 
rait des noms de plantes et de fleurs inconnues. 


« Je me lève à quatre heures. Je suis prête avant six. Le ciel est 
sombre. Le vent âpre balaye la neige qui commence à tomber. N'im- 
porte, nous partons. Dans un petit char de montagne, tout ouvert par 
devant, immobile, je recois la bise, aiguisée et subtile, qui entre, s’in- 
sinue, comme en fines pointes d’acicr. 

« À ma droite, j'avais les massifs de la Bernina. A travers les aroles (1) 
frémissants, j'en voyais les blanches cimes. A gauche, plus tristes encore, 
se dressaient des montagnes nues, qui n’ont pas même de neige, ct sem- 
blent inhospitalières. Nous avaneions peu, retardés par le vent, qui nous 
venait d'en face. Les rares passants de la route, qui, ce jour de dimanche 


allaient au prêche, s’étonnaient de voir « une dame pâle » s’en aller par 
un temps si dur. 


(1) Pin cembro. 


12 


— 178 — 


« Nous arrivons à une auberge, qui, comme l'hôtel de Samaden, s’ap- 
pelle l'hôtel de Bernina. C’est de là, et non de plus près qu'on a tout 
l'effet de cette imposante chaîne. Les glacicrs se voient en dessus; ils 
nous montrent à nu, sur plusieurs points, leurs vives arêtes d'émeraude. 
Ils viennent sur vous; vous en sentez la lourdeur écrasante. On est 
transi rien qu'à les regarder. 

« Dans ce jour de morne tristesse, rien de plus grandiose que de voir 
un à un tous ces géants. Leur lugubre assemblée se détachait en blancs 
fantômes sur le ciel gris. Un seul point noir, le pic de Bernina, se proje- 
tait en cime aiguë. De chaque côté de la route, d'anciens glaciers avaient 
déposé leurs décombres. On passait au milieu des morts. 

« Malgré juillet, l'hôtel ressemblait à ces lieux de refuge créés pour 
les tourmentes d'hiver. Personne pour nous recevoir, toutes les portes 
fermées, les grands poêles allumés dans l’intérieur, et je ne sais quelle 
sourdine mise à la vie. — L’hôtesse me prit en pitié, me plongea sous les 
couvertures. Nous entràmes dans la vallée. 

« Là, comme frappés du doigt d’une méchante fée, les arbres cessent 
subitement. Le paysage perd tout horizon, il se resserre de plus en plus 
entre deux hautes montagnes. La vallée est plutôt un étroit corridor qui 
monte au col de la Stretta. Le sentier, cahoteux, chemine péniblement. 
Au-dessous, bien plus bas, coule un torrent grisätre. Les chars ne s’aven- 
turent pas plus loin. Nous avions pris, à Bernina, le chariot rustique 
des faneurs. Un champ de neige nous arrêta. Je le traversai avec une 
joie d'enfant craintive et hardie. 


« Quel contraste entre la terre et le ciel! Du ciel farouche nous venait 
le grand hiver. Le grésil avait remplacé la neige. Un vent violent sifflait, 
nous cinglait le visage. Tout s’assombrissait sur nos têtes. A nos pieds, 
au bord du champ de neige, l’image la plus aimable de la vie. L’incom- 
parable anémone printanière se penchait dans son idéale toilette d’un 
lilas pâle. Son heure était déjà passée. Elle s'était comme endormie dans 
le rêve d’un beau moment. De blondes et longues soies, douces, légères, 
électriques, retombaient sur elle, enveloppaient sa maternité. Je saluai 
dans cette première apparition de l’alpe, une âme douce et charmante 
qui me faisait Dieu visible dans un lieu désolé. 

« Le monde peu à peu se fermait derrière nous, le désert commençait. 
Partout la solitude est imposante; mais, combien plus au seuil de la 
nature morte, si près de ces glaces éternelles ? 

« Mon guide, de son jarret nerveux, me devancçait ; il avait trop pra- 
tiqué la montagne pour rien éprouver du trouble d’une âme neuve. 
Aussi ardent à la chasse aux plantes, qu’à la chasse du chamoïis, on eût 
pu voir de fauves lueurs passer dans ces yeux. Il avait des rires en lui- 


même et quelque chose du Faune à chaque capture. Ces fleurs, c'était 
une proie. 

« Malgré ce ciel si triste et ce froid noir, ennemi de la vie, elles 
embaumaient l'air. La daphné, avec une teinte analogue au lilas, en 
rappelle l'odeur, la suavité pénétrante. Près d'elle, l’orchis vanille 
détachait de l'herbe pâle la sombre pourpre de son épi. Nul parfum plus 
fidèle. Même au fond d’un herbier, couché et enterré, il donne un sou- 
venir de son âme odorante qui semble aimer encore. 

« La grande gentiane bleue déjà défleurissait, avait fermé son urne. 
Sur la prairie régnait la gentiane de Bavière, brillante, éblouissante. 
Son étoile d’azur intense tremblait et scintillait. C'était toute la joie du 
désert en ce jour sombre. Elle me rendait le ciel absent, un ciel appro- 
fondi. doublé. 

« Le lieu est fort sévère. Je n’y trouvai point la Linnée qui cherche 
l'abri de l’arole. Fille des bois, sous leur ombre, elle habille la roche de 
ses traines ondoyantes, de ses clochettes rose pâle, légères, qui tremblent 
au moindre vent. Même des fleurs qu’on trouve au Julier, au Splughen 
(myosotis et pédiculaire rose), je ne les voyais pas ici. Les pentes y sont 
rapides, et n’ont pas les tourbières qui avivent ces fleurs de leurs eaux 
fermentées. 

« Celles-ci font face à leur sort par divers moyens de prudence. Les 
gentianes s'ouvrent, se ferment à propos, mesurent leurs tiges au froid, à 
la tourmente et souvent les abrègent. La campanule en thyrse, au lieu 
d’égrainer ses clochettes au vent, les serre autour d’elle en épi, s’en fait 
un essaim d'alvéoles. Chez d’autres, les feuilles groupées à la naissance de 
la tige en collerette, restent près de la terre. Nourrices et pourvoyeuses, 
elles en ont la sagesse. Leur nourrisson, la fleur, seule, un beau jour, 
s’élance d’un jet vers la lumière, la boit avidement et en meurt. 

« Cet àâpre lieu est pourtant un refuge. Roulée par l’avalanche, sou- 
vent la petite émigrante des hauts sommets y tombe et croit y trouver 
plus d’abri. Elle s'arrange, elle s'oriente, selon qu’il lui faut l’eau, la cha- 
leur, la lumière. Mais le froid n’y est guère moins rude. L'hiver l'y suit 
(même en juillet). Pauvre petite fridouline, qui n’a fait le voyage que 
pour manquer encore sa destinée !.… 

« Nombre de fleurs hâtives avaient déjà péri, frappées du vent cruel, 
plus aigu aux lieux étroits que sur les sommets même. La pâle soldanelle, 
qu'il fouettait sans relâche, livrait à ce génie sauvage sa flexibilité, sa 
douceur résignée à ces rigueurs du sort. 


« Cependant Colani m'avait tout à fait oubliée. Il était loin, perdu, 
dans le labyrinthe des roches éboulées. J'étais seule, bien seule; j'avais 
ce que j'avais cherché, les tristesses de la montagne. Mais je n’en pré- 


…— {if 3 


voyais pas le lugubre silence. Dans le elair obseur blafard du ciel neigeux 
rien ne bougeait. Pas un oiseau au ciel, pas un moucheron pour animer 
l'espace. Un sifflet me fit tressaillir (c'était une marmotte surprise), et 
après, le désert n'en fut que plus muet. Point de ruisseau, point d’eaux 
qui murrmurassent. Le torrent coulait bas et loin. L'air seul, tourmenté, 
gémissait, OÙ par moment criait, éclatait en sinistres plaintes. 

« Je n'avais point d'effroi, mais la sensation d’une âme entière, qui, 
seule avec soi-même, traverse l'infini, en retournant à Dicu. Dans mon 
émotion, même un désir étrange, âpre, amer, se méla. Je m’arrêtai un 
peu. Si je n'avais aimé ici-bas pourquoi redescendre! 

« Telle est l'ivresse des montées, l'attraction de ces lieux, le besoin de 
planer. Mais sans doute le ciel n’est pas plus près de là. Il est en nous 
dans la vie innocente et la rectitude du cœur. » 


L'Arolle, décadence de l'arbre et de l’homme. 


Pontrésina, avec son nom antique qui signifie : le Pont de la Réthie, 
est posé à merveille au point où se rencontrent les deux torrents, ct 
les deux routes des principaux glaciers. J’ai vu de plus grands paysages, 
aucun plus harmonique, mieux composé et mieux fait pour le peintre, 
que celui du Roseg, le glacier admirable, que, de Pontrésina, on voit 
par-dessus ces torrents. 

Grâce à des amis excellents qui se génèrent eux-mêmes pour me 
donner un lieu plus commode au travail, j'avais une fort belle chambre, 
soleillée, spacieuse, où je pouvais à l'aise lire, écrire, méditer. J'avais 
une fenêtre au levant, une au midi; et chacune était un tableau. Au 
midi, le Roseg, à une excellente distance, au fond d’un sinueux vallon, 
des bois à droite, à gauche, et le long du torrent une prairie qui mène 
à Saint-Moritz. Au levant, la route qui monte doucement au Pontrésina 
supérieur, le beau et silencieux village dont j'ai parlé, puis au glacier 
de Monterasch qu’on ne voit point. Du village même on ne voit guère 
que le point dominant à mi-côte, son église des morts, bâtie peu 
avant 1500. 

Tout cela, surtout le matin, et vers midi, avait beaucoup de charme, 
et quelque gaieté même. Une gaieté touchante, telle que la donne le 
soleil du levant, de l’été, à un pays où l’on prévoit l’hiver. La prairie, 
un peu pâle, à l’herbe fine et courte, le bois de sombre arolle, ce pont 
de pierre, vêtu de planches, tout avertit sérieusement. 


J'avais repris mes habitudes. Je restais le matin, je lisais, travaillais. 
Mon livre en ce moment était la savante Géographie botanique d'A. de 
Candolle. 


à db ut 


— 181 — 


Un jour, j'y lus un mot qui me fit bien songer, que je résume ainsi : 
La vulgarité prévaudra, ira gagnant, envahira le monde. 

« Les plantes communes à divers pays deviendront plus nombreuses. 
La Flore locale perdra l'originalité. » (805.) 

« Les plantes des chemins, cultures, ete., caractériseront notre époque, 
et celles des forêts, des montagnes, se restreindront de plus en plus. » 
(806). 

Et il ajoute : « Elles appartiennent à un ancien état de choses, et font 
place à un nouveau. » (807.) 

A cet état ancien, sauvage, où tout était marqué par caractères origi- 
naux, puissamment distinctifs, succédera l’état nouveau, plus riche, 
moins varié, où tout ressemblera à tout. 

Déjà, avant Candolle, Agassiz nous donnait un fait considérable, et un 
rapprochement qui en dit la portée. « Nos plantes européennes (soixante à 
peu près, dont plusieurs sont de mauvaises herbes) ont envahi l'Amérique 
et font disparaître les plantes américaines, de la même manière et en 
même proportion que le blanc fait disparaitre l’Indien. » (Soc. de Neufch., 
nov. 1847.) 


Un savant distingué de l’'Engadine, M. Pallioppi, m’ayant fait l'honneur 
de venir me voir, je lui parlai de l'avenir de son pays. Il sourit tristement 
et me dit : « Notre langue disparaîtra. » — Mais adopter une autre lan- 
gue, penser dans une langue étrangère, n'est-ce pas changer d'âme, mou- 
rir à son propre génie ? 

M. le président Saratz me dit un autre mot, bien grave aussi : « Le bois 
nous manquera. » 

Cela finirait tout, ferait du pays un désert. 

Le mot me frappa fort, m'affligea et je sentis combien Je m'y inté- 
ressais. 

Je tâchais d’en douter. En voyant des parties fort bien boisées encore, 
on imagine à peine que ce malheur arrive. Cependant la vie use; le pro- 
grès de la vie humaine, les besoins variés, croissants, font une guerre 
universelle aux arbres. Cela se voit partout. Ici, différence spéciale, ilsne 
se renouvellent qu'avec une extrême lenteur. 

Que sera la contrée quand la maison glacée ne se réchauffera qu'avec le 
bois d’en bas, amené à grands frais, lentement, avec tant de chevaux ! 
gravissant des pentes rapides, des escaliers terribles comme celui de la 
Maloya ? 

Mais subsistera-t-elle, cette maison? et ces villages dureront-ils, 
quand les bois qui les couvrent, disparaissant, laisseront arriver les tor- 
rents, les ravines d’eau, de neige ou de pierres? Les lieux même qui sont 
comme Pontrésina, à une distance suffisante de la montagne, seraient-ils 


— 182 — 


bien en sureté? Qui ne sait que ces ruines subites, partant de grande 
hauteur, vont par énormes bonds? C’est fort utilement qu’un bois domine 
encore ici; le jour qu'il périrait, l’agréable village ne dormirait plus en 
repos. 


Deux arbres admirables ont fait la vie de la contrée, l’'héroïque et ro- 
buste arolle, qui, laissé à lui-même, durerait presque éternellement, — 
le souriant mélèze, renouvelé sans cesse, et qui, verdissant chaque année, 
simule la jeunesse éternelle. 

Tous deux entretenus, dans ces lieux si sévères, par un miracle de 
nature qui demande à être expliqué. La chaleur et la vie sont chez eux 
concentrées, gardées, défendues, closes impénétrablement d’un habit 
intérieur qui vaut une maison, qui, au plus âpre hiver, leur conserve 
le home. Cette défense est la résine. 

Cette famille en général des conifères ou résineux, exposée à l'extrême 
nord, n’y a vécu qu'à force de prudence. Ils respirent avec précaution, n’ou- 
vrent point des trachées aux hasards de l’air extérieur. Ilsentr’ouvrent seu- 
lement d’étroites meurtrières (comme les stomates des insectes). L'air, in- 
troduit lentement, combiné avec leur carbone, non-seulement les nourrit, 
mais cette nourriture, peu à peu épaissie, glutineuse, se fait résine, et 
comme telle, les ferme au souffle de l'hiver. 

Cette résine résiste au froid de trois facons. D'abord, elle est une 
clôture. Puis, épaissie et dense, elle ne peut geler. Enfin, comme car- 
bone, elle ne conduit pas la chaleur, ne ja laisse point échapper, la 
conserve au contraire, la concentre au dedans. 

Impénétrable à l'air, et insoluble à l’eau, rebelle à l'électricité, la ré- 
sine repousse ces trois grands dissolvants, qui changent tout dans la 
nature. Elle couvre et défend tout ce qui n’agit plus, chaque cellule qui 
meurt à son tour. — Grand agent de conservation, et cependant aussi 
instrument de progrès. Elle soutient la cellule jeune, lui prête de sa 
fixité. Et au printemps enfin (merveille!), elle se ramollit, reprend le 
moelleux de la vie, redevient vivante elle-même. 


La plus fine résine entre toutes est celle du mélèze, c'est ce qu'on 
nomme la térébenthine de Venise, substance étonnamment subtile, 
pénétrante, on sait à quel point. Un atome introduit dans tout orga- 
nisme vivant, pénètre à l'instant même, traverse tout le cours de la circu- 
lation. 

Quel usage en tout art on fait de ces résines ! Tout peintre en a 
besoin. Et le musicien même s’en sert pour l'instrument à cordes, car 
elle fait vibrer son archet. me 


PL 


— 185 — 


Mais l'arbre n'est-il pas un instrument lui-même? On est surpris de 
voir, dans la froide Engadine, le mélèze offrir au dedans ces chaudes 
teintes qui rendent le violon si agréable aux coloristes. Comme les fleurs 
des Alpes, il boit la lumière vive, y prend ce beau ton rouge que l'on 
croirait un jeune sang. 

Il aspire ces coulgurs par quantité de feuilles rayonnantes en faisceau 
d’aiguilles, plus semblables encore au polype qui, autour de lui, cherche 
et quête de ses petits bras. Point de gros rameaux qui l’épuisent, mais 
une bonne forte racine avec laquelle il plonge dans son sol favori, le 
micaschiste, dont les feuillets brillants sont autant de miroirs, excellents 
réflecteurs de chaleur, de lumiére. 

Pour ses graines, il est sage. Quoique mures à l'automne, il les retient, 
les garde, ne les hasarde qu’au printemps. Avec ce gage d'avenir, fermé 
et concentré, abandonnant au vent des feuilles désormais inutiles, il plie 
tant que le vent le tourmente, siffle, flagellé de l'hiver. Ses rameaux, 
dépouillés et donnant peu de prise, vont, viennent, résistent d’autant 
mieux qu'ils ne résistent pas du tout. 

Bien loin de s’épuiser en refaisant ses feuilles, il se produit en elles 
des milliers de nourrices, qui augmentent sa sève et sa vie. Il semble 
alors tout jeune, étranger au pays, l'enfant d’une terre plus heureuse. 
Son compagnon, l’arolle, si grave et immuable, ne le reconnait plus, le 
regarde du fond de son antiquité. 

Il est l'espoir, la joie de la montagne. Il travaille sans cesse à refaire 
la forêt. Mais plus il fait, plus on demande. Il est le serviteur des mille 
besoins de la contrée. Qui donne ces lambris? Le mélèze. Qui fait ces 
nobles granges d'effet si imposant? C’est le mélèze encore. Son beau bois 
odorant, digne des plus hauts arts, est très-prodiguement immolé au 
foyer. 

Notez que la nature lui est parfois très-rude. Tout gaillard qu'il parait, 
vaillant contre l'hiver, au printemps il est vulnérable. Sa sève délicate 
qui monte alors, craint fort un coup de froid. Cela ne manque guère aux 
mélèzes hasardeux qui vont jusqu’au glacier, sous l’aigre vent subtil. On 
les voit misérables, d’effrayante maigreur, ne pouvant vivre ni mourir. 


Il semble que l'arolle dit alors au mélèze . « Enfant, que cherchez- 
vous ici? » 

Un seul être a le droit d’être au bord du glacier. Un seul peut sans 
mourir le regarder de près, face à face, dans les longs dix mois de l'hiver. 
Celui-ci fend la pierre. Et l’arbre n’en tient compte. Il s’exaspère et rage, 
sans pouvoir ceflleurer cette forte et profonde vie. Les vents vont à 
l'assaut; la furie des tourmente, lance, entasse la masse des neiges, ense- 
velit tout, non l’arolle. Il a le don royal de ne porter nul poids. On le 


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revoit bientôt dégagé de ses neiges, les percant, les jetant de ses bras 
vigoureux. Il reparait paisible, toujours élève au ciel ses lustres magnifi- 
ques, dont chacun est orné d’un altier panache de feuilles. 

En allant au glacier, l'effet est saisissant. Toute vie peu à peu diminue. 
Les grands arbres se font petits, pour vivre encore, humbles et faibles 
taillis. Le bouleau du grand Nord, de la Russie, luigmême, cet ami des 
frimas, devant l'Esprit sauvage, la férocité du glacier, a peur, et se fait 
nain. Au bord on voit l’arolle, dans sa plus grande taille, dans sa com- 
plète vie, intact, inaltéré. Aux pentes abritées, on l’a vu languissant, 
surchargé de lichens. Ici au grand combat et sous les vents terribles, il 
quitte ce triste vêtement. Nu, comme un bon lutteur, empoignant le roc 
nu de ses fortes racines, il attend l’avalanche, indomptable ct superbe, 
dressant ses bras vainqueurs, et dans ces lieux de mort, protestant, 
témoignant de l’éternelle vie. 


En le voyant si fort sur le rocher stérile, on se demande de quoi il 
nourrit cette force. Quelques poussières sans doute des débris du glacier 
doivent l’alimenter, mais surtout la lumière. 

Lumière! vie éthérée ! sublime nourriture! Elle fait la noblesse de ces 
hauts habitants des Alpes. Ceux d’en bas, nourris de la terre, et des dons 
variables que leur fait le nuage, sont dans une humble dépendance. Aux 
cimes où la nue n’atteint pas, où Le sol n’est plus que granit, la lumière 
plus égale, vive, intense, supplée l'aliment inférieur. 

De là l'éclat étrange de cette flore toute solaire. De là la singulière 
finesse du mélèze, et plus haut encore la souveraineté de l’arolle, qui 
règne où rien ne vit, triomphe, où tout finit, et qui clôt la nature. 

Est-ce à dire qu’il soit insensible? Ses feuilles, dures d'apparence et 
délicates au fond, sentent fort bien la morsure du givre. On le voità leurs 
teintes fauves, qu’on s'attend peu à trouver là. Ce prince de l'hiver, 
en ces chaudes lueurs, est beau de ses souffrances et du calme puissant 
qu’il conserve en-dessous. 

Son dictame intérieur, sa tenace résine, le guérit, le défend. Elle 
lui constitue une éternité relative. 

Ayant les siècles à lui, il ne se hâte pas. Il fait peu, il fait bien. Lente- 
ment il travaille son admirable bois, l'amène à la perfection. Pour qu'il 
ait sa croissance, il ne faut que mille ans. 

On voudrait se faire une idée de cette vie si lente et si forte. Qu'il 
serait curieux de deviner ce qui s’est succédé dans le travail obscur de 
la plus persistante des âmes végétales ? Puissamment animé dans sa morne 
enveloppe, il faut pourtant qu'il ait, à travers tant d'obstacles, l’instinet 
conservateur, la providence personnelle, la divination des moyens qui 
sauvent ou augmentent la vie. 


a 


— 185 — 


Un Américain imagine avec beaucoup de vraisemblance qu'entre la vie 
et la mort, il y a nombre d'états intermédiaires, que ces mots sont 
tout relatifs. La vie morte, et la mort vivante, la pensée vague, 
inconsciante, le rêve impuissant pour agir, et même se comprendre 
bien, s’analyser, ce sont des choses qui doivent se trouver dans la longue 
existence de ces arbres embaumés pour ainsi dire, autant que les momies 
d'Egypte, mais qui vivent pourtant sous leur masque muet. 


C’est un crime de blesser larolle. Il est le seul des arbres qu'on ne 
refait jamais. 

Qui plantera celui qui n’atteint qu'en cent ans la grosseur du poignet 
de l’homme? Dans notre époque utilitaire, pressée, qui songera aux 
générations à venir? 

Mais d’autre part, on cherchera en vain à remplacer l'arolle. En vain 
on essayera du léger bouleau (de peu d'âme), et d’autres pauvres bois 
du Nord. Ils sont tous impuissants à rester là. Le glacier les réduit à 
l’état d’avortons, de nains. Mais le soleil surtout leur est mortel, terrible; 
il peut, à certain jour, les anéantir d’un regard. 

L’arolle, contre les deux, le trait aigu du froid, le foudroyant soleil, 
luttait et tenait bon. Il a été, depuis que les Alpes sont Alpes, gardien 
de la montagne contre les deux destructions. 

Il vivait au loin et au large dans son royaume de forêts. Il montait 
aux glaciers, descendait aux vallons, jusqu’en pleine Italie. I] fut le fort 
atlas qui, pour quelques mille ans, soutint les pentes du sud, si rapides 
et si ravinées. A mi-hauteur du précipice, il étreignait le roc, comme 
d’une griffe d’aigle ou de condor, arrêtait les torrents de pierres. La 
montagne pendait sur lui. 

Le malheur de l’arolle est celui des héros. Si fort contre les coups du 
sort, traversant une vie si dure d'épreuves et de combats, il garde le 
cœur tendre. Il est attaquable au dedans. Son bois agréable, odorant, 
d’un tissu fin, égal, a ce grave malheur de n'avoir nul défaut, de se 
travailler aisément. On le coupe sans peine, et on le sculpte, comme on 
veut. De là ces sacriléges. Un berger imbécile de son couteau grossier, 
dans cette œuvre des siècles, taille de grotesques chamoïis, des moutons 
ridicules, qui vont se vendre à Vienne, à Nuremberg, au Rhin. Demain 
la sotte mère à l'enfant destructeur, — pour être, en poupée, démembrée, 
jetée au vent, brülée, — donne ce cœur profond qui défendit les 
Alpes! 

Palladium sacré. Lui vivant, la contrée se soutient, vit encore. Lui 
mourant, elle meurt, dépérit peu à peu, ct, le dernier coupé, dispa- 
raitra le dernier homme. 


— 186 — 


. . L . , . . . . . + . 0] . . . 


Après mon travail du matin, Je sortais seul, et passant le torrent, je 
remontais un peu en face pour faire visite à la forêt, saluer mes arolles, 
converser avec eux. Ces beaux arbres clair-semés, dans la vieille forêt, 
souffraient de la dégradation visible de la montagne. Plusieurs, le pied 
dans les tourbières, le tronc surchargé de mousses, les bras drapés triste- 
ment de lichens qui peu à peu dominent et les étouffent, n’exprimaient 
que trop bien l’idée qui me suivait, depuis ma lecture de Candolle : « La 
vulgarité prévaudra. » 

Is étaient tristes. Je leur dis : « Chers arbres, vous me semblez des 
hommes. Votre forêt maladive me rappelle la forêt humaine. Ce que 
vous souffrez, c’est le trait universel du siècle. Siècle ingénieux, in- 
ventif; mais il semble aimer peu le grand. Nul n’a travaillé si bien à 
applatir tout ce qui s'élevait. Nul ne prit tant de soin à détruire les 
races héroïques, extirper le héros. 

La plaine est maitresse du siècle, et fait la guerre à la montagne. 

La montagne du Caucase, où naguère brillait la plus belle, la plus fière 
des races blanches; 

La montagne de la Crète, le seul pays où la Grèce (partout ailleurs 
mélangée) était restée pure encore; 

La montagne Scandinave, les iles des vieux rois de la mer; 

Tout cela est rasé, détruit, ou va l’être en peu de temps. 

Où sont les nobles Indiens de l'Amérique du Nord? Où sont les Gallois 
(dont la fille a donné le grand Shakespeare ?) Où sont les Highlanders? 
dépouillés par l'Angleterre, morts pour elle à Waterloo ? 

Le platt-deutsch marche au nord, pour raser le pays d'Hamlet. La plate 
plaine de Russie va mettant à son niveau et la terre de Sobieski et la terre 
de Charles XII. 

Une ville existait au monde qu’on aurait pu appeler la montagne de 
l'esprit. Un jet de flamme en sortait qui a éclairé la terre. Demain, à la 
même place, sera la vulgaire auberge des tourbes, riches et grossières, qui 
viennent mépriser et Jouir . . . . . . 


. + e » . e . . e 


NOTE. 


Ces pages sont détachées du livre la Montagne, par M. J. Michelet, 
l’austère historien qui se délasse parfois à publier l’Oiseuu, l’Insecte, 
la Mer ! Ce sont comme deux ou trois pétales cueillis sur une Rose; 
elles rappellent la fleur à qui la connaît; elles ne suffisent pas pour 
la représenter à l'imagination la plus poëtique. Ces livres apparaissent à 
peu près chaque année au printemps, comme les fleurs de l’Amandier 


— 187 — 


dontils ont la fraicheur etla saveur excitante. Sage et expérimenté quand il 
plonge le regard sur l’histoire des hommes, Michelet devient comme un 
enfant quand il est en face de la nature. Son cœur est simple et ingénu, 
et la nature se reflète dans ce miroir limpide ; le grand artiste s’éprend 
alors, de cette image, et, de main de maître, la fixe sur sa toile à lui : le 
papier. Sa plume s’imbibe à la palette de son imagination de toutes les 
couleurs de l'iris. Il a déjà composé quatre tableaux, tableaux de genre, 
le genre naturel, le vrai : l’Oiseau, l’Insecte, la Mer, la Montagne! C'est 
comme un quadrige dont le génie tient les rênes et prêt à s'élancer vers 
l'infini. 

Le génie n'est pas seul à l’éclairer; une Muse aussi l'inspire, Muse 
discrète qui parle bas à l'oreille du cœur. L'Amour et l'Enfant sont 
de la partie. 

Cependant nous l'avons aussi entendue cette Muse, alors que, sensible 
et impressionnable, elle se révoltait au spectacle de l'insouciance des 
hommes et de l'égoïsme de l'humanité. Elle a parcouru lâpre Engadine : 
elle y a vu la Nature aux neuf mamelles, luttant contre la mort et le 
désert pour maintenir dans la vie universelle ce rude sommet des Alpes, 
pour conserver des berceaux aux enfants du pays; l'Arolle et le Melèze 
sont ses armes : ils couvrent la roche nue, ils repoussent la neige éter- 
nelle, ils arrêtent l'avalanche. Ces missionnaires de vie devraient être 
sacrés et pourtant les enfants même du pays, dans leur sotte ingratitude, 
les tuent sans merci. C’est alors que, nous montrant du doigt la mort de 
la montagne, la décadence de l’Engadine, cette Muse nous à dit : « Ce 
« sont là des questions bien dignes d'occuper les esprits... L'Arolle 
« périt, en Engadine, non du froid, non des ravages de l’avalanche, 
« mais de la main de l’homme. On prodigue sans discrétion ces héros, 
« on les livre à la dent, au piétinement des moutons bergamasques. A 
« peine sortis du sol, les petits Arolles sont dévorés. Leurs pères périssent 
« autrement: sous la hache. Quelques esprits hardis réclament, pré- 
« disent la mort de l'Engadine, par la mort de ses Arolles. En vain; les 
« divisions sont plus fortes que les intérêts. — Si le secours ne vient 
« du dehors, les glaces, les neiges, d’ici à peu, s’étendront sur un 
« désert. — Vous êtes des amis de l'Engadine. A côté de vous, le Rhin 
« a fait une bonne part de la Hollande et sa riche fécondité. 

« Je ne sais personne chez elle pour lui signaler le malheur d'un 
« pays qui se voit mourir en pleine vie. Mais je suis sûr que, sachant 
« tout ce que vaut l’Arolle et ce que le sort lui réserve, vous voudrez 
« bien le défendre. 

Périsse l’Arolle et l'Engadine, répondit un enfant du siècle, insouciant 
du lendemain! 

La muse, tristement reprit : 

« La nature a ses morts naturelles qui sont ses assolements périodi- 
« ques. On le voit très-bien dans plusieurs contrées où les essences 


« 


— 188 — 


d'arbres s'échangent après une vie d’un certain nombre de siècles. — 
Mais avez-vous jamais vu que la nature détruisit d'elle-même ses 
forêts? Son vœu serait, au contraire, d'en couvrir le monde. — Que 
l'émigration se fasse dans les pays où l’homme n'a pas créé irrévoca- 
blement le désert, et la terre laissée à sa production instinctive, 
refera l'arbre, le taillis, la forêt. Pour ne parler que de l’'Engadine, 
malgré la rudesse de son climat, le Mélèze et l’Arolle en avaient fait 
leur patrie. Les anciens montrent tous les versants peuplés naguère 
de ces courageux lutteurs. — Avec eux, on n'avait rien à craindre 
du sauvage élan de lavalanche et de la fureur des torrens. — Aujour- 
d'hui que ces héros s'en vont, le Bernina n’est plus comme le 
St. Gothard un pacifique distributeur des eaux. Le Rhin semble un 
mauvais génie; il bondit à travers les ruines. Dans l’étroit corridor 
de la Via Mala il a entassé de si épouvantables éboulemens, qu'il ne 
sait plus où faire courir ses caux. Devant Coire, il laisse une crau 
immense, grise, triste, où se trainent de malheureux aulnes flagellés 
d’un vent éternel. Vous savez ce qu'il fait en Hollande, où trop pesant 
encore de son limon, il n'arrive plus à la mer, s’extravase en marais 
fièvreux. 

« Dès sa source même, on voit l’image hideuse de la dévastation. 
Partout où l’Arolle a cédé, la montagne montre ses os. Elle est 
effrayante sous ses ombres noires. C’est une morte qui fera des morts, 
ensevelira les vallées. 

« Laissez-nous si vous voulez la pitié, mais parlez pour l’Arolle au 
nom de la science; montrez les désastreuses conséquences d’une telle 
disparition, non-seulement pour l’Engadine, mais pour une grande 
partie de l'Europe. » 

Cette voix est entrainante, persuasive. Elle dit aux hommes d’être 


sages. Scra-t-elle entendue? 


HYDROSCOPIE. 


Action de la baguette de noisetier. 
Charlieu, le 17 octobre 1867. 
A MONSIEUR LE RÉDACTEUR DU SUD-EST, 


Dans la dernière livraison du Sud-Est, vous avez publié un article 


sur l’art de découvrir les sources, qui m’a remis en mémoire une expé- 
rience à laquelle j'ai pris part et qui a les plus grands rapports avec la 
méthode et l'instrument de M. l’abbé Carrié. 


es 


; -— 189 — 


Tout le monde a entendu parler, et moi-même dès ma jeunesse par 
ma.mère et par d'autres, de la découverte des sources au moyen de la 
baguette; mais je regardais tout cela comme du charlatanisme jusqu’à 
ce qu'un essai fait sous mes yeux m'eût prouvé qu'il pouvait y avoir du 
vrai. J'étais dans un de mes prés, près de Charlieu (il y a de cela 12 à 
15 ans), avec un ouvrier de confiance, occupé à tirer le meilleur parti, 
pour l’arrosement, d'une source qui s’y trouve. J'aurais désiré surtout 
la retrouver et la faire ressortir plus haut, afin qu’elle püt arroser une 
plus grande étendue de terrain. A ce sujet, je dis à l'ouvrier en 
riant : « Si nous avions quelqu'un pour faire tourner la baguette! 
Aussitôt il me répondit à mon grand étonnement. » Oh! Monsieur, 
je la fais tourner. — Comment, père T., vous êtes sorcier, 
et depuis longtemps que je vous emploie, je ne l'avais pas entendu 
dire? — Monsieur, je ne suis pas sorcier, mais je fais tourner la 
baguette; il n’y a que quelques années que je me connais cette vertu et 
je n’en fais pas usage. » Il m'expliqua alors qu’il avait fait venir, chez 
lui, il y avait déjà longtemps, un homme pour lui faire un puits; que 
cet homme faisait tourner la baguette et avait, par ce moyen, découvert 
près de sa maison une source profonde, qu'il n'avait pu utiliser, faute 
d'argent; que cet homme avait fait essayer la baguette à lui et à d’autres; 
qu'elle tournait entre les mains des uns et pas entre celles des autres, et 
parfaitement entre les siennes, de lui qui me parlait. Je demandais 
alors au père T. quelle espèce de baguette il lui fallait. Une simple 
baguette de noisetier, fourehue, me dit-il. « Eh bien, elles ne manquent 
pas dans la haie voisine, allez-en couper une et faisons-en l'essai sur-le- 
champ. » Aussitôt dit, aussitôt fait ; la baguette fut coupée tout près de 
l'endroit où elle se bifurquait. Il saisit les deux bouts des branches 


entre ses mains renversées, les tenant dans ses poignets fermés de ma- 
nière à les rapprocher de la ligne horizontale, le pouce placé longitu- 
dinalement sur le bout du bois, comme l'indique la figure ci-contre, 


— 190 — 


et la naissance de la fourche en Pair. Dans cette attitude, il se promena 
quelque temps en travers du pré. Arrivé à un certain point, il me dit : 
« Elle tourne; voyez Monsieur, elle tourne. » La naissance de la fourche, 
qui était d'abord en haut, se renversait, en effet, peu à peu en bas. 
« Elle tourne, lui dis-je, parce que vous la faites tourner. — Non, 
Monsieur, au contraire, je la tiens de toutes mes forces et elle tourne 
malgré moi. » Effectivement la baguette se tordait entre ses mains, et en 
même temps il éprouvait, à ce moment, une espèce d’oppression, un 
frémissement nerveux, très-sensible. Je fis répéter l'expérience à plusieurs 
reprises, elle eut toujours licu de la même manière. En certains endroits 
et non dans d’autres, la baguette se tordait pour ramener en bas le 
milieu qui avait été mis en haut. Elle faisait un demi-tour et non un 
tour complet. Je le fis placer sur un fossé où l’eau courait à découvert, 
mais 1à, à mon grand étonnement, la baguette ne fit aucun mouvement. 
J’essayai si la baguette tournerait entre mes mains; elle ne bougea pas. 

Dans l’après-dinée, je parlai de ce que j'avais vu à l’un de mes con- 
citoyens de Charlieu, des plus honorables et des plus instruits, et je 
l'emmenai sur les lieux où l’ouvrier continuait son travail du matin. 
Devant lui, les expériences furent répétées. Il fut comme moi persuadé 
qu'il n’y avait pas de charlatanisme de la part du père T. Comme moi, 
il voulut faire l'essai personnel de la baguette; mais elle resta immobile 
entre ses mains comme entre les miennes. Le père T., qui avait alors 
70 ans, est mort quelques années après. Il en avait plus de 50 lorsqu'il 
découvrit, par hasard, son aptitude à faire tourner la baguette, et quand 
il l’employa, chez moi, c'était la seconde fois de sa vie. Je n’ai pas oui 
dire, quoiqu'il ait continué de travailler chez moi jusqu’à la veille de 
sa mort, qu'il en ait jamais fait usage. Sa bonne foi me paraît donc 
hors de tout soupcon, et puis, mon ami et moi, primes des précautions 
assez grandes avec lui, quoique nous eussions tous deux confiance en sa 
sincérité! L’essai qu'il fit devant moi de la baguette a été le premier 
dont j'aic été témoin. Dès lors, je commencai à penser, comme M. l'abbé 
Carrié, qu’il y avait là une influence électro-magnétique, provenant de la 
source même, et sans croire tout ce qu'on dit des vertus de la baguette, 
je suis resté persuadé qu’il s’y trouve du vrai. Il y a là des études à faire, 
et pour ceux à qui la baguette suffirait, elles ne seraient pas dispen- 
dieuses. Comme vos bureaux sont le centre de grandes relations, j'ai 
eru, Monsieur, que vous pouviez, dans l’occasion, en tirer parti auprès 
des personnes qui s’occuperaient d’hydroscopie d’après les idées de 
M. Carrié. — J'ai l'honneur, ctc. 


DESEVELINGES, 


Propriétaire à Charlieu, abonné au Sud-Est. 


Nota. — Cette communication intéressera, au moins, les personnes 
qui font tourner les tables. 


— 191 — 


ÉNUMÉRATION DES POIRES 
Décrites et fiqurées dans le Jardin fruitier du Muséum. 
par M. J. Decaisxe ®). 


277. P. Mauxion. Fruit d'été, moyen, maliforme ; à queue courte, ordinairement 
charnue, enfoncée dans le fruit ; à peau jaune, pâle à l’ombre, rousse au soleil, 
marquée d’une large tache autour du pédoncule ; à chair fondante, parfumée. 


Arbre productif. 

Fruit mürissant à la fin d’août. 

Chair blanche, fondante, très-juteuse; eau sucrée, peu acidulée, par- 
fumée d’une saveur particulière et qui rappelle un peu celle des Amandes 
amères. — Excellent fruit. 

« Beurré Mauxion. C’est en 1849 que nous avons découvert cette 
variété exquise dans une haie du jardin de M. Mauxion, maire à Orbigny 
(Indre et Loire.) — L'arbre primitif peut avoir environ 40 à 50 ans et 
n'a jamais été greffé ; il produit abondamment en plein vent et forme 
aussi de belles pyramides. Le bois et le feuillage ont un peu d’analogie 
avec ceux du Beurré d’Amboise, mais les yeux sont plus aplatis et 
les rameaux plus élancés. — Le fruit offre la forme du Doyenné; son 
épiderme est jaune verdâtre clair à l’ombre, jaune clair marbré de 
rouge tendre du côté du soleil et parsemé de nombreuses et petites 
taches rouges clairs et brunes ; le pédoncule est gros, de 5 à 8 millim., 
prenant naissance dans une cavité peu profonde ainsi que l’ombilic; la 
chair est très-fine et très-fondante; l’eau est abondante et des plus 
parfumées. — La maturité de ce bon fruit a lieu vers la mi-septembre ; 
toutefois on peut le conserver jusqu’à la mi-octobre, lorsqu'on a soin 
de le cueillir quelques jours avant sa parfaite maturité. » Dupuy-Jamaix, 
Suppl. au Catal. génér. p. 5 (1855). 


278. P. D'Ane. Fruit d'été, allongé ; à queue oblique, de longueur variable, insérée 
en dehors de l’axe du fruit; à peau verte à l'ombre, rouge vineux sombre au 
soleil; à chair verdûtre, fondante, sucrée, acidulée. 


Arbre de grande dimension, propre à former des plein-vents. 
Fruit mürissant au commencement d’août, allongé régulier. 


Chair d’un blanc verdâtre, fondante, très-juteuse, mais à suc acide et 
légèrement astringent. 


(1) Livraisons 91 et 92. 
(2) Voir a Belgique horticole, 1867, p. 287. 


— 192 — 


Depuis plusieurs années cette poire apparaît en immense quantité dans 
les rues de Paris et s’y vend à raison de 20 centimes le demi-kilogramme. 
Elle nous arrive des environs d'Angers, de Saumur, de la Flèche, où il 
n’est pas rare de rencontrer des arbres qui comptent, dit-on, plusieurs 
centaines d'années. On ne peut reprocher à la poire d’âne que sa trop 
grande acidité, car elle a l'avantage de pourvoir se transporter et de se 
conserver très-facilement. Malgré quelques points de ressemblance avec 
la Poire d'âne, je crois néanmoins que le fruit décrit par Bauhin se rap- 
proche davantage, malgré son époque de maturité, des Certeaux, que l’on 
désigne dans quelques provinces de France sous le nom de Cuisse-Dame, 
et qui sont des poires de fin d’automne ou d'hiver. 

279. p. pix(1). Fruit d'automne, oblong ou un peu ventru ; à peau jaune citron à 
l’ombre, jaune indien ou orangé au soleil, parsemée de gros points entremélés 
de taches fauves et rudes; à queue droite ou oblique, insérée dans une petite 
cavité irrégulière; à chair fondante, très-juteuse, parfumée. 

Arbre pyramidal. 

Fruit commencant à mürir à la fin de septembre. 

Chair fondante ou demi fondante, très-juteuse, eau sucrée, acidulée, 
parfumée, fenouillée, non musquée. — Très-bon fruit. 

Ce bon fruit se présente souvent sous la forme d’une belle Poire de 
Saint-Germain, mais l'époque de maturité en est fort différente; il ne 
m'est jamais arrivé, en effet, de conserver des P. Dix au-delà de la mi- 
novembre, et sa maturité ordinaire à lieu dans le courant de septembre. 
On lui donne souvent pour synonyme le Lewis Pear, bien que ce nom ait 
été donné à un tout autre fruit décrit dans la Pomona de Langley 
en 1729. Quant au nom de Leurs que porte également le P. Dix, il ne 
faut y voir qu’une altération du mot Lewis. 


280. P. Van Assche (2). Fruit de fin d'été, moyen ou gros, turbiné ou arrondi, 
déprimé du côté de l'œil; à queue de longueur variable; à peau jaunûtre, 
parsemée de nombreux points bruns gercés, quelquefois teintée de rouge-pâle 
au soleil ; à chair fondante, très-juteuse, mais peu relevée. 


Arbre vigoureux et très-fertile. : 

Chair blanche, fine fondante, très-juteuse, sucrée-acidulée, légère- 
ment anisée, mais ordinairement peu parfumée. 

Cette variélé ressemble à la P. Delamotte mais elle se recommande 


néanmoins par la finesse de sa chair et l’abondance de son eau. Elle à le 
défaut de blettir trés-vite. 


(1) Dédié à Madame Dix, de Boston. : 
(2) Van Assche (Henri), paysagiste distingué, né à Bruxelles, le 28 août 1775, mort 
dans la même ville, le 9 avril 1841. 


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DIGITALIS PURPUREA 
VAR. BEAUTE DE DORKING. 


— 195 — 


HORTICULTURE. 


NOTE SUR LA DIGITALE BEAUTÉ DE DORKING. 


DIGITALIS PURPUREA L. var. Horr. 


Planche XIE. 


» a digitale pourprée est la plus belle fleur de 
V9. notre Flore rurale. Elle affectionne, sur les 
2 LES coteaux schisteux, la lisière des bois où elle 
| élève fièrement ses grappes rubicondes : avec un 
peu d’ombre et de fraicheur elle peut atteindre près de 
deux mètres d'’élévation et donner une centaine de 
fleurs sur une seule tige. Elle abonde dans la vallée de 
fa l’Ourthe où elle brille de tout son éclat pendant le mois 
WE de juillet. Cà et là on en voit de blanches, d’une pureté 
exquise, qui contrastent avec leurs sœurs vermeilles. 

On la cultive quelquefois dans sa forme naturelle : 
on affectionne, dans les jardins, la variété blanche, parce qu’elle est plus 
rare. L'une et l’autre sont faciles à conserver. La plante est vivace : elle 
se propage par division du pied ou par graines. Elle aime un sol 
schisteux ou au moins un mélange de limon et de terreau. 

Si on la cultivait davantage elle donnerait bientôt des variétés horti- 
coles qui seraient recherchées. Celle que nous publions aujourd’hui, 
d’après le Floral magazine, en est un exemple et une preuve. Elle est 
d'origine anglaise et le modèle de la planche a été fourni par 
MM. Ivery à Dorking. Son coloris marbré remet en mémoire celui de 
certaines calcéolaires herbacées. Les Digitales et les Calcéolaires sont en 
effet de proches parentes dans la même famille. On sait combien les 
couleurs jouent sur les corolles en cothurne des calcéolaires herbacées : 
elles pourraient varier autant sur les fleurs digitiformes. On y viendra 
par des croisements et par des semis souvent répétés. 

Nous ne savons pas si la Digitale Beauté de Dorking est déjà dans le 
commerce, mais les marchands-grainiers peuvent aisément l’y introduire 


en la faisant venir d'Angleterre. 
15 


— 194 — 


On devrait s'efforcer aussi de procurer aux amateurs des graines de 
l'admirable Digitalis sceptrum de Madère, la plus belle de toutes, comme 
un sceptre de quelque Dieu olympien, et qu’on pourrait cultiver comme 
la campanule pyramidale. 


BULLETIN. 


Un grand prix de 500 francs, offert par la Fédération des So- 
ciétés d’horticulture de Belgique, est mis au concours le 45 août prochain 
par la Société royale d’horticulture d’Anvers, pour une collection de 
50 plantes de serre à feuillage panaché ou coloré, remarquables par la 
force des exemplaires, la perfection de la culture et le choix des espèces. 
— Le prix pourra être converti, au choix du lauréat, en une médaille 
en or frappée au module et à l'effigie de la Fédération. — Tout 
amateur ou horticulteur, membre d’une Société fédérée, pourra prendre 
part à ce concours. — Un rapport détaillé sera fait de ce concours et 
inséré dans le Bulletin de la Fédération. — L’exposant est prié d'adresser 
un bordereau détaillé de son envoi à M. R. della Faille, secrétaire de la 
Société d’horticulture, 7, Marché aux Grains, à Anvers, le premier août 
au plus tard. Toutes les plantes devront être adressées (Franco) au local 
de l’exposition (Société royale d'harmonie) le 13 août, terme derigueur, 
et étre enlevées le 19 du même mois. 


Une monographie des Agave occupe depuis plusieurs années 
M. le lieutenant-général de Jacobi, à Breslau (Prusse), dont beaucoup 
d’entre nous ont pu apprécier les éminentes qualités aux réunions de 
Namur, de Bruxelles, d'Amsterdam, de Gand, etc. M. de Jacobi a déjà 
publié des notices sur les Agave et il a visité la plupart des collections 
importantes de l’Europe. Il vient d'adresser une circulaire à tous les 
directeurs et chefs de culture, horticulteurs et amateurs de ces belles 
plantes à l'effet d’être renseigné sur les floraisons d’agaves qui pourraient 
se produire sous leurs yeux. L’honorable général demande qu'on le 
prévienne de cette circonstance et. dans le cas où la floraison serait 
nouvelle ou particulièrement intéressante, qu’on veuille bien lui envoyer 
quelques fleurs, fraiches ou à l’eau de vie selon l'éloignement, et enfin, 
une photographie de 10 à 15 centimètres ct dont il s’engage à supporter 
les frais. Les renseignements ainsi recueillis lui serviront à la rédaction 
d’une monographie de ce genre remarquable qui compte beaucoup 
d'amateurs enthousiastes. 


Un nouveau Bulletin de la Fédération des Sociétés d'hor- 
ticulture de Belgique vient de paraître. C’est un recueil de mé- 
moires couronnés et de communications. On y remarque d’abord un 


— 195 — 


traité d’Esthétique florale, par M. E. De Puydt. Le beau dans les plantes 
et particulièrement dans les fleurs simples ou doubles, tel est le sujet de 
cette étude difficile. 11 faut être artiste, poëte, lettré et savant pour 
l'aborder, toujours rester simple en s’élevant à de grandes hauteurs ; 
écrire de manière à révéler au lecteur les pensées vraies qu’il a sans 
s'en rendre un compte bien net. M. De Puydt, qui occupait déjà le 
premier rang dans la littérature horticole de notre pays, a tout simple- 
ment rempli ce programme. 

Vient ensuite une monographie botanique et horticole des plantes 
potagères de la famille des Composées, par M. Eugène Van Berchem. 
En termes moins scientifiques, il s’agit d’une histoire détaillée de 
la Chicorée, de l’Endive, de la Laitue, du Salsifis, du Scorzonère, 
de l’Artichaut, du Topinambour et d’autres utiles et intéressants 
légumes d’une famille fort généreuse envers nos jardins potagers. La 
monographie consciencieuse de M. Van Berchem a été encouragée par 
la Fédération qui lui a accordé un prix important. 

Les Notes sur l'horticulture à Londres, par M. E. Mertens, ancien 
élève de l’école de Gendbrugge, sont bien écrites et révèlent chez ce 
jeune homme les meilleures dispositions. 

Le volume est terminé par une Flore exotique, catalogue raisonné des 
plantes qu'il convient de cultiver dans les serres d’un jardin botanique, 
par M. Ad. Schnizlein, professeur à l’Université de Erlangen, en Bavière, 
édition francaise, publiée par M. Ed. Morren. Ce travail est vraiment 
important : sa composition a dû réclamer beaucoup de temps : il ne 
contient pas un mot qui ne soit le résultat d’une longue recherche. Sa 
rédaction française et la correction des épreuves nous ont occupé presque 
une année tout entière. Ce livre manquait et sera souvent consulté. 
C’est une liste raisonnée, scientifique, méthodique et annotée de toutes 
les plantes dont il convient de peupler les serres de tout établissement 
destiné à l'instruction. Sur ce fond là, chacun peut ajouter et accumuler 
à sa convenance, suivant ses ressources, son goût ou les circonstances 
particulières, mais il faut au préalable se borner à le réunir. C’est en 
quelque sorte l’inventaire général d’une école de botanique exotique. Il 
est difficile qu'un pareil ouvrage soit parfait dès le premier moment : 
nous travaillerons à le perfectionner en vue d’en publier une deuxième 
édition. Nous avons aussi commencé Ja rédaction, sur un plan analogue, 
d’une école de botanique pour la pléine terre. 


Les parcs et jardins par M. F. Duvillers(!). La publication 
de M. F. Durvillers, que nous nous sommes fait un devoir d'annoncer 


(1) Grand in-folio. A Paris chez l’auteur, 15, Avenue de Saxe, et aux bureaux de la 
Belgique horticole. 


— 196 — 


naguère, a obtenu le plus légitime succès : elle continue régulière- 
ment au milieu des sympathies générales et des encouragements les plus 
flatteurs. Nous venons de recevoir quatre nourelles livraisons formées 
chacune de deux planches et de deux feuilles de texte. Les planches sont 
gravées avec le plus grand soin, d’une grande douceur de trait et avec une 
entente parfaite de ce genre de dessin. Les plans sont accompagnés des 
coupes de nivellement, des vignettes et de légende. Le texte de l'ouvrage 
est clair, simple, instructif et intéressant. L'auteur a su éviter l’aridité 
qui paraît inhérente au sujet. 

Les principales créations détaillées dans les plus récentes livraisons, 
sont les suivantes : 

Parc du château de Belan-sur-Ourge, à M. le baron d'Herlincourt. 

Parc de Villequoy (Seine et Oise) à M. Ch. Costa. 

Parc de Suresne (Seine) à M. le baron de Rothschild. 

Jardin paysagiste, à Sevran (Seine et Oise) à M. E. Porché. 

Jardin de communauté et de maison d'éducation, rue des Postes, 
à Paris. 

Ecole de botanique de l'institution de M. Poiloup, à Paris, 

Jardin Parc-paysagiste à Sécheron sur le Lac Leman, appartenant à 
M. Duroux. 

Jardin paysagiste à Limeil-Brevannes (Seine et Oise) à M. Chersi. 

On voit que les genres les plus variés sont abordés dans cette publica- 
tion; c'est particulièrement dans le parc-paysager que M. Durillers 
excelle. Il connait parfaitement la végétation arborescente, dont il dis- 
pose les massifs en véritable artiste, de manière à faire un tableau de 
chacun de ses jardins. 

Cet ouvrage sera utilement consulté, non seulement par les architectes 
de jardins, mais aussi par les propriétaires eux-mêmes ; c'est, en outre, 
un véritable album de Salon. 


Le Bulletin de l'Institut agricole de FEtat à Gembloux 
(Bruxelles chez H. Manceaux, 1868, 1 vol. in-8°), est une publication nou- 
velle destinée à faire connaître l’école de Gembloux, au double point 
de vue pratique et scientifique. Elle est rédigée par les directeurs, pro- 
fesseurs et répétiteurs de l'établissement. Le premier volume, qui con- 
cerne les années 1860-1867, donne tous les renseignements organiques 
et adminis‘ratifs concernant l'institut et la ferme école, les programmes 
détaillés de l’enseignement oral et pratique, enfin des notes et des 


mémoires par MM. Fouquet, Levder, Warsage, Damseaux, Tommeliers 
et Malaise. 


Bibliothèque Lindley, à Londres. — Encore un exemple de 


la puissante initiative, de la grandeur des moyens et de l'esprit pratique 
des Anglais. 


LL MUET  A shho fe à 1.4 médias Ress 


— 197 — 


L'exposition internationale de Londres, en 1866, a laissé en fin de 
compte, au comité qui l'avait spontanément organisée un bénéfice de 
2850 livres; plus de 71,250 francs! Sur cette somme, 1000 livres, ou 
25000 francs ont été versés à la caisse de secours pour les jardiniers 
(Gardeners” Benevolent Institution), institution récente, née de l'ini- 
tiative privée, et déjà richement dotée. Restaient 46,250 francs. Le 
comité a décidé de les appliquer à la création d’une bibliothèque horticole 
qui sera annexée à celle de la Société royale d’horticulture, mais qui 
restera placée sous une administration spéciale. On lui a donné le nom de 
bibliothèque Lindley, « Lindley library » en témoignage du respect dont 
la mémoire de ce botaniste est entourée. Sa bibliothèque particulière, 
acquise pour 600 livres, en constitue le premier fond. Elle s’accroitra 
indéfiniment au moyen de dons et de souscriptions. Elle sera accessible, 
sous certaines conditions, à tous les membres de la Société royale d'hor- 
ticulture et à d’autres personnes. Elle sera placée sous la direction de 
sept administrateurs, qui sont : 

MM. W. Wilson-Saunders, Esq. vice-président de la société royale 
d'horticulture. 

John Clutton, Esq., trésorier de la société royale d'horticulture. 

Colonel D. Scott, ingénieur roval, secrétaire de la société royale 
d'horticulture. 

D'R. Hogg, Esq. 

D' Maxwell T. Masters. 

Thomas Moorc Esq. 

Ce comité a nommé président sir C. Wentworth-Dilke, Bart. M. P. 

Il à fait immédiatement un appel au public pour recevoir des dons en 
faveur de l'institution nouvelle appelée à rendre de grands services à 
l'horticulture et à la botanique. Sa Majesté la Reine a donné l'exemple, 
en souscrivant pour 25 guinées qui doivent servir à l'acquisition d’un 
ouvrage de botanique de la même valeur. D’autres ont suivi, on cite déjà 
MM. G. Bentham, Berkeley, Bradbury, Clutton, Wentworth-Dilke, Flad- 
gate, R. Hogg, D. Hooker, Johnson, Th. Lee, N. Lindley, D' Maxwell, 
Th. Moore, E. Morren, W. Saunders, Scott, Williams, M** Chatfeld et 
Inwood. 

Les communications doivent être adressées : « {o the Trustees of the 
Lindley Library, Royal Horticultural Society, south Kensington, 
London, W. » 

La bibliothèque Lindley restera comme un mémorable et permanent 
souvenir du congrès et de l’exposition de Londres en 1866. C’est à la 
fois un monument de reconnaissance envers Lindley et d'utilité publique 


. en faveur de la science. Le mérite de ectte fondation revient tout entier 


au comité de 1866. 


MM. James Veitch et fils (Royal exotic Nursery, Kings Road, 


— 198 — 


Chelsea S. W. London) viennent de publier le catalogue illustré de leurs 
plus belles nouveautés. On y trouve l’image des Abutilon Thompsonii, 
Adiantum concinnum latum, Alocasia intermedia, Alocasia Jenningsti, 
Ancylogyne longiflora, Begonia boliviensis, Davallia parvula, Selaginella 
Poulterii, Croton interruptum, Croton irregulare, Retinospora filicoides, 
Begonia Veitchi, Clematis John Gould Veitch, Dracaena regina. Ensuite 
la description horticole de maintes introductions récentes. 


MM. E. G. Henderson et fils (Wellington Road, S' John's Wood, 
London, N. W.) ont distribué récemment leur catalogue (n° 155) pour 
1868 ; cette maison a la spécialité des plantes de floriculture. Nous avons 
remarqué : Pelargonium Madame Rose Charmeux, reticulatum, Prin- 
cess of Wales, la Verveine Cherry Ripe, le Petunia Lady Moncrieff, 
le Tropaeolum étoile de feu, ete., etc. 


NOTICE SUR LA DRAVE VIOLETTE. 


Draba violacea DC. 
Figurée planche XIV, n° 1. 


C’est un tout petit arbrisseau, d’un pied environ de hauteur. Il a été 
découvert par Humbold et Bonpland, près de Quito et figuré en 1857 
par S. W. Hooker dans ses Icones plantarum (tab. 55). Il a été retrouvé 
depuis peu par le professeur Jameson, de la capitale du Chili, qui en 
a envoyé des graines à son ami, M. J. Anderson Henry, à Hay Lodge, 
près d’Edimbourg, celui-ci en a transmis des plantes à Kew : l’'éminent 
directeur de ce jardin, M. J. Dalton Hooker ayant vu fleurir le Draba 
violacea au mois de mars 4867, lui a immédiatement donné place dans 
le Botanical Magazine (1867, pl. 5650). 

La Drave violette mérite, en effet, d’être signalée avec honneur : c’est 
une heureuse acquisition pour la pleine terre et pour la flore printan- 
nière des jardins. Elle peut former de gracieuses corbeilles comme 
plusieurs autres crucifères. Le feuillage est tomenteux : les feuilles 
petites, obovales, entières. Les grappes sont feuillues : les fleurs grandes, 
d’un beau violet. 

Le Draba violacea croît dans les Andes du Chili à la plus grande 
hauteur possible pour les Phanérogames, c’est à dire à 13 ou 15000 pieds 
d’élévation au-dessus du niveau de la mer. C’est assez dire qu’il est une 
plante alpine. 

Il ne tardera pas sans doute à sortir du jardin de Kew pour entrer 
dans un grand nombre de jardins où il éclipsera les Draba aizoides L. 
et repens B1eB. anciennement connus. 


I DRABA VIOLACEA DC. 


EPIMEDIUM ALPINUM Var RUBRUM. 


2 


— 199 — 


NOTE SUR L'ÉPIMÉDE DES ALPES A FLEURS ROUGES. 
Epimedium alpinum L., var. rubrum. 
Figuré PI. XIV, n° 2, 
D'après le Boranicaz Macazine. 


Epimedium rubrum, Morrex, in journ. d'horticult. 1844. Recez, 
in {nd. sem. Hort. Petrop. 1856, p. 33. Gartenflora, 1857, p. 21. — 
Ep. alb. var. rubrum, Bot. Mag. 1867, pl. 5671. 


M. Hooker dit avec raison que cette plante herbacée, rustique et fort 
élégante est également appropriée pour les parterres ombragés ou les 
rocailles et pour la décoration des serres froides au printemps. Introduite, 
à l’origine, du Japon dans les jardins de St. Pétersbourg, en 1844, elle 
est depuis cultivée en plusieurs autres lieux. Elle fleurit en avril et mai. 
L'ampleur des fleurs et leur coloris rouge le distinguent plus ou moins 
de l’ancien Epimède des Alpes qui est bien connu. 

On devrait cultiver d'avantage les Epimèdes, leurs formes sont parti- 
culièrement gracieuses et conviennent bien pour la culture en pot et 
la décoration des tables : leur feuillage est finement découpé, gracieux 
et en même temps susceptible de se conserver frais pendant fort long- 
temps : les fleurs ont une grâce bizarre. Parmi les bonnes espèces, nous 
pouvons citer ici les £. macranthum, musschianum, pinnatum, viola- 
ceum, diphyllum, et d’autres encore qui ont été décrites dans une mono- 
graphie restée classique de Charles Morren et M. Decaisne. 

Ces plantes aiment l'ombre et une bonne terre légère. Elles vivent en 
pleine terre ou en pot dans une serre froide. 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS, 


par M. DELCHEVALERIE, 


Chef de culture au fleuriste de Paris. 
(Suite, voir p. 149.) 


Juin 1868. 


C'est à cette époque de l’année que les jardins et les promenades 
publiques de Paris sont les plus attrayantes ; le bois de Boulogne, le pré 
Catelan, le bois de Vincennes, etc., nous offrent en ce moment une 


— 202 — 


grandes et belles feuilles cordiformes, longuement pétiolées, recouvrent 
de grands espaces d'eaux. Ses belles fleurs, d’un blanc pur, flottent éga- 
lement sur ces eaux dormantes, et se succèdent en grand nombre à 
cette époque de l’année. Sa multiplication peut se faire d’éclats au prin- 
temps, et de graines qu'on peut semer sur le bord des bassins où elles 
lèvent parfaitement dans l’eau. Nous avons vu au square Montholon, 
une pépinière compacte au fond du bassin, et à plus de un mètre de 
profondeur, de jeunes Nympheas blancs, qui s'étaient semés tout natu- 
rellement sous Île pied mère, et s’y étaient parfaitement développés. 
Dans ces conditions, aussitôt que les jeunes plantes peuvent subir le 
repiquage, on les dispose où on veut les avoir. 

Le Lamier maculé, les Rosiers du Bengale et les Rosiers remontants, 
les Pyrethrum M. Barral et autres, les Yucca gloriosa, pendula, flexi- 
lis, etc., les Lys blanc commun, etc., etc. sont aussi en pleine floraison. 

Les plantes à feuillage ornemental qu’on remarque le plus en ce 
moment dans les jardins de Paris sont les suivantes : 

La Centaurée candide, Centaurea candidissima, à feuillage blanc 
argenté, est l’une des plantes les plus à la mode et les plus recherchées 
pour l’ornementation des jardins. On en forme des corbeilles ravis- 
santes en garnissant les intervalles de Lobelia erinus gracilis, dont les 
jolies fleurs bleues accompagnent avantageusement le feuillage blanchâtre 
de la centaurée. Sa multiplication se fait de boutures en juin-juillet, de 
la manière suivante : on prend les éclats qui poussent ordinairement 
autour du pied-mèére, et on les empote, les plus petits, dans des godets 
de 0,03 centimètres de diamètre, et les plus forts, dans des godets 
de 0,04 ou 0,05, dans une bonne terre de bruyère, à laquelle on ajoute 
encore du sable blanc, afin de la rendre encore plus perméable. On 
enfonce ensuite ces boutures sur une vieille couche, dans du machefer, 
des cendres tamisées, du sable blanc, ou autres matières bien perméables, 
et on les recouvre de panneaux en bois superposés sur quatre pots 
si le soleil était trop ardent; si au contraire le temps était sombre, on 
les laisse à l’air libre. Par un temps pluvieux, on doit les couvrir de 
châssis vitrés, pour éviter l’excès d'humidité qui occasionne prompte- 
ment la pourriture aux boutures. Ordinairement, pendant les premiers 
jours, ces boutures paraissent très fatiguées, et les feuilles en sont sou- 
vent étalées sur le sol, mais au bout d’une quinzaine de jours, on com- 
mence à voir se redresser les feuilles du cœur, et les racines alors ne 
tardent pas à se développer. Pour la fin du mois, elles sont pour la plu- 
part enracinées; on les rempote alors dans des godets de 0,07 ou 
0,09 centimètres de diamètre, et on les replace encore sous chassis, ou 
dans un milieu ombragé pendant les premiers jours ; ensuite, on enfonce 
les pots sur plate bande à l’air libre, pour les rentrer sous châssis à 
l'automne, où ils devront passer l'hiver, pour les mettre en place au 
printemps. 


— 205 — 


Une variété à feuilles pendantes du Dragonnier sang-Dragon, Dra- 
cæna Draco Lix., est également en fleurs au pare Monceaux. La tige a 
environ 0,50 centimètres de tour, et 2 à 5 mètres de hauteur, portant 
une forte tête de grandes et belles feuilles linéaires, retombantes, au 
milieu desquelles s'élève une hampe florale de près de deux mètres de 
hauteur, formant une forte pyramide garnie de branches latérales, aux- 
quelles sont suspendues plus de deux cents belles fleurs blanches. Se 
multiplie de drageons et de turions au printemps, ou de graines qu’on 
sème sur couche chaude. 

Le Palmier sauvage d'Afrique, Chamærops humilis Lix., et le Palmier 
élevé de la Chine, Chamærops excelsa Tuuxs., constituent des groupes 
d’un très bel effet sur les pelouses des jardins de Paris. Le port pitto- 
resque de ces végétaux, contraste agréablement dans les parties acei- 
dentées des jardins paysagers. Le C. humilis fleurit même très souvent 
dans les jardins pendant la belle saison. 

Les fougères arborescentes telles que le Zomaria cycadæfolia, le 
Blechnum Brasiliense, V'Alsophila australis Br., le Balantium antarc- 
ticum Br. etc., constituent des groupes d’une ravissante beauté dans 
les jardins de Paris. On voit des groupes du Balantium antarcticum 
et d’Alsophila australis au parc Monceaux, dont les troncs sont très 
élevés ; on voit en outre, un tronc du Balantium antarcticum qui mesure 
environ quatre mètres de hauteur sur un mètre de circonférence, il 
est disposé dans le voisinage ombragé du bassin ovoïde de la Naumachie, 
dont il reste encore un cercle de colonnades Corinthiennes en ruines, 
garnies de Lierre d'Irlande. 

L'Agave d'Amérique, À gave americana Lix., jolie plante grasse à feuilles 
nombreuses, très grandes et charnues, bordées d’aiguillons, d’un bel 
effet pittoresque dans les jardins ; on en voit un fort exemplaire au pare 
Monceaux, isolé sur le bord de l’une des pelouses qui longent la grande 
voie carrossable, où il passa l'hiver de cette année à l'endroit même où 
il se trouve aujourd'hui, moyennant de fortes couvertures. Le pied est 
entouré d’un grand nombre de jeunes sujets dont l’ensemble constitue 
un fort joli groupe. 

On remarque aussi deux forts sujets du cierge monstrueux du Pérou, 
Cereus Peruvianus monstruosus DC., sur le rocher du pare Monceaux ; 
ces singulières plantes sont cultivées depuis longtemps dans les jardins 
à cause de leur forme bizarre, malheureusement elles y fleurissent trop 
rarement. 

On remarque également dans les jardins publics de Paris, et notam- 
ment au pare Monceaux, de fort jolis groupes de Bonapartea gracilis 
dont les jolies feuilles dentées sont disposées en têtes volumineuses et 
arrondies, d’un très bon aspect sur les pelouses. 

On voit encore un fort joli exemplaire de Zamia fusca isolé sur 
l'une des pelouses du pare Monceaux ; ses jolies feuilles raides et pen- 


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nées, s'élalent majestueusement sur le gazon et y font très bon effet 
pendant toute la belle saison. 

Les autres plantes qu'on remarque le plus dans les jardins de Paris en 
ce moment sont: le Dattier cultivé, Phœnix dactylifera Lix., le Lin de 
la Nouvelle-Zélande Phormium tenax Fonsr., le Foureroya gigan- 
tesque, Fourcroya gigantea Venr., le Latanier de Bourbon, Latania 
Borbonica Wiic»., le Dragonnier à feuilles entières, Dracæna indivisa 
Forsr., le Dragonnier d’Australie, Dracæna australis, la Morelle 
marginée, Solanum marginatum, la Véronique d’Anderson à feuilles 
panachées, Veronica Anderson variegata., le Bromelia sceptrum, etc. 

De toutes les plantes exotiques cultivées pour fleurir les jardins, la 
plante par excellence, est le Pelargonium zonale ; sa grande rusticité, 
sa floribondité, et le riche coloris de la plupart de ses nombreuses 
variétés, la font admettre en première ligne dans tous les jardins 
d'agrément. Le Pelargonium hederaceum album convient en outre pour 
former les bordures dans les terrains secs, pour garnir les rochers, les 
rocailles, ete. Le Pelargonium zonale Mistriss Pollock, étant planté sur 
des massifs bombés ct dans une terre bien préparée, y développe ses 
grandes et belles feuilles colorées, rivalisant pour la beauté avec les plus 
belles fleurs. Les variétés boule de feu, M' Barre, Me Vaucher, Man- 
glesi, Harry Hyower, Gloire de Nancy, ete., etc. constituent des groupes, 
des corbeilles, des bordures de massifs, etce., d’une beauté rare dans les 
jardins à cette époque de l’année et pendant toute la belle saison. 

L’Anthemis frutescente, Anthemis frutescens, également l’une des 
plantes les plus rustiques et les plus décoratives que nous ayons; on la 
plante en corbeilles, platebandes, bordures, parterres, ete., où elle fleurit 
abondamment depuis la fin du printemps jusqu’à la fin de l’automme ; 
elle se multiplie facilement vers le mois de septembre, de boutures 
qu’on rempote pour les hiverner sous châssis, et les planter en pleine 
terre au printemps suivant. 

Les Calcéolaires ligneux fleurissent abondamment les parterres en ce 
moment. Les C. rugosa, excelsa, le triomphe de Versailles, à fleurs 
jaunes et le C. unique, à fleurs marron brun sont les meilleures ct 
les plus employés à l’ornementation des jardins pendant la belle saison. 
On les multiplie avec facilité de boutures vers la fin de l’été; lorsqu'elles 
sont enracinées on les rempote pour les hiverner sous chàssis ou en 
serre et les remettre en pleine terre au printemps. 

Les Héliotropes Anna Thurrel, Surprise, Général Valubert, Etoile 
Bordelaise, Peruvianum, etc., constituent aussi de fort jolies corbeilles 
dans les jardins à cette époque de l’année ; elles se couvrent de fleurs 
blanches ou bleues, plus ou moins foncé et à odeur de vanille, disposées 
en petits corymbes nombreux et serrés; multiplication facile vers la 
fin de l’été de boutures, qu’on empote avant l'hiver pour les rentrer 
en serre jusqu’au printemps au moment de les remettre en place en 
pleine terre, 


— 205 — 


Les Fuchsia Vainqueur de Puebla, Pauline, Rifleman, Louise de Lacha- 
pelle, Conqueror, Venus de Medicis, etc., cultivés par centaine de milles 
dans les jardins de Paris, sont aussi en pleine floraison en ce moment; 
on en forme des corbeilles et des bordures de massif recouvertes 
de fleurs pendant toute la belle saison; on les multiplie facilement de 
boutures à l’étouffée pendant toute l’année, mais de préférence à lau- 
tomne et au printemps. 

Le Gazania éclatant, Gazania splendens Horr., jolie petite plante, 
vigoureuse et basse, se couvrant pendant tout l’été, de capitules larges et 
d’un beau jaune orangé, marqué à la base du fleuron d’une belle maeule 
blanche et noire. Cette petite plante convient surtout pour la forma- 
tion des bordures basses en plein soleil; à l’ombre, ses fleurs ne 
s’épanouissent pas bien. On Je multiplie facilement de boutures vers le 
mois d'août, sous châssis à froid, et dans une terre très-siliceuse; on 
rempote les boutures avant l'hiver et on les place sous châssis qu'on abrite 
pendant les grands froids, pour les remettre en pleine terre au prin- 
temps suivant. 

Les Nierembergia grêle, Nierembergia gracilis Hook.; le Nierembergie 
frutescent, Nierembergia frutescens Dumeu; le Cuphea à fleurs couleur de 
feu, C. platycentra Cu. Lew.; le Cuphea striguleux, C. strigulosa; les 
Pentstemons Surprise, le nain, neige et cerise, Gentianoides, ete., le 
Laurier rose Verium oleander Lix., ete. sont en pleine floraison dans les 
jardins de Paris. 

Parmi les plantes annuelles à floraison printanière, on voit encore : 

Le Thlaspi annuel, Zberis umbellata Lix., dont les jolies fleurs blan- 
ches sont disposées en grappes corymbiformes. On l’emploie pour 
border les massifs d’arbustes, ou pour faire des corbeïlles qui font 
beaucoup d'effet pendant la floraison. On le sème en pots ou en place au 
printemps. On doit en faire plusieurs semis successifs pour en avoir des 
fleurs pendant tout l'été dans les Jardins. 

Le Schizanthus émoussé, Schizanthus Grahami Hook., l'une des plus 
belles plantes annuelles à floraison printanière, constitue de fort jolies 
corbeilles. Les tiges de cette charmante petite plante, s'élèvent à environ 
0,50 ou 0,60 centimètres de hauteur, se couvrant d’un grand nombre 
de belles fleurs rose pourpre. On en cultive une variété à fleurs blan- 
ches, relevées d’une belle tache aurore; cette plante prospère mieux 
dans une terre substantielle que trop légère. Se sème en pots vers la fin 
de l'été, et on hiverne le jeune plant sous ehàssis pour le planter en 
pleine terre vers la fin d'avril. 

La Sauge à fleurs pourpres, Salvia porphyrantha Dxe., jolie petite 
espèce vivace en serre, et annuelle en pleine terre, convient particulière- 
ment pour former de jolies petites bordures, ou pour garnir le bord des 
plates bandes. Les tiges florales ne dépassent guère 0,50 centimètres de 
hauteur, et se couvrent de jolies petites fleurs rouge carmin foncé, vers 


— 206 — 


la fin du printemps et pendant une grande partie de l'été. Se multiplie 
rapidement de graines et de boutures sur couche sourde à l’étouffée, à 
l'automne et au printemps. 

La Campanule violette naine, Campanula medium Lix., est encore 
en fleurs en ce moment; il en existe de fort jolies corbeilles dans les 
jardins de l'avenue de l’impératrice et autres squares de Paris. Ses fleurs 
sont disposées autour des tiges, qui s'élèvent à environ 0,60 ou 0,70 cen- 
timètres de hauteur; elles sont nombreuses, très-grandes et allongées, 
d'un beau bleu violacé ou blanches ; se sème au commencement de l'été, 
et doit être planté à demeure à l’automne pour en obtenir une floraison 
précoce. 

Le Lobelia nain élégant, Lobelia pumila elegans, jolie petite miniature 
particulièrement propre à former les petites bordures dans les jardins 
d'agrément ou du voisinage des habitations; se couvre pendant tout l’été 
de jolies petites fleurs bleues. Multiplication facile de boutures à l’au- 
tomne pour les empoter et les hiverner sous chässis, et de semis au prin- 
temps sur couche ; on repique en pots pour planter à demeure vers le 
mois de mai. 

Les autres plantes annuelles dont on voit les fleurs en ce moment, 
sont les Pensées à grandes fleurs, les Rhodanthe, les Lobelia erinus gra- 
cilis, etc., etc. 

Les marchés en plein air abondent de fieurs de la saison. La Cras- 
sule écarlate hybride, Crassula coccinea hybrida est l’une des plan- 
tes les plus cultivées pour fleurir les marchés à cette époque de l’année ; 
ses jolies fleurs rouge-écarlate brillantes, grandes et tubuleuses, dispo- 
sées en ombelles au sommet des rameaux, abondent pendant les mois de 
juin et juillet; cette plante est très-employée aux garnitures d’apparte- 
ments pendant l’été. Multiplication facile de boutures. 

Le Matricaire commun, Matricaria parthemium Lax., jolie petite plante 
à feuilles pennatisequées, se couvrant de fleurs à rayons blancs et disque 
jaune depuis le mois de juin jusqu’à la fin de l'été. On en cultive une 
variété à fleurs doubles très-employée aux garnitures d'appartements. 
Se multiplient facilement de boutures à froid et à l’étouffée vers la fin 
de l’été et au printemps. 

Le nouveau Souvenez-vous de moi, Myosotis semperflorens imperatrice 
Elisabeth, est encore en fleurs; on l’emploie beaucoup pour la confection 
des bouquets. 

Les Héliotropes à fleurs bleues et à fleurs blanches abondent aussi sur 
les marchés. Cultivées en pots elles servent aux garnitures d’apparte- 
ments, et les fleurs coupées servent pour confectionner des bouquets. 

Le Bluet annuel, Centaurea cyanus Lix., se sème de bonne heure au 
printemps, dans toute espèce de terrain et à toute exposition. On emploie 
ses jolies fleurs de couleur variée à faire des bouquets, à garnir les 
corbeiïlles, les vases, les suspensions, dans les appartements. 


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Le Myrte commun, Myrtus communis Lix., joli petit arbrisseau à 
fleurs blanchâtres et à odeur suave, est également en fleurs. On 
en élève des petites plantes en pots pour les garnitures d'appartements ; 
les fleurs coupées, servent à monter les bouquets. Multiplicaton facile 
de graines, boutures et marcottes, au printemps et à l'automne. 

Le Laurier rose, Verium Oleander Lix., et ses variétés, sont pour la 
plupart fleuris. Les variétés N. O. fl. albo; N. O. radicans Horruz.; 
N. O. carné double Honru., etc., sont très-remarquables et fréquem- 
ment cultivées en caisses pour être isolées au-devant des habitations. 
On en élève un grand nombre en petits pots pour l’approvisionnement 
des marchés pendant l'été. 

Les Fuchsia cultivés en pots abondent aussi sur les marchés; les 
fleurs coupées sont montées sur des tiges de jonc et placées dans les 
bouquets ; en pots, on les utilise aux garnitures d’appartemens. 

Le Réséda à grande fleur, Reseda grandiflora, et le Réséda odorant, 
R. odorata Lix. sont également cultivés pour l’approvisionnement des 
marchés. On en coupe les fleurs pour en faire des bouquets, et on utilise 
ceux qui sont cultivés en pots pour les garnilures d'appartements. 

Les Pelargonium à grandes fleurs, cultivés sur une large échelle pour 
les garnitures d'appartements, sont admirablement fleuris. C’est l’une 
des plus belles plantes de la saison, dont les fleurs coupées sont très- 
employées pour la confection des bouquets. 

Les Calcéolaires ligneux à fleurs jaunes, apparaissent également en 
grand nombre sur les marchés pendant tout l'été. On emploie les 
fleurs pour confectionner les bouquets et les plantes fleuries aux garni- 
tures d'appartements. 

Plusieurs variétés de Verveines à fleurs rouges, bleues, roses, 
blanches, etc., sont cultivées en grand pour l’approvisionnement des 
marchés. On les bouture de bonne heure au printemps et on en rempote 
plusieurs ensemble dans des pots de 12 à 15 centimètres de diamètre, 
que l’on cultive ensuite sous châssis où elles commencent à fleurir vers 
la fin de mai ou au commencement de juin. 

Les marchés à l'air libre et les fleuristes en boutiques abondent 
encore en ce moment d’une foule de plantes de la saison, telles que 
Corcopside précoce, Coreopsis prœcox Fr.; Androsace lanuginosa, 
Rhodanthe Manglesi Lixos.; Lippia citriodora Kuxru.; Zinnia elegans, 
Anthemis frutescens, Citrus aurantium Lax.; Hydrangea hortensis DC., 
Erica ventricosa coccinea minor Hort.; E. tricolor elegans Morr.; 
E. tubiflora coccinea Hort.; E. cylindrica superba Honr. ete., Caladium 
argyrites, Calceolaires annuelles ou herbacces, etc., ete., et d’un grand 
nombre de plantes à feuillage ornemental, propres aux garnitures 
d'appartements. 


— 208 — 


Juillet 1868. 

Les arbres indigènes et exotiques sont suffisamment développés à cette 
époque de l’année pour qu'on puisse juger de tout l’effet ornemental 
qu'on peut en Lirer. 

Le Sophora pleureur, Sophora pendula Horrt., est sans contredit l’un 
des plus beaux arbres pour isoler sur les pelouses, ou sur le bord des 
eaux dans les jardins; il en existe un spécimen aux Champs Elysées, 
entre le palais de l’industrie et le Pavillon de l'horloge, planté près 
d’une belle fontaine monumentale, dont les belles branches retomban- 
tes, à feuilles pennées et d’un beau vert tendre, ne mesurent pas moins 
de dix mètres de hauteur sur douze à quinze de circonférence à la base. 
Le dessous de l'arbre simule un joli berceau à travers duquel il serait 
impossible d’apercevoir le moindre rayon solaire. On le multiplie de 
sreffe sur le Sophora du Japon, dont il n’est qu'une variété. 

Le Catalpa commun, Catalpa bignonioïdes DC. ; l'un des plas beaux 
arbres pour isoler sur les pelouses, est encore en pleine floraison en ce 
moment; ce bel arbre atteint environ dix mètres de hauteur sous Îe cli- 
mat de Paris ; il a la tête arrondie, mesurant souvent trente métres de 
circonférence, recouverie de grandes et belles feuilles en cœur, d'un 
beau vert pubescent. Les fleurs, blanches, tachées de pourpre et de 
jaune, apparaissent en larges girandoles vers le mois de juillet, et res- 
semblent par leur forme à une belle fleur de Bignonia et de certains 
Gloxinias. On le multiplie de graines au printemps, ou de rejetons 
buttés et marcottés. 

Le Magnolia à grandes fleurs, M. grandiflora Lix., dont les fleurs d’un 
très-beau blanc à étamines jaune doré, ne mesurent pas moins de 
0,20 centimètres de diamètre, commence aussi à fleurir dans les jar- 
dins; il aime une terre franche, profonde et substantielle, plutôt un 
peu sèche que trop humide, et une exposition abritée dans le nord 
de la France. On le multiplie de graines, aussitôt leur maturité, en 
terrines et sur couche tiède, et on rentre le jeune plant en orangerie, 
au moins jusqu’à la deuxième année, époque où on peut les livrer à la 
pleine terre, en ayant soin de les abriter encore pendant les premières 
-années; il en existe des variétés plus ou moins précoces telles que le 
M. præcox, tomentosa, stricta, rotundifolia, ferruginea, microphylla, 
grandiflora, Oxoniensis, eic., qui se multiplient par greffe en approche 
sur l'espèce type. 

Les autres arbres, arbrisseaux ou arbustes dont on voit les fleurs en ce 
moment sont le Robinia rose, Robinia hispida Lax. ; le Troëne du Japon 
Ligustrum Japonicum Tauws.; le Maclure épineux, Maclura auran- 
tiaca Nurr. ; le Spirée à feuilles de saule, Spiræa salicifolia Lan. ; le Spirée 


— 909 — 


pubescent, Spiræa pubescens Lixos. ; le Diervilla du Canada, Diervilla 
canadensis Waiiio., eic., sont également en pleine floraison. 

Le Sorbier des Oiseleurs, Sorbus aucuparia Lis; l'Arbre de Judée, Cer- 
cis siliquastrum Lax.; les Acacia, les Sureaux, ete., sont déjà couverts 
de fruits ou de jolies gousses pendantes d’un bel effet ornemental dans 
les massifs. 

Les plantes vivaces de pleine terre fleurissent abondamment en ce 
moment dans les jardins : 

La Véronique teucriotte, Veronica teucrium, V'une des plus belles 
plantes vivaces pour fleurir les jardins, est littéralement recouverte de 
jolies fleurs bleues veinées de rouge, du plus bel effet au moment de la 
floraison. Très-employée à Paris pour border les massifs d'arbustes; les 
tiges florales s'élèvent à environ 70 centimètres de hauteur; cette 
plante prospère plus vigoureusement dans les terres profondes que 
dans les terres légères. Se multiplie facilement d’éelats au printemps, 
un peu avant le moment de la végétation. On en cultive une variété 
charmante à feuilles panachées également très-vigoureuse et dont les 
fleurs ne le cèdent en rien pour l'éclat et la beauté à l’espèce type; elle 
a de plus l'avantage d’être ornementale par son beau feuillage panaché 
de blanc et de jaune. 

La Campanule pyramidale, Campanula pyramidalis Lix., également 
l’une des plus belles plantes vivaces de la saison, développe en ce moment 
de grandes et belles tiges florales, garnies de feuilles radicales et d’un 
grand nombre de belles fleurs bleues disposées à l'extrémité des tiges. 
Cette belle plante aime une terre franche, légère et pas trop de soleil, sur- 
tout au moment de la floraison. Celles qu'on cultive en pots doivent être 
fréquemment arrosées pour fleurir abondamment et afin de les conser- 
ver pendant longtemps en fleurs. On en cultive également une variété à 
fleurs blanches très-remarquable, et qui mérite d’être cultivée dans tous 
les jardins. 

Le Bocconia du Japon, Bocconia Japonica Boucxé., jolie plante 
vivace, ornementale par son feuillage cordiforme, admirablement sinué, 
et dont les jolies petites fleurs apparaissent en grand nombre sur une 
tige pyramidale, ramifée, atteignant souvent un mètre de hauteur. Cette 
belle plante supporte parfaitement les hivers sous le climat de Paris; on 
la multiplie facilement de boutures de troncons de racines au printemps 
ou à l'automne, que l’on place en terrines sur couche tiède, où chaque 
morceau produira bientôt un ou plusieurs bourgeons, qui pourront être 
ensuite empotés séparément, ou plantés en pleine terre si c’est au prin- 
temps. Cette plante donne naissance à un grand nombre de drageons 
autour du pied mère, qu'on peut séparer au printemps, pour les re- 
planter ailleurs. 

L'Echereria secunda glauca, jolie petite Crassulacée, se développant en 


14 


— "40 — 


une sorte de petite rosette de feuilles épaisses, étalées sur le sol; con- 
vient particulièrement pour former de jolies petites bordures autour des 
massifs rocailleux, où pour planter sur les rocailles; les fleurs petites, 
rouges à l'extérieur et jaunes à l’intérieur, apparaissent en petit nombre 
sur des tiges grêles, d'environ 0,20 centimètres de hauteur. 

Le Sedum de Siebold, Seduim Sieboldii Sw., très-belle plante vivace 
convenant également bien pour garnir les rochers et les rocailles dans 
les jardins. On en forme aussi de jolies petites corbeilles au pied des ar- 
bres, et ‘ans les parties sèches du jardin, où il tapisse bientôt le sol de 
ses jolis rameaux retombants et de ses jolies fleurs roses disposées à 
l'extrémité des rameaux pendant l'été, se multiplie facilement de bou- 
tures et d’éclats avant et après la floraison. On cultive encore d’autres 
espèces de Sedum, très-propres à la formation des corbeilles et des bor- 
dures dans les jardins et dans les terrains secs, où ils fleurissent abon- 
damment pendant l'été: tels sont le Sedum fabarinum, S. macrophyllum, 
S. telephium, S. telephium purpureum, S. carneum variegatum., etc. 

Les autres plantes vivaces dont on voit les fleurs en ce moment sont le 
Lis commun, ZLiliuin candidum Lin. le lis à feuilles lancéolées, Lilium 
lancifolium Nurr., le Lis tigré Lilium tigrinum Kerr., le Cinéraire 
maritime Cineraria maritima Lin , l'Hortensia des jardins Hydrangea 
hortensia DC., le Pied d’alouette vivace, Delphinium elatum Lan, la 
Dauphinelle azurée, Delphinium azureum Horruz., le Dianthus super- 
bus Lix., etc. 

Les plantes tropicales à grand feuillage ont déjà atteint en pleine 
terre, de beaux développements à cette époque de l’année. 

Les Musa ensele cultivés dans tous les jardins publics de Paris, sont 
p'antés isolément sur les pelouses, dans une terre substantielle et pro- 
fonde, où ils développent des feuilles colossales en l’espace de quelques 
mois, et qui contrastent très-agréablement sur le feuillage des végétaux 
indigènes. On doit avoir le soin, de même que pour toutes les plantes à 
grand feuillage, de leur choisir un emplacement abrité des vents du nord 
et de l’ouest, qui sont ordinairement les plus à redouter, afin que leur 
joli feuillage ne soit pas trop déchiré pendant leur séjour à la pleine 
terre. Le Bananier à spathes roses, Musa rosacea JacQ., le Bananier à 
spathes écarlates Musa coccinea Axpr., le Bananier de la Chine, Musa 
Sinensis SWEET., etc., sont aussi cultivés en grand dans les jardins de 
Paris pendani la belle saison. 

Les Balisiers occupent aussi un des premiers rangs parmi les plantes 
à grand feuillage ornemental, cultivées dans les jardins; les espèces à 
floraison précoce commencent déjà à fleurir. 

Les Colocasia Balaviensis, odora, esculenta, etc., dont les belles et 
grandes feuilles contribuent puissamment à l’ornementation des jardins, 
recouvrent complètement les massifs de leurs jolis feuillages; on 
tapisse ordinairement la surface de ces sortes de massifs, d’une 


paf ut 2 … 


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petite plante rampante comme le Tradescantia zebrina, l'Oxalis atro- 
purpurea, le Lippa repens, ele., ou d’une petite plante annuelle comme 
le Lobelia Crinus gracilis, le Sanvitalia procumbens, le Phlox Drum- 
mundii, ete. 

L’Angélique à papier, Aralia papyrifera Hook., l’un des plus beaux 
arbustes à feuillage ornemental cultivé dans les jardins, est également 
en pleine végétation; ses jolies feuilles cotonneuses et découpées, 
mesurent déjà, de un à deux mètres de circonférence. Les fleurs 
petites et verdâtres, disposées en panicules terminales, apparaissent 
ordinairement vers l’automne au moment de rentrer les plantes en 
orangerie. Se multiplie avec une grande rapidité de boutures de tron- 
cons de racines, qu'il suffit de couper par petits morceaux de deux 
ou trois centimètres de longueur, qu’on place ensuite dans des terrines 
de terre siliceuse en les recouvrant à peine d’un centimètre de terre; 
bientôt les yeux se développent sur tous ces fragments de racines, en 
donnant naissance à de jolies petites plantes qu’on empote ensuite sépa- 
rément, aussitôt qu’elles ont suffisamment de racines. L'automne est la 
meilleure saison pour pratiquer ce mode de bouturage ; au moment où 
on relève les pieds de la pleine terre pour les rentrer en orangerie, 
on ramasse les extrémités de racines qui se sont trouvées cassées dans la 
terre pour les bouturer ; au printemps, les yeux latents se seront sufli- 
samment développés, pour être empotés séparément; vers les premiers 
jours de mai on peut les sortir des serres pour les planter en pleine 
terre. 

Le Figuier élastique, Ficus elastica R. atteignant la hauteur d’un grand 
arbre aux Indes, et d’un arbrisseau dans nos serres, supporte parfaite- 
ment la pleine terre pendant la belle saison; il développe des feuilles qui 
atteignent de 0,50 à 0,75 centimètres de longueur sur 0,20 à 0,50 de 
largeur ; à l'automne, on les relève de la pleine terre pour les empoter 
ou les encaisser, selon la force, et ils peuvent encore servir aux garni- 
tures d'appartements, bals, soirées, elc., pendant tout l'hiver. On les 
multiplie facilement de boutures pendant qu'ils sont en serre; elles ne 
doivent pas être trop herbacées parce que, l’abondance de suc laiteux 
pourrait leur être nuisible; on doit choisir des boutures, dont le bois 
serait déjà un peu aoûté; on les empote dans de petits godets de 0,05 ou 
0,06 centimètres de diamètre, et dans une terre de bruyère siliceuse; 
on les place ensuite à létouffée sur une couche renfermant au moins 
20 degrés centigrades de chaleur souterraine, où elles s’enracinent pour 
la plupart en un mois de temps. 

Le Figuier de Chauvière Ficus Chauvieri Bar., est le meilleur de tous 
ceux que l’on cultive en serre pour planter en pleine terre l'été; il 
pousse vigoureusement et développe de grandes et belles feuilles ondu- 
lées, d’une tenue moins raide que celles du F. elastica. On le relève 
facilement de la pleine terre à l’automne, et peut servir également aux 


— 212 — 


garnitures d'appartements, Il se multiplie de boutures comme l'espèce 
précédente. 

La canne à sucre commune, Saccharum officinarum Lin; est égale- 
ment propre à orner nos Jardins, on la plante en corbeilles ou on en 
forme des groupes sur les pelouses, dans une bonne terre substantielle, 
chaude et profonde; les cannes atteignent rapidement plusieurs mètres 
de hauteur, portant à leur extrémité un groupe de grandes et belles 
feuilles linéaires, retombantes, à nervure médiane blanche, formant de 
fort jolies corbeilles dans les jardins pendant toute la belle saison. On 
la mulliplie facilement de tronçons de tige qu’on coupe à un œil, c’est-à- 
dire entre chaque articulation; on enfonce ensuite la base jusqu'au 
bord de l’œil, dans du sable blanc, à une température d'environ vingt 
degrés centigrades. Là, ils émettent promptement des racines, et les 
bourgeons qui s’y développent, atteignent rapidement un mètre de 
hauteur. On les empote ensuite, et on les cultive en serre tempérée; on 
les plante en pleine terre si c’est au printemps ou en été. 

Un spécimen de l’Agave du Mexique, Agave Mexicana, est actuelle- 
ment en fleurs dans le jardin d'expérience de l’établissement horticole de 
Passy. La hampe est unie et droite, divisée en candelabres à l’extrémité, 
et mesure environ sept mètres de hauteur, chaque branche latérale, au 
nombre de 25, est terminée par un corymbe de fleurs jaunâtres. C’est 
une plante curieuse, et qu’on a rarement l’occasion de voir en fleurs 
dans les jardins du nord. 

L’Aspidistra à feuilles panachées, Aspidistra variegata Horr., et le 
type à feuilles vertes, sont également plantés en pleine terre dans les 
jardins publics, où ils développent des touffes de belles feuilles oblon- 
gues, lancéolées, ondulées d’un vert foncé plus ou moins panaché de 
blanc ; la fleur est insignifiante. 

Pour l'hiver, on les rempote, pour les rentrer en serre ct les faire 
servir aux garnitures d'appartements pendant toute la mauvaise saison. 

On remarque encore dans les jardins publics de Paris, des groupes, 
des corbeilles, des bordures de massifs,ete., d’'Achyranthes de Verschaffelt, 
A. Verschaffeltii Cu. Lew.; de Gnaphalium laineux, G. lanatum; de 
Dahlia à feuilles panachées Dahlia empereur Joseph ; d’Armoise de Stel- 
ler, Artemisia Stelleriana ; d'Armoise argentée, Artemisia argentea l’Hé- 
rit. ; de Coleus de Verschaffelt, Coleus Verschaffeltii Cu. Len. ; de Coleus 
de Veiteh, Coleus Veitchi ; de Coleus de Gibson, Coleus Gibsonü, etce., de 
Teleianthera ficoïdea var. versicolor Cu. Leu.; d’Alternanthera parony- 
chioïdes, spathulata Cu. Lem.; sessilis var. amæna Cu. Lem., ete., etc. 

Parmi les plantes de serre cultivées dans les jardins pour la floraison, 
on admire en ce moment : 

Les Begonia faux fuchsia, Begonia fuchsioides var. miniata PL. et 
LixpL.; le B. à feuilles de Ricin B. ricinifolia; le B. à deux couleurs 
B. discolor R. Br. ; le B. subpeltata albo rubra ete., dont la plupart sont 


dt. os 


— 215 — 


en pleine floraison. On les dispose en groupes, en corbeilles ou en 
bordures sur les pelouses, dans les parties les plus chaudes du jardin, 
légèrement abritées du soleil et des grands vents; dans ces conditions, 
ils développent de grandes et belles feuilles, et se couvrent de jolies 
fleurs jusqu'aux gelées. 

La Morelle de Warcewicz, Solanum Warcewiczii cest sans contredit, 
l’une des plus belles et des plus vigoureuses et qui fait le plus d’effet dans 
les jardins; étant plantée en massifs ou isolée sur des pelouses, elle 
prend la forme d’un arbre à tête arrondie, garnie de grandes et belles 
feuilles découpées, portant à l'extrémité des rameaux, des fleurs blanches 
en ombelles, d’un très-bel effet pendant toute la belle saison dans les 
jardins; on la relève de pleine terre à l'automne pour la rentrer en serre 
froide ou elle passe très-bien l'hiver. Se multiplie facilement de boutures 
herbacées en toute saison, et de graines qu’elle produit abondamment en 
pleine terre, et qui mürissent l'hiver dans la serre. 

La Ketmie rose de la Chine, ÆHibiscus rosa sinensis Lix., l'un des plus 
beaux arbrisseaux cultivés dans les jardins de Paris pendant la belle 
saison, est en pleine floraison ; ses grandes et belles fleurs roses 
font beaucoup d’effet et se succèdent jusqu'aux gelées; on relève en- 
suite les pieds de la pleine terre, et on les empote pour les ren- 
trer en serre tempérée froide, où ils perdent leurs feuilles ; au premier 
printemps, ils commencent à rentrer en végétation ; on donne alors de 
l'air autant que possible, afin de ne pas les laisser s’étioler, ni s’atten- 
drir; et vers la fin d’avril ou le commencement de mai on peut les sor- 
tir des serres pour les replanter en pleine terre dans les jardins. Multi- 
plication facile de boutures herbacces sous cloche, au printemps et à 
l'automne. Les variélés se multiplient rapidement de greffe à l’herbacée 
sur celui-ci. 

La Dentelaire du Cap, Plumbago Capensis Tauws.,est cultivée en pleine 
terre l’été, pour ses jolies fleurs en épi, d’un beau bleu tendre et frais, 
qui se succèdent depuis la fin de juin, jusqu'en novembre. Cette char- 
mante plante est cultivée en grand nombre dans les jardins publics, où 
on en rencontre souvent des corbeilles et des bordures de massifs admira- 
blement fleuries. On relève les pieds à l'automne pour les empoter et les 
rentrer en serre froide pour y passer lhiver. Se multiplie facilement 
de boutures à l’automne sous châssis, et de boutures herbacées dans les 
serres an printemps. 

Le Lantana Rougier Chauvière, l’une des plus belles variétés pour la 
formation des bordures rampantes autour des massifs d’arbustes, est 
également l’une des plus floribondes parmi toutes les espèces et variétés 
employées à l’ornementation des jardins ; il se couvre pendant toute la 
belle saison de jolies fleurs rouge minium ou rouge brique du plus bel 
effet. Les Lantana rosea nana, Queen Victoria et solfatare, variétés à 
fleurs blanches, ete., sont également en pleine floraison en ce moment 
dans les jardins de Paris. 


— 214 — 


L'Ageratoire à fleurs bleues, Ageratum cœruleum Lain., l'une des meil- 
leures plantes pour entourer les massifs d’arbustes dont on couche les 
branches sur le sol, en les y maintenant à l’aide de petits crochets en 
bois, de façon à en former des bordures basses et compactes recou- 
vertes jusqu'aux gelées de fleurs bleu céleste, en corymbe terminal. 

Les Véroniques sont également de fort jolies plantes, avec lesquelles 
on peut former d'élégants massifs, fleurissant abondamment dans les 
jardins. Les fleurs disposées en longues grappes axillaires au sommet des 
rameaux, exhalent une odeur agréable. Les variétés qui se prêtent le 
mieux à la formation des massifs et des corbeilles en pleine terre sont : 
la V. de Lindley, Veronica Lindleyana Horr.; la Véronique d’Anderson, 
Veronica Andersonii Honr.; la V. remarquable, V. speciosa Hont.; la 
V. à feuilles de buis, V. buxifolia ; la V. de Meaux, V. Meldensis; la 
V. Reine des massifs, Anne de Beaujeu, Rosa Bonheur, Princesse 
Mathilde, microphylla alba, etc. 

On voit encore dans les jardins de Paris à celte époque de l’année, 
de fort jolis groupes, corbeilles et bordures de Pelargonium zonale 
Mistriss Pollock, d’Ageratum à feuilles panachées, de Gaura Lind- 
heimeriana, de Cyrtanthera magnifica, de Penstemon, Petunia, 
Cuphea, etc. 

Les plantes annuelles qui fleurissent le plus en ce moment sont le 
Sanvitalia procumbens Laux., formant des touffes couchées se couvrant 
de fleurs jaune vif à disque brun. Cette petite plante fleurit abondam- 
ment depuis la fin de juin, jusqu’à la fin de l’été. On la sème de bonne 
heure sous châssis au printemps, et on repique en place dans les premiers 
jours de mai. 

Le Pourpier à grande fleur, Portulaca grandiflora Laxor., fleurit 
abondamment les parterres. On le sème en avril, mai, en terre légère et 
en plein soleil, et on repique en pots pour planter à demeure fin de 
mai, ou au commencement de juin. 

Le Lin à grandes fleurs, Linum grandiflorum Desr., très-belle espèce 
formant des petites touffes de 0,20 à 0,50 centimètres de hauteur, se cou- 
vrant de belles fleurs orange éclatant, disposées en panicules lâches au 
sommet des tiges. Multiplication de graines au printemps. 

L’Alysse maritime, Alyssuin maritimum Lawx., l’Alysse maritime à 
feuilles panachées, Kœæniga maritima variegata Horr., le Perilla de Nan- 
kin, Perilla Nankinensis DxE, le Petunia gloire de Segrez, viola- 
cea Hook., Nyctaginiflora Fuss., les Celosia, Amaranthes, Lobelia, et 
une foule d’autres plantes annuelles de ce genre sont encore en pleine 
floraison en ce moment. 

A cette époque de l’année, on peut semer en planches et en pépi- 
nière à l’air libre une foule de plantes telles que Giroflées jaunes sim- 
ples, Pensées à grandes fleurs, Giroflées quarantaines, Primevères de la 
Chine, Cinéraires hybrides naines, Calcéolaires herbacées, Lophosperme 


— 215 — 


grimpant, Matricaire double, Maurandia de Barcley, Sauge écarlate, les 
Mufliers, l'OEillet de poëte, ete. 

Parmi les plantes vivaces on peut en semer un grand nombre; 
telles sont la plupart des Aconitum, Achillea, Aquilegia, Ane- 
monc, Aster, Campamela, Digitalis, Gentiana, Iris, Lupinus, Valc- 
riana, elc., elc. 

Sur les marchés en plein air on voit beaucoup de fleurs coupées de la 
saison, de plantes fleuries en pots, et toutes les plan'es à feuillage de 
l'hiver. 

Le Myopore à petites feuilles, Myoporum parvifolium, R. Br., joli 
petit arbuste originaire de l’Australie, abonde en ce moment sur les 
marchés. On le cultive en pots, et on l’élèie par le pincement et la taille 
sous diverses formes. On en fait surtout des jolies petites touffes garnies 
d’un grand nombre de petits rameaux retombants, bordés de feuilles 
linéaires et charnues. Les fleurs, petites, blanches, réunies par deux ou 
trois aux aisselles des feuilles, apparaissent en grand nombre pendant 
tout l'été. C’est une des meilleures plantes pour les marchés et qui peut 
également servir à l’ornementation des jardins; on en forme de fort 
jolies corbeilles en pleine terre pendant l'été, et on en cultive beaucoup 
en pots pour les garnitures d'appartements à cette époque de l’année ; 
se multiplie de boutures herbacées du printemps à l'automne. 

Le jasmin blanc, Jasminium officinale Lax., l'une des plus belles 
plantes à floraison estivale, abonde aussi sur les marchés en ce mo- 
ment. On le cultive spécialement en pots pour les garnitures d'appar- 
tements ; les fleurs coupées sont très-recherchées pour entourer les bou- 
quets à la main, pour monter les corbeilles de table, les jardinières, etc., 
dans les appartements, les fleurs, d’un blanc pur, disposées en panicules 
peu fournies, répandent une odeur délicieuse; il supporte assez bien 
l'hiver sous le climat de Paris ; on le rencontre fréquemment palissé sur 
les treillages autour des habitations, ete. Multiplication facile d'éclats 
et de boutures herbacées au printemps. 

Les Gardenia à grandes fleurs, Gardenia florida Laix., dont les fleurs 
répandent une odeur suave de Girofle, sont en pleine floraison en ce 
moment. Les fleurs simplês ou doubles blanches, jaunâtres lorsqu'elles 
commencent à se passer, se conservent pendant très-longtemps. On les 
emploie en guise de Camellia, en les montant sur des tiges de joncs 
pour en faire des bouquets charmants, et qui sont très-recherchés. Le 
Gardenia se cultive en serre chaude ou dans une bonne serre tempérée ; 
on le multiplie de boutures sur couche chaude et sous cloche en toute 
saison. Les variétés se greffent sur le type. 

L'Hortensia des jardins, Hydrangea hortensia Dc., l’un des plus 
beaux arbustes à floraison estivale, et qu'on cultive en grand pour l'ap- 
provisionnement des marchés, est abondamment fleuri à cette époque 
de l’année; les fleurs d’un beau rose purpurin, passant ensuite au bleu 


— 216 — 


pur ou violâtre, quelquefois même au rouge, sont disposées en fortes 
ombelles au sommet des rameaux ; c’est une des plantes recherchées pour 
les marchés pendant toute la belle saison. 

Les Gloxinias à grandes fleurs, Gloxinia speciosa D\c., et ses nom- 
breuses variétés, sont pour la plupart fleuries en ce moment; ils sont 
recherchés pour les garnitures d'appartement ; les fleurs coupées servent, 
étant montées, à faire de jolis bouquets ; cette plante convient également 
bien pour garnir les serres froides pendant l’été. Culture en terre de 
bruyère mélangée de bon terreau de feuilles et de fumier, et d’un peu 
de terre franche ; se multiplie rapidement de semis pour en obtenir des 
nouvelles variétés, et de boutures de feuilles pour perpétuer les an- 
ciennes. 

Les Dahlias lilliputs, cultivés spécialement pour les marchés, sont 
en pleine floraison ; on les met en végétation de bonne heure au 
printemps, sur couche et sous châssis, pour en obtenir les fleurs de 
bonne heure. Les variétés qu’on y rencontre le plus souvent sont : 
Auguste Sieckmann, Sieck.; Deutsche Bellis Sieck.; Goldfinch Turner ; 
Jacobi Deecen; Xleine Albertine Siecx.; Kleiner Rudolphe Siecx. ; Lilli- 
putkind Sieck.; Little Arthur; Little Lina E. G. IL. ; Little Louisa E.G. H.; 
Litlle Wonder Swiru. ; Pearl of Lilliputs E. G. H.; Schæne Nelke Sieck. ; 
Zarte Nelke Srecx. ; etc. 

Les Erica ventricosa porcelina Horrt.; Jasminiæflora nana Horr. ; 
Cylindrica superba Hort.; Boniana Lovp., etc., fleurissent également 
les marchés. 

Les marchés abondent encore d’une foule d’autres plantes de la saison, 
telles que OEïillets, Pervenches de Madagascar, Myosotis, Fuchsia, Cac- 
tées, Héliotropes, Réséda, Nerium, Lys, de Roses de toutes sortes, etc., etc. 

Les marchands des Quatre saisons avec leurs petites voitures, font un : 
grand commerce de Roses Bengale, remontantes, mousseuses, noisset- 
tes, bourbons, etc., ete., et Lys blanc commun, dont ils font des bouquets 
à la main qu’ils entourent de quelques feuilles de fougères, etc. A la 
halle de Paris, la vente des fleurs n’est pas trés-considérable en ce 
moment; le commerce des fruits de la saison y prend de l’importance 
au détriment des fleurs, au fur et à mesure qu’on approche de l'arrière 
saison, époque où recommencent les garnitures d'appartements. 


(À continuer.) 


PET UNE AN SEUMRRE 


— 217 — 


NOTE SUR LE PETUNIA EMILIE. 


PETUNIA VIOLACEA Lixpz, var. () 
Figuré Planche XV. 


Cette jolie fleur a été présentée au salon de la Société d’horticulture 
de Liége le 19 Avril de cette année. 

Elle est de la plus séduisante apparence, toute fraiche, le teint rose et 
l'œil radieux. Elle a été fort admirée. 

Mais la beauté est éphémère et ses grâces bien capricieuses; ainsi qu’une 
coquette, cette fleur varie du jour au lendemain : elle passe du plus pur 
incarnat à une nuance plus sombre, et puis se flétrit sans rien laisser 
après elle. 

Le Petunia est un fort brillant ornement; cependant il lui manque le 
parfum, qui nous attire vers la violette et le cœur ferme qui nous 
attache à la Rose. 

Quoi qu’il en soit le Petunia Emilie est une fort gracieuse conquête. 
Rien qu’à voir son portrait, beaucoup désireront la posséder. 


LES BOTANISTES DEVANT GEORGES SAND. 


Madame Georges Sand a publié dans la Revue des deux mondes (2), À 
propos de botanique, quelques pages charmantes sous forme de deux lettres 
d’un voyageur, adressées de Nohant, à Madame Juliette Lambert. La 
grâce des pensées, l'élévation des idées, la vérité des enseignements et 
l'élégance du langage sont les caractères les plus saillants de ces deux 
lettres. C’est le propre des esprits supérieurs de s'élever au-dessus du 
niveau commun partout où ils paraissent. Madame Georges Sand peut 
apprendre à maints botanistes, sinon à se servir de la loupe, au 
moins à penser et à réfléchir. 

Cette lecture nous à entrainé; nous l'avons poursuivie tout d’une 
haleine. Cependant les premières pages nous avaient quelque peu 
chatouillé l’épiderme. Madame Sand y fustige de la belle facon certaine 


(1) Semis de M. P. Mawet, horticulteur, rue Mississipi, à Liége. 
(2) Revue des deux mondes, 1er juin 1868; tome LXXV, p. 557, 


— 218 — 


catégorie de savants qui savent sans connaitre, parlent sans comprendre 
et publient sans écrire. A ce propos elle jette le gant dans notre camp des 
botanistes. 

On aurait dit de la Germandrée qu’elle a les fleurs d’un jaune sâle. 
C'est la phrase qui est malpropre : la nature ne fait de saleté d'aucune 
sorte. Les auteurs ne savent pas tous écrire, même en littérature. 

Un autre aurait imaginé certaine théorie du métamorphisme des 
organes des plantes; je ne sais ce qu’il veut dire. C’est une erreur qui 
tient sans doute à quelque mauvais grimoire. C’est métamorphose qu'il 
faut lire. Et Madame Sand aurait mauvaise grâce de s’y opposer; elle 
peut recourir directement à Gœthe qui, lui aussi plongeant un jour le 
regard de son génie sur le champ des plantes, apercut cette grande, 
simple et féconde vérité de l'unité dans la variété. Allez à Gœthe, 
Madame, entre pairs on se comprend. 

Avortements! le vilain mot; chose plus vilaine encore. La nature n’en 
veut pas, elle est trop bonne mère. C’est aussi du mauvais grimoire pour 
exprimer l’une ou l’autre évolution utile, nécessaire ou gracieuse d'un 
organe qui métamorphose son apparence. 

Qui donc a pu dire que les feuilles se décolorent quand elles se parent 
pour le plaisir et pour la noce. Celui-là, encore, aurait mal parlé. C'est 
la couleur de tous les jours, le vert, qui ne compte pas : colorata folia 
dicuntur, cum alium assumunt colorem, quam viridem ; (Linné, Philos. 
Bot., chap. VIII, $ 266). La pourpre de l’Adonis, l’azur du Myosotis, et 
toutes ces brillantes livrées de noce, animation, bonheur, signe de vie, 
épanouissement; la fécondation, moment suprême, création, 

Ils disent mal! A la bonne heure et tancez-les d'importance; vous 
auriez pu leur donner aussi du boyau pollinique. Is ne parlent pas 
d'ore, tous ceux qu'on dit savants. Tous les lettrés ne sont pas non plus 
des littérateurs. 

Ces reproches peuvent s'adresser à certaines personnes; ils ne sauraient 
atteindre tous les botanistes. C’est pourquoi j’ai voulu rejeter sur la voie 
publique les petits cailloux tombés dans notre jardin. 

Madame Sand ne saurait médire des savants, fu:sent-ils botanistes. 
Elle en est, et des meilleurs. Ses pensées sont élevées et elle les exprime 
dans le langage de la vérité. La définition de la science est superbe : 
« le chemin qui mène du connu vers l'infini. » Apprendre à voir, 
voilà tout le secret des études naturelles. » C’est vrai et je le répéterai, 
en son nom, à mes éludiants. « Le classement est le fil d'Ariane dans le 
dédale de la nature. Adopions une méthode et n’ergotons pas. » Bravo. 

À partir de ce moment, il n’y a plus qu’à écouter et applaudir. 

Jugez-en par deux extraits, auxquels, à tout hasard, nous donnons 
un titre de fantaisie et que nous choïisissons, non comme les meilleurs, 
mais comme les mieux placés ici. 


— 219 — 


Végétaux libres et plantes esclaves. 


Le goût des fleurs s’est tellement répandu qu'il s'en fait une con- 
sommation inouie en réponse à une production artificielle énorme. La 
plante est entrée, comme l’animal, dans l’économie sociale et domesti- 
que. Elle s’y est transformée; comme lui, elle est devenue monstre ou 
merveille au gré de nos besoins ou de nos fantaisies. Elle y prend des 
habitudes de docilité et, si lon peut dire ainsi, de servilité qui établis- 
sent entre elle et sa nature primitive un véritable divorce. Je ne m'inté- 
resse pas moralement au chou pommé et aux citrouilles ventrues que 
l’on égorge et que l’on mange. Ces esclaves ont engraissé à notre ser- 
vice et pour notre usage. Les fleurs de nos serres ont consenti à vivre en 
captivité pour nous plaire, pour orner nos demeures et réjouir nos yeux. 
Elles paraissent fières de leur sort, vaines de nos hommages et avides 
de nos soins. Nous ne remarquons guère celles qui protestent et dégé- 
nérent. 

Celles-ci, les indépendantes qui ne se plient pas à nos exigences, sont 
celles justement qui m'intéressent et que j'appellerais volontiers Îles 
libres, les vrais et dignes enfants de la nature. Leur révolte est encore 
chose utile à l’homme. Elle le stimule et le force à étudier les propriétés 
du sol, les influences atmosphériques et toutes les conséquences du milieu 
où la vie prend certaines formes pour creuset de son activité. 

Les Droséracées, les Parnassées, les Pinguicules, les Lobélies de nos 
terrains tourbeux ne sont pas faciles à acclimater. La Valisnérie n’accom- 
plit pas ses étranges évolutions matrimoniales dans toutes les eaux. Le 
Chardon laiteux n’installe pas où bon nous semble sa magnifique feuille 
ornementale ; les Orchidées de nos bois s’étiolent dans nos parterres, 
l'Orchis militaris voyage mystérieusement pour aller retrouver son 
ombrage, l’ornithogale ombellé descend de la plate-bande et s'en va 
fleurir dans le gazon de la bordure, la mignonne véronique didyma, 
qui veut fleurir en toute saison, grimpe sur les murs exposés au soleil ct 
se fait pariétaire. Pour une foule de charmantes petites indigènes, si 
nous voulons retrouver le groupement gracieux et le riche gazonnement 
de la nature, il nous faut reproduire avec grand soin le lit naturel où 
elles naissent, et c’est par hasard que nous y parvenons quelquefois, car 
presque toujours une petite circonstance absolument indispensable 
échappe à nos prévisions, et la plante, si rustique et si robuste ailleurs, 
se montre ici d'une délicatesse rechincuse ou d’une nostalgie obstinée. 

Voilà pourquoi je préfère aux jardins arrangés et soignés ceux où le 
sol, riche par lui-même de plantes locales, permet le complet abandon 
de certaines parties, et je classerais volontiers les végétaux en deux 
camps, ceux que l'homme altère et transforme pour son usage, el ceux 


— 220 — 


qui viennent spontanément. Rameaux, fleurs, fruits ou légumes, cucillez 
tant que vous voudrez les premiers. Vous en semez, vous en plantez, ils 
vous appartiennent : vous suivez l'équilibre naturel, vous créez et détrui- 
sez; — mais n'abimez pas inutilement les seconds. Elles sont bien plus 
délicates, plus précieuses pour la science et pour l’art, ces mauvaises 
herbes, comme les appellent les laboureurs et les jardiniers. Elles sont 
vraies, elles sont des types, des êtres complets. Elles nous parlent notre 
langue, qui ne se compose pas de mots hybrides et vagues. Elles présen- 
tent des caractères certains, durables, et quand un milieu à imprimé à 
l'espèce une modification notable, que l’on en fasse ou non une espèce 
nouvellement observée et classée, ce caractère persiste avec le milieu qui 
l’a produit. La passion de l’hortieulture fait tant de progrès que peu à 
peu tous les types primitifs disparaitront peut-être comme a disparu Île 
type primitif du blé. PFénétrons donc avec respect dans les sanctuaires 
où la montagne et la forêt cachent et protégent le jardin naturel. J'en ai 
découvert plus d’un, et même assez près des endroits habités. Un taillis 
épineux, un coin inondé par le cours égaré d’un ruisseau, les avaient 
conservés vierges de pas humains. Dans ces cas-là, je me garde bien de 
faire part de ces trouvailles. On dévasterait tout, 

Sur les sommets herbus de l’Auvergne, il y a des jardins de Gentianes 
et de Statices d’une beauté inouie et d’un parfum exquis. Dans les Pyré- 
nées, à Gèdres entre autres, sur la croupe du Cambasque près de Caute- 
rets, au bord de la Creuse, dans les âpres micaschistes redressés, dans 
certains méandres de l'Indre, dans les déchirures calcaires de la Savoie, 
dans les oasis de la Provence, où nous avons été ensemble avant la saison 
des fleurs, mais que j'avais exploré en bonne saison, il y a des sanctuai- 
res où vous passeriez des heures sans rien cueillir et sans oser rien fouler, 
si une seule fois vous aviez voulu vous rendre bien compte de la beauté 
d’un végétal libre, heureux, complet, intact dans toutes ses parties et 
servi à soubait par le milieu qu’il a choisi. Si la fleur est l’expression 
suprême de la beauté chez certaines plantes, il en est beaucoup d’autres 
dont l’anthèse est mystérieuse ou peu apparente et qui n’en sont pas 
moins admirables 

Vous n’êtes pas insensibles, je le sais, à la grâce de la structure et à la 
fraicheur du feuillage, car vous aimez passionnément tout ce qui est 
beau. Eh bien! il y a dans la Flore la plus vulgaire une foule de choses 
infiniment belles que vous n’aimez pas encore parce que vous ne les 
voyez pas encore. Ce n’est pas votre intelligence qui s’y refuse, c’est 
votre œil qui ne s’est pas exercé à tout voir. Pourtant votre œil est jeune; 
le mien est fatigué, presque éteint, et il distingue un tout petit brin 
d’herbe à physionomie nouvelle. C’est qu’il est dressé à la recherche 
comme le chien à la chasse, et voilà le plaisir, voilà l’amusement muet, 
mais ardent et continu que chacun peut acquérir, si bon lui semble. 

Apprendreà voir, voilà tout le secret des études naturelles. Il est presque 


— 221 — 


impossible de voir avec netteté tout ce que renferme un mètre carré de 
jardin naturel, si on l’examine sans notion de classement. Le classement 
est le fil d'Ariane dans le dédale de la nature. Que ce classement soit plus 
ou moins simple ou compliqué, peu importe, pourvu qu'il soit classement 
et qu'on s’y tienne avec docilité pour apprendre. Chacun est libre, avec le 
temps et le savoir acquis, de rectifier selon son génie ou sa conscience les 
classifications hasardées ou incomplètes des professeurs. Adoptons une mé- 
thode et n’ergotons pas. Le but d’un esprit artiste et poétique comme le 
vôtre n'est pas de se satisfaire en connaissant d’une manière infaillible 
tous les noms charmants ou barbares donnés aux merveilles de la nature ; 
son but est de se servir de ces noms, quels qu'ils soient, pour former 
. les groupes et distinguer les types. Les principaux sont si faciles à saisir 
que peu de jours suffisent à cette prise de possession des familles. Les 
tribus et les genres s’y rattachent progressivement avec une clarté ex- 
trême. La distinction des espèces exige plus de patience et d’attention, 
c'est le travail courant habituel, prolongé et plein d’attraits de la défini- 
tion. On y commet longtemps, peut-être toujours, plus d’une erreur, 
car les caractères accessoires sur lesquels repose l'espèce sont parfois 
très-variables ou difficiles à saisir, même avec la loupe et le microscope. 
Vous pouvez bien vous arrêter là, si vous avez atteint le but, qui est 
d’avoir vu tout ce qu'il y a de très beau à voir dans le végétal. Pourtant 
cette recherche ardue ne nuit pas. La loupe révèle des délicatesses infi- 
nies, des différences de tissu, des appareils respiratoires ou sudorifiques 
très-mystérieux, des appendices de poils transparens qui ressemblent 
à une microscopique chevelure hyaline, tantôt disposée en étoiles, tantôt 
couchée comme une fourrure, tantôt courant, le long de la tige et alter- 
nant avec ses nœuds, tantôt composée de fines soies articulées où termi- 
nées par une petite boule de cristal. Ces appendices, placés tantôt sur 
Ja tige en haut ou en bas, tantôt sur le calice, le bord des feuilles ou des 
pétales, déterminent quelquefois une partie essentielle des caractères. 
S'ils ne nous renseignent pas toujours exactement, c'est un bien petit 
malheur ; l'important, c’est d’avoir vu celte parure merveilleuse que la 
plus humble fleurette ne révélait pas à l’œil nu, et, pour la chercher avec 
la lentille, il fallait bien savoir qu'elle existe ou doit exister. 

Je vous cite ce petit fait entre mille. Si vous étudiez la plante dans 
tous ses détails, vous serez frappé d’une première unité de plan vrai- 
ment magistrale, donnant naissance à l’infinie variété et reliant cette 
variélé au grand type primordial par des embranchements admirable- 
ment ingénieux et logiques. Je m'embarrasse fort peu, quant à moi, des 
questions religieuses ou matérialistes que soulève l’ordre de la nature. 
Il a plu à de grands esprits d’y trouver du désordre ou tout ou moins 
des lacunes et des hiatus. Pour mon compte, j’y trouve tant d'art et de 
science, tant d’esprit et tant de génie, que j'attribuerais volontiers les 
lacunes apparentes de la création à celles de notre cerveau. Nous ne 


— 222 — 


savons pas tout, mais ce que nous voyons est très-satisfaisant, et, que la 
vie se soit élancée sur la terre en cercle ou en spirale, en réseau ou en 
jet unique, par secousses ou par alluvions, je m'occupe à voir et je me 
contente d'admirer. | 

Pour conclure, l'étude des détails ne peut se passer de méthode. La 
méthode impose la recherche, qui n’est qu’un emploi bien dirigé de 
l'attention. L’attention est un exercice de l'esprit qui crée une faculté 
nouvelle, la vision nette et complète des choses. Là où l'amateur sans 
étude ne voit que des masses et des couleurs confuses, l'artiste naturaliste 
voit le détail en même temps que l’ensemble. Qu'il ait besoin ou non 
pour son art de cette facullé acquise, je n’en sais rien, et là n’est pas le 
but que j'ai cherché, je n’v ai même pas songé; mais qu'il en ait 
besoin pour son âme, pour son progrès intérieur, pour sa santé morale, 
pour sa consolation dans les écœuremens de la vie sociale, pour la force 
à retrouver entre l'abattement du désastre et l’appel du devoir, voilà 
ce qui n’est pas douteux pour moi. On arrive à aimer la nature passion- 
nément comme un grand être passionné, puissant, inépuisable, toujours 
souriant, toujours prêt à parler d’idéal et à renouveler le pauvre petit 
être troublé et tremblant que nous sommes. 

Je suis arrivé, moi, à penser que c'était un devoir d'apprendre à 
étudier, même dans la vieillesse, et sans souci du terme plus ou moins 
rapproché, qui mettra fin à l’entreprise. 

L'étude est l’aliment de la rêverie, qui est elle-même de grand profit 
pour l’âme, à cette condition d’avoir un bon aliment. Si chaque jour 
qui passe, fait entrer un peu plus avant dans notre intelligence des 
notions qui l’enflamment et stimulent le cœur, aucun jour n’est perdu, 
et le passé qui s’écoule n’est pas un bien qui nous échappe. C’est un 
ruisseau qui se hâte de remplir le bassin où nous pourrons toujours 
nous désaltérer et où se noie le regret des jeunes années. On dit les 
belles années! c’est par métaphore, les plus belles sont celles qui nous 
ont rendu plus sensitifs et plus perceptifs; par conséquent l’année où 
l’on vit dans la voie de son progrès est toujours la meilleure. Chacun 
est libre d’en faire l’expérience. 

Il n’y a pas que des plantes dans la nature; d’abord il y a tout; mais 
commencez par une des branches, et quand vous l’aurez comprise, vous 
en saisirez plus facilement une autre, la faune après la flore, si bon 
vous semble. | 

La pierre ne semble pas bien éloquente au milieu de tout cela. Elle 
l’est pourtant, cette grande architecture du temple, elle est l’histoire 
hiéroglyphyque du monde, et en l’étudiant, même dans les minuties 
minéralogiques, qui sont plus amusantes qu’instructives, on complète 
en soi le sens visuel du corps et de l’esprit. Ces mystérieuses opérations 
de la physique et de Ja chimie ont imprimé aux moindres objets des 
physionomies frappantes, que ne saisit pas le premier œil venu. Tous 


— 2925 — 


les rochers ne se ressemblent pas; chaque masse a son sens et son 
expression ; toute forme, toute ligne a sa raison d’être et s’embellit du 
degré de logique que sa puissance manifeste. Les grands accidents comme 
les grands nivellemens, les fières montagnes comme les steppes immenses, 
ont des aspects inépuisables de diversité. Quand la nature n’est pas belle, 
c'est que l’homme l’a changée ; voir sa beauté où elle est, et la voir dans 
tout ce qui la constitue, c’est le précieux résultat de l'étude de la nature, et 
cest une erreur de croire que tout le monde est à même d’improviser 
ce résultat. Pour bien sentir la musique, il faut la savoir; pour apprécier 
la peinture, il faut l'avoir beaucoup interrogée dans l’œuvre des maitres. 
Tout le monde est d'accord sur ce point, et pourtant tout le monde croit 
voir le ciel, la mer et la terre avec des yeux compétens. 

Non, c’est imposssible ; la terre, la mer et le ciel sont le résultat 
d’une science plus abstraite et d’un art plus inspiré que nos œuvres 
humaines. Je trouve inoffensifs les gens sincères qui avouent leur in- 
différence pour la nature; je trouve irritants ceux qui prétendent la 
comprendre sans la connaître et qui feignent de l’admirer sans la voir. 
Cette verbeuse et prétentieuse admiration descriptive des personnes qui 
voient mal, rend forcément taciturnes celles qui voient, et qui sentent 
d’ailleurs profondément l'impuissance des mots pour traduire l'infini 
du beau. 

Voilà ce que je voulais vous écrire à propos de la botanique. Ne me 
dites plus que je la sais. J’en bois tant que je peux, voilà tout. Je ne 
saurai jamais. Sans mémoire, on est éternellement ignorant ; mais savoir 
son ignorance, c'est savoir qu'il y a un monde enchanté où l’on voudrait 
toujours se glisser, et si l’on reste à la porte, ce n’est pas parce qu’on se 
plait au dehors dans la stérilité et dans l’impuissance, c’est parce qu’on 
n'est pas doué ; mais au moins on est riche de désirs, d’élans, de rêves et 
d’aspirations. Le cœur vit de cette soif d'idéal. On s’oublie soi-même, on 
monte dans une région où la personnalité s’efface, parce que le senti- 
ment, je dirais presque la sensation de la vie universelle, prend posses- 
sion de notre être et le spiritualise en le dispersant dans le grand tout. 
C'est peut-être là la signification du mot mystérieux de contemplation, 
qui, pris dans l’acception matérielle, ne veut rien dire. Regarder sans 
être ému de ce qu’on voit serait une jouissance vague et de courte durée, 
si toutefois c'était une jouissance. Regarder la vie, agir dans l'univers en 
même temps qu’elle agit en nous, c’est la sentir universalisée en soi et 
personnifiée dans l’univers. Levez les veux vers le ciel et voyez palpiter 
la lumière des étoiles ; chacune de ces palpitations répond aux pulsations 
de notre cœur. Notre planète est un des petits êtres qui vivent du seintil- 
lement de ces grands astres, et nous, êtres plus petits, nous vivons des 
mêmes effluves de chaleur et de lumière. - 

L'étoile est à nous, comme le soleil est à la terre. Tout nous appar- 
tient, puisque nous appartenons à tout, et ce perpétuel échange de vie 


 — 


s'opère dans la splendeur du plus sublime spectacle et du plus admirable 
mécanisme qu'il nous soit possible de concevoir. Tout y est beau, depuis 
Sirius, qui traverse l’éther d’une flèche de feu, jusqu'à l’œil microsco- 
pique de l’imperceptible insecte qui reflète Sirius et le firmament. Tout 
y est grand, depuis le fleuve des mondes qui s’appelle la voie lactée, jus- 
qu'au ruisselet de la prairie qui roule dans son flot emperlé un monde 
de petits êtres extraordinairement forts, agiles, doués d’une vitalité 
intense, presque irréduetible. Tout y est heureux, depuis la grande âme 
du monde qui révèle sa joie de vivre par son éternelle activité jusqu’à 
l'être qui se plaint toujours, l’homme! Oui, l’homme est infiniment heu- 
reux dans ses vrais rapports avec la nature. Il a le beau dans les yeux, 
le vrai est dans l’air qu'il respire, le bon est dans son cœur, puisqu'il est 
heureux quand il fait le bien, et triste, bête ou fou quand il fait le mal. 


L'herbier. 


L'herbier inspire des préventions aux artistes. C’est, disent-ils, une 
jolic collection de squelettes. 

Avant tout, je dois vous dire que faire un herbier est une chose si 
grave que j'ai écrit sur la première feuille du mien: fagot. Je n’oserais 
donner un titre plus sérieux à une chose si capricieuse et si incomplète. 
Je parlerai donc de l’herbier au point de vue général, et je vous 
accorde que c’est un cimetière. Dès lors ce n’est pas un coin aride pour 
la pensée. Le sentiment l’habite, car ce qui parle le plus éloquemment 
de la vie, c’est la mort. 

Maintenant écoutez une anecdote véridique. 

J'ai vu Eugène Delacroix essayer pour la premiére fois de peindre 
des fleurs. Il avait étudié la botanique dans son enfance, et, comme il 
avait une admirable mémoire, il la savait encore ; mais elle ne l'avait 
pas frappé en tant qu’artiste, et le sens ne lui en fut révélé que lors- 
qu'il reproduisit attentivement la couleur et la forme de la plante. Je le 
surpris dans une extase de ravissement devant un lis jaune dont il venait 
de comprendre la belle architecture, c’est le mot heureux dont il se 
servit. Il se hâtait de peindre, voyant qu’à chaque instant, son modèle, 
accomplissant dans l’eau l’ensemble de sa floraison, changeait de ton et 
d’attitudes. 11 pensait avoir fini, et le résultat était merveilleux; mais 
le lendemain, lorsqu'il compara l’art à la nature, il fut mécontent et 
retoucha. Le lis avait complétement changé. Les lobes du périanthe 
s'étaient recourbés en dehors, le ton des étamines avait pâli, celui de 
la fleur s'était accusé, le jaune d’or était devenu orangé, la hampe était 
plus ferme et plus droite, les feuilles plus serrées contre la tige sem- 
blaient plus étroites. C'était encore une harmonie, ce n’était plus Îa 
même. Le jour suivant, la plante était belle tout autrement. Elle deve- 


— 225 — 


nait de plus en plus architecturale. La fleur se séchait et montrait ses 
organes plus développés; ses formes devenaient géométriques, c'est 
encore lui qui parle. Il voyait le squelette se dessiner, et la beauté du 
squelette le charmait. Il fallut le lui arracher pour qu'il ne fit pas, 
d’une étude de plante à l’état splendide de l’anthèse, une étude de plante 
en herbier. 

Il me demanda alors à voir des plantes séchées, et il s'énamoura de 
ces silhouettes déliées et charmantes que conservent beaucoup d'espèces. 
Les raccourcis que la pression supprime, mais que la logique de l'œil 
rétablit, le frappaient particulièrement. « Les plantes d’herbier, disait-il, 
c'est la grâce dans la mort. » 

Chacun a son procédé, pour conserver la plante sans la déformer. 
Le plus simple est le meilleur. Jetée et non posée dans le papier qui doit 
boire son suc, rétablie par le soufle dans son attitude naturelle, si elle 
l’a perdue en tombant sur ce lit mortuaire, elle doit être convenable. 
ment comprimée, mais jamais jusqu’à produire l’écrasement. I] faut 
renouveler tous les jours les couches de papier qui l’isolent, sans ouvrir 
le feuillet qui la contient. 

Le moindre dérangement gâte sa pose, tant qu’elle colle à son linceuil. 
Au bout de quelques jours, pour la plupart des espèces, la dessication 
est opérée. 

Les plantes grasses demandent plus de pression, plus de temps et plus 
de soins, sans jamais donner de résultats bien satisfaisants. Les Orchidées 
noircissent malgré le repassage au fer chaud, qui est préférable à la 
presse. Bannissons la presse absolument, elle détruit tout et ne laisse 
plus la moindre chance à l’analyse déjà si difficile du végétal desséché. 
Le but de l’herbier doit être de faciliter l’étude des sujets qu'il contient. 
Le goût des collections est puéril, s’il n’a pas ce but avant tout pour soi 
et pour les autres. 

Mais l’herbier a pour moi une autre importance encore, une impor- 
tance toute morale et toute de sentiment. C’est le passage d’une vie 
humaine à travers la nature, c’est le voyage enchanté d’une âme 
aimante dans le monde aimé de la création. Un herbier bien fait au 
point de vue de la conservation exhale une odeur particulière, où les 
senteurs diverses, même les senteurs fétides, se confondent en un par- 
fum comparable à celui du thé le plus exquis. Ce parfum est pour moi 
comme l'expression de la vie prise dans son ensemble. Les saveurs 
salutaires des plantes dites oflicinales, mariées aux âcres émanations des 
plantes vireuses, lesquelles sont probablement tout aussi officinales que 
les autres, produisent la suavité qui est encore une richesse, une salu- 
brité, une subtile beauté de la nature. Ainsi se perdent dans l'harmonie 
de l’ensemble les forces trop accusées pour nous de certains détails. 

Ainsi de nos souvenirs, où se résument comme un parfum tout un 


passé composé de tristesse et de joie, de revers et de victoires. Il y a 
15 


— 226 — 


dans cet herbier là des épines et des poisons : l’ortie, la ronce et la ciguë 
y figurent; mais tant de fleurs délicieusement belles et bienfaisantes sont 
là pour ramener à l’optimisme, qui serait peut-être la plus vraie des 
philosophies ! 

La ciguë d’ailleurs, ..… je l’arrache sans pitié, je l'avoue, parce qu'elle 
envahit tout et détrône tout quand on la laisse faire ; mais, outre qu’elle 
est bien belle, elle est une plante historique. Son nom est à jamais lié 
au divin poème du Phédon. Les chrétiens ne sauraient dire quel arbre 
a fourni la croix vénérée de leur grand martyr. Tout le monde sait que 
la ciguë a procuré une mort douce et sublime au grand prédécesseur 
du crucifié. Innocente ou bienfaisante ciguë, sois donc réhabilitée, toi 
qui, forcée de donner la mort, sus prouver que tu n’atteignais pas la 
toute-puissance de l'âme, et laissas pure et lucide celle du sage jusqu’à la 
dernière pulsation de ses artères. 

L'herbier est encore autre chose, c’est un reliquaire. Pas un individu 
qui ne soit un souvenir doux et pur. On ne fait de la botanique bien 
attentive que quand on a l'esprit libre des grandes préoccupations per- 
sonnelles ou reposé des grandes douleurs. Chaque plante rappelle done 
une heure de calme ou d’accalmie. Elle rappelle aussi les beaux jours 
des années écoulées, car on choisit ces jours là, pour chercher la vie 
épanouie, et s'épanouir pour son propre compte. La vue des sujets un 
peu rares dans la localité explorée, réveille la vision d’un paysage parti- 
culier. Je ne puis regarder la petite campanule à feuilles de lierre, — 
merveille de la forme! — sans revoir les blocs de granit de nos vieux 
dolmens, où je l’observai vivante pour la première fois. Elle perçait la 
mousse et le sable en mille endroits, sur un coteau couvert de hautes 
digitales pourprées, et ses mignonnes clochettes devenaient plus amples 
et plus colorées, à mesure qu’elle se rapprochait du ruisseau qui jase 
timidement dans ces solitudes austères. 

Là aussi je trouvais la Lysimachia nemorum, assez rare chez nous, 
non moins merveilleuse de fini et de grâce, et, dans le bois voisin, 
l’Oxalis acetosella, qui remplissait de ses touffes charmantes, d’un ver 
gai, comme daignent dire les botanistes, les profondes crevasses des 
antiques chataigniers. 

Que ce bois était beau alors! Il était si épais d’ombrage que la lumière 
du soleil y tombait, pâle et glauque, comme un clair de lune. De vieux 
arbres penchés nourissaient, du pied à la cime, des panaches ininter- 
rompus de hautes fougères. A la lisière, des argynis énormes, toutes 
vêtues de nâcre verte, planaient comme des oiseaux de haut vol sur les 
églantiers. Un paysan d’aspect naïf et sauvage nous demanda ce que 
nous cherchions, ct, nous voyant ramasser des herbes et des insectes, 
resta cloué sur place, les yeux hagards, le sourire sur les lèvres. Il 
sortit enfin de sa stupeur par un haussement d’épaules formidable, et 
s’éloigna en disant d’un ton, dont rien ne peut rendre le mépris et la 
pitié : « Ah! mon Dieu, mon Dieu! » 


— 227 — 


J'ouvre l'herbier au hasard, quand je suis rendu gloomy par un temps 
noir et froid. L’herbier est rempli de soleil. Voici la Cireée, et aussitôt 
je rêve que je me promène dans les méandres et les petites cascades de 
l'Indre; c'était un coin vierge de culture et bien touffu. La flore y est très 
belle. J’y ai trouvé cette année-là, l’Agraphis blanche, le Genèêt sagitté, 
la Balsamine noli me tangere, la Spirante d'été, les jolies Hélianthèmes, 
le Buplèvre en faux, l’Anagallis tenella, sans parler des grandes Eupa- 
toires, des hautes Salicaires, des Spirées ulmaires et filipendules, des 
Houblons et de toutes les plantes communes dans mon petit rayon 
habituel. La Circée m'a remis toute cette floraison sous les yeux, et 
aussi la grande tour effondrée, et le jardin naturel qui se cache et se 
presse sous les vieux saules, avec ses petits blocs de grès, ses sentiers 
encombrés de lianes indigènes et ses grands lézards verts, pierreries 
vivantes, qui traversent le fourré comme des éclairs rampants. Le 
martin-pêcheur, autre éclair, rase l’eau comme une flèche ; la rivière 
parle, chante, gazouille et gronde. Il y a partout, selon la saison, des 
ruisseaux ou des torrens à traverser comme on peut, sans ponts et sans 
chemins. C’est un endroit qui semble primitif en quelques parties, que 
le paysan n’explore que dans les temps secs. Hélas! gare aux jours, où les 
arbres seront bons à abattre! La flore des lieux frais ira se blottir 
ailleurs. 11 faudra la chercher. 

En voyant le domaine de la nature se rétrécir de jour en jour et les 
ravages de la culture mal entendue supprimer sans relâche le jardin 
naturel, je ne suis guère entrain de conclure avec certains adeptes de 
Darwin que l’homme est un grand créateur, et qu’il faut s’en remettre à 
son goût et à son intelligence pour arranger au mieux la plante. Jusqu'à 
présent, je trouve qu'il est un affreux bourgeois et un vandale, qu'il a 
plus gâté les types qu'il ne les a embellis, que pour quelques améliora- 
tions il a fait cent bévues et cent profanations, qu'il a toujours travaillé 
pour son ventre plus que pour son cœur et son esprit, que ses créations 
de plantes et d'animaux les plus utiles sont précisément les plus laides, 
et que ses modifications tant vantées sont, dans la plupart des cas, des 
détériorations et des monstruosités. La théorie de Darwin n’en est pas 
moins vraisemblable et logiquement vraie; mais elle ne doit pas con- 
clure à la destruction systématique de tout ce qui n’est pas l’ouvrage de 
l’homme. L’interpréter ainsi diminuerait son importance et dénaturerait 
probablement son but; mais, pour parler de ce grand esprit et de ces 
grands travaux, il faudrait plus de papier que je ne veux condamner vos 
yeux à en lire. 

Revenons à nos fleurs mortes. 

Je vous disais que l’herbier est un cimetière; hélas! le mien est 
rempli de plantes cueillies par des mains amies que la mort à depuis 
longtemps glacées. Voici les graminées que mon vieux précepteur Des- 
chartres prépara et classa ici, il y a, soixante-quinze ans, pour mon 


_ 998 — 


père, qui avait été son élève; elles ont servi à mes premières études 
botaniques, je les ai pieusement gardées, et, si j'ai rectifié le classement 
un peu suranné de mon professeur, j'ai respecté les étiquettes jaunies 
qui gardent fidèlement son écriture... J'ai trouvé dans un volume de 
l'abbé de Saint-Pierre, qui a été longtemps dans les mains de Jean-Jacques 
Rousseau, une Saponaire ocymoïde qui m’a bien l'air d’avoir été mise là 
par lui. — De nombreux sujets me viennent de mon cher Malgache, 
Jules Néraud, dont le livre élémentaire et charmant, Botanique de ma 
fille, a été réédité avee luxe par Hetzel, après avoir longtemps dormi 
chez l'éditeur de Lausanne. 

Cet admirable et excellent ouvrage est le résumé de causcries pleines 
de savoir et d’esprit que j'écoutais en artiste et pas assez en naturaliste. 
Je ne me suis occupé un peu sérieusement de botanique que depuis la 
mort de mon pauvre ami. J'avais toujours remis au lendemain l’épelage 
de cet alphabet nécessaire dont on espère en vain pouvoir se passer pour 
bien voir et réellement comprendre. Le lendemain, hélas! m'a trouvé 
seul, privé de mon précieux guide ; mais les plantes qu’il m'avait données, 
avec d'excellentes analyses vraiment descriptives, il y en a si peu de 
complètes dans les gros livres! sont restées dans l’herbier comme 
types bien définis. Chacune de ces plantes me rappelle nos promenades 
dans les bois avec mon fils enfant, que nous portions à tour de rôle, 
et qui aimait à chevaucher la grande Jeannette, la boîte de fer blanc du 
Malgache. 

D’autres amis, qui grâce au ciel vivent encore et me survivront, ont 
aussi laissé leurs noms et leurs tributs dans mon herbier. Une grande 
artiste dramatique, qui est rapidement devenue botaniste attentive et 
passionnée, m'a envoyé des plantes rares et intéressantes des bois de la 
Côte-d'or. Célimëne a les yeux aussi bons qu'ils sont beaux. 

La botanique ne leur a rien ôté de leur expression et de leur pureté; 
c’est que l’exercice complet d’un organe la retrempe. J’ai longtemps 
partagé cette erreur, qu’il ne faut pas exercer la vue, dans la crainte de 
la fatiguer. L’œil est complet ou non, mais il ne peut que gagner à 
fonctionner régulièrement. Des semaines et des mois de repos, que l’on 
me disait et que je croyais nécessaires, augmentaient le nuage qui me 
séne. Des semaines et des mois d'étude à la loupe m'ont enfin prouvé 
que la vue revient quand on la sollicite, tandis qu’elle s'éteint de plus 
en plus dans l’inertie; mais en ceci comme en tout il ne faut point 
d’excès. 

L’herbier se prête aussi aux exercices de la mémoire, qui est un sens 
de l'esprit. Si on ne le feuilletait de temps en temps, les noms et les dif- 
férences se confondraient ou s’échapperaient pour qui n’est pas doué 
naturellement du beau souvenir qui s’incruste. Les soldats passés en 
revue, avec leurs costumes variés, se confondraient dans la vision, s'ils 
n'étaient bien classés par régimens et bataillons. Ils défilent dans leur 


— 229 — 


ordre, on reconnait alors facilement chacun d’eux, et avec son nom et 
son origine on retrouve son histoire personnelle, on se retrace des lieux 
aimés, des personnes chéries ; on revoit les douces figures, on entend les 
gais propos des compagnons qui couraient alors alertes et joyeux au 
soleil, et qui aujourd’hui vivent dans notre âme fidèle à l’état de pensées 
fortifiantes et salutaires. 

Quoi de plus beau et de plus pur que la vision intérieure d’un mort 
aimé? L'esprit humain a la faculté d’une évocation admirable. L'ami re- 
parait, mais non tel qu’il était absolument. L'absence mystérieuse a 
rajeuni ses traits, épuré son regard, adouci sa parole, élevé son âme. 
Il se rappelle quelques erreurs, quelques préjugés, quelques préventions 
inséparables du milieu incomplet où il avait vécu. Il en est débarrassé, il 
vous invite à vous débarrasser aussi de cet alliage. 1] ne se pique point 
d'être entré dans la lumière absolue, mais il est mieux éclairé, il juge la 
vie avec calme et sagesse. Il a gardé de lui-même et développé tout ce 
qui était bon. Il est désormais à toute heure ce qu’il était dans ses meil- 
leurs jours. Il nous rappelle les bienfaits de son amitié, et il n’est pas 
besoin qu'il nous prie d'en oublier les erreurs ou les lacunes. Son appa- 
rition les efface. 

Telle est la puissance de l’imagination et du sentiment en nous que 
nous rendons la vie à ceux qui nous ont quittés. 

Y sont-ils pour quelque chose? Nous le croyons par l’enthousiasme et 


l’attendrissement. La raison jusqu'ici ne nous le prouve pas, elle ne peut 


tout prouver : elle n’est pas la seule lumière de l’homme, quoi qu’on dise ; 
mais elle a des droits sacrés, impreseriptibles, ne l’oublions pas, et n’ar- 
rélons jamais son essor. 

En attendant qu’elle se mette d'accord avec notre cœur, car il faut 
qu’elle en arrive là, donnons à nos amis envolés un sanctuaire dans notre 
âme, et continuons la reconnaissance et l'affection au-delà de la tombe 
en leur faisant plus belle cette région idéale, cette vie renouvelée où 
nous les placons. Qu'ils soient pour nous comme les suaves parfums de 
fleurs qui s’épurent en se condensant. 


CONSIDÉRATIONS SUR L'HYBRIDITÉ CHEZ LES 
VÉGÉTAUX, 
par M. Cu. Naunix. 
(Suite, v. p. 165) 


La rétrogradation d'un hybride en voie de retour vers l’une ou l'autre des 
deux espèces parentes s'explique tout aussi facilement par cette hypothese. 


— 250 — 


J'en ai cité plusieurs exemples en faisant l’histoire de la troisième géné- 
ration du Linaria purpureo-vulgaris. Nous avons vu, par exemple, que, 
dans un lot de quatre-vingts plantes, issues d’un individu de deuxième 
génération, qui paraissait entièrement retourné au £L. purpurea sont 
apparus de nouveaux hybrides qui remontaient à la forme intermédiaire 
de l'hybride premier, et, mieux que cela encore, d’autres individus qui 
se rapprochaient quelque peu de la Linaire à fleurs jaunes. La raison 
en est que l’hybride à fleurs pourpres de deuxième génération, malgré 
les apparences, conservait encore quelque chose du L. vulgaris à fleurs 
jaunes, et que cette parcelle d’essence étrangère a été suffisante pour 
ramener quelques grains de pollen et quelques ovules soit à un état 
mixte, soit tout à fait au L. vulgaris, ce qui a eu pour résultat de faire 
naître des plantes qui rétrogradaient dans le sens opposé à celui de leur 
mère. Des faits semblables, quoique moins prononcés, se sont produits 
dans la descendance d’hybrides de deuxième génération qui semblaient 
entièrement revenus au type du Z. vulgaris, et même, d’une certaine 
manière dans celle du Datura stramonio-lœvis, où des individus, rentrés 
dans le lœvis, conservaient jusqu’à la troisième génération, les caractères 
accessoires qui sont propres à ce genre d’hybrides. Tous ces faits nous 
montrent que le dégagement des formes spécifiques alliées dans les 
hybrides ne s’achève pas toujours aussi vite qu’on pourrait être porté 
à le croire, si on n’en jugeait que par la physionomie ou l’apparence 
extérieure. 

Le retour des hybrides aux formes des espèces parentes n’est pas 
toujours aussi brusque que celui que nous avons observé dans les Prime- 
vères, les Pétunias, le ZLinaria purpureo-vulgaris, le D. Meteloido 
Metel, etc.; souvent il se fait par gradations insensibles, et exige, pour 
être complet, une série peut-être assez longue de générations. Nous 
avons vu, par exemple, que, dans le Luffa acutangulo-cylindrica, il 
faut arriver à la troisième génération pour trouver un individu, sur une 
quarantaine, qui reprenne intégralement l'apparence extérieure du 
L. cylindrica. Les hybrides des Wicotiana persica et Langsdorffii parais- 
sent de même ne se modifier qu’avec une certaine lenteur, et il se peut 
qu’il faille ici une dizaine de générations, ou même davantage, pour 
les ramener totalement aux formes spécifiques. Il est à remarquer, dans 
ces différents cas, que les hybrides ne présentent aucun signe saisis- 
sable de la disjonction des deux essences spécifiques, qui semblent in- 
timement mélées l’une à l’autre, dans toutes les parties de la plante. 
Cependant, d’une génération à l’autre, les traits de l’une des deux 
espèces s’effacent sensiblement, comme si elle s’éteignait par degrés ; 
mais il arrive aussi que cette extinction se fait quelquefois avec assez 
de rapidité pour être complète à la deuxième génération. Les Datura 
ceratocaulo-stramonium, D. Tatulo-stramonium et Stramonio-tatula 
nous en fournissent la preuve, puisque dans le premier, l'influence du 


— 251 — 


D. ceratocaula se borne à stériliser l’hybride pendant une partie de sa 
durée, sans imprimer ses traits sur lui, au moins d’une manière saisis- 
sable, et que, dans les deux autres, il ne subsiste plus rien du D. stra- 
monium à la deuxième génération(l). La marche des hybrides de Datura 
stramonium et D. lœvis a été très-analogue à celle des précédents, en 
ce sens que, dans la grande majorité des individus hybrides, l'essence 
du D. lœvis était déjà presque éliminée dès la première génération. 

En résumé, les hybrides fertiles et se fécondant eux-mêmes revien- 
nent tôt ou tard aux types spécifiques dont ils dérivent, et ce retour se 
fait soit par le dégagement des deux essences réunies, soit par l'extinction 
graduelle de l’un des deux. Dans ce derniér cas, la postérité hybride 
revient tout entière et exclusivement à une seule des denx espèces pro- 
ductrices. 


VI. Y a-t-il des exceptions à la loi de retour des hybrides aux formes de 
leurs ascendants? certains hybrides se fixent-ils et donnent-ils lieu à 
des espèces nouvelles ? 


Il n’y a pas assez longtemps que je m'occupe de l'étude des hybrides 
pour avoir une opinion arrêtée sur ce point. Plusieurs botanistes d’une 
grande autorité croient que certains hybrides fertiles (sinon tous) peu- 
vent se fixer et passer à l’état de variétés constantes, c’est-à-dire de véri- 
tables espèces, intermédiaires entre celles d’où elles sont sorties; c’est 
en particulier l’opinion de M. Regel qui regarde comme probable (je 
dirais presque comme démontré) que dans le groupe des Saules, des 
Rosiers et dans beaucoup d’autres genres riches en formes très-voisines, 


(1) Cette assertion, qui, à l’époque où ce mémoire a été écrit, ne se fondait que 
sur une seule observation, me parait aujourd’hui beaucoup trop absolue, et de nou- 
velles expériences me permettent de la rectifier. J’ai vu, depuis lors, les hybrides issus 
du croisement des Datura Tatula et D. stramonium se partager entre ces deux espèces 
et rentrer intégralement dans l’une et dans l’autre, toutefois en bien plus grand nombre 
dans le Tatula que dans le Stramonium. Si l’on admettait l'hypothèse exposée plus loin 
sur l’origine des espèces, il faudrait considérer le D. Tatula comme plus ancien et plus 
rapproché du prototype du genre que le D. Stramonium, considération qui se fon- 
derait, d’une part sur la prépondérance du Tatula dans ses croisements avec le Stra- 
monium, d'autre part sur la teinte violette de ses fleurs, teinte qui est très-générale 
et pour ainsi dire normale dans toute la famille des Solanées. A ce point de vue le 
D. Stramonium à fleurs blanches ne serait qu'une forme décolorée du Tatula, mais 
qui, devenue fixe et héréditaire, passerait de droit au rang d'espèce. Par le même pro- 
cédé de dérivation, le D, Stramonium aurait à son tour donné naissance au D. lœvis, 
comme lui à fleurs blanches, mais à capsules inermes. On sait du reste que les bota- 
nistes ne sont nullement d'accord sur la question de savoir si ces trois formes doivent 
être considérées comme des espèces distinctes ou comme de simples variétés d’une 
même espèce. 


— 9252 — 


et dont la nomenclature est très-embarrassante pour les botanistes, il 
n'y a eu originairement qu'un petit nombre d'espèces (deux ou trois) 
dont jes croisements fertiles ont donné lieu à des hybrides également 
fertiles, qui, à leur tour, se croisant entre eux ct avec leurs parents, 
ont engendré, de siècle en siècle, ces multitudes de formes aujourd’hui 
existantes. Cette hypothèse, qui, au premier abord, semble exagérée, 
n'a rien d'improbable; mais tout en reconnaissant la possibilité de ces 
croisements et la variabilité qui a dû en être la conséquence, je crois 
aussi qu’une autre raison, qui n’est ni moins naturelle ni moins probable, 
peut être invoquée, concurremment avec elle, pour rendre compte de la 
multiplicité des formes dans certains groupes génériques, et en parti- 
culier dans ceux qui ont été nommés ci-dessus, c’est la propriété inhé- 
rente à tous les organismes (au moins végétaux) de se modifier dans une 
certaine mesure suivant les influences du milieu où ils sont placés, en 
d’autres termes, la tendance innée de ce que nous appelons des espèces 
à se subdiviser en espèces secondaires c’est-à-dire en races et en variétés, 
pour nous servir des expressions reçues. Au surplus, en admettant que 
les nombreuses formes qu’on observe dans les groupes Saule et Rosier 
soient le produit du croisement d’un petit nombre d'espèces primitives, 
on n’établirait pas pour cela la persistance des formes d’origines hybrides; 
car jusqu'ici aucune expérience ne démontre que ces variétés de Saules 
et de Rosiers, supposées hybrides, peuvent se conserver intactes par voie 
de génération. L'expérience elle-même, si jamais elle se faisait, laisse- 
rait la question indécise. Il arriverait, en effet, de deux choses l’une : 
ou les variétés dont il s’agit seraient trouvées sans fixité, et alors elles 
prouveraient contre l'hypothèse de la persistance des formes hybrides ; 
ou bien elles seraient parfaitement fixes et transmissibles par voie de 
générations, et dans ce cas on serait autorisé à y voir aulant d’espèces 
autonomes, dont l’origine n’aurait rien de commun avec lhybridité. 
L'origine hybride d’un grand nombre de saules et de rosiers n’est jus- 
qu'ici, que supposée, mais elle deviendrait extrêmement probable s'il 
était démontré expérimentalement que ces diverses races ne se repro- 
duisent pas fidèlement par la voie des semis, et que leur physionomie 
change d’une génération à l’autre. 

Ce que je puis affirmer, c'est qu'aucun des hybrides que j'ai obtenus 
n’a manifesté la moindre tendance à faire souche d’espèce. On m'objec- 
tera que mes expériences n’ont pas duré assez longtemps et que peut- 
être, à la longue, en choisissant toujours pour porte-graines les formes 
les plus intermédiaires qui se produisent dans les générations sueces- 
sives des hybrides (par exemple, celles que nous avons vu apparaitre 
dans les cinq générations du Linaria purpureo-vulgaris), on arriverait, 
l'atavisme aidant, à constituer des formes assez solides pour se propager 
ensuite toutes seules en restant toujours semblables à elles-mêmes. Je 
le veux bien; mais ce n’est jamais là qu’une supposition que rien ne 


— 2355 — 


confirme, et qui ne peut pas contre-balancer un fait démontré, et ce 
qui est démontré ici, c'est qu'au moins dans les troisième, quatrième 
et cinquième générations, les formes des hybrides n’ont rien de fixe, 
et qu’elles se modifient, d’une génération à l’autre, dans le sens des 
types spécifiques qui les ont produits. 

Je ne connais jusqu'ici qu'un seul fait qui puisse servir de base à 
l'hypothèse de la fixation des hybrides, encore ce fait est-il douteux. 
C'est celui d’un Ægilops très-voisin du blé, qu'on cultive au Muséum 
depuis une dizaine d'années, et chez lequel les générations successives ne 
laissent pas apercevoir de modification appréciable. On le dit provenu 
du croisement de lÆgilops ovata avec le blé, origine qui a du reste été 
contestée, quelques botanistes affirmant que cette forme n'est ni plus ni 
moins qu'une espèce légitime. Ce qui est certain, c’est que cet bybride, 
si c'en est un, se conduit autrement que ceux sur lesquels MM. Fabre et 
Dunal ont fondé, ïl y a quelques années, leur théorie de la métamor- 
phose de l’Ægilops ovata en blé. D'après ces deux observateurs (si toute- 
fois leur rapport est exact), la forme triticoïde de lÆgilops ovata, dont 
ils ignoraient la provenance hybride, se serait graduellement méta- 
morphosée en blé, à tel point qu’au bout de quelques générations elle 
ne pouvait plus être distinguée de ce dernier. Or, c'est bien là la marche 
ordinaire des hybrides, sans qu’il soit nécessaire de supposer, comme on 
l'a fait, de nouveaux croisements de l'Ægilops avec le blé pour expli- 
quer son retour à celui-ci. Je me rappelle du reste parfaitement avoir 
vu, chez M. Dunal, une nombreuse collection de ces Ægilops en voie de 
retour, où se trouvaient toutes les formes intermédiaires entre l’Ægilops 
hybride (Ægilops triticoïdes) et le blé. 

Au surplus, s’il vient à être démontré que l'Ægilops cultivé au Muséum 
(Æ. speltæformis Jon.) est réellement un hybride, et qu'il ne se modifie 
pas dans une jongue série de générations, ce sera une exception à la 
règle, mais cette règle très-générale n’en sera pas sensiblement infirmée, 
aussi longtemps du moins que le fait restera isolé. 


VII. # a-t-il une limite précise entre les hybrides et les métis ? 


Presque tous les hybridologistes ont insisté sur la distinetion à faire 
entre les hybrides et les métis, et, à les entendre, rien ne serait plus 
facile : l’hybride résulte du croisement de deux espèces distinetes, de 
deux véritables espèees, comme dit M. Regel; le métis, de celui de deux 
races ou de deux variétés. Théoriquement rien n'est plus clair; dans 
la pratique rien n'est plus difficile que l'application de ces deux mots. 
Par exemple, le produit croisé du Melon cantaloup et du Melon brodé, 
celui du Melon brodé et du Dudaïm, celui du Dudaïm et du Cucumis 


. 


— 254 — 


pantherianus; ou encore celui du Datura Stramonium et du Datura 
Tatula, ete., doivent-ils être qualifiés hybrides ou métis? C’est que cette 
question n'est en définitive que celle de la distinction des espèces, des 
races et des variétés, sujet d’éternelles disputes entre les naturalistes. 
Pour ‘la résoudre, autant qu'elle peut être résolue, il est nécessaire que 
nous reprenions ici l'examen de ce qu’on doit entendre par les mots 
espèce, race el variété. 


VIIT. Qu'est-ce donc que l'espèce, la race et la variété? 


Remontons à l’origine même de la notion d'espèce, et ne perdons pas 
de vue que toutes nos idées naissent du contraste des choses. L’aveugle de 
naissance n’a aucune idée de l'obscurité, parce que, privé du sentiment 
de la lumière, il ne sent pas le contraste de ces deux choses; le voyant, 
lui-même, n'aurait aucune idée de la lumière qui l’environne de toutes 
parts, si, dans le monde, tout était lumineux au même degré. La notion 
d'espèce n'échappe pas à la loi commune; de plus elle est complexe et se 
forme de plusieurs éléments que nous allons essayer de mettre en 
lumière. 

S'il n'existait dans la nature qu'une seule forme végétale, le Blé, par 
exemple, toujours et partout semblable à elle-même, sans aucune variation 
dans les innombrables individus qui la représenteraient, nous arrive- 
rions à l’idée d’individu et à celle de végétal, mais non à celle d’espèce; 
Blé et végétal se confondraient dans notre esprit en une seule et même 
chose. 

Supposons de même que la nature ayant créé un nombre indéterminé 
d'organismes différents, chacun d’eux ne soit représenté sur la terre que 
par un seul individu, incapable de se multiplier, mais indestructible et 
impérissable ; ici encore nous n’arriverions pas à concevoir l’espèce, 
parce que chaque type d’organisation serait isolé et n’aurait pas de 
semblable. 

Pour qu’il y ait espèce, il faut donc : 1° qu'il y ait pluralité d'individus 
semblables, c’est-à-dire un groupe, une collection ; 2° que ce groupe ou 
cette collection d'individus contraste dans un degré quelconque avec d’au- 
tres groupes d’individus pareillement semblables entre eux, et pouvant 
cependant être rapprochés les uns des autres par quelques points com- 
muns qui les rendent comparables. Il suit de là que l’idée d’espèce est 
connexe de celle de genre (j'entends le genre pris dans le sens philoso- 
phique), que l’une fait toujours supposer l’autre, qu’elles sont insépara- 
bles, en un mot, et ne peuvent exister l’une sans l’autre. 

Et comme, dans le monde organique, les individus n’ont qu’une exis- 
tence transitoire, mais se reproduisent par génération, il faut, 5°, pour 
que l'espèce ait de la consistance et de la durée, que la similitude des 


— 255 — 
individus formant une collection spécifique se perpétue elle-même dans la 
série des générations successives. 

Ainsi la pluralité d'individus semblables et formant groupe, le con- 
traste des groupes entre eux; certains caractères communs aux divers 
groupes et qui permettent de les rapprocher en un groupe plus général, et 
enfin la perpétuation des ressemblances entre les individus d’un même 
groupe, tels sont les éléments de l'espèce. L'espèce ne contient rien de plus 
et rien de moins. 

Elle n’est donc pas un type idéal comme l'ont suggéré certains natura- 
listes amis de l’abstraction; elle est avant tout une collection d'individus 
semblables ; le type idéal, abstrait d’une organisation commune, n’est que 
le lien qui réunit en un même faisceau les individus semblables, et résume 
les contrastes (ou les différences) qui séparent leur groupe de tous les 
autres. 

Il faut donc en revenir purement et simplement à la définition de 
Cuvier : L'espèce est la réunion des individus descendus l’un de l’autre, ou 
de parents communs, et de ceux qui leur ressemblent autant qu'ils se 
ressemblent entre eux. Cette définition est rigoureuse, mais, d’après 
Cuvier lui-même, son application à des individus déterminés peut être 
fort difficile quand on n’a pas fait les expériences nécessaires. 

Remarquons tout de suite qu’en définissant ainsi l’espèce, Cuvier ne 
tient pas compte des races et des variétés. C’est pour s'être laissé embar- 
rasser par ces deux mots que la plupart de ceux qui ont, après lui, essayé 
de définir l’espèce, l'ont fait d’une manière si vague, si obscure, si 
défectueuse en un mot. 

Pour moi, partout où il y aura groupe d'individus semblables, con- 
trastant dans une mesure quelconque avec d’autres groupes, et conservant 
dans la série des générations la physionomie et l'organisation communes 
à tous les individus, il y aura espèce. 

C’est par leurs contrastes que les espèces se distinguent les unes des 
autres, et c’est la comparaison qui fait ressortir ces contrastes. Les con- 
trastes seront donc plus ou moins grands suivant les objets comparés. 
S'ils sont très-grands et très-sensibles, tout le monde est d'accord sur la 
distinction spécifique des formes comparées; s’ils sont très-faibles, presque 
insensibles, les opinions se partagent : les uns séparant en groupes spé- 
cifiques distincts ces formes faiblement contrastantes, les autres les 
réunissant en un seul, leur appliquant cependant les qualifications de 
race ou de variété. Ces réunions et ces séparations sont purement facul- 
tatives, et elles ne peuvent avoir d'autre règle que l’utilité scientifique 
ou économique ; pour en juger, il faut être doué d’un certain tact, qui 
s’acquiert ordinairement par l'habitude. 

En somme, il n’y a aucune différence qualitative entre les espéces, les 
races et les variétés; en chercher une est poursuivre une chimère. Ces 
trois choses n’en font qu'une, et les mots par lesquels on prétend les 


— 256 — 


distinguer n'indiquent que des degrés de contrastes entre les formes 
comparées. Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas iei de simples varia- 
tions individuelles, non transmissibles par voic de génération, mais 
seulement de formes communes à un nombre indéfini d'individus et se 
transmettant indéfiniment par génération. 

Les contrastes entre les formes comparées sont de tous les degrés, 
depuis les plus forts jusqu'aux plus faibles, ce qui revient à dire que, 
suivant les comparaisons qu’on établira entre les groupes d'individus 
semblables, on trouvera des espèces de tous les degrés de force et de 
faiblesse; et si on essayait d'exprimer ces degrés par autant de mots, 
tout un vocabulaire n’y suflirait pas. La délimitation des espèces est donc, 
comme je le disais tout à l'heure, entièrement facultative, on les fait 
plus larges ou plus étroites suivant l'importance qu'on donne aux 
ressemblances et aux différences des divers groupes d’individus mis en 
regard l’un de l’autre, et ces appréciations varient suivant les hommes, 
les temps et les phases de la science. Combien, depuis cinquante ans, 
n'a-t-on pas fait subir de modifications à certaines grandes espèces de 
Linné et de Jussieu. La division des anciennes espèces, leur pulvérisa- 
tion, si on veut me passer ce mot, semble avoir atteint aujourd’hui ses 
dernières limites, et bien des botanistes se sont émus de cette tendance à 
compliquer la partie descriptive de la science qui menace de noyer 
toute la vie d’un homme dans des minuties. Malgré cela, si ceux qui 
ont inauguré ces raffinements scientifiques n’ont pas pris des altérations 
individuelles, non transmissibles et ne faisant pas groupe, c’est-à-dire 
de simples variations, pour des formes communes à un nombre indéfini 
d'individus, stables et fidèlement transmissibles dans toutes les généra- 
tions consécutives, on est forcé de reconnaître qu’ils ont procédé logi- 
quement. Toute la question est de savoir s’il est avantageux à la science 
de distinguer et d'enregistrer dans ses catalogues ces espèces si faible- 
ment contrastantes, mais il faudrait s'assurer avant tout si les caractères 
qu’on leur assigne sont bien réellement des caractères d’espèce, c’est-à- 
dire communs à des nombres iilimités d'individus, et toujours fidèlement 
reproduits dans toutes les générations. Or, il est extrêmement probable 
que, dans bien des cas (dans le genre Rubus, par exemple) on a pris des 
variations purement individuelles et sans persistances pour des carac- 
tères communs, constants et transmissibles. 

Suit-il de là que les mots race et variétés doivent être bannis de la 
science? Non sans doute, car ils sont commodes pour désigner les faibles 
espèces qu’on ne veut pas enregistrer parmi les espèces officielles, mais 
il convient de leur donner leur vraie signification, qui est absolument la 
même que celle d’espèces proprement dites, et de voir dans les formes 
désignées par ces mots des unités d’une faible valeur qu’on peut négliger 
sans inconvénient pour la science. 


IX. L'Hybridation artificielle peut-elle fournir un point de repère pour 
déterminer ce qu’il convient de distinguer comme espèce ? 


Je n'en fais pas le moindre doute, mais il y aura bien des cas où elle 
sera d'un faible secours, et un plus grand nombre où elle ne sera pas pra- 
ticable. Voici des exemples de son utilité pratique. 

J'ai dit plus haut, en parlant des trois espèces de Courges comestibles, 
qu'elles diffèrent assez peu l’une de l’autre par leur facies, et même 
par des caractères plus intimes que ceux qui sont tirés du port, pour que 
la plupart des botanistes ne les aient pas nettement distinguées. Linné 
lui-même les confondait en une seule. Or, ces trois plantes refusent de 
donner des hybrides par leur croisement mutuel; donc il y a là trois 
autonomies spécifiques parfaitement distinctes. 

M. Dunal, dans sa Monographie des Solanées, réunit en une seule 
espèce les Datura Stramonium et D. Tatula, dès lors considérés comme 
simples variétés d’une même espèce. Mais le produit de leur croisement 
ne végète plus tout à fait comme ces deux formes; il devient beaucoup 
plus grand et fleurit beaucoup moins puisqu'il perd ses boutons de fleurs 
dans les sept ou huit premières dichotomies. Ce trouble apporté dans la 
végétation du produit mixte est le signe indubitable d’une différence dans 
l'autonomie des deux formes parentes; donc ces formes doivent être 
tenues pour de bonnes espèces. 

Les Datura Metel et D. Meteloïdes sont au moins aussi voisins l’un de 
l’autre que les deux dont je viens de parler ; mais, dès la seconde géné- 
ration, leurs hybrides cessent de se ressembler, et un certain nombre 
d'individus retournent à l’une des deux formes parentes, sinon à toutes 
deux ; concluons-en que ces formes sont spécifiques, qu’elles ont chacune 
leur autonomie et méritent, malgré leur affinité, d’être distinguées l’une 
de l’autre. 

Les Wicotiana macrophylla et N. angustifolia, réunis dans le Pro- 
drome au N. Tabacum, donnent des hybrides qui, dès la seconde géné- 
ration, manifestent un commencement très-sensible de retour vers les 
formes productrices. Ces dernières ont donc aussi chacune leur manière 
d'être propre; pourquoi ne les admettrions-nous pas comme distinetes 
dans nos catalogues botaniques? 

Mais lorsque les formes sont très-voisines l’une de lautre, déjà diffici- 
les à discerner, leurs hybrides différeront encore moins de l'une et de 
l’autre qu’elles ne différent entre elles. La donnée fournie par lhybrida- 
tion perd done ici de sa valeur, mais alors il devient à peu près indiffé- 
rent de séparer les deux formes comme espèces distinetes ou de les réu- 
nir, à titre de simples variétés, sous une dénomination spécifique 
commune. 

Il suit de tout ce qui précède que l'application des mots hybride et 


ne 


métis est déterminée par le rang qu’on assignera aux formes dont le croi- 
sement à produit les formes mixtes qu'il s'agit de dénommer, c’est-à-dire 
entièrement livrée au jugement et au tact du nomenclateur. 


X. Les formes qualifiées espèce, race ou variété, sont-elles aussi an- 
ciennes les unes que les autres et sans connexion d'origine ? 


Une expérience plus que vingt fois séculaire a établi ce fait d’une 
extrême importance pour l’économie humaine, que les végétaux assujet- 
tis à la culture se modifient de diverses manières et donnent naissance à 
des formes nouvelles, qui acquièrent à la longue, soit par sélection arti- 
ficielle, soit naturellement, une certaine stabilité et se reproduisent 
même assez souvent avec la même fidélité que les types spécifiques origi- 
nels. C’est à peine s’il y a une seule espèce, parmi celles qu'on cultive 
depuis une haute antiquité, qui soit restée parfaitement uniforme, et 
qu'on n'ait vue se subdiviser en formes secondaires assez différentes les 
unes des autres pour que le vulgaire lui-même en fasse aisément la 
distinction. Le Blé, la Vigne, l’Olivier, le Dattier, le Chou, lOignon, le 
Haricot, les Courges, etc., en offrent des exemples connus de tout le 
monde. Ces formes secondaires ou dérivées, qui font des espèces primiti- 
ves de véritables groupes analogues à nos genres botaniques, sont ce 
qu'à proprement parler on désigne sous les noms de races et de variétés, 
expressions acceptées par la science, qui les applique, ainsi que nous 
l'avons vu plus haut, à des formes peu contrastantes, mais restées sauva- 
ges, et sur lesquelles l’homme n'a jamais exercé son influence modi- 
ficatrice. 

On pourra objecter que ces formes prétendues dérivées ne sont rien de 
moins que de véritables espèces trouvées primitivement dans la nature 
telles que nous les voyons aujourd’hui, et que, ni les procédés de la ceul- 
ture, ni les circonstances diverses de sol et de climats par lesquelles 
l’homme les a fait passer ne les ont en quoi que ce soit modifiées. Mais 
l’objection, outre qu'elle est extrêmement improbable puisque aucune de 
ces formes, qui se comptent par milliers, ne se trouve à létat sauvage, 
l’objection, disons-nous, ne tient pas contre cet autre fait qu'aujourd'hui 
encore, nons en voyons sortir des formes nouvelles, et que des espèces 
de récente introduction, la Pomme de terre, le Maïs, le Dahlia, la Reine 
Marguerite et des centaines d’autres plantes arrivées d'hier offrent le 
même phénomène de variabilité de la forme typique. Il ne saurait done 
y avoir de doute sur la propriété inhérente aux espèces naturelles de se 
subdiviser en formes secondaires, en variétés, ou, pour parler plus phi- 
losophiquement, en espèces de degré inférieur, qui acquièrent avec le 
temps, lorsqu'elles sont préservées de tout croisement avec les autres 
sous-espèces de même origine, toute la stabilité de caractères des espèces 
plus anciennes. 


es M 


Ce phénomène est-il limité aux espèces soumises à la culture, et faut-il 
nécessairement l'intervention de l'homme pour le produire? Rien n’est 
moins vraisemblable, et nous avons tout lieu de croire, qu'il s’est pro- 
duit dans la nature sur une bien plus vaste échelle que dans l’étroit 
domaine de l’homme, où même encore ce sont les agents naturels, le sol, 
la lumière, la chaleur, les météores atmosphériques, etc., qui sont les 
principaux auteurs. Je regarde donc, et en cela je suis d’accord avec la 
plupart des botanistes, toutes ces faibles espèces, énumérées sous les 
noms de races et de variétés comme des formes dérivées d’un premier 
type spécifique, et ayant par conséquent une origine commune. Je vais 
plus loin : les espèces elles-mêmes les mieux caractérisées sont, pour 
moi, autant de formes secondaires relativement à un type plus ancien, 
qui les contenait toutes virtuellement, comme elles-mêmes contiennent 
toutes les variétés auxquelles elles donnent naissance sous nos yeux, 
lorsque nous les soumettons à la culture. 

Qu'ils lavouent ou non, tous les botanistes-descripteurs sentent in- 
stinctivement que la question de l’espèce est connexe de celle de l’origine, 
et qu’en déclarant que telle forme est une espèce, telle autre forme une 
simple variété, ils se prononcent implicitement pour un système déter- 
miné, relativement à leur apparition dans la nature. Or, il n’y a ici 
que deux systèmes possibles; ou les espèces ont été créées primordiale- 
ment, telles qu’elles sont aujourd’hui, et sur les points même du globe 
qu’elles occupent encore, par conséquent sans aucune dépendance 
mutuelle et sans autre parenté qu'une parenté métaphorique; ou bien 
elles se tiennent par un lien d’origine, sont réellement parentes les 
unes des autres et descendent d’ancêtres communs. Le premier système 
est le plus ancien; il nous vient directement du moyen-âge et s'appuie 
sur des textes bibliques, à mon avis mal interprétés, il est le contem- 
porain et comme le complément de ce système géologique qui faisait 
sortir le globe terrestre des mains du Créateur dans la forme que nous 
lui voyons aujourd’hui, avec les mêmes continents, les mêmes îles, les 
mêmes golfes, les mêmes cours d’eau, les mêmes montagnes et les mêmes 
plaines, les mêmes terrains, et, par suite, la même population animale 
et végétale. Dans ce système, tout est primordial, et apparait en quel- 
que sorte subitement, par le seul fait de la volonté divine, sans phéno- 
mènes physiques antécédents et sans . évolution des choses. En un mot, 
c’est le système du surnaturel, admis par beaucoup de théologiens, aussi 
bien protestants que catholiques, et même, il faut le dire, par un certain 
nombre d'hommes de science. 

Je suis loin, assurément, de nier l'intervention divine dans le grand 
acte de la création, pas plus que je ne la nie dans les phénomènes du 
monde actuel, où je la vois sans cesse présente. Dieu ne témoigne pas 
moins sa puissance en agissant par des intermédiaires qu'en agissant 
directement, en procédant par voie d'évolution, par un enchainement 


— 240 — 


logique des phénomènes, qu'en procédant par coups d'état et par 
miracles. La formation d'un embryon dans un ovule fécondé, le déve- 
loppement de cet embryon en une faible plante qui rompt ses enve- 
loppes, et finalement sa transformation en un arbre majestueux, qui à 
son tour se pare de fleurs et multiplie sa race, toutes ces choses ne sont 
ni moins merveilleuses, ni moins incompréhensibles, ni moins divines 
que la création d’un monde; elles sont, pour mieux dire, de véritables 
créations, puisqu'elles donnent lieu à des êtres qui n’existaient pas 
auparavant. 

Cependant comme nous y voyons les phénomènes se succéder et 
s’entrainer dans un ordre logique, il ne nous vient pas à l'esprit que 
ce soient là des choses surnaturelles. Ce qui fait le miracle ce n’est pas 
son incompréhensibilité, c’est son exceptionnalité qui le place en dehors 
de la chaine des faits. Tout fait qui entre dans un enchainement phy- 
sique quelconque, qui a des antécédents, je dirais presque des parents 
dans des phénomènes antérieurs, qui, en un mot, a une cause matérielle 
et des conséquences matérielles, est un fait naturel, un fait justiciable 
de la science. Or, si la même logique, la même suite de phénomènes, la 
même évolution dans les choses, a été le prélude de lapparition des êtres 
organisés sur ce globe, leur création rentre purement et simplement 
dans l’ordre des phénomènes physiques et naturels, aussi certainement 
que les créations partielles et continues du temps actuel qui sont la vie 
même de ces êtres. 

De ce que la création des êtres organisés peut se concevoir comme une 
série de phénomènes rigoureusement enchaînés, il ne s'ensuit pas que 
le flambeau de la vie se soit allumé sur ce globe par les seules forces de 
la nature terrestre. Nous n’imaginons pas la formation spontanée d’une 
monade, et une observation de tous les instants et jamais démentie, nous 
fait voir que la vie, sous quelque forme qu'elle se montre, est toujours et 
partout transmise (1). 

Cette considération entraine presque invinsiblement à conelure que 
le premier germe de toute organisation est étranger à notre planète, 
et qu’il y a été importé quand et comme il a plu à l'organisateur de l’uni- 
vers. Si, pour le seul entretien de la vie sur la terre, il faut l'influence 


(1) Cette conclusion, malgré les apparences, n’est pas absolument contraire à la 
thèse des hétérogénistes, car, même pour eux rien de vivant ne s’organise là où il n’y 
a que de la matière inorganique. Les animalcules infusoires, suivant leur théorie, se 
forment aux dépens de substances organiques ayant vécu, et auxquelles on peut même 
supposer un reste de la vie latente. La production des infusoires ne serait ici que le 
dernier effort, la dernière manifestation possible de cette vie. J’ai à peine besoin de 
rappeler que la doctrine hétérogéniste, même renfermée dans ces limites, est vive- 
ment contestée, et que, dans ces derniers temps, les ingénieuses expériences de 
M. A. Coste et Pasteur, semblent l’avoir aculée dans ses derniers retranchements. 


be. 


— 241 — 


extra-terrestre du soleil, à combien plus forte raison n’a-t-il pas fallu le 
concours d’un agent étranger pour la faire naître ! 

Un fait me frappe dans la contemplation du monde organisé et vivant 
qui nous entoure et dont nous faisons partie; c’est que, quelque variés 
qu'ils soient dans leurs formes, les êtres organisés ont entre eux de 
puissantes analogies. C’est en vertu de ces analogies que leur classement 
est possible en règnes, en classes, en familles, en genres et en espèces. 
Supprimez ces analogies, supposez autant de moules radicalement dif- 
férents qu'il y a d'individualités dans la nature et toute possibilité de 
classement disparaîtra. Ce grand phénomène des analogies est-il suscep- 
tible d'explication ? Oui, si l’on adopte le système de l’origine commune 
et de l’évolution des formes, non, si lon s’en tient à celui de la primor- 
dialité et de l'indépendance de ces formes. Voici sept à huit cents 
Solanum disséminés sur une immense étendue de pays de l’ancien et du 
nouveau Monde ; tous sont distincts spécifiquement, mais tous se res- 
semblent par une certaine somme de caractères communs incomparable- 
ment plus importants, aux yeux du classificateur, que les différences 
tout extérieures, et je dirais même superficielles qui les distinguent, 
puisque ces caractères communs leur assignent à tous leur place dans 
une même classe, une même famille, un même genre. Eh bien, je le 
demande, ces analogies sont-elles un fait sans cause de l’ordre physique. 
Existent-elles fortuitement ou simplement parce qu'il a plu à Dieu 
qu'elles existassent? Si vous vous en tenez au système de l’origine indé- 
pendante des espèces, vous aurez à choisir entre le hasard (une absurdité) 
et un fait surnaturel, c’est-à-dire un miracle, deux éléments qui ne 
peuvent avoir cours dans la science. Accordez au contraire un ancêtre 
commun à toutes ces espèces, généralisez dans le règne végétal cette 
faculté, dont les formes actuelles conservent un dernier reste, de se sub- 
diviser graduellement et suivant le besoin de la nature, en formes 
secondaires qui s’en vont divergeant, à partir du point commun de leur 
origine, pour se subdiviser bientôt elles-mêmes en de nouvelles formes, 
vous arriverez graduellement, sans secousse, et par le seul principe de 
l'évolution jusqu'aux espèces, aux races, aux variétés les plus légères. 
Les traits superficiels varieront d’une forme à l’autre, mais le fond com- 
mun, essentiel, subsistera toujours, vous pourrez avoir mille espèces 
dérivées; mais chacune d'elles portera l'empreinte de son origine, le 
signe de sa parenté avec toutes les autres, et c’est ce signe qui vous 
guidera pour les réunir dans une même famille, dans un même genre. 

Ces idées de parenté générale entre les êtres de même genre, de 
même famille, de même règne, ne sont pas nouvelles pour moi; il y a 
bientôt dix ans que je les ai exposées dans un journal d’horticulture (1), 


(1) Voir Revue horticole, 1852, p. 102 et suivantes. 


— 242 — 


et je dois avouer que je n'ai pas été peu flatté, quelques années après, 
de les voir professées en Angleterre par des savants d’une grande distince- 
tion(l). Voici comment je m'exprimais en 1852 : 

« La nature n'a pas procédé, pour former ses espèces, d’une autre 
manière que nous-mêmes pour créer nos variétés; disons mieux : c’est 
son procédé même que nous avons transporté dans notre pratique. Nous 
voulons, d’une espèce animale ou végétale, tirer une variété qui réponde 
à tel de nos besoins, et nous choisissons parmi le grand nombre des 
individus de cette espèce, pour en faire le point de départ d’une nouvelle 
lignée, ceux qui nous paraissent s’écarter déjà du type spécifique dans le 
sens qui nous convient, et, par un triage raisonné et suivi des produits 
oblenus, nous arrivons, au bout d’un nombre indéterminé de généra- 
tions, à créer des variétés ou espèces artificielles qui répondent plus ou 
moins bien au type idéal que nous nous étions formé, et qui transmettent 
d'autant mieux à leurs descendants les caractères acquis que nos efforts 
ont porté sur un plus grand nombre de générations. Telle est, dans 
nos idées, la marche de la nature; comme nous, elle a voulu former des 
races pour les approprier à ses besoins; et, avec un nombre relativement 
petit de types primordiaux, ele a fait naître successivement, et à des épo- 
ques diverses, toutes les espèces végétales et animales qui peuplent le 
globe. Remarquons toutefois qu'indépendamment de sa puissance illimi- 
tée, la nature a opéré dans des conditions bien autrement favorables que 
celles où nous nous trouvons aujourd’hui; elle a pris, pour les subdivi- 
ser en types secondaires, les types primitifs, en quelque sorte à l’état 
naissant, alors que les formes conservaient toute leur plasticité et qu’elles 
n'étaient pas ou n'étaient que faiblement enchainées par la force de l’ata- 
visme, tandis que nous avons, nous, à lutter contre cette même force 
invétérée, renforcée par le nombre prodigieux des générations qui se 
sont succédées depuis l’origine des espèces actuelles. La nature a opéré 
sur une immense échelle et avec d'immenses ressources; nous, au con- 
traire, nous n'agissons qu'avec des moyens extrêmement limités; mais 
entre ses procédés et les nôtres, entre ses résultats et ceux que nous obte- 
nons, la différence est toute de quantité; entre ses espèces et celles que 
nous créons il n’y a que du plus et du moins. 

« Cette doctrine de la consanguinité des êtres organiques d’une même 
famille, d'une même classe et peut-être d’un même règne, ne date pas 
d'aujourd'hui; des hommes de talent, tant en France qu'à l'étranger, et 
parmi eux notre savant Lamarck, l’ont soutenue de toute l’autorité de 
leur nom. Nous ne nions pas que, dans plus d’une circonstance, ils 


(1) Principalement par M. Darwin. Je n’ai pas besoin de rappeler que son livre sur 
l’Origine des espèces a causé, dans le monde scientifique, une émotion profonde et qui 
dure encore. 


hé dus à | 


— 245 — 


n'aient raisonné sur des hypothèses qui n'étaient pas suffisamment étayées 
par l'observation, qu'ils n'aient quelquefois donné aux faits des interpré- 
tations forcées, enfin qu’ils ne se soient laissé entrainer à des exagérations 
qui ont surtout contribué à faire repousser leurs idées. Mais ces vices de 
détail ne diminuent en rien la grandeur et la parfaite rationalité de l’en- 
semble d'un système qui, seul, rend compte, par la communauté d’origine, 
du grand fait de la communauté d'organisation des êtres vivants d'un 
même règne, cette première base de nos distributions des espèces en 
genres, familles, classes et embranchements. Dans le système opposé 
aujourd’hui en vogue, dans ce système qui suppose autant de créations 
partielles et indépendantes que nous reconnaissons ou croyons recon- 
naître d'espèces distinctes, on est forcé, pour étre logique, d’admettre 
que les ressemblances présentées par ces espèces ne sont qu'une coïn- 
cidence fortuite, c’est-à-dire un effet sans cause, conclusion que la raison 
ne saurait accepter. Dans le nôtre, au contraire, ces ressemblances sont 
à la fois la conséquence et la preuve d’une parenté, non plus métaphori- 
que, mais réelle, qu’elles tiennent d’un ancêtre commun dont elles sont 
sorties à des époques plus ou moins reculées, et par une série d’intermé- 
diaires plus ou moins nombreux ; de telle sorte qu’on exprimerait les 
véritables rapports des espèces entre elles en disant que la somme de leurs 
analogies est proportionnelle à leur degré de parenté, comme la somme de 
leurs différences l’est à la distance où elles sont de la souche commune dont 
elles tirent leur origine. 

« Envisagé à ce point de vue, le règne végétal se présenterait, non 
plus comme une série linéaire dont les termes iraient croissant ou 
décroissant en complexité d'organisation, suivant qu'on l’examinerait en 
commencant par une extrémité ou par l’autre ; ce ne serait pas davantage 
un enchevêtrement désordonné de lignes entrecroisées, pas même un 
plan géographique, dont les régions, différentes de forme et détendue, 
se toucheraient par un plus ou moins grand nombre de points; ce serait 
un arbre, dont les racines, mystérieusement cachées dans les profondeurs 
des temps cosmogomiques, auraient donné naissance à un nombre limité 
de tiges successivement divisées et subdivisées. Ces premières tiges 
représenteraient les types primordiaux du règne; leurs dernières ramifi- 
cations seraient les espèces actuelles. 

« Il résulterait de là qu'une classification parfaite et rigoureuse des 
êtres organisés d’un même règne, d'un même ordre, d’un même genre, 
ne serait autre chose que l'arbre généalogique même des espèces, indiquant 
l'ancienneté relative de chacune, son degré de spécialité et la lignée 
d'ancêtres dont elle est descendue. Par là seraient représentés, d’une 
manière en quelque sorte palpable et matérielle, les différents degrés de 
parenté des espèces, comme aussi celle des groupes de divers degrés, en 
remontant jusqu'aux types primordiaux. Une pareille classification, 
résumée en un tableau graphique, serait saisie avec autant de facilité par 


— 244 — 


l'esprit que par les yeux, et présenterait la plus belle application de ce 
principe généralement admis par les naturalistes, que la nature est avare 
de causes et prodigue d'effets. » 

Depuis une dizaine d'années que ces idées ont été émises, j'ai pu les 
modifier dans quelques détails, mais le fond en est resté dans mon esprit. 
Plus que jamais je crois à l'unité d’origine et à la parenté des êtres 
vivants, et, comme conséquence, à un foyer unique de création où ont 
été élaborées, d’un blastème commun, les souches des grands embranche- 
ments d’un même règne. Cette unité première de lieu n’exelu pas les 
centres secondaires de multiplication, auxquels je crois également, et 
dont, après tant de dislocations de la surface du globe, il reste encore des 
vestiges. Ce que je regarde comme non moins certain, c’est que les for- 
mes, en se multipliant dans le cours des âges, ont toujours suivi des 
voies divergentes, et que, par conséquent, il est contraire à la marche 
de la nature de supposer que les espèces puissent se changer les unes 
dans les autres, ou que deux espèces puissent se fondre en une seule par 
l’hybridation. 


NOTICE SUR THÉODORE KOTSCHY, 


PAR M. G. JoRissEn, 
d’après la biographie publiée par M. le D° Ed. Fenal. 


Théod. Kotschy, né le 15 avril 1815 à Ostrau près de Tetschen (Silésie 
autrichienne), était fils du pasteur évangélique Charles Kotschy. Destiné, 
comme celui-ci, à l'état ecclésiastique, malgré son goût pour les voyages 
et les sciences naturelles, le jeune homme vint en 1833 à Vienne, pour 
suivre les cours de l’Institut Théologique protestant. Mais, à la sortie de 
ces études, il reprit les excursions favorites de sa première jeunesse, et 
l'étude des plantes, dont son père lui avait donné les premiers principes. 
Dès lors il étendit le champ de ses recherches. En 1854 il parcourut 
le Banat et les montagnes de la Transylvanie; en 1855, il alla en Sla- 
vonie, en Croatie, et suivit le restant du littoral autrichien. Une chose 
remarquable chez Kotschy, c’est son insouciance des ressources qu'il 
aura à sa disposition, ct la fécondité de ses voyages malgré l’exiguité de 
ses moyens. Toujours il savait s'imposer les plus grandes privations. 

A la fin de 1855, il s'associe à une expédition conduite par Russegger, 
et passe en Morée, puis à Athènes et de là en Egypte. Le but était de 
fouiller les richesses minérales du Taurus ; ces savants se rendent donc 
au nord de la Syrie et en Silicie. Kotschy porte ses investigations 


— 245 — 


dans toute la contrée environnante et y découvre une flore presque tout 
inconnue. — En 1857, l'expédition revenait à Alexandrie, puis traver- 
sait la Haute-Egypte, la Nubie, le Sennar jusqu’à Fazokl et même jusqu’au 
10° de lat. en s'étendant à l’ouest. Partout Kotscky trouva des éléments 
utiles pour élargir ses idées sur la géographie et les systèmes des plantes. 

Il était à peine revenu à Alexandrie, qu’il résolut de renouveler ce 
dernier voyage, afin de tirer profit de ce qu’il y recueillerait. Cette fois, 
il atteignit Obeid dans le Kardofan, et descendit aussi plus au sud. Il 
voulait aller beaucoup plus loin; mais l'argent fit défaut. Il dut revenir. 
au Caire. — Cependant rien n'était capable de décourager cette grande 
âme: au milieu de ces contre-temps fatals, il rêve de nouvelles excur- 
sions. Il vend quelques collections, satisfait son créancier, et se trouve 
en état de partir. I] va en Chypre (1840), en Syrie (1841), passe à Alep 
et de là au nord de PAl-Djezirch, suit les chaînes de montagnes du 
Kourdistan, et après avoir visité Babylone, il descend le long du Tigre, 
et arrive à Bagdad. Dans la vallée de Percepolis, sur le plateau de Chiraz, 
dans les monts Elbours, sur le volcan Demarend (qu'aucun Européen 
n'avait gravi avant lui) il peut se livrer aux recherches les plus savantes 
et les plus fécondes. 

Il retourna alors, en 1845, à Vienne, après une absence de 8 ans, par 
Erzeroum, Trébisonde et Constantinople. Ses collections arrivèrent un an 
après; mais le journal de ses voyages, si riche de détails scientifiques 
et politiques, s'était égaré, on ne sait comment. Ce fut là une grande 
perte. 

Il employa deux ans pour classer, décrire et commenter ses collec- 
tions ; il le fit avec un talent supérieur. 

De 1845 à 1850, il parcourut l'Autriche méridionale. Au printemps 
de 1855, il voulut revoir le Taurus et la Silicie. 

Il acheva d'étudier les diverses espèces de chènes et leurs variétés 
qu'on y trouve. L'année 1854 fut consacrée à l'étude de ses nombreuses 
trouvailles. — En 1855, il part de nouveau pour la Basse-Egypte, fran- 
chit l’isthme de Suez, et explore l'Antiliban. — En 1859, nous le trou- 
vons dans le Kourdistan, puis en Arménie, exposé aux plus grands 
dangers, mais n'en poursuivant pas moins avec bonheur ses profondes 
et utiles études sur les rapports géologiques et botaniques locaux. — 
En 1860, quelques excursions en Suisse complétèrent sa connaissance 
des montagnes principales de l’Europe centrale. — Enfin, en 1862, il 
était de nouveau en Syrie, avec le D' Franz Unger ; mais séparé de lui, 
pillé par les brigands, il fut contraint de s'enfuir à Alexandrette. C’est là 
que la fièvre intermittente pernicieuse le surprit au milieu de ses tra- 
vaux ; il mourut l’année suivante. 

On trouvera dans les Annales de l’Académie impériale de Vienne, dans 
diverses autres publications, dans les mémoires de la société de géogra- 
phie, de zoologie, etc., la plupart de ses écrits. Sa vaste expérience, ses 


— 216 — 


connaissances variées en font le charme et la valeur. C'est le récit de ses 
voyages et de ses découvertes. Trois ouvrages ont été publiés séparé- 
ment; l'un intitulé: Voyage au Taurus de Silicie (Gotha 1859); le 
second : Chéne de l’Europe et de l'Orient, illustré de gravures; enfin le 
dernier : Plantae Tinneanæ, qu'il écrivit en collaboration avec le 
D: Peyritsch. 

Telles sont les œuvres de Kotschy. Son caractère était bon, dévoué, 
désintéressé; les tromperies dont il fut souvent victime l'avaient rendu 
défiant et sceptique; la vie lui fut si rude! D'ailleurs son cœur et son 
esprit ont toujours été hautement appréciés. Il était fort recherché pour 
sa conversation spirituelle, et on l’aimait. 

Et si les personnes illustres, comme l’archiduc Louis, Taylor, Robert- 
son, le prince Mirza, Humboldt et d’autres, qui l’entourèrent de leur 
considération et souvent aussi lui fournirent des ressources que la for- 
tune lui avait refusées, n’ont pu améliorer parfaitement son sort, elles 
témoignent du moins de la haute valeur de cet homme si utile au monde 
des sciences. 


FRAGMENTS D'UNE EXPLORATION DANS LES ANDES 
CHILIENNES, 


PAR LE PROFESSEUR WILLIAM JAMESON 4 Quito (1). 


Après avoir préparé quelques jours un voyage dans les provinces méri- 
dionales de l’'Equateur, qui s'étendent sur près de 6° de latitude, je 
partis de Quito le 25 juin 1864. Ma suite se composait de ma fille cadette, 
de deux domestiques, mâle et femelle, plus un muletier et trois mulets à 
bagages pour porter nos lits et les autres choses nécessaires dans un long 
voyage. Suivant la route principale, nous dépassimes successivement 
Machachi, Latacunga, Hambato, Moche et Riobamba, qui sont des villes ou 
des villages situés entre les deux chaînes principales et qu'ont décrits 
diverses relations de voyage publiées dans ces dernières années. Après 
avoir séjourné à Riobamba quelques jours pour changer nos bêtes de 
somme, nous Ccontinuâmes notre marche vers le sud, et nous arrivâämes 
dans la soirée à Guamote, et le jour suivant à Alansi. On peut évaluer 
à 60 milles la distance de Riobamba à Alansi, et 10 milles environ plus 
au sud, se trouve le village indien de Pamallacta, bâti sur une chaine 
de l’Azaay. C’est le point de départ ordinaire du voyageur qui veut tra- 
verser ce défilé de hautes montagnes. 


(1) Traduit du Gardener’s Chronicle 1867, n° 51, p. 809 et n° 55, p. 857. 


— 247 — 


La végétation qu'on trouve le long de la route de Quito à Alanzi est 
d’un caractère uniforme, sauf certains endroits qu'a mentionnés M. Spruce 
dans ses intéressantes notices. On y trouve une composée succulente que 
je présume être le Senecio telephifolius Wepp., plante qu'on rencontre 
au nord dans la plaine de Callas, et qu'on a observée au sud jusque 
dans la province d’Alanzi, c'est-à-dire dans la partie sablonneuse du 
pays, comprise entre les groupes de montagnes de Tropullo et d’'Azaay, 
mais, je le pense, nulle part ailleurs. 

On rencontre plusieurs plantes splendides sur les rochers au-dessus 
de la ville d’Alanzi, quatre espèces d’Onoseris, un Browallia à fleurs 
bleues, l’Æeliotropium incanum, le Salvia leucocephala, la Perilomia 
ocymoides et deux espèces d’Zochroma. Mais au-dessus des rochers, le 
talus herbeux des hauteurs était complètement desséché. 

Après nous être procuré à Pomallacta un nouveau relai de mulets et 
une couple d’Indiens intelligents pour nous guider au village de Cañar, 
situé à environ )0 milles de là, nous partimes avant l'aurore, car le 
temps, selon toute apparence, devait nous permettre d'achever notre 
marche de ce jour-là. Il arriva que l'ascension, quoique graduelle, fatigua 
les animaux; la cause en était dans la difficulté qu'on éprouvait à respirer 
une atmosphère où le baromètre indique une dépression de 20 à 18 
pouces. À mi-chemin nous nous trouvions sur le point le plus élevé de 
l’'Azaay, nommé « los Cruces, » à cause de la quantité de croix fixées 
sur un monceau de pierres qui indique le lieu de repos de plus d'un 
pauvre diable mort là par suite de l’inclémence de la température. Pour 
encore ajouter aux alarmes de ma suite, nous éprouvames une âpre tem- 
pête de neige qui fesait presque disparaitre l'étroit sentier. Il n’y avait 
néanmoins d'autre parti à prendre que de continuer pour atteindre l'en- 
droit où commence la descente dans les rochers; et enfin nous y arrivä- 
mes au bout de quelque temps. Environ 800 pieds plus bas, nous aper- 
eûmes une plaine remplie d'herbe, dans laquelle nous crûmes sage de 
passer la nuit, car il n’y avait là aucune habitation humaine dans un 
espace d'au moins 20 milles. Descendant par un étroit sentier entre 
les rochers, nous arrivames bientôt à la plaine, et quoique l'air füt âpre 
et pénétrant, nous étions heureux d’avoir traversé la formidable barrière. 
Avant la soirée, nous avions ramassé une grande quantité de combusti- 
bles, consistant en Chuquiragua insignis, en Loricaria stenophylla et 
Loricaria monilifera, en Hypericum acerosum et en Valeriana, seules 
plantes ligneases que nous pümes trouver à cette hauteur. Quand nous 
les allumâmes au coucher du soleil, elles projetèrent une flamme magni- 
fique, qui attira une foule de coléoptères. C’est là un fait curieux en lui- 
même de les rencontrer à une hauteur d'au moins 14,000 pieds. (Le 
coléoptère qui nous est parvenu est, selon le professeur Westwood, le 
Platicælia lineata : par les habitudes, il tient de près à notre hanneton 
commun, mais il appartient à la famille des Rutelidæ). 


— 248 — 


Nous dormimes profondément jusqu'à l'aurore environ, et au lever du 
soleil, le thermomètre indiquait environ 54 degrés. Le temps s'était mis 
au beau, et pendant qu'on préparait le déjeuner, j'éprouvai un désir 
irrésistible d'explorer à la hâte les hauteurs voisines. La première plante 
que je rencontrai fut la Collania glaucescens Hers. ; ensuite l’Erigeron 
pellitum Wepp.; la Draba alyssoides, le Senecio Humboldtianus, le Cera- 
stium floccosum Benru.; le Ranunculus peruvianus; et en remontant 
jusqu'à la chaine que nous avions traversée l’avant-veille, je trouvai la 
Draba violacea, la Werneria à fleurs de pourpre, YEudema grandiflora 
PLaxcu.; la Sida phyllantha, la Gentiana inflata et la Gentiana sedifolia. 
Cette dernière espèce a la corolle divisée en dix dentelures (laciniæ), une 
grande alternant avec une petite. On rencontre cette petite plante dans 
une zone de 15,000 à 15,000 pieds. Elle fleurit toute l’année, mais à la 
limite inféricure, la corolle est d’un blanc bleuâtre, tandis qu'en haut les 


fleurs sont trois fois plus grandes, d’un bleu azur foncé et douées d'un 


degré de sensibilité extraordinaires; elles se contractent dès que le doigt 
est en contact avec elles. 

En terminant ma dernière lettre, j'exposais un curieux phénomène 
physiologique à propos des fleurs de la Gentiana sedifolia, c'est-à-dire 
qu'on observe cette plante à deux hauteurs distinctes, — d'ordinaire 
entre 11,000 et 14,465 pieds: ce dernier nombre est la hauteur la 
plus grande du sentier qui traverse la chaine de l’Azaay. — Mais je 
reprends ma narration. À côté de l’étroit sentier, sur un talus rocheux, 
croissait en abondance une espèce de Fougère, la Jamesonia canescens de 
Kunze, la seule peut-être de cette famille assez vigoureuse pour résister 
à la rigueur du climat. Cette même espèce, je l'avais vue antérieure- 
ment dans deux endroits différents, une fois à la mine de Condorasto, 
près de Riobamba, à 14.496 pieds de hauteur, et plus tard dans l’intérieur 
du cratère de Pichincha, dont le bord est à 15.676 pieds au-dessus 
du niveau de la mer. Une autre espèce, la Jumesonia cinnamomea 
(Kunze), qui se différencie à peine de la première, grandit sur le 
Cotopaxi et le Cayambe, tout à côté de la région des neiges. 

Pour explorer complètement ces sommets aériens, il serait nécessaire 
que le voyageur se munit d’une tente et de vêtements chauds, et prit 
des provisions de bouche pour une quinzaine de jours : car on doit se 
préparer à profiter de la moindre éclaircie de soleil, attendu qu'on peut 
être surpris par une semaine de tempêtes, pendant laquelle on devra for- 
cément rester dans l’inaction. C’est à l'endroit où les deux chaines des 
Andes se réunissent pour former ce que le langage technique appelle un 
nœud, que j'ai toujours trouvé la flore plus riche et plus variée. Les 
hauteurs culminantes de l’Azaay forment la ligne de démarcation entre 
les deux provinces d’Alasise et de Cunca, et quoique beaucoup de plantes 
soient communes à ces deux provinces, on trouve cependant une düffé- 
rence marquée entre les deux flores. 


7. + 


— 249 — 


Le 8 juillet, nous continuämes notre voyage à travers un pays de 
bruyères, dans certaines parties duquel croissait une Gentiane naine à 
fleurs de pourpre clair, et dans les ornières qui constituent la grand’route 
eroissaient en quantité des Æedyotis hypnoides. Nous arrivâmes vers la 
soirée à la ferme de San Pedro, qui consiste en un certain nombre de 
maisons basses et couvertes en chaume, disposées autour d’une cour 
quadrangulaire de très-grandes dimensions. Quant aux chambres, nous 
les trouvâmes fermées, le propriétaire, nous dit-on, ayant emporté les 
clefs avec lui en allant à Cuenca. Nous nous trouvämes donc obligés de 
passer la nuit dans le corridor ouvert, où se trouvait heureusement une 
provision de paille sur laquelle nous pûmes dormir très à l'aise. 

La lendemain matin, nous partimes de bonne heure. La première 
moitié du trajet s'était faite avec une facilité relative, car le chemin que 
nous avions parcouru était un plateau élevé, qui couvrait une épaisse 
végétation de Plantago rigida, à lexelusion de presque toute autre plante. 
Mais la descente méridionale vers Cuenca est excessivement boueuse et 
dangereuse, de telle sorte que nous n'avancions qu'avec peine à cause des 
chutes fréquentes des bêtes de somme : en outre, le temps employé à les 
débarrasser et à rajuster leurs charges nous donnait lieu de redouter la 
nécessité de passer la nuit dans une situation aussi désagréable. Au cou- 
cher du soleil, nous étions cependant, après beaucoup d'efforts, parvenus 
à dépasser la plus mauvaise partie du sentier, et continuant notre chemin 
dans l'obscurité, nous attcignimes, à une heure avancée, une petité ferme 
appelée Hacienda del Salto ; nous y restämes le lendemain pour laisser 
se rétablir nos bêtes de somme. J'avais l'intention de prendre quelques 
jours de repos dans la petite ville de Gualoses, située sur une rivière 
considérable qui coule vers l'Est et se jette dans l’Amazone. La distance 
est d'environ 50 milles. Nous commencâmes à monter de bonne heure, 
et nous arrivämes à Gualoses vers midi. Le climat y est sec et tempéré, 
car le thermomètre varie entre 56° et 64°. La rivière traverse un pays 
plat, couvert de vastes plantations de caanes à sucre et de maïs; l'hori- 
zon est borné par la chaine des Andes Orientales, qui couronne une forîût. 
Une chose réclame notre attention, bien qu'elle n'appartienne pas stric- 
tement à l’agriculture : c’est l'élève de la cochenille. Le cactus dont cet 
insecte se nourrit, grandit spontanément sur les murs qui entourent les 
fermes, et présente à la surface un tégument cotonneux ou semblable à la 
toile de l’araignée et qui protége l'insecte. On racle le tout avec un cou- 
teau émoussé, ensuite on en fait une pâte qu'on fait sécher au soleil. 

Le 17, qui tombait un dimanche, je remarquai que toute la population 
avait mystérieusement disparu; j'appris qu'elle s'était rendue au village 
voisin, nommée Cordoley, pour assister à l'exhumation d'objets en or 
faconné. Je savais que, dix ans auparavant, un eultivateur occupé à 
labourer, avait fait cette découverte en amenant au jour une pièce en 
or taillée, d'une manière particulière. Comme on présumait qu'on pour- 


— 250 — 


rait en trouver encore plus, on entreprit des fouilles, qui avaient rendu 
un jour pour un million de dollars environ, dit-on. On supposait 
cependant depuis deux ans déjà que le dépôt était épuisé. 

La nouveauté de la chose m'excita à pousser jusqu’à l'endroit des fouilles 
distant d'environ un mille. A mon arrivée, je trouvais plusieurs centaines 
d'individus assemblés autour d’une fosse d’un diamètre de trois yards 
environ, et d'une profondeur presqu'égale. Ils avaient eu cette fois-ci un 
peu de chance, car ils avaient pendant la nuit déterré des objets en or 
d'un poids total de 25 livres. Les plus curieux de ces objets étaient 
des boucles d'oreilles en or forgé de 9 pouces de longueur, chacune d’un 
poids quelque peu supérieur à 5 onces, et une épingle en or à porter 
sur la poitrine, d’un poids presqu’égal à la boucle d'oreille. Ces divers 
objets étaient artistement travaillés et indiquaient un progrès dans l'art 
de travailler les métaux précieux et un état de civilisation plus avancé 
que dans la race actuelle des Indiens. On trouva dans la fosse plusieurs 
bâtons faits des branches légères d’un palmier : ils étaient incrustés d’or 
forgé et surmontés d’un buste en même métal, représentant une tête 
d'Indien. Cette même espèce de bâton, l’alcade Indien la porte encore 
maintenant comme insigne de son pouvoir; mais au lieu d’or, ce bâton 
est surmonté d'argent, et même plus habituellement en cuivre. L'emploi 
de ces fonctionnaires consiste à veiller aux besoins des voyageurs et à 
y satisfaire; mais ils sont principalement sous la direction des prêtres 
de paroisse, qui, aux jours des fêtes catholiques, les font rassembler 
toute la population Indienne dans le territoire de l’église, à l'effet de 
réciter la « doctrine chrétienne, » qui est, j'en suis sûr, au-dessus 
de leur intelligence. Et si l’on vient à découvrir que quelqu'un du 
troupeau fait défaut, l’alcalde Indien recoit un nouvel ordre de faire 
venir de force les défaillants : on parque ceux-ci à l’intérieur du couvent 
et là tous, hommes et femmes, sont soumis à une flagellation, à laquelle 
il est triste d'assister. Il n’est alors pas étonnant qu’un peuple si dégradé 
puisse être réduit au niveau («les bêtes sauvages, et les soidats les ont 
souvent traités comme tels. Quand je visitai ce pays pour la premiere 
fois, avant la fin de la guerre de l'Indépendance, l'autorité civile recevait 
souvent ordre d’avoir à procurer pour le transport des troupes et des 
équipements militaires tant de « bagages mayores, » et tant de « bagages 
menores. » Lorsque je m'informai du sens de ces expressions, on me 
répondit que la première voulait dire des chevaux et des mulets, la 
seconde, des ânes et des Indiens. Pour me servir d’un terme énergique 
les Indiens ont été complètement réduits au rang de la brute par leurs 
relations avec les Espagnols. 

Le 26 juillet, comme je m'étais procuré le nombre de mulets néces- 
saires, je quittai Gualaseo, en suivant pendant quelques milles une route 
tracée le long des bords de la rivière et qui aboutit à un petit village du 
nom de San Bartolomé. 


— 251 — 


Le climat ici est trop froid pour la culture de la canne à sucre, mais au 
lieu de ce produit semi-tropical, les champs étaient couverts d’abondan- 
tes récoltes de maïs, de blé et d'orge, mêlées au vert brillant de pièces 
de luzerne. 

Des trois céréales que je viens de citer, c’est le maïs ou blé Indien qui 
est regardé comme la plus importante, non pas seulement à cause de son 
rendement, mais parce que en outre il a l’avantage de pouvoir être cul- 
tivé dans une zone qui s'étend de la température brülante de la côte jus- 
qu’au froid plateau de l’intérieur, à 1,000 pieds au dessus du niveau de 
la mer. Ajoutez à cela le peu de soins nécessaires pour le préparer 
comme aliment : on le bout simplement dans l’eau en y ajoutant un peu 
de sel. Dans toute la province de Cuenca, toutes les classes s’en servent, 
car une quantité de maïs houilli est servie avec tous les plats qui parais- 
sent à table. 

Nous étions confortablement logés à la maison paroissiale à côté de 
l'Eglise; mais le matin, je fus éveillé de bonne heure par des sons dis- 
cordants, et m'étant rendu en hâte à l'endroit d’où ils partaient, je vis 
dans l’église une troupe d’Indiens occupés à danser en face de l'autel, sur 
lequel étaient placés les emblèmes du crucifiement et autres accessoires. 
Le costume des Indiens était des plus fantastiques, et chacun était orné 
d'objets de bijouterie, « avec des anneaux dans les doigts et des grelots 
dans les doigts des pieds. » C'était une scène étrange, et qui n'était nul- 
lement, me semble-t-il, de nature à faire impression sur un catholique 
zélé au moyen des solennités qui accompagnent d'ordinaire sa croyance. 
Ces abus sont tolérés, parce qu’on prétend qu'antérieurement à la con- 
quête, les Indiens avaient l'habitude de danser pendant plusieurs nuits 
et plusieurs jours dans leurs temples consacrés à l’adoration du soleil; en 
sorte qu'on leur a permis, comme simple mesure de police, de continuer 
leurs pratiques païennes, afin de les réconcilier avec la foi catholique. 
Il faut aussi dire que le prêtre tire presque tout son revenu de contribu- 
tions prélevées sur les Indiens, et qu’à ce titre, il est certainement porté à 
favoriser leurs penchants naturels. Je me rappelle avoir assisté, il y a 
déjà longtemps, à la même scène dans la cathédrale de Quito; mais ces 
pratiques sont maintenant supprimées par ordre des autorités ecelésias- 
tiques. 

Pour éviter le trouble et la confusion, qu’augmentaient encore de nom- 
breuses libations de spiritueux, je fus contraint de sortir aussi vite que 
possible : mon domestique, en effet, en traversant la place, avait failli 
tomber à bas du mulet sur lequel il était monté, et qui s'était effrayé en 
rencontrant quelques uns de ces membres travestis de l'humanité. 


— 252 — 


NOTE SUR LES PERRUCHES ONDULÉES. 


PAR ARTHUR ToucHARD. 
(Extr. du Bull. de la Soc. Imp. d'Acclimatation.) 


Je vous demanderai la permission de vous faire connaitre les observa- 
tions que j'ai faites et les succès que j'ai obtenus dans l’éducation de 
certaines Perruches. Ces oiseaux reproduisent si facilément en captivité 
qu'il est surprenant de ne pas les voir plus répandus chez les amateurs. 
Je suis persuadé que c’est parce que l’on croit généralement qu’ils sont 
délieats et stériles en France qu'on ne s’en occupe pas plus. Cependant 
il n'y a pas, à mon avis, d'oiseaux qui reproduisent plus, demandent 
moins de soins ét donnent un plus grand profit que les Perruches. 

La Perruche ondulée, surtout, pourrait être élevée par spéculation et 
procurer de grands avantages aux personnes qui s’en occuperaient. On 
voit des gens chercher des profits en élevant les Lapins ou des Faisans ; 
les premiers peuvent en procurer, mais l'élevage des seconds ést tel 
qu'on a souvent une année de succès suivie de deux ou trois années 
stériles pendant lesquelles on a échoué sans avoir pu découvrir les 
causes de l’insuccés. 

Rien de semblable n’a lieu avec les Ondulées; elles couvent et élèvent 
elles-mêmes leurs petits, et cela sans que l’on ait beaucoup à s’en oceuper, 
sans qu'il faille donner aux parents une nourriture spéciale; avec du 
millet rond, de la graine d’alpiste et un peu de mouron de temps 
en temps, elles ont ce qu’il leur faut. 

L’Ondulée ne craint pas le froid. J'ai mis en volière, au mois de mai 
186%, trois paires de Perruches ondulées achetées au hasard, je les ai 
placées dans une volière avec plus de cent oiseaux variés et plusieurs 
espèces de grosses Perruches. 

Dans ces conditions, quinze jours après, une paire avait pondu, ct les 
deux autres paires couvaient aussi, vingt-cinq jours après leur introduc- 
tion dans cette voliere. 

Ces trois paires, dans l’espace de huit mois, m'ont donné trente-sept 
petits qui, au 15 décembre, voltigeaient dans la volière et étaient aussi 
gros que père et mère. J'avais perdu onze jeunes tués ou morts dans le 
nid quelque temps après leur naissance; plusieurs œufs aussi se sont 
trouvés elairs. 

Quelques amateurs avaient cru que les descendants des Ondulées, nées 
en captivité, ne reproduisaient pas à la seconde génération. Je n’ai jamais 
compris les motifs de cette croyance; ne voit-on pas tous les ani- 
maux d’une même espèce reproduire entre eux? J'ai vu des jeunes 
Ondulées nées en mai, des premières couvées, commencer à faire leurs 


nids en décembre âgées à peine de six mois. Je n’ai pu me tromper à cet 
égard : d’abord les jeunes se distinguent fort bien d'avec les vieux; 
je n'avais lâché, comme je l'ai dit plus haut, que trois paires d’Ondulées, 
et, au 15 décembre, cinq paires couvaient dans la volière. 

J'ai mis en volière, au mois d'avril 1865, cinq paires d’Ondulées; le 
15 décembre suivant bien qu'il y ait eu beaucoup d'œufs clairs et de 
petits morts dans les nids, j'en ai retrouvé cinquante-quatre à leur gros- 
seur; aussi suis-je persuadé que dans deux ans j'arriverai facilement à 
élever six cents Ondulées par an. 

Ces Perruches ne craignent pas un froid de à à 6 degrés, mais je ne 
pense pas qu’elles puissent supporter de grandes gelées. En effet, dans 
les grands froids des premiers jours de janvier 186%, sur cinq paires 
qui eouvaient à cette époque, si j'ai trouvé quatre femelles gelées sur 
leur œufs, je n’en ai pas perdu une seule de celles qui étaient dans la 
volière. Il est donc bon de retirer les nids au commencement de l'hiver 
quand les Perruches vivent dans une volière où la gelée penètre avec 
intensité. On peut prendre cette précaution vers la fin d'octobre à me- 
sure que les petits quittent leurs nids, on s’exposerait, en les retirant 
brusquement pendant la ponte, à perdre quelques femelles qui mour- 
raient avec l'œuf dans l’oviducte, ne trouvant pas un nid pour ie pondre. 

Les Ondulées ne font aucun mal aux autres petits oiseaux ; quelquefois 
elles déplument les Tourterelles qu’on est alors obligé de séparer ; elles 
attaquent aussi, quand elles ont des petits, les autres grosses Perruches, 
et jai vu plusieurs de ces dernières avec les reins déchirés par les pa- 
rents acharnés. 

Les Ondulées produisent toute l’année; les petits sont à peines élevés 
qu'elles recommencent à pondre. La ponte est en moyenne cinq à sept 
œufs blancs, presque ronds, qui donnent quatre, six et même sept 
petits. Je n'ai eu qu’une seule fois une Ondulée qui, ayant pondu dix 
œufs, a eu deux œufs clairs et a parfaitement élevé huit petits. La fe- 
melle pond tous les deux jours et se met à couver dès le premier œuf, 
ce qui fait que les petits viennent les uns après les autres. Il est assez 
curieux de voir l’ainé avec toutes ses plumes, tandis que le cadet sort à 
peine de la coquille. 

La mère ne reste plus sur ses petits lorsque tous les œufs sont éclos ; 
les premiers-nés sont alors déjà forts :.ils se mettent en rond, les plus 
Jeunes au milieu, et les plus forts autour et au-dessus de leurs petits 
frères. Jamais on ne les voit s’écarter, quelque grand que soit le nid; ils 
semblent comprendre que, sans eux, ces derniers mourraient de froid. 

Le père et la mère viennent la nuit coucher dans le nid; le mâle veille 
quelquefois à l'entrée. 

L'incubation dure douze jours environ. La femelle couve seule et quitte 
rarement son nid ; le mâle veille près d’elle, vient la voir de temps en 
temps et lui apporter de la nourriture. 


ET 


Dans les premiers jours de l’éclosion, il nourrit seul les petits; il est 
ensuite aidé par la femelle. 

Les petits sont assez forts, quinze à vingt jours après leur naissance, 
pour sortir du nid, et, pendant quelques jours, ils suivent le père qui 
seul les nourrit; car à peine sont-ils envolés et souvent même les deux 
culots y Sont encore que la femelle a pondu de nouveau et couve dans 
un coin du même nid, s'il est assez grand, ou dans autre s'il est trop 
petit. 

Il suflit, pour leur faire des nids, de prendre des vieux saules creux 
ayant 15 à 20 centimètres de diamètre ; on les scie par bouts de 30 à 40 
centimètres, on ferme une extrémité avec une planche clouée à demeure, 
et, sur l’autre extrémité, on place une planche qui n’est arrêtée que par 
un seul clou de manière à pouvoir tourner et faire couvercle. On perce 
un trou de 6 centimètre de diamètre à 10 centimètres en contre-bas du 
haut de la buche, et on la place sur une planche élevée dans le fond de la 
volière. Ces nids doivent être garnis de 2 à 5 centimètre de sciure de 
bois pour que les petits soient toujours bien secs, car on ne doit nettoyer 
la bûche que lorsque les jeunes ont quitté leur nid. 

Si l’on ne peut pas se procurer des vieux saules, il est facile de les 
remplacer par quatre planches clouées ensemble et divisées intérieure- 
ment par petits compartiments de 14 centimètres carrés : on perce un 
trou sur le devant, à chaque séparation, et ces nids suffisent. 

On pourrait, à la campagne, utiliser des cabinets et des chambres 
placés au midi ou au levant ; les frais d'installation seraient presque nuls, 
puisqu'il suffit de grillager la fenêtre, de placer quelques perchoirs 
et quelques nids. 

Si j'ai obtenu facilement, en volière, dix petits en moyenne par paire, 
on en obtiendrait encore plus dans une chambre, où il gélerait peu, et où 
les trois ou quatre mois d'hiver ne seraient pas perdus. 

Quelques personnes pensent que si les Ondulées reproduisent si faeile- 
ment, on en élèvera beaucoup, que le prix en tombera rapidement, 
et qu'on ne pourra plus les vendre qu'à moitié prix de ce qu’elles 
coûtent maintenant; je crois ces craintes peu fondées, car il arrive en 
France, chaque année, plus de mille paires d’Ondulées que les marchands 
payent 14 et 16 francs la paire, souvent plus quand l’arrivage est moindre. 
Malgré cela, ces oiseaux sont presque toujours rares en décembre et valent 
ordinairement à cette époque 20, 25 francs la paire et souvent plus. 


DE LA VALEUR DE LA SUIE COMME ENGRAIS, 


PAR P. A. DE La Nourais. 


Un chimiste irlandais, qui a analysé un échantillon ‘de suie, a trouvé 
qu'il contenait 2,45 pour 100 d’ammoniaque, et qu’ainsi cette substance 


— 9255 — 


vaudrait, d’après l'analyse, 57 fr. 50 la tonne. Cette révélation nous 
engage à la faire suivre de quelques remarques qui ne seront peut-être pas 
sans intérêt pour le lecteur. 

La suie est un des produits de la combustion imparfaite des substances 
charbonneuses qu’on emploie pour produire artificiellement la lumière 
et la chaleur. Elle se compose essentiellement de carbone et de charbon 
de bois réduit à sa plus petite division; mais elle renferme encore une 
grande variété d’autres substances, telles que du sulfate et du sulfite 
d'ammoniaque, du sel d’ammoniaque, du sulfate de chaux, du sel com- 
mun, de l'acide fuligineux, des sels terreux, et plusieurs autres corps 
organiques complexes. Dans quelques échantillons à l'état complétement 
see, on rencontre le charbon de bois dans la proportion de 98 pour 100, 
dans d’autres de seulement 80. Ce grand éeart dépend en général de la 
nature des substances qui ont fourni les échantillons d'analyse. Aussi 
arrive-t-il fréquemment que quelquefois sa valeur fertilisante est presque 
nulle, tandis que, dans d’autres cas, elle sera beaucoup plus élevée. 
La suie qui provient de la combustion imparfaite du coke du charbon de 
bois, de l’anthracite, du charbon à forge de Kilkenny est généralement 

parlant, sans aucune valeur comme engrais. D’un autre côté, le charbon 
_de Newcastle contient une excellente quantité de suie, et on en obtient 
une encore bien meilleure de la combustion du charbon d’Ecosse. Comme 
ce dernier, à cause de sa grande proportion de bitume, est plus ou moins 
employé dans les usines à gaz d'éclairage, les cultivateurs qui se servent 
de suie peuvent être parfaitement sûrs que tout ce qui leur vient des 
usines à gaz est de bonne qualité. Le bois et la tourbe donnent une suie 
qui à une densité et un poids spécifique très-peu élevés, mais qui, par 
contre, fait un engrais assez passable. Elle contient généralement une 
assez grande proportion d'acides fuligineux et d’autres d’origine végétale. 
et on l’emploie avec avantage dans les composts. 

Ceci nous rappelle qu’on vendait, il y a quelques années, à Paris, un 
engrais connu sous le nom d'engrais ou de guano anglais de Binus. 
Il était un peu trop faible en azote, mais contenait une assez forte propor- 
tion de suie qui donnait à la substance une teinte noire. Cette couleur, 
à laquelle on n’était pas habitué, éloignait les acheteurs, mais cependant 
un certain nombre de cultivateurs qui avaient employé cet engrais ont 
tous remarqué son efficacité pour éloigner les insectes, résultat dû sans 
doute à la présence de la suie. | 

Quoique le carbone constitue la plus grande partie du poids de la 
suie, cette substance n’a que très-peu de valeur, si toutefois elle en a, 
comme engrais. Les sels alcalins et les sels terreux sont, lorsqu'ils 
se présentent, ce qu'il y a de meilleur dans la suie, et pour quelques 
sortes augmentent son prix de 1 fr. 85 par tonne; mais le seul élément 
réellement utile de la suie, c’est lammoniaque. Lorsque le charbon ou le 
bois contenant de l'azote est réduit en combustion, l'azote s’unit avec 


— 256 — 


l'hydrogène qui existe toujours lorsque la combustion dégage de l'azote 
et forme ainsi le gaz qu'on appelle de l’ammoniaque. La suie, comme 
toutes les variétés de charbons, possède à un degré remarquable la faculté 
d'absorber les gaz, et par conséquent retient dans ses pores une partie 
de l’ammoniaque qui provient de la combustion. Le soufre se trouve 
habituellement dans le charbon, et pendant que ce dernier brüle il s’unit 
à l'oxygène de l'atmosphère pour former de l'acide sulfureux qui, très- 
volatil de sa nature, se combine avec l'ammoniaque et forme ainsi un 
sulfite. Une grande quantité, souvent même la presque totalité de lammo- 
niaque contenue dans la suie, y existe sous forme de sulfite, mais il s’unit 
aussi souvent à différents acides organiques et semi-organiques qui se 
produisent pendant la combustion. La proportion de l'ammoniaque dans 
la suie varie de 0,05 à 7 pour 100, mais la moyenne est d'environ 
5 pour cent. | 

La suie peut s'employer pour toute espèce de recettes, mais plus géné- 
ralement en couverture pour les herbes. Lorsque cette opération a lieu 
au printemps, on prétend qu’elle donne un goût désagréable au beurre 
des vaches qui ont vécu sur cés pâturages ; toutefois des expériences con- 
tradictoires ne justifient pas cette assertion. On s’en est servi en couver- 
ture pour le blé avec d’excellents résultats, et quand on emploie pour les 
pommes de terre, on trouve qu’elle excite le développement de la plante. 
Lorsqu'il est possible d’obtenir la suie bon marché et de bonne qualité, 
on peut l’employer avec une économie véritable au lieu du guano du 
Pérou ou du sulfate d’ammoniaque en la mélangeant avec du super- 
phosphate de chaux. Ce mélange doit très-bien convenir aux racines, 
spécialement dans les terres fortes et argileuses. 

D’après les documents dont nous nous sommes servis et que nous avons 
empruntés à la Gazette des fermiers irlandais (Irish farmers Gazette), on 
peut évaluer la qualité de la suie en mélangeant une once avec une égale 
quantité de chaux vive récemment éteinte; plus l’odeur est piquante, plus 
considérable est par conséquent le dégagement d’ammoniaque, et partant 
plus la suie a de valeur. 

Il paraît qu’en Angleterre cette substance donne lieu à un certain 
commerce, car on vient la rechercher jusqu’en France. Dans les environs 
de Paris, les campagnes sont quelquefois parcourues par des individus 
accompagnés d'enfants qui offrent de ramoner les cheminées pour rien, 
à la condition d’emporter la suie. Mais on s'apercut bientôt que, pour 
avoir plus de suie, ils détérioraient souvent les cheminées, et même 
quelquefois enlevaient en même temps le plâtre et la suie. Aussi n’a t-on 
pas tardé à revenir aux ramoneurs habituels, qui laissaient la suie dans 
la maison, et à renoncer aux services gratuits de ces industriels d’un 
nouveau genre qui, disait-on, agissaient pour le compte de maisons 
anglaises. (La culture). 


CAMELLIA, FRANCOPSOMEUT 


— 257 — 


HORTICULTURE. 


SECONDE NOTICE 
SUR LA 
DUPLICATION DES FLEURS ET LA PANACHURE DU FEUILLAGE 


A PROPOS DU 


CAMELLIA JAPONICA L. var. FRANÇOIS WIOT, 


par M. Epouarp MoRrREx. 
| 


a première notice que nous avons publiée sur 
la duplication des fleurs et la panachure du 
feuillage(f) a eu l’heureux privilège de ne point 
passer inapereue. 

La plupart des organes de publicité botanique et 
horticole ont eu la bienveillance de s’en occuper et de 
discuter le principe que nous avions avancé de l'ex- 
clusion mutuelle que ces deux phénomènes exercent 
l’un sur lautre(2). L'annonce de cette observation a 
causé une surprise à laquelle nous ne nous attendions 
pas; l’attention s’est portée sur ce sujet et nous avons 
éprouvé la Satisfaction d'entendre le plus grand nombre des observa- 
teurs en reconnaître la justesse. Cependant cette petite vérité ne saurait 
avoir le privilège d’une égale évidence pour tous les esprits : que ne 
diseute-t-on pas en ce bas monde! Les objections n’ont pas manqué. 
Mais, comme il s’agit d’un fait en dehors de toute explication et de 
toute hypothèse, il est certain qu'on finira par s'entendre. Connaissez- 
vous beaucoup de plantes à feuilles panachées? Oui. Connaissez-vous 


(1) Voy. a Belg. horticole, 1867, p. 97; Bull. du Congrès d'Amsterdam, 1865, et 
brochure in-8°, Gand, 1867. 

(2) Voyez notamment : Dell’ antagonismo fra i fiori doppei e le foglie screziate a 
proposilo della Kerria japonica, dans 1 Giardini, t. XI, p. 247, Milan, 1867 ; lets 
over de eigenschappen der planten met bont blad, dans Neerlands Plantentuin, t. 1, 
IX, 2, Amsterdam, 1865 ; Gardeners’ Chronicle, 1866, p. 290, 564 et 1867, p. 49. 

17 


ee ES 


beaucoup de plantes à fleurs doubles? Oui. Connaissez-vous beaucoup de 
plantes ayant à la fois les feuilles panachées et les fleurs doubles ? Iei le 
désaccord commence, car on entend à la fois répondre oui par nos con- 
tradicteurs, quand nous, nous disons non. Ce désaccord naît parfois de ce 
qu'on ne se fait pas tous la même idée d’une plante panachée et d’une 
fleur double. Il en est, par exemple, qui appellent panachées les feuilles 
de Bégonia, de Pulmonaire et d’autres analogues ; l'usage a prévalu d’un 
autre côté de nommer doubles les capitules ligulés des Dahlias, des 
Chrysanthèmes, des Paquerettes, etc. Quand la discussion roule sur ce 
terrain elle est bientôt apaisée par quelques explications qui font voir 
qu'on ne disputait que sur des mots alors que sur le fond on était 
d'accord. La discussion est plus difficile et plus longue à soutenir quand 
on nous oppose les objections que nous nous sommes faites à nous- 
même, c’est-à-dire quand on cite les quelques plantes chez lesquelles ces 
deux modes de variation semblent bien réellement réunis. Nous avons 
cité, en effet, quelques plantes, en fort petit nombre, qui présentent 
sinon des exceptions réelles, au moins des infractions apparentes à une 
règle que nous eRoyons vraie. Il y a bien peu de règles d’une vérité 
absolue dans les sciences naturelles; toutes, même les lois de Newton et 
de Kepler, se refusent à se laisser renfermer dans les limites d’une 
expression concrète : combien donc nos petites lois pour les petites 
choses ne doivent-elles pas être flexibles et tempérées dans leur appli- 
cation. Cependant nous ne connaissons pas encore une seule exception 
réelle, péremptoire à la règle que nous avons posée. 

Nous espérons justifier, dans cette notice, une affirmation aussi 
catégorique. 

Notre savant ami, M. le D' Maxwell T. Masters, directeur du Gar- 
deners” Chronicle, a communiqué au Congrès de Londres en 1866, un 
mémoire remarquable sur les fleurs doubles (1), leur structure, leur 
origine et leur formation. Il a été amené à faire connaître notre opinion 
au sujet de l’antagonisme entre la panachure et la duplication : But it 
seems to me, ajoute M. Masters, that the exceptions are so numerous — 
so many cases of the co-existence of variegated leaves and double 
flowers are known — that no save inferences can be drawn as to this 
point (1. c., p. 140). 

Un autre savant confrère et ami, M. F. Crépin, professeur à l’école 
d'horticulture de l’état à Gendbrugge-lez-Gand et l’un des secrétaires 
de la Société royale de botanique de Belgique, en rendant compte du 
Bulletin du Congrès de Londres, reproduit littéralement cette affirma- 


(1) Notes on double Flowers (with two plates) ; dans les Report of Proceedings of the 
Intern. hort. Exhibition and Botanical Congress, p. 127. 


— 9259 — 


tion de M. Masters en la faisant sienne. Voici, en effet, comment il 
s'exprime : 

« M. Edouard Morren (Bull. de l’Acad. roy. de Belq., 2° série, 
t. XIX, p. 224) considère l'existence des vraies panachures des feuilles 
comme étant incompatible avec des fleurs doubles, parce que les pre- 
mières sont des signes de faiblesse, tandis que les secondes témoignent 
d’une vigueur plus grande. Mais les exceptions sont si nombreuses à 
cette règle qu’on ne peut, selon moi, prendre celle-ci pour telle(f). » 

Ainsi voilà qui est bien clair. M. Maxwell et M. F. Crépin après lui 
affirment que les exceptions à la règle posée par M. Morren sont si 
nombreuses que celle-ci ne saurait être acceptée. 

Eh bien nous mettons ici publiquement l’un et l’autre de ces bota- 
nistes au défi de prouver ce qu’ils avancent. Si ces exceptions sont Si 
nombreuses ils n'auront que l’embarras du choix. Ils sont l’un et l’autre 
particulièrement bien placés pour contrôler notre théorie et c’est un 
des motifs qui nous font attacher beaucoup d'importance à leur opinion. 
M. Maxwell, rédacteur du Gardeners’ Chronicle, attaché à la Société 
. royale d'horticulture de Londres, est en quelque sorte placé au centre 
de l’horticulture anglaise : les renseignements abondent autour de lui. 
M. Fr. Crépin vit dans l'établissement horticole de M. Van Houtte, le 
plus complet, le plus étendu qui soit au monde; il est attaché à la 
rédaction de la Flore des Serres et des Jardins, il est à Gand dans la 
capitale de l'empire de Flore. Qu'ils choisissent donc parmi ces nombreuses 
exceptions : au lieu d’une négation générale purement gratuite, nous 
prions ces deux confrères de nous citer des faits. Car, nous le reconnais- 
sons volontiers, nous ne raisonnons que d’après les faits qui nous sont 
connus et, si ces Messieurs en savent si long que d’un trait de plume 
ils croient pouvoir nier ce que nous aflirmons, ils ont bien tort de tenir 
la lumière sous le boisseau. Nous, nous avons fourni nos preuves et 
produit nos arguments pour aflirmer : que nos contradicteurs en veu- 
lent bien faire autant pour nier. Plus tard l’opinion publique prendra 
ses conclusions. 

On a pu lire dans la Revue horticole, (1867, p. 222) : 


« Un botaniste a dit et écrit qu’on ne voit jamais de plantes panachées à fleurs 
doubles, à moins qu’elles ne soient malades. Ce fait que l’on était tenté d'élever à 
l'état de théorie est infirmé par le suivant : un Azalea variegata resplendissant de 
santé et de vigueur, à feuilles toutes marginées ou bordées de blane, montre au Muséum, 
depuis 2 ans, UNE GRANDE TENDANCE à la duplicature. Déjà, l’an dernier, il avait quelques 
fleurs doubles ; cette année, le nombre en était considérablement augmenté et beaucoup 
de fleurs ont leurs étamines transformées en pétales; malgré cela, la vigueur de la 
plante, loin de s’affaiblir, semble s'accroître. 


(1) Bull. de la Soc. roy. de bot. de Belgique, tome VI, 1867, p. 75. 


260 — 


« Selon nous, ajoute M. Carrière, la panachure est un fait complexe, mal connu, 
dont, à tort, on a tiré des conséquences trop absolues. » 


Le botaniste, dont il est ici question, sympathise souvent avec 
M. E. A. Carrière de doctrines et de pensées. Mais il a eu la prétention 
de vouloir élever une théorie et voilà un Azalea variegata qui va le re- 
mettre à sa place et ruiner de fond en comble son orgueilleuse Babel. 
Cet Azalea variegala est sans doute d’une espèce nouvelle et toute parti- 
culière. Il est panaché sur toutes les bordures et non content de cela, 
depuis deux ans il montre une GRANDE TENDANCE à la duplicature et sa 
vigueur, loin de s’affaiblir semBLe s’accroître. Cet Azalea variegata double 
ses fleurs juste à point pour nous contrarier. Il y a trois ans, il n’y sou- 
geait pas, mais désormais il doublera chaque fois sa mise. Nous deman- 
dons des nouvelles de sa santé et voudrions bien savoir à quoi il s’est 
décidé pour 1868. 

Quant au dernier alinéa de l’articulet ci-dessus rapporté, c’est le cas de 
redire que les opinions exprimées n’engagent que la éspoReR PAU de 
leur auteur. 

Souvent il suflit de s'expliquer pour s'entendre. M. Carrière vient de 
nous en fournir une excellente occasion. En effet, voici ce qu’il a écrit 
tout récemment dans la Revue horticole (1868, n° 16, p. 505) : 


« Les panachures sont-elles des maladies ainsi que presque tous les horticulteurs 
l’aflirment ? Nous ne sommes pas de cet avis, en général du moins. Voici pourquoi : 

« La maladie étant le contraire de la santé, toutes les plantes panachées, malades 
par conséquent, devraient être plus délicates que celles qui ne le sont pas et nous 
connaissons plusieurs exemples contraires : des plantes panachées plus vigoureuses que 
leur type à feuilles vertes. Dans ce cas, la maladie serait donc un bien, ce qui serait un 
non-sens. D’un autre côté, on affirme qu’il n’y a pas d’espèces à feuilles panachées ; 
qu’en sait-on ? rien! On n’a émis et l’on ne peut émettre sur ce sujet que des hypo- 
thèses. Pour HIT cette question, il faudrait définir les cspeces et les connaître 
toutes. Le peut-on? non encore! Mais, d’une autre part, s'il n’y a pas d’espèces à 
feuilles panachées, pourquoi y en aurait-il à feuilles rouges, pourpres, brunes, etc. ? 
Alors, et sinon, que deviendraient tant d’espèces d’Amarantes, d’Jresine, de Coleus, ete.? 
On a encore comparé les panachures à la maladie que chez les humains on appelle la 
jaunisse; a-t-on raison? lei nous répondrons non; d’abord, parce que tous les gens 
qui ont la jaunisse sont souffrants, et que très-souvent cet état est l’avant-coureur 
d’une maladie plus grave. Mais ce qui proteste surtout contre cette idée, c’est le senti- 
ment général du beau que nous avons et qui est loin de nous faire aimer la jaunisse, 
tandis qu’un très-grand nombre de gens adorent les panachures. II serait illogique que 
tant de gens eussent le goût Pery erti au point d’aimer la maladie jusqu’à la préférer à 
la santé ! 

« À nos yeux les panachures ne sont autres que la conséquence d’une végétation 
spéciale. mais qui n’est pas une maladie proprement dite; elles caractérisent des êtres 
d’une nature particulière. Si l’on dit que ces plantes sont malades parce quelles sont 
moins vigoureuses que d’autres, n’en pourrait-on pas dire autant de beaucoup d’es- 
pèces à feuilles vertes comparées à d’autres du même genre ? Nous reviendrons sur ce 
sujet. » 


— 261 — 


Allons d’abord au fond de la question; après, nous pourrons mari- 
vauder sur les détails. 

Ces lignes nous montrent qu'entre M. Carrière et nous le différend 
n'est qu'une question de mots. En effet, du moment qu'il cite les Ama- 
rantes, les Iresines et les Coleus parmi les plantes panachées nous 
n'’aurons point de peine à nous entendre. 

Tâchons seulement d'exprimer clairement notre pensée. 

La coloration normale du feuillage est le vert. Cette couleur est si inti- 
mement liée aux plantes, que verdure et végétation sont devenus syno- 
nimes dans le langage habituel. Elle provient de la présence dans les 
tissus d’une substance que l’on a nommée la chlorophylle : cette 
substance existe dans les cellules sous la forme de petits granules d’une 
composition assez complexe : on les appelle des grains verts : elle est 
intimement liée à l'exercice de la fonction la plus essentielle de la 
végétation, la réduction de l’acide carbonique et, én général, de tous 
les composés minéraux que les plantes transforment en substances 
organiques. C'est ce que l’on nomme encore, mais assez improprement, 
la respiration des plantes. Sous maints et maints rapports les grains 
verts des plantes peuvent être comparés aux globules du sang des 
animaux. 

Or, les feuilles modifient leur couleur habituelle de deux maniéres: 
en plus ou en moins; soit parce que la chlorophylle manque ou s’altère, 
soit par ce qu'il s'ajoute quelque chose à la chlorophylle : dans le 
premier cas il manque quelque chose, il y a décoloration; dans le 
second il y a quelque chose de trop, il y a coloration, Colorata folia 
dicuntur, cum alium assumant colorem, quam viridem (Linn. Phil. 
bot. chap. VIII $ 266). Si la chlorophylle manque, le tissu restera 
incolore, c’est-à-dire blanc ou jaunâtre. Nous ne parlons pas ici de 
certaines colorations blanches résultat de la présence de l'air dans 
quelques points des tissus, comme chez le Lamium maculatum, le 
Begonia argyrostigma, le Chardon Marie, etc., etc.; nous ne parlons 
pas non plus des feuilles blanchies à la superficie par le développement 
d'un duvet ou d’une toison sur l’épiderme comme l'Argentine, Y'Anse- 
rine, les Centaurées argentées, les Gnaphalium, etc. Si une matière 
colorante nouvelle, ordinairement rouge et qu’on appelle l'érytrophylle 
(ce qui veut dire le rouge des feuilles), s'ajoute au principe vert, ordi- 
nairement dans un tissu différent, alors le feuillage paraîtra rouge 
ou brun. Il en est souvent ainsi de l'envers des feuilles que l’on dit 
alors être discolores (comme beaucoup de Maranta, de Tradescantia 
et autres). 

Quoiqu'il en soit, dans l’un et dans l’autre cas que nous avons exposés, 
le feuillage ne sera plus vert seulement, mais de deux couleurs diver- 
sement associées et plus ou moins étendues. 

Or, beaucoup de personnes appellent indifféremment toutes ces feuilles 


— 262 — 


panachées. C'est précisément cette opinion qui est exprimée par 
M. Carrière dans les lignes que nous avons rapportées plus haut. 

A ce compte la panachure serait de deux sortes, par absence de 
couleur et par surabondance de couleur. Or, à proprement parler, la 
première est la VARIÉGATION, la seconde est Ia coLorarion. Ce sont là 
les termes précis. On devrait dire les feuilles variées (folia variegata) 
et les feuilles colorées (/olia colorata). Cependant l'usage a prévalu 
de désigner en français les feuilles variées sous le nom de feuilles 
panachées. 

Les feuilles des Aucuba, du Farfugium, du Ruban de Bergère et 
une infinité d’autres plantes qualifiées de foliis variegatis dans les 
catalogues sont des feuilles panachées. 

Les feuilles des Begonia, des Caladium, les feuilles des Amarantes, 
des Iresines et des Coleus, sont des feuilles colorées. 

La variégation du feuillage est une maladie : elle est le signe exté- 
rieur d’une affection dans la substance verte des plantes, affection qui 
résulte d’un trouble profond dans l'exercice des plus importantes fonc- 
tions végétales. Le feuillage se décolore dès que la vie est altérée dans sa 
manifestation ; quand la lumière, source de l’animation végétale, fait 
défaut; quand la respiration (sensu lato) ne se fait pas, comme chez les 
parasites et les champignons lesquels vivent aux dépens de ceux qui les 
portent; quand le sous-sol est humide, aigre; quand le fer manque dans 
le sol(chlorose); quand les feuilles sont à leur déclin, comme en automne; 
chaque fois enfin qu’une circonstance quelconque tend à affaiblir l’orga- 
nisme. Lorsque cette affection est locale, accidentelle, récente, aiguë 
pourrions-nous dire, alors on l'appelle chlorose : lorsqu'elle est générale, 
invétérée, héréditaire, chronique en un mot, alors il y a variégation, 
c’est-à-dire panachure dans le sens véritable de ce mot. 

Voilà pourquoi toutes les panachures sont etdoivent être rangées parmi 
les variétés. De plus ces variétés sont de plus petite taille, plus délicates, 
de croissance plus lente, moins florifères, de propagation plus difficile 
que leurs types normaux. Elles ont en quelque sorte le sang altéré : elles 
sont atteintes dans les sources même de leur vitalité. Les parties vertes 
des plantes ont pour fonction d'élaborer la sève et seules elles sont en 
état d'accomplir ce grand phénomène : les organes qui ne sont pas verts 
n’ont pas cette puissance. La fonction et la couleur sont intimement 
unies. Quand, pour une cause quelconque, la fonction ne s’exerce pas, la 
couleur fait défaut. Les parties blanches et jaunâtres des feuilles pana- 
chées vivent en parasites aux dépens des parties vertes de leur voisi- 
nage : elles ne décomposent pas l’acide carbonique et n’élaborent point. 
M. Carrière lui-même a mis en lumière ce fait incontestable que les 
feuilles panachées sur les bords sont plus restreintes dans leurs dimen- 
sions que les feuilles vertes normales. Les rameaux tout à fait blancs, que 
l’on voit parfois se développer sur certaines plantes panachées, telles que 


— 265 — 


les Pélargonium, les Hortensia, vivent comme des parasites; ils n’ont pas 
de sang dans les veines : ils ne sauraient vivre d’une vie indépendante. 
Nous avons vu un jour un jeune horticulteur vouloir bouturer de pareils 
rameaux : nous n'avions pu nous empêcher de sourire, et puis, comme 
notre incrédulité le contrariait, de le défier de réussir ces boutures. Une 
plante incolore ne saurait vivre, si ce n’est à la manière des Oroban- 
ches, des Nids-d'oiseau, des Cladestines et des Sucepins. 

Or, il se manifeste chez des plantes parasites une tendance manifeste 
à l'avortement des feuilles. Cette tendance est bien naturelle, c’est-à-dire 
conforme aux règles de la nature qui a horreur de l’inutile. Les feuilles 
ne leur servent à rien, partant elles doivent disparaitre. On les retrouve 
à peine sous forme de petites écailles qui sont là comme on peut dire 
pour le principe. De même chez les végétaux panachés, les parties blan- 
ches tendent à s’atténuer, parfois même à disparaître comme chez certains 
Caladium dont le parenchyme ne se forme pas sous l’épiderme. 

La variégation est une affection des tissus de la nutrition et de l’élabo- 
ration. C’est, pour nous servir d’une comparaison que tout le monde peut 
saisir, Comme une gastrite chronique. Quoi d'étonnant que cette gastrite, 
ou cette phthisie, soit héréditaire dans certaines circonstances. Le plus 
souvent l'affection est seulement individuelle. La plupart des végétaux 
panachés ne se propagent guère que de bouture ou de greffe, à l’exclu- 
sion de la reproduction sexuelle. Il est même digne de remarque que les 
boutures de racines ne reproduisent pas la panachure. Cependant dans 
quelques circonstances, que nous avons fait connaitre dans un opuseule 
académique, la panachure se transmet par le semis : elle est réellement 
héréditaire, ce fait est parfaitement conforme à tout ce que l’on connait 
de la pathologie de l’homme, des animaux et des plantes; les maladies 
comme toutes autres affections des organes peuvent se transmettre de 
père en fils. Il est même des familles où la folie, d’autres où le suicide 
sont héréditaires. 

Est-ce à dire parce que la variégation serait une maladie, qu'elle devrait 
fatalement se terminer par la mort. Mais ne rencontrons-nous pas tous 
les jours des malades dont on peut dire sans plaisanterie qu'ils se por- 
tent fort bien. Les gastrites ne sont pas souvent mortelles; toutes sortes 
de maladies de la peau, qui ne sont pas sans ressemblance extérieure 
avec la panachure du feuillage, n'empêchent pas de se bien porter, le 
Pithyriasis versicolor, par exemple. 

Passons aux feuilles colorées. Nous ne saurions entreprendre une 
dissertation générale : nous voulons, au contraire, en écartant toutes 
sortes de questions incidentes, nous borner à la coloration rouge de 
certains feuillages, coloration qui provient, comme nous l'avons dit plus 
haut, de la formation dans les tissus d’une matière colorante spéciale 
l'érythrophylle (de Esv6pos rouge et wv}o feuille). Ce phenomène pour- 
rait s'appeler l'érythrisme ou mieux la rubéfaction. Or, la rubéfaction 


— 264 — 


des feuilles, partielle ou générale, résulte de ce que le suc cellulaire se 
colore en rouge au lieu de rester incolore. On peut extraire de ce sue, 
par l'analyse chimique, l’érvthrophylle qui est un acide organique. 
L'érythrophylle et la chlorophylle n'ont entre elles aucune espèce de 
rapports, ni organiques, ni physiologiques, ni chimiques. Ce sont 
deux substances absolument distinctes et différentes. La chlorophylle 
est un composé azoté ; l’'érythrophylle est ternaire : la chlorophvlle est 
neutre, l’érythrophylle est acide : la chlorophylle est soluble dans 
l'alcool, l'érythrophylle est soluble dans l’eau. Le plus souvent ces deux 
substances existent dans des tissus différents; la chlorophylle dans le 
parenchyme; l’érythrophylle dans le derme. Autant l'importance de 
la chlorophylle est grande en physiologie végétale, autant celle de 
l'érythrophylle est insignifiante. La chlorophylle ne se forme pas à 
l'obseurité et c’est pourquoi les feuilles s’étiolent dans cette occurence : 
l'érythrophylle, au contraire, n’a pas besoin pour se former de linter- 
vention directe de la lumière. C’est ainsi que les chicorées qu’on fait 
en hiver pousser dans une cave noire peuvent avoir sur leurs feuilles 
blanchies des tâches d’un beau rouge de sang. C’est ainsi encore que 
les feuilles intérieures du chou rouge sont parfaitement rubéfiées, tandis 
que les feuilles centrales d’un bourgeon de chou vert sont étiolées; 
c'est ainsi enfin que les pétales du coquelicot, de la Rose et d’autres 
sont déjà colorés dans le bouton. 

Quoiqu'il en soit, la formation de l’érythrophylle n’influe en rien 
sur la présence et les fonctions de la chlorophylle. La rubéfaction des 
feuilles en automne avait fait supposer jadis qu’il en était autrement, 
mais on est revenu de cette erreur. 

La cause de la formation de l’érythrophylle n’est pas connue. Tout 
ce qu'on sait c’est qu’elle n’est pas sans rapports avec la présence de 
certains acides, notamment de l’acide malique et qu’elle est subordonnée 
à des influences oxidantes. 

Bornons-nous donc à constater que le suc cellulaire peut se rubé- 
fier : reconnaissons aussi que cette rubéfaction ne porte nulle atteinte 
à la chlorophylle ni par conséquent aux fonctions dont cette substance 
est le signe extérieur. En effet, les feuilles rouges, brunes ou noires, en 
totalité ou en partie, ne le sont-elles qu’en apparence et en réalité elles 
sont vertes. Grattez une tache de Gouet commun ou d’un Pelargonium 
zonale et la chair verte de la feuille vous apparaîtra; pelez doucement 
l'envers d’une feuille discolore et vous mettrez à nu un parenchyme 
bien verdoyant; plongez enfin dans de l’eau tiède des feuilles de Hètre 
noir, de Coudrier noir, de Chou-rouge, d’Amarante, de Coleus, d’Iresine 
et elles sortiront de leur bain rougi de leur suc avec l’apparence de 
la plus belle verdure. 

L'origine, le principe de la rubéfaction semble déposé par la nature 
dans tous les feuillages, mais il se développe plus ou moins suivant 


— 265 — 


les circonstances et les conditions extérieures. Ainsi, beaucoup de 
feuilles ont des nuances tirant plus ou moins sur le rouge, le rose ou 
le brun au printemps ou en automne; d’autres rougissent quand elles 
sont atteintes de quelque affection morbide comme la piqûre d'un 
insecte ; d’autres ont du rouge au moins dans les nervures ou les 
veines; d’autres ont naturellement quelques signes bruns ou noirs 
comme l’Arum maculatum, le Pelargonium zonale, certains Trèfles, 
etc. : d’autres ont le dessous des feuilles comme tapissé de cette cou- 
leur; d’autres enfin montrent une tendance prononcée à se rubéfier 
comme le Coudrier, dont il n’est pas rare de trouver au printemps 
des rameaux d’un beau brun marron. 

Quoiqu'il en soit, dans certaines circonstances qui, nous le répétons, 
nous échappent, mais auxquelles le climat artificiel de la culture est par- 
ticulièrement favorable, dans certaines circonstances ce rouge déposé en 
germe par la nature se développe d’une manière extraordinaire, il s'étend 
sur le feuillage en marbrures, en raies, en zones ou bien enfin il l'enva- 
hit tout à fait. De là cette admirable diversité de feuillages colorés si 
appréciés de nos jours. 

Il est en effet digne de remarque que tous ces feuillages rouges, 
pourpres, bruns ou noirs, comme on dit quelquefois, sont des variétés 
de types verts et le plus souvent des variétés horticoles. Le Chou-rouge, la 
Bette-rouge, le Hêtre noir, le Coudrier noir, le Chêne cocciné, FOxalis 
pourprée, les Amarantes tricolores et autres, les Coleus, les Peril- 
las, etc., etc. sont des variétés issues d’un type vert. 

Nous disons des variétés et non des maladies parce que l'observation et 
l'expérience ont montré que cette variation ne porte aucune atteinte à 
l'exercice des fonctions du tissu vert. La variégation est une maladie; la 
rubéfaction est une variation. 

Nous croyons devoir nous permettre ici une courte digression pour 
répondre à une objection qui sera peut-être venue à l'esprit de ceux qui 
auront eu le courage de nous lire jusqu'ici. Il s’agit de certains feuillages 
fort altrayants à nos yeux et sur lesquels se jouent de beaux reflets 
blancs sans qu’il paraisse le moindre signe de maladie. Telles sont les 
feuilles du Begonia rex (type) avec son collier d’argent, les feuilles du 
Begonia argyrostigma et du Sonerilla margaritacea avec leurs feuilles 
inerustées de perles, le Tradescantia zebrina lamé d'aluminium et, dans 
une végétation plus modeste, le Lamium maculatum de notre flore rurale. 
Ces colorations blanches n'ont en effet rien de commun avec la pana- 
chure : elles proviennent d’un petit détail anatomique fort intéressant, 
la présence de l'air dans certaines cellules du derme ou en dessous de 
l’épiderme. Ce sont des particularités naturelles à certaines espèces et 
qui sont, d'ailleurs, comme tout le reste, susceptibles de donner lieu à 
des variations. C’est ainsi par exemple qu’on a pu obtenir par la culture 
des variétés du Begonia rex dont la bande d'argent s’est étendue sur 


— 266 — 


toute la surface du limbe qui par suite est brillant comme une lame de 
métal. 11 ne faut pas un coup d'œil bien exercé pour distinguer à première 
vue ces colorations blanches des simples variégations ; elles ont un éclat 
métallique ou nacré qui leur est tout particulier et qui vient du miroite- 
ment de la lumière sur les perles gazeuses emprisonnées dans les tissus. 
Cependant ce sont précisément ces plantes-là qui pour beaucoup de 
personnes sont un sujet de doute et d’objections. Les Japonais ne s’y 
trompent pas. Nous avons déjà eu l’occasion de publier que von Sie- 
bold avait bien voulu mettre à notre disposition des albums japonais 
représentant toutes les plantes panachées de leur pays. Or, non seule- 
ment nous n'y avons pas trouvé une seule fleur double, mais en outre, 
nous n'avons pas eu à y relever une seule erreur. Toutes ces plantes 
étaient bien et réellement panachées : pas une seule n’avait le feuillage 
coloré. Au contraire, lorsque nos sociétés d’horticulture proposent des 
prix soit en faveur des plantes colorées, soit en faveur des plantes pana- 
chées, on serait parfois tenté d'envoyer, concurrents et jurés, faire un 
voyage d'instruction au Japon. 

Le phénomène dont nous venons de parler pourrait s'appeler largy- 
rescence (de æpyvpos argenté). Il est utile de pouvoir le désigner claire- 
ment d’un seul mot et de le distinguer nettement de la variégation. 

En effet, la variégation, la rubéfaction et l’argyrescence qui tous les 
trois panachent le feuillage des plantes, sont trois phénomènes d’un 
ordre parfaitement distinct et qui n’ont en commun que la propriété de 
modifier le coloris des feuilles. Bien d’autres phénomènes pourraient 
encore être invoqués à ce propos, tels que la glaucescence, la canes- 
cence, la cyanescence, la réticulation, etc., mais nous ne voulons pas 
nous en préoccuper afin de ne pas nous encombrer. 

Nous ne sommes que trop entrainé en dehors des limites où nous 
aurions voulu nous maintenir. 

Déjà la question se complique suffisamment par suite de cette circon- 
stance que la variégation, la rubéfaction et l’argyrescence du feuillage 
non-seulement jouent et se modifient chacune en donnant lieu à des 
variétés, mais se combinent, se réunissent de manière à donner lieu à 
un enchevétrement qui ne laisse pas de créer parfois certaines diffi- 
cultés. Rien n'empêche en effet les feuilles rubéfiées d’être atteintes de 
ariégation : en effet elles possèdent dans leurs tissus de la chlorophylle 
tout comme les feuilles vertes; réciproquement rien n'empêche les 
feuilles variées d’être atteintes de rubéfaction puisque la matière colo- 
rante rouge peut se former en l’absence du principe vert. De là résultent 
des feuillages tricoles, comme certains Yucca, des Hibiscus Rosasinensis, 
des Caladium, des Dracæna, des Vignes. Rien n'empêche non plus les 
feuilles argyrescentes de se rubéfier ; c’est même le cas le plus habituel 
par exemple chez beaucoup de Bégonias. Enfin il est quelques feuilles 
argentées, rougies et variées à la fois comme celles de l’Anæctochilus 
xanthophyllus, et d’autres. 


ss @R — 


Tout le reste dépend de la diversité des tons et des nuances, de la quan- 
tité relative des pigments, de leur disposition, de leur enchevêtrement 
et de toutes sortes de circonstances spéciales. C’est plus qu'il n’en faut 
pour se rendre compte de l’infinie grandeur de la nature. (Finem luden- 
tis polymorphae naturae vix attinget Botanicus, qui in varietatibus sese 
exercere velit (Linn. 1]. e. $ 517). 

Si l'on veut appeler plantes panachées toutes celles qui n’ont pas le 
feuillage absolument vert, il n’y aura plus à s’y reconnaître ou au moins 
il n’y aura plus rien de général à dire des plantes panachées. Mais si lon 
veut donner à chaque chose son nom, bien distinguer ce qui est distinct, 
ne pas se borner aux simples apparences superficielles, alors il est, 
pensons-nous, vrai de dire que la variégation est une affection patholo- 
gique. 

Revenons à l'observation de M. Carrière dont nous sommes parti; 
cette fois non plus pour remuer les grandes masses dont nous espé- 
rons avoir déblayé le terrain, mais pour nous reposer un peu en 
jouant avec les cailloux. 

La maladie, dit notre honorable confrère, étant le contraire de la 
santé... Cet axiome n’est pas aussi vrai qu'il est absolu : Ia maladie 
est une déviation de la santé; la mort est le contraire de la santé : 
il y a des nuances entre le blanc et le noir. La maladie est parfois un 
bien, au moins un bien relatif : voyez les chapons, les poulardes et 
d’autres de même acabit. Si l’on a comparé la panachure à la jau- 
nisse, ce n'est certainement pas pour attribuer un foie aux végétaux ni 
pour leur faire remonter la bile : mais 11 faut pourtant bien convenir 
que l’une et l’autre donnent le teint jaune. Le dernier argument 
de M. Carrière, le mot de la fin, est tiré des plus hautes sphères 
de l'esthétique et de la philosophie. Ce qui proteste surtout, nous dit-il, 
contre cette idée de maladie, c’est qu'un très-grand nombre de gens 
adorent les panachures. Tel était l’argument suprême de mon professeur 
de philosophie pour prouver l'existence de Dieu, car, M. Carrière 
voudra bien le reconnaitre, ces mêmes gens n'adorent pas seulement 
les panachures, ils adorent aussi le bon Dieu. Les Japonais adorent les 
panachures : ils adorent aussi leurs petites femmes qui ont les sourcils 
rasés et les dents noircies : les Chinois adorent les pieds-bots; les 
Allemands adorent la choucroute; d’autres préfèrent les rousses qui 
sont aussi franchement panachées. Eh bien, puisqu'on invoque le sens 
intime du beau chez un très-grand nombre de gens, nous déclarerons 
franchement en dépit de tous les Chinois et des Japonais de la terre 
que nous éprouvons une égale répulsion pour les dents noires, pour 
les pieds-bots et pour les panaches : nous ne parlerons pas des rousses 
ni de la choucroute qui peuvent avoir du bon. Nous avons même 
aimé des blondes, mais des albinos jamais! eussent-elles les yeux roses. 

Les plantes panachées nous inspirent la tristesse et la pitié : ce sont 


— 268 — 


de pauvres phénomènes dignes de figurer aux foires plutôt qu'aux 
expositions. Dieu nous a donné les plantes et la misère a fait la pana- 
chure. Elle a au front le stigmate de la pauvreté, de la faim : elle est 
marquée du sceau de la mort. Vous n'avez jamais pu rencontrer sans 
ètre profondément ému une pauvre jeune fille bien enveloppée, se 
chauffant au soleil, pale, au regard profond, à la poitrine plate et les 
membres grèles : elle pouvait être belle encore mais d’une beauté qui 
donne la tristesse : telle est une plante panachée. Ou bien, si vous 
préférez une comparaison moins poétique, une telle plante est comme 
vêtue de vêtements rapiécés : chétive, elle porte encore quelques lam- 
beaux qui datent des temps prospères, mais ils sont percés à jour. 

Toute autre est l'apparence des plantes colorées et bigarrées : celles-là 
portent, sur un corps sain, des parures de fête ; elles n’ont plus la livrée 
plébéienne, l’habit vert de tous les jours; elles l’ont orné ou remplacé par 
toutes sortes de broderies, de festons et elles s’ingénient à plaire par des 
variations aussi faciles et aussi rapides que celles des modes féminines. 
Celles-là sont des plantes qu’on aime à voir, sinon le botaniste morose, 
l’herboriste des champs, au moins l’homme du monde, le dilettante de 
l'horticulture. Ces plantes semblent faites pour les jardins des palais, 
et, en effet, c’est au contact d’une civilisation raffinée qu’elles en sont 
venues elles-mêmes à ce degré de raffinement. Dans nos beaux Jardins 
publics, les femmes et les plantes semblent vouloir rivaliser et s’éclipser 
mutuellement, les premières par leurs vêtements et leur visage, les secon- 
des par leur feuillage et leurs fleurs. 

Il est deux catégories de plantes dont la vue nous fait peine; ce sont 
les panachées et les grasses. Ces malheurcuses plantes grasses sont mon- 
strueuses, difformes ; elles n’ont plus rien de la grâce végétale, elles sont 
faites pour le désert torride; parfois, pour un moment, l'amour les 
embellit d’une séduction éphémère. 

Après tout, c’est affaire de goût; mais puisqu'on invoque celui de beau- 
coup de gens, nous pouvons bien exprimer le nôtre, persuadé que nous 
ne sommes pas seul de notre avis, sic suum cuique pulchrum est; et 
quot capila, tot de colore sensus; nulla hic universalis lex; nulla valet 
hic demonstratio. » (Linn. Phil. bot. $ 266.) 


Dans notre première notice sur l’exelusion réciproque de la duplica- 
tion des fleurs et de la panachure du feuillage (1), nous avons dû, comme 
au congrès d'Amsterdam en 1865, faire remarquer que c'était par erreur 
que l’Illustration horticole avait figuré le Kerria japonica avec l'appa- 
rence d’une exception à ce principe. Amicus Plato, magis amica verilas. 


(1) La Belgique horticole, 1867, p. 97; et tirage à part en brochure, à Gand, chez 
Annoot-Braeckman, 1867. 


— 269 — 


Cet arbuste, que l’on était habitué à voir donner des fleurs doubles 
quand son feuillage est sain, ne porte au contraire que des fleurs simples 
quand celui-ci est atteint de variégation. 

Notre honorable confrère, M. Charles Lemaire, rédacteur érudit de 
l’Illustration horticole, a suffisamment de titres à la considération scienti- 
fique et l'esprit assez distingué pour rectifier avec empressement les 
erreurs dans lesquelles comme tous les travailleurs il est exposé à 
tomber. Ceux-là seuls qui ne font jamais rien ne sont jamais en faute. 
En effet, dernièrement encore, il écrivait cette franche et courageuse 
déclaration : 


« Maintes fois nous l’avons dit, dans tous nos ouvrages, et nous le répétons volon- 
tiers encore une fois 1ci, que nous sommes heureux de pouvoir quand on nous la 
signale, rectifier toute erreur que nous avons pu commettre, soit par nous même, 
soit par d’autres; et dans de telles occurences, nous mettons volentiers de eôté toute 
gloriole, tout amour propre d'auteur, comme nous l’avons prouvé chaque fois que 
l'occasion s’en est présentée ; et il en est ainsi en ce moment (1)... » (Le reste suivra 
plus bas.) 


Cette déclaration est parfaite et il est sage de s’y conformer. M. Lemaire 
aurait pu en trouver l'occasion à propos de son Æerria japonica à feuilles 
panachées et prétendüment à fleurs doubles. 11 aura apprécié sans doute 
que la chose n’en valait point la peine car il a complètement négligé 
ectte rectification là. Cependant, bizarre coïncidence, c’est précisément, 
comme nous l’allons montrer tout à l'heure, à l’occasion de ce même et 
malheureux Kerria qu’il a trouvé bon de la formuler en soulignant, 
nous ne savons à quelle adresse, les passages les plus accentués. 

M. Lemaire jugeant inutile de rectifier sa première erreur et de décla- 
rer que la plante figurée par lui en 1862, planche 556, n'existe pas, 
aurait au moins pu garder le silence ; et nous même, ayant une fois dit 
la vérité, nous n’aurions plus rien eu à ajouter. Mais loin de là, voiei la 
petite note qu'il insère imprudemment dans le recueil de notre hono- 
rable ami M. Ambroise Verschaffelt. 


« Le Kerria japonica tétrapétale ! 


Si le fait est exact, et nous en doutons fort, ce serait une curieuse anomalie sinon 
une monstruosité, à enregistrer dans l'Histoire des plantes. Un dessin colorié représente 
dans le Floral Magazine (juin 1866, n° 74, pl. 296, dessin reproduit dans la Belgique 
horticole) un Kerria japonica, à feuilles panachées de blanc (chlorose), dont les fleurs, 
(dix dans le specimen) sont toutes tétrapétales, au lieu d'être comme dans l’état nor- 
mal, pentapétales : nous ne saurions croire à l'absence du cinquième pétale ; et si nous 
en jugeons par la forme donnée à ces quatre pétales, nous présumons qu'il y a une 
faute grave d'observation de la part du peintre. Or, dans le Xerria japonica, les einq 
pétales sont oblongs et obtus (Omnnes auctores et Sweet, Brit. Fl.-Gard., I, t. 357, 
Icone optima), mais non orbiculaires comme on les voit dans le dessin anglais; de 


1) Zllustration horticole, 1867, octobre, feuillet de la planche, 555. 


— 270 — 


plus, là, les feuilles ne ressemblent nullement à celles de la plante en question. Notre 
estimable confrère, M. Dombrain, rédacteur du Floral Magazine, devrait bien chaque 
fois contrôler sévèrement les dessins de ce recueil, 

Nous n'avons eu connaissance de ceci que par l’aquarelle reproduite du dit X, japo- 
nica tétrapétale! dans la Belgique horticole(), » 


In cauda venenum ! Puisqu'on résiste à la vérité, nous allons aider, 
de toutes nos forces, à ce qu'on lui rende justice. 

La note que nous venons de rapporter est bien plus lourde qu’elle 
n'est longue. 

On aurait bien voulu faire supposer que là où tous les clair-voyants 
distinguent cinq pétales, mais où M. Lemaire avait vu 56 chandelles... 
pardon, 56 pétales, MM. Dombrain et Morren n’en auraient vu que quatre. 
A bévue, bévue et demi, partant on était quitte. On donnait une lecon à 
ce bon M. Dombrain et la Belgique horticole qui avait répondu pour lui, 
n'avait qu’à en faire son compte. Le tout en patte de velours. 

Cette petite note, toute fausse qu’elle fut, fait son petit chemin et elle 
arrive même, parait-il jusqu’en Suisse. 


Les petits airs, sur leurs petites ailes, 
Portent bien loin les petites chansons. (bis.) 
(ANTOINE CLESSE). 


Là bas un botaniste bienveillant, mais léger, vient à la rescousse et 
il écrit quelque chose à M. Lemaire. Au recu d’icelle, M. Lemaire taille sa 
belle plume, écrit en grandes lettres : 


RECTIFICATION, 


fait la déclaration solennelle de principe que vous connaissez et con- 
tinue ainsi : 


« Dans une de nos dernières Miscellanées (c’est la note rapportée ci-dessus), à 
l’occasion d’une figure et d’une description publiées dans divers recueils, nous avons 
critiqué, avec raison, l’appellation de la plante représentée comme étant le Kerria 
japonica, DC., qui serait devenu félrapétale : ce n’était pas, en effet, cette plante, et 
elle n’appartenait même pas au genre. Or voici ce qu’a bien voulu nous écrire à ce 
sujet un bienveillant botaniste de Suisse : 

« Votre Kerria japonica tetrapetala (1. c.) doit être le Raoporyrus KERRrioïDes 
Sieb. et Zucc. » 

« Nous remercions ici publiquement notre bienveillant correspondant de son 
importante remarque. Or, ne possédant pas la Flora japonica de Siebold et Zucecarini, 
nous n’avions pu nous apercevoir de notre méprise (2). » 


Comprenez-vous maintenant, cher lecteur, comprenez-vous l’emphase 
de la solennelle déclaration de principes, les remerciments publies pour 


(1) {lustration horticole, 1867, mai, miscellanées, p. 58. 
(2) Illustration horticole, 1867, octobre, Misc., feuillet de la planche, 535. 


— 271 — 


l’importante remarque; comprenez-vous pourquoi il faut laisser au ves- 
tiaire toute gloriole, tout amour propre d'auteur. Cette importante 


RECTIFICATION 


est accueillie avec autant d’empressement que de reconnaissance. Ce n’était 
pas M. Lemaire, il est trop modeste pour le dire, que le bienveillant 
botaniste suisse rectifiait, c'était M. Dombrain, c'était surtout M. Morren. 
Ah! j'ai mis 56 pétales là où il n'y avait rien du tout; eh bien vous, ce 
n'est pas seulement quatre que vous avez pris pour cinq, mais, abomina- 
tion de la désolation ! vous avez confondu Rhodotypus Kerrioïdes avec 
Kerria japonica. 

Le tout avec des gants et tout doucettement comme sainte mitouche. 
Il fallait lire entre les lignes pour comprendre. 


Hélas ! le botaniste suisse, le bienveillant botaniste suisse, devait être 
comme le pavé de l’ours. 


En effet dans l’{{lustration horticole juin 1868, second feuillet de la 
planche 556, nouvelle rectification : cette fois rectification de la rectifi- 
cation. Voici cette amende honorable : 


RECTIFICATION. 


Rhodotypus Kerrioïdes, Sier. et Zucc. (P{. Jap., 187, t. 90. Exor., Gen. PI. 
suppl., IE, p. 95, 6595. War, Rep., V, 580). 


Nous avons récemment, sur la foi d’un correspondant, écrit que le joli Kerria 
japonica, dont un recueil anglais avait donné une figure, reproduite dans la Belgique 
horticole (1867, p. 97), à fleurs simples, tétrapétales, à feuilles élégamment panachées 
de blanc, était le Rhodotypus Kerrioïdes, S. et Z. Sur l’aflirmation du dit correspon- 
dant, dont nous n’eùmes pas même l’idée de vérifier le dire dans les ouvrages 
ci-dessus (sauf la F{. jap., que nous ne possédons pas), nous adoptâmes sa rectification ! 

« Mais hélas ! c’était encore une erreur, que, grâce à l’obligeance de notre confrère, 
M. André, jardinier principal de la ville de Paris nous pouvons rectifier, et cette fois 
d’une manière absolue, en présence d’un échantillon vivant et fleuri, qu’il a bien 
voulu nous en envoyer, et en le comparant aux descriptions des auteurs mentionnés 
ci-dessus. Le véritable Rhodotypus Kerrioïdes a des feuilles assez grandes, ovées 
aiguës, - duplici dentées (dents très-aiguës), à veines pennées, glabres en dessus, 
poilues en dessous. Des fleurs solitaires (aussi), grandes, blanches, portées par un 
très-court pédoneule, à peine plus long que les pétioles (presque sessiles) à quatre 
grands pétales arrondis. Calice de quatre sépales herbacés, conformes aux feuilles, 
mais d’un tiers plus petit; corolle tétrapétale ; étamines nombreuses, libres, ete. 

« On voit combien le Rhodotypus Kerrioïdes, par cette énumération très-sommaire, 
s'éloigne du Æerria proprement dit, qui en diffère surtout par un système staminal 
à cinq phalanges. Mais que devient alors le prétendu Æerria japonica à quatre pétales ? 
Nous n’en avons pas observé les fleurs : mais autant qu'on en peut juger d’après le 
dessin anglais (sat rudis), sans analyses, les étamines en paraissent divisées en cinq 
phalanges ; s’il en était ainsi, ce serait là un 


Kerria tetrapetala. 


Et les deux plantes méritent d’être répandues dans les jardins. Nous complèterons 
plus tard les documents qui se rapportent au premier. » 


— 272 — 


M. Lemaire, qui se pique de purisme, aurait dû mettre en tête de cette 
note là, Rérnacrariox. Il nous avait accusé publiquement avec une légè- 
reté que les sentiments les plus faibles de bonne confraternité et d’estime 
auraient dû écarter d’avoir sottement pris un Xerria japonica pour un 
Rhodotypus. I est obligé de rétracter cette imputation qui était de 
nature à nuire à notre considération scientifique. Au lieu de le faire fran- 
chement et loyalement, il emploie des tournures de phrases cauteleuses : 
il ne craint pas d'imprimer : c'était ENCORE une erreur, comme pour faire 
supposer que nous sommes tout à fait empêtré dans les erreurs. 

Ce procédé ne nous a pas froissé seul : il a révolté de loyales conscien- 
ces et il a valu à M. Lemaire la verte leçon que vient de lui infliger 
M. F. Herineq, rédacteur en chef de l’Æorticulteur français (1868, n° 8, 
p. 241.) Nous ne pouvions être vengé d’une manière plus éloquente ct 
plus digne à la fois. Il est bien naturel, nous semble-t-il, que nous pro- 
duisions cette pièce au procès. Qu’on en juge : 


Le Kerria et le Rhodotypus. 


On appelle KXerria ou Corête et Corchorus, de jolis arbrisseaux du Japon, qui 
forment buissons, dont les tiges et les rameaux sont verts comme les feuilles. Ils 
portent de petites fleurs jaunes simples ou doubles et des feuilles alternes, fortement 
nervées, en forme de fer de lance, tres-longuement rétrécies au sommet, bordées de 
grosses dents finement denticulées; ces feuilles sont accompagnées, à la base du 
pétiole, de deux petites stipules triangulaires allongées. Les fleurs sont terminales, 
solitaires ou réunies plusieurs à l'extrémité des rameaux : elles ont un calice tubu- 
leux, à tube court, très-évasé, couronné par cinq lobes arrondis entiers ; les pétales 
normalement au nombre de cinq, sont insérés au sommet du tube calicinal, en dehors 
des étamines qui sont très-nombreuses. Le centre de la fleur est occupé par 
cinq ovaires à une seule loge contenant un seul ovule et surmontés chacun d’un 
style filiforme. Les fruits sont des sortes de capsules globuleuses. 

Le Kerria japonica est originaire du Japon où il a donné plusieurs variétés. 

La variété à fleurs pleines, introduite en 1700, est la plus ornementale, la plus 
répandue dans les jardins et la plus vigoureuse; les fleurs ressemblent assez à des 
petites roses pompons jaunes ; elles ont de 3 à 4 centimètres de diamètre. 

Le type à fleurs simples est assez rare; il est vrai qu’il produit peu d'effet. Cepen- 
dant, lorsqu'il est palissé et exposé au nord, il donne des fleurs beaucoup plus 
grandes, qui atteignent jusqu’à 5 centimètres de diamètre ; alors il est aussi orne- 
mental que la variété à fleurs doubles. 

Depuis l’invention néfaste des plantes à feuilles panachées, la eulture a produit deux 
variétés très-malingres, mais qui sont fort appréciées des partisans des panachures. 

Le Kerria japonica var. ramulis aureo vittatis où striatis, est surtout remarquable 
par sa débilité ; car il faut regarder d’assez près pour découvrir que ses rameaux sont 
ornés de petites bandelettes couleur jaune pâle. 

Le Kerria japonica var. foliis variegatis est tout aussi débile, et par ce fait, aussi 
remarquable que la variété précédente. Il a été introduit il y a également peu d’an- 
nées par M. Siebold, et M. Lemaire, en le décrivant et en le figurant dans l’{ustration 
horticole, en 1862, lui a attribué des fleurs doubles. 

M. Edouard Morren, qui s’est occupé des plantes panachées, trouvait en elle une 
exception à la règle qu’il avait établie : que la panachure des feuilles et la duplication 


2 M8 = 


des fleurs s’exeluent l’une l’autre. Or, ce Kerria à feuilles panachées, loin d’être une 
exception au principe avancé par M. Morren, en devient au contraire une des plus 
remarquables confirmations. En effet les fleurs en sont parfaitement simples. M. Morren 
l’a constaté en 1865, à Amsterdam, d’après des individus fleuris chez M. Krelage à 
Harlem ; et, l’année suivante, M. Andrews en publiait, dans le Floral Magazine, un 
dessin qui le représente à fleurs simples, mais composées chacune de quatre pétales, 
au lieu de cinq comme dans le type normal. M. Lemaire tout récemment sur la foi 
d'un correspondant, — et d’après ce dessin, a cru voir dans ce Aerria à feuilles 
panachées, le Rhodotypus Kerrioïdes de Sicbold, arbuste du Japon tout nouvelle- 
ment introduit dans les cultures. C'était une erreur grossière, et qui doit engager 
notre estimable confrère, à ne pas s’en rapporter à la foi de ses correspondants, ni 
aux dessins souvent fort inexacts des publications horticoles ; car le Kerria à quatre pé- 
tales du Floral Magazine, — pour lequel le savant rédacteur de l{lUlustration horticole 
propose, dans son dernier numéro, le nom de Æerria tetrapetala, après avoir reconnu 
son erreur, que ce n’était pas du tout le Rhodotypus, — ce Kerria, disons-nous, n’est 
pas une variété nouvelle à quatre pétales, mais bien le Xerria japonica, à feuilles 
panachées, à cinq pétales, comme nous venons de le constater sur les individus fleuris 
de l’école de Segrez. Le peintre du journal anglais a tout simplement commis une 
inadvertance en ne lui accordant que quatre pétales ; inadvertance que commettent mal- 
heureusement beaucoup de dessinateurs qui ne sont pas botanistes et qui ne com- 
prennent pas l’importance des nombres ou la position des organes dans la caractéris- 
tique des espèces. Mais si nous comprenons ces erreurs d’un peintre, et si, à la rigueur, 
elles sont excusables, nous les comprenons et les excusons moins chez l’homme du 
métier, chez le botaniste qui s'occupe et fait des espèces. En rapportant au Rhodotypus 
le Kerria à quatre pétales du Floral Mayazine, M. Lemaire a commis là une erreur 
impardonnable. Un horticulteur peut confondre le Kerria et le Rhodotypus ; il juge 
généralement au simple coup d'œil, au facies, au port des plantes, et rien n’est plus 
trompeur que l’apparence, c’est même passé en axiome. M. Lemaire, qui est un 
botaniste habile, aurait dû voir de suite, à l'inspection du dessin, que le Kerria de 
M. Andrews n'était pas le Rhodotypus. Ce dessin, en effet, présente les feuilles en 
disposition alterne, et le rédacteur de l'{llustration n’ignore pas que le Rhodotypus 
a les feuilles opposées. C’est un caractère de végétation qui saute aux yeux, et qui 
étonne le botaniste ; car il est rare dans les Rosacées, tellement rare, qu'avant la 
découverte de ce nouveau genre, on ne connaissait aucune plante de cette famille 
à feuilles opposées. Il est donc surprenant que M. Lemaire ne le signale pas dans son 
dernier article rectificatif au lieu et place de ces descriptions banales de feuilles 
ovées duplici dentées, à nervures pennées, ele., qui sont autant les caractères du Æerria 
que du Rhodotypus. A la disposition des feuilles, il était donc facile de reconnaitre que 
le Kerria panaché était bien un Kerria. Pour montrer la différence entre ces deux 
genres, M. Lemaire continue sa description du Rhodotypus, en disant que les fleurs 
ont un pédonceule très-court, à peine plus long que les pétioles : un calice à quatre sé- 
pales ; corolle à quatre pétales, et des étamines nombreuses, ete. Mais si M. Lemaire 
croit à l'existence du Æerria à quatre pétales, figuré dans le Floral Magazine, ces 
caractères de la fleur se retrouvent encore dans les deux genres. Pour bien établir 
la différence, il aurait dû commencer là où il a fini, c’est-à-dire donner le caractère 
de l'organe qui se trouve après les étamines. Il y a là, en effet, un disque très- 
remarquable, en forme de sac dans lequel sont complètement enfermés les quatre ovai- 
res, et qui peut faire croire — quand on n’est pas botaniste — qu'il n’y a pas qu'un 
ovaire surmonté de quatre styles. Ce disque en forme de sac n'existe pas dans le 
Kerria. M. Lemaire pouvait done en deux coups de plume établir les caractères 
différentiels de ces deux arbrisseaux de cette manière : 
Kerria : feuilles alternes; cinq ovaires libres. 


18 


, 


Rhodotypus : feuilles opposées ; quatre ovaires renfermés dans un disque en forme 
de sac. 

C'était simple, et l'intelligence la plus obtuse était forcée de ne plus prendre un 
Kerria pour un Rhodotypus, et un Rhodotypus pour un Aerria. 

L'étude des plantes, comme on le voit, n'est pas aussi hérissée de difficultés qu'on 
le croit généralement ; il faut seulement en avoir la clef, 

Ces deux genres étant ainsi bien définis, disons un mot maintenant du Rhodotypus 
Kerrioïdes. 

Le Rhodotypus Kerrioïdes est, comme le Æerria, un arbrisseau du Japon. A l’état 
sauvage, il atteint de 5 à 6 mètres de hauteur; mais dans les cultures il ne s'élève 
pas à plus de 1»,50. Il à alors tout à fait le port et l’aspect du Xerria, ce qui lui a 
valu le nom spécifique de Æerrioïdes. Son bois est en effet vert, et ses feuilles, qui 
sont opposées, ne diffèrent de celles du Æerria que par un peu plus de largeur à la 
base ; elles sont accompagnées de stipules filiformes. Ses fleurs sont blanches, solitaires 
au sommet des rameaux; mais quelquefois il s’en développe deux autres à l’aisselle 
des deux feuilles supérieures. Elles ont un calice tubuleux, à tube court évasé, et à 
quatre sépales très-grands, foliacés, dentés, accompagnés, entre chacun d'eux, d’une 
petite dent parfois bifide, ce qui dévoile leur nature stipulaire. Quatre grands pétales 
orbiculaires alternent avec les sépales et sont insérés, avec les nombreuses étamines, 
au sommet du tube calicinal. Au centre se trouvent quatre ovaires entièrement ren- 
fermés dans une sorte de sac qui est un disque urcéolé, glabre en dehors, et très-poilu 
en dedans. Après la fécondation, les ovaires grossissent, brisent le disque, et se 
transforment en quatre fruits drupacés de couleur rouge brun foncé, ou marron. Les 
ovaires contiennent deux ovules; mais les fruits n’offrent plus qu'une graine; 
l’autre avorte. k 

Le Rhodotypus est un joli arbuste, mais qui ne produit pas autant d'effet que le 
Kerria à fleurs simples, car ses fleurs ne sont pas aussi nombreuses. Dans l’école de 
Segrez, il prospère admirablement, forme de larges touffes buissonnantes, qui se 
couvrent de jolies petites drupes d’un rouge plus où moins foncé. 


F. Herixeo. 


Grand merci à vous cher M. Herineq mon féal allié : merci aussi 
à vous,mon cher M. André, qui avez porté la lanterne chez M. Lemaire; 
je suis heureux de pouvoir ici vous confondre l’un et l’autre dans une 
égale reconnaissance. 

Nous montrerons un de ces jours le portrait de ce mémorable Rhodo- 
typus Kerrioïdes. — Ce nom là me produit le même effet qu'une poignée 
de pois dans une vitre. — A propos de nom, M. Lemaire, qui est puriste, 
en fait de langage, aurait pu faire remarquer que c’est Rhodotypos qu'il 
faut dire au lieu de Rhodotypus. 

Reste le Æerria tetrapetala, car M. Lemaire y tient : il le cherche par- 
tout. Eh bien celui-là il le trouvera, tel que nous l’avons représenté, car 
CE N’EST PAS UNE ERREUR. 

Les Rosacées ont cinq pétales le plus souvent, mais il n’est pas rare de 
n’en trouver que quatre; en d’autres termes, leurs fleurs ordinairement 
pentamères sont souvent tétramères. C’est la règle chez les Tormentilles 
et chez le Rhodotypos qui est le genre le plus voisin du Kerria, les Pote- 
rium, qui sont apétales, ont néanmoins des fleurs à symétrie quaternaire. 


PTS RTS NE ST 


— 275 — 


Les Exochorda ont quatre ou cinq pétales : les Spiræa, les Potentilla 
et même les Rosa, qui ont dans la plupart des cas cinq pétales, n’en déve- 
loppent parfois que quatre. Il en est exactement de même chez le Xerria 
japonica leur proche allié. Cinq pétales est le nombre habituel, mais 
il lui arrive aussi de donner des fleurs iétramères. Le dessin de M. An- 
drews est parfaitement exact et si nous l’avons reproduit sans y rien 
changé c'est que nous avions reconnu cette parfaite exactitude. Il y a 
plus, le fait même de cette tétramérie est une preuve nouvelle et écla- 
tante de la vérité de ce que nous avons reconnu de l'influence de la pana- 
chure des feuilles sur la duplication des fleurs: cette influence est si 
grande qu'elle ne s'oppose pas seulement à la superfétation des pétales 
mais qu'elle va jusqu’à diminuer le nombre habituel. Nous ne prétendons 
pas que cette tendance soit toujours assez prononcée pour produire ses 
effets, mais dans cette circonstance au moins il en est manifestement 
ainsi. Ce n’est pas la seule. Nous l'avons déjà dit dans notre première 
note, M. Berthold Seemann en figurant dans son Journal of Botany le 
Camellia à feuilles panachées, a fait cette observation que ce Camellia était 
le premier, parmi les milliers d'images que les livres en ont données, 
qui fut représenté strictement simple, avec cinq pétales seulement. 
Tous les autres Camellias simples qui s'ouvrent sur des plants bien con- 
stitués donnent, en général, six, sept ou huit pétales. 

Pour la seconde fois les arguments de M. Lemaire sc sont retournées 
contre lui-même; pour la seconde fois le Xerria japonica qu'il nous 
opposait nous a fourni des preuves péremptoires en faveur de la doc- 
trine que nous soutenons. Nous sommes heureux de lui en témoigner ici 
publiquement notre reconnaissance. 


Nous erovons avoir aplani les obstacles dont notre route se trouvait 
embarrassée, avoir répondu aux objections qui ont été présentées et 
avoir éclairé les côtés de la question qui étaient restés dans l'ombre. Dé- 
sormais nous pouvons librement poursuivre notre chemin et présenter 
quelques considérations nouvelles. 

La chlorose et la panachure sont deux affections pathologiques qui se 
ressemblent beaucoup ; la première est accidentelle, souvent éphémère, 
mal définie, en quelque sorte individuelle et susceptible d'être guérie, 
par exemple avec le sulfate de fer. La seconde est mieux établie, plus 
durable, plus générale, susceptible de se propager avec l'individu et, 
quand elle disparaît, c’est spontanément, par une sorte de rétablisse- 
ment général de l'organisme. Dans quelques circonstances il est diflicile 
de décider si l’on a à faire à une chlorose ou à une panachure. 

Quoi qu'il en soit, la panachure se manifeste en général sur un bour- 
geon. Sans doute elle peut naïître d'un semis mais il arrive assez souvent 
qu'en rencontre dans les champs ou dans les jardins un rameau dont les 


— 276 — 


feuilles sont panachées sur un végétal d’ailleurs parfaitement vert. Nous 
l'avons maintes et maintes fois observé et beaucoup de personnes ont, sans 
aucun doute fait la même observation. Une variation nouvelle qui a son 
origine dans un bourgeok est ce que les Anglais nomment un sport, 
sporting plant : la terminologie francaise, assez pauvre, appelle cela un 
accident. Quoiqu'il en soit, cette variation, détachée de la plante mère, 
bouturée ou greffée selon l'occurrence, peut se propager, se fixer et deve- 
nir une variété. Telle est l’origine de maintes variétés parfois très-pro- 
noncées. 

Or il peut parfaitement arriver que la panachure se manifeste sur un 
bourgeon d'une plante à fleurs doubles. Il n’y a nulle raison pour qu’elle 
soit à l'abri de cette affection et toutes les circonstances, d’ailleurs encore 
inconnues, qui la déterminent chez une plante à fleurs simples, doivent 
aussi la provoquer sur un végétal à fleurs doubles. Seulement les consé- 


quences de cet envahissement sont fort intéressantes à étudier et nous 


permettent d'apporter une nouvelle et remarquable re à l'appui de 
la théorie que nous avons énoncée. 

En effet, un de nos bons amis, une des rares personnes avec lequelles 
il nous est donné de nous entretenir parfois de botanique horticole, à 
Liége, est M. Francois Wiot, directeur de l'établissement bien connu de 
MM. Jacob-Makoy. Nous l’entretenions quelquefois de notre opinion au 
sujet de la panachure et de la duplication et de l'impossibilité de réunir 
ces deux modifications à la fois sur le même individu. Il arrive souvent 
que les meilleurs amis prennent plaisir à vous contrarier. M. Wiot 
paraissait piqué au jeu par nos affirmations : horticulteur passionné il lui 
semble que rien n'est impossible à l’horticulture et il ne voulait pas 
admettre qu'on lui dise : tu n’iras pas plus loin! Parfois il se contentait 
de répondre par un sourire malicieux qui ne présageait rien de bon. 

Tout à coup, à l'exposition de Liége, le 20 avril 1868, il arrive tout 
rayonnant, portant triomphalement un beau Camellia au feuillage mar- 
giné de blanc sur les bords et terminé par une belle fleur, bien double, 
épanouie au sommet de la tige. La voilà, professeur, nous dit notre 
ami; c'est la première mais ce n’est pas la derniere ! 

Cette fois, c'était à nous de nous taire avant de hasarder une réponse. 
On peut juger de l'intérêt avec lequel nous considérâmes cette plante. 
Les autres amis étaient là qui faisaient galerie. 

Nous commencàämes par prier M. Wiot de bien vouloir nous permettre 
de publier sa plante et de la lui dédier. 

Ensuite nous lui fimes remarquer que chez le Camellia la panachure 
n'est pas bien franche : il y a quelque peu de chlorose là dedans : cette 
panachure est mal fixée, locale. Tous les cultivateurs savent qu'il peut se 
développer çà et là sur un Camellia double, un rameau panaché qui se 
maintient mal. Mais là n'est pas la question, car chlorose et panachure 
doivent tendre au même effet, un affaiblissement incompatible avec la 


— 277 — 


duplication des fleurs. Nous lui fimes observer ensuite que son Camellia 
était greffé, greffé sur un sauvageon parfaitement sain sans aucun 
doute et qu'ainsi sa plante n'était pas dans les conditions du défi : 
elle ne laissait cependant pas que d'être fort intéressante. La plante 
était fort jeune encore, haute de deux pieds à peine, peu feuillée, assez 
grêle. Nous émimes l'opinion, avec la conviction de ne point nous trom- 
per, que cette plante serait de culture fort difficile, de floraison très- 
rebelle, de propagation très-lente et que très-probablement ses fleurs ten- 
draient à s’atrophicr. L'incident est encore trop récent pour qu'on puisse 
s'assurer si nos prévisions se sont réalisées. En tous cas il reste acquis au 
débat que la plante est greffée. 

M. Wiot tenait en réserve une seconde exception à laquelle lui-même 
attachait beaucoup plus d'importance : c'était un Hibiscus syriacus 
à feuilles incontestablement panachées sur tous leurs bords, c'est-à- 
dire de la manière la plus permanente, et dont il avait lui-même 
vu les fleurs doubles. Il nous fit connaître à ce propos que les Æibiscus 
syriacus fol. varieg. et fl. pleno que l’on trouve mentionnés sur quel- 
ques catalogues ne devaient pas nous préoccuper parce qu'ils ont en 
réalité les fleurs simples. Mais il nous conviait à venir, dans la bonne 
saison voir le sien, dont il avait vu les fleurs doubles. Or le 20 août et le 
4 septembre 1868 nous sommes allé faire visite à l'établissement 
Jacob-Makoy et voici ce que nous y avons constaté: 

Une belle collection d’ÆHibiscus syriacus est plantée en corbeille sur 
un talus en pente douce : il s’en trouve de toutes les sortes; des verts à 
fleurs simples; des verts à fleurs doubles : des panachés à fleurs simples 
et enfin, au centre, bien en évidence, deux Hibiscus syriacus étiquetés 
foliis variegatis et flore pleno ! 

Ces Hibiseus sont, en effet, franchement panachés, mais, c'est tout. 
Non seulement ils ne savent pas donner de fleurs doubles, mais ils ne 
savent pas donner de fleurs de tout. Les verts à fleurs simples et 
doubles sont à peu près défloris; les panachés à fleurs simples, plus 
lents, commencent à fleurir : les panachés doubles n'ont pas une fleur! 
Il y à déjà là un retard dans la végétation qu'il est bon de signaler, 
car il est vrai de dire que les plantes panachées sont, en général, plus 
tardives que leurs types verts. 

Cependant de gros boutons se montrent en assez grand nombre sur 
les rameaux de l'Hibiseus nouveau. Ces boutons ont une physionomie 
assez étrange. Nous voulons en cueillir un, et 1l nous tombe dans la 
main! Il est abortif. Vu de près il montre tous les éléments d'une fleur 
double, mais cette fleur est atrophiée : c'est, si l’on peut ainsi parler 
un bouton épanoui : le calice est à peu près étalé, les rudiments des 
pétales sont au jour, rien ne devrait les empêcher de se développer 
et pourtant depuis quinze jours ils sont dans le même état : ils tombent 
sans se développer. Ajoutons enfin que ces plantes sont greffées sur frane. 


— 278 — 


Voici indubitablement comment les choses se seront passées, tant 
pour l'Hibiseus que pour le Camellia. Une variété à fleurs doubles a 
montré un rameau panaché. Ce rameau a été greffé : peut-être portait- 
il déjà des boutons formés : peu importe, car il est en état d’en déve- 
lopper de nouveaux, Ces boutons participent évidemment de la nature 
de ceux de la plante mère. Une première fois il peut venir des fleurs 
doubles. M. Wiot est parfaitement dans le vrai quand il y affirme avoir 
vu, il y a trois ans, des fleurs doubles sur son Hibiseus panaché. Mais il 
est vrai aussi qu'il nous avait invité l’année dernière à venir voir cette 
floraison, et que la fleur unique qui devait se montrer est tombée 
avant de s'ouvrir. Il est vrai enfin que cette année toutes les fleurs 
sont abortives. C’est précisément cette succession de faits bien établis 
qui donne sa valeur à l'observation. 

Elle prouve une fois de plus encore, ct d’une manière inattendue 
pour nous-même, l’incompatibilité de la panachure et: de la duplication. 

Ainsi cette incompatibilité se révèle quand même la panachure 
atteint accidentellement un rameau de plante à fleur double; elle se 
continue et se développe d'année en année; elle n’est pas vaincue par 
l’artifice d’une greffe sur un sujet sain, et elle est assez puissante pour 
déterminer lavortement de fleurs qui, se formant par atavisme suivant 
un type double, ne sont pas en état de se simplifier : périssent les 
fleurs plutôt que de les laisser se doubler. 

Nous ne cacherons pas l’étonnement et la satisfaction que nous 
avons éprouvés après avoir constaté ces faits; nous ne nous attendions 
pas à une confirmation aussi intéressante d’un petit principe de la 
physiologie végétale auquel nous avions prêté quelque attention. En 
réalité, la greffe, cette opération si féconde en procédés pratiques et dont 
toutes les influences ne nous sont guère connues, aurait bien pu être un 
moyen d’éluder artificiellement la règle que la nature semble avoir 
imposée aux végétaux panachés. Notre ami, M. Wiot n’était pas si mal 
inspiré quand il cachait cette petite surprise sous son sourire mysté- 
rieux. Mais, grâce à Dieu, ce sont depuis le commencement de ces 
observations précisément les plantes qu’on a voulu nous opposer qui nous 
ont fourni les arguments les plus péremptoires. Dans cette petite dispute 
le Æerria japonica est devenu presque célèbre : le Camellia François 
Wiot et l'Hibiscus de M. Louis Van Houtte pourront lui faire cortége (1). 

Les autres exceptions que, d’après des ouiï-dire, nous avions été disposé 
a admettre, paraissent beaucoup moins sérieuses. Un de nos amis, M. le 


(1) L’Hibiseus à feuilles panachées et à fleurs doubles a été annoncé naguère par 
M. Van Houtte dans ses catalogues. L'établissement de Gendbrugge l’avait recu 
d'Amérique. Comme il n’est pas probable que l’Hibiscus de Syrie soit spontané aux 
États-Unis, il nous est permis de supposer que celte monstruosité s’est montrée fortui- 
tement chez quelque pépiniériste d'outre-mer. 


— 279 — 


sénateur Fr. de Cannart d'Hamale nous a dit avoir dans un de ses jardins 
le prétendu bouton d'argent panaché (Ranunculus aconitifolius Wizi».), 
mais que c’est à peine si le feuillage de cette plante porte quelques 
traces de variégation. Le Marronnier d'Inde double à feuilles panachées, 
s'il existe réellement, est un accident de l’Æsculus à fleurs doubles dont 
quelques rameaux atteints de panachure ne portent pas de fleurs du 
tout. L'Æemerocallis Kwanso, a les fleurs doubles sur des bourgeons d’un 
vert parfaitement uniforme. La Tulipe double panachée est une végétation 
tout à fait fortuite, individuelle et maladive, sans aucune valeur. 
M. Maxwell T. Masters (!) a signalé un Gardenia radicans. Cette plante 
existe, en effet, elle s’est produite en Angleterre il y a une dizaine 
d'années. Mais il est inexact qu’elle soit aussi répandue et aussi florifère 
que le type double normal, elle est au contraire, fort chétive, très- 
délicate et d’une apparence tout à fait misérable qui présage une pro- 
chaine disparition de ce phénomène contre nature. 

La seule exception qui paraisse sérieuse est une Giroflée (Cheiranthus 
cheiri var. fol. varieg. et flore pleno); on nous la signalée de divers 
côtés et nous désirons fort être à même de l’étudier un jour de visu. 
Mais cette plante doit être bien rare, car non-seulement nous ne l'avons 
jamais rencontrée nulle part, mais depuis plusieurs années qu’on nous l’a 
promise, personne ne nous l’a encore envoyée. Jusqu'à preuve du con- 
traire nous supposons qu'elle est, comme le Camellia et lHibiscus, le 
résultat d’un envahissement fortuit d’une Giroflée double par la 
chlorose. 

La question de fait étant vidée on peut discuter sur lexplication : 
nous la soutenons de notre mieux mais sans prétendre tenir tête à tout 
le monde : le champ de la théorie est bien vaste et libre pour tout le 
monde. L’explication que nous avons donnée précédemment à paru 
plausible à la plupart de ceux qui se sont occupé de la question. 
Pourtant on ne nous a pas toujours bien compris(2). Nous n’attribuons 
pas précisément de la force aux plantes à fleurs doubles : nous leur 
attribuons un certain état de pléthore : nous les comparons aux castrats 
à quelque espèce qu'ils appartiennent et qui tout en ayant de l’embon- 
point n’ont pas précisément de la force; la duplication des fleurs est 
une sorte de tendance à l’engraissement, tandis que la panachure du 
feuillage a pour conséquence un amaigrissement manifeste; il est tout 
simple qu'on ne saurait être gras et maigre en même temps. La dupli- 
cation des fleurs est une exubérance du système foliaire qui s'étend 
jusque dans les fleurs. Les plantes à fleurs doubles ont, toutes choses 
égales d’ailleurs, des feuilles plus amples que les types simples (voyez 


(1) Gardeners’ chronicle 1866 ; p. 290. 
(2) Gard. Chron. 1866, p. 290. 


 — 


Kerria japonica le simple et Le double dans la Flora Japonica de Siebold 
et Succarini, planche 98). Au contraire la panachure est un affaiblis- 
sement du feuillage, les plantes à feuilles panachées ont des feuilles 
plus étroites que le type vert. 

Enfin, tandis que les fleurs doubles ne coïncident jamais avec les 
feuilles panachées, 11 n’est pas rare de trouver le Dahlia double, le 
Chrysanthème double, Ia Paquerette double avec des feuilles panachées. 
C'est tout simple, puisque ce ne sont pas des fleurs doubles. 

Un mot encore avant de terminer. 

Le Hamburger Garten und Blumen Zeitung a publié(l un fait inté- 
ressant qui concerne le Æerria Japonica et sa duplication. L'auteur 
anonyme d’une note bien écrite sur les fleurs doubles rapporte qu'il a 
vu, il y a cinquante ans, le Æerria japonica, dans une serre chaude, 
avec des fleurs simples. Vingt ans plus tard on rencontrait cet arbuste 
dans le plupart des jardins, en plein air, mais toujours avec des fleurs 
doubles. A cette époque il n'existait certainement plus dans toute l’Europe 
un seul pied à fleurs simples, aussi les personnes qui formaient des 
herbiers, offraient elles beaucoup d’argent pour un rameau fleuri dans 
les conditions recherchées par les botanistes. On nous invita à nous 
occuper de cette plante afin d'essayer de lui faire donner des fleurs 
simples. On nous conseilla de la cultiver en bonne terre ce que nous 
fimes, mais le terrain qui était en pente, ne gardait pas l'humidité et 
toutes les fleurs continuèrent pendant plusieurs années à rester doubles. 
Sur ces entrefaites le capitaine d’un navire anglais rapporta du Japon 
des Xerria dans leur état normal, c’est-à-dire avec des fleurs simples. 
Ils furent répandus sur le continent et nous en obtinmes une plante. 
Trois ans après toutes les jeunes plantes issues des boutures de ce 
dernier, avaient doublé leurs fleurs. 

Ce fait est intéressant à connaitre : il est de nature à faire réfléchir 
sur l’origine des fleurs doubles. C’est là un problème fort intéressant 
dont nous nous oceuperons dans une autre circonstance. 


EXPOSITION D’ANVERS. 


L'exposition d'Anvers, le 15 août de cette année, était nombreuse, 
brillante, bien disposée et présentait un intérêt tout particulier par 
suite du concours pour le grand prix de 500 francs offert par la Fédé- 
ration des Sociétés d’horticulture de Belgique. La Société d'Anvers avait 
désigné pour ce concours une collection de 30 plantes de serre à feuil- 
lage panaché, strié ou maculé, remarquable par la force des exemplaires, 


(1) 1866, p. 197, Ueber gefülte Bluthen, door J.... F.... 


HIBISCUS SYRIACUS L.. 
FLOR. PURPUREO-PLENIS,FOL. ARGE NTEO-MARGINATIS (Van Hourre ) 


x : " À: g. À ce p De 4 REA Û È ne 
FAEE AE * 


— 281 — 


la perfection de la culture et le choix des espèces. Madame Legrelle 
d’Hanis, Madame la baronne Nottebohm et M. J. Linden sont entrés en 
lice. Chacune de ces trois collections était admirable et digne d’être 
couronnée si le concours n'avait pas été aussi vivement disputé. Il a 
fallu les examiner de fort près pour se former une conviction bien 
fondée. Après cet examen le jury, d’une voix à peu près unanime, a 
décerné le prix à M. J. Linden. Au mérite de la nouveauté, qui leur est 
habituel, les plantes de M. Linden joignaient cette fois plus que jamais 
celui d’une plantureuse culture : cette collection mieux encore que les 
deux autres, répondait au programme par la force des exemplaires, 
la perfection de la culture et le choix des espèces. Les plantes de madame 
Le Grelle et de la baronne Nottebohm sont également dignes des plus 
grands éloges ; tous les membres du jury ont pris un vif plaisir à les 
considérer. Ce concours de la Fédération a, comme on le voit, parfaite- 
ment réussi: l’émulation était réelle entre les concurrents, les collections 
exposées étaient d’une beauté exceptionnelle et d’une valeur qui est en 
rapport avec l'importance du prix. Nous avons toujours pensé, que 
dans les concours d’horticulture, les Sociétés feraient mieux de concen- 
trer leurs ressources sur un petit nombre de concours redigés en termes 
assez larges, plutôt que de les éparpiller dans un nombre trop consi- 
dérable de prix sans valeur et auxquels personne ne tient. 
Voici d’ailleurs la composition des trois lots concurrents : 


Envoi de Madame LEeGRELLE-D'HANIS. 


Alocasia Jenningsii. — Introduit en 1868 | Gymnostachium Verschaffeltii. — 70 cent. 

(Veitch). de diamètre (la plante). 
— intermedia. — Introduit en 1868 | Fittonia argyroneura. — 60 cent. de dia- 

(Veitch). mètre (la plante). 

Croton irregulare. — Introduit en 1868 ! Phœnicophorium sechellarum. — Forte 
(Veitch). plante (huit feuilles). 

— interruptum. — Introduit en 1868 | Dieffenbachia Baraquiniana. — {1 mètre 

(Veitch.) de hauteur. 

Panicum plicatum niveo vittatum. — In- |! — picta. — 1 mètre 50: de hauteur et 
troduit en 1868 (Jacob Makoy). | 1 m. de diamètre. 

Dichorisandra mosaïca. — Introduit en | Alocasia Lowii. 
1867 (Linden). | Ananassa sativa variegata. 

Sanchezia nobilis variegata. — Introduit | Musa vittata. 
en 1867 (Bolivie, Veitch). | Heliconia diseolor. — La plante a 1m,50e 

Dieffenbachia Weirii superba.—Introduit | de hauteur et 1 mètre de diamètre. 
en 1867 (Brésil, Veitch). Campylobotrys Ghiesbrechti. — Très 

Panicum variegatum. — Introduit en forte plante. 
1868 (Nouvelle Calédonie). | Maranta pulchella. — La plante a un 

Dieffenbachia Peareii. — Introduit en mètre et demi de diamètre. 
1868 (Veitch). | Rhapis flabelliformis fol. var. 

Tillandsia argentea, — Introduit en 1867 | Aralia cucullata. — Forte plante. 
(Pérou). . Hoya variegala. 

Anthurium regale. — Avec 9 feuilles de : Bertolonia marmorata. 


0,50c de longueur. | Dracæns aureo-lineata(Cordyline indivisa). 
Dracæna terminalis stricta. | 19 


— 282 — 


Envoi de 


Cyanophyllum magnificum. — Avec feuil- 
les de 55 cent. de longueur et 55 


de large. 


Alloplectus bicolor, — Nouvelle espèce 
du Pérou (n’est pas dans le com- 
merce). 

Alocasia Veitchi. 

— zebrina. 

Anthurium magnificum. — Avec 6 feuil- 
les de 50 cent. de longueur. 

— regale. — Avec 5 feuilles d’un mèt. 


de long et 60 cent. de large et de 
1,50 de diamètre. 

Dichorisandra mosaica. — Forte plante. 

Dieffenbachia Baraquiniana. 

— nobilis. — Introduit du Pérou 1868. 

Irisine Lindenii. 

Dioscorea sp. nova. — De l'équateur. 
(N'est pas dans le commerce). 

Echites rubro venosa. 

Eranthemum igneum. 

Fittonia gigantea. 

Pandanus javanicus fol. var. — Fort pied. 


M. LiNpen. 


Gesnériacée nouvelle du Pérou. 
— nouvelle de Chiriqui. 
Maranta Lindeni. — Plante d’un mètre 
de diamètre. 
— Princeps. 


— roseo picta. — La plante a 70 cent. 
de diamètre. 

— setosa. 

— undulata. 

— velutina. 

— virginalis. — La plante a 75 cent. 
de diamètre. 

Philodendron Melinoni. — Avec 10 
feuilles de 0,70 cent. de long, très- 
nouvelle. 

— sp. nov. — Voisin du Lindeni. 


Sanchezia nobilis fol. var. 

Sonerila superba. 

Sphærogyne latifolia. — 1 mèt. de hau- 
teur, les feuilles avaient 60 cent. 
de long et 45° de large 4 étages de 
feuilles. 

— sp. nov. — du Pérou. 


Une Broméliacée nouvelle de l’'Amazone et pas encore dans le com- 
merce se trouvait dans cet envoi et dominait le groupe. 


Envoi de Madame la baronne NoTTEBou. 


Croton variegata. — Deux mètres de | Anthurium magnificum. — Avec ses 
hauteur et deux mètres de diam. feuilles de 50 cent. de longueur. 
— angustifolia. — 1#,50c de hauteur |! — regale. — Un mètre et demi de 
et {mn de diamètre. | diamètre. 
Alocasia zebrina. Dracæna ferrea. 
Cissus pyrophylophyllum. — stricta. 
Maranta zebrina Cordyline indivisa. 
— regalis. — 60 cent. de diamètre | Phrynium vanden Heckei. — La plante 


(la plante). 
Cosygnia Borbonica. 
Colocasia macrorhiza fol. var. 
Stephensonia grandifolia. 
Echites nutans. 
Broméliacée . 
Alocasia metallica. 
Rhapis flabelliformis fol. var. 
Aroïdée . - 
Pandanus javanicus. 


a {À mètre de diamètre. 

Dieffenbachia picta. 

Dieffenbachia grandis. — Un mètre de 
hauteur. 

Caladium Chantini. 

Eranthemum igneum. 

Ananassa Penangensis var. 

Sanchezia nobilis var. 

Gymnostachium Verschaffeltii. 

Smilax macrophylla var. 


— 285 — 


EXPOSITION ET CONGRES DE ST-PETERSBOURG EN 1869. 


M. le D° Regel vient de distribuer en Europe le programme des con- 
cours de l'exposition internationale qui doit avoir lieu au printemps 
prochain à St. Pétersbourg. Ce document était attendu avec impatience. 
Beaucoup de personnes comptent prendre part à cette exposition et s’y 
rendre elles-mêmes; ce sera, en effet, une belle et agréable occasion de 
visiter entre confrères et amis une partie de la Russie. Rien ne semble 
négligé pour attirer le plus de monde possible à cette réunion. 

Voici à ce sujet quelques renseignements qui seront lus avec intérêt : 

Avec l'agrément Auguste de Sa Majesté l'Empereur, la Société d’hor- 
ticulture de Russie, qui se trouve sous la Haute protection de son Altesse 
Impériale le Grand-Duc Wicolas Nicolajewitch l’Ainé, ouvrira à St. Pé- 
tersbourg, au printemps de 1869, une exposition internationale d’horti- 
culture, accompagnée d’un congrès international de botanistes et d’hor- 
ticulteurs. 

L'exposition internationale sera ouvert le 5/17 Mai 1869 et durera 
quinze jours, jusqu’au 19/51 du même mois. 

Le programme comprend les objets qui auront droit aux concours, 
ainsi que les prix destinés à chaque concours. 

Les prix consisteront en Médailles d’Or de quatre valeurs différentes 
et en Médailles d'Argent de trois valeurs différentes. 

* Les personnes qui voudront prendre part à l'exposition sont priées de 
l’annoncer au plus tard jusqu'au 1/15 Mars 1869 et d'envoyer jusqu'au 
25 Avril (7 Mai) les listes de ce qu’elles pensent exposer. 

Le comité chargé de la direction de l’exposition se mettra en rapport 
avec les directions des chemins de fer, les sociétés de bateaux à vapeur 
et d'autres administrations encore, afin d'obtenir pour le voyage et le 
transport des objets des conditions modérées. Ces conditions, accom- 
pagnées des documents nécessaires, seront communiquées à ceux qui 
prendront part à l'exposition ou au congrès. 

Des agents de la Société se trouveront pour les arrivants par les che- 
mins de fer d'Allemagne à la frontière russe-prussienne, station de Vir- 
ballen, — pour les arrivants par mer à Cronstadt — et pour les habitants 
du pays à Moscou; ils seront chargés d’expédier les effets destinés à l’ex- 
position, de venir en aide aux voyageurs et de leur fournir toutes les 
facilités possibles. 

À St. Pétersbourg les effets destinés à l'exposition seront recus aux 
stations des chemins de fer et aux débarcadères des bateaux à vapeur. 
C’est là aussi qu'on viendra recevoir les visiteurs et que leur sera trans- 
mise l'indication des logis ainsi que des prix convenus pour logis et table. 


— 284 — 


Tous les objets envoyés peuvent être vendus pendant la durée de 
l'exposition, mais il faut qu'ils restent exposés jusqu'à la clôture. 

I] sera organisé une loterie des objets à vendre qui n’auront pas été 
vendus jusqu'à la fin de l'exposition. 

La Société fera tout son possible pour que les visiteurs puissent voir 
ce qu'il y a de remarquable à St. Pétersbourg et dans les alentours. 

Ceux qui voudront prendre part à l'exposition ou au congrès sont priés 
de le faire savoir à la Société le plus tard jusqu’au 1/15 Mars 1869, en 
indiquant exactement leur adresse, pour qu’ils puissent être informés à 
temps des facilités accordées pour le voyage et le transport des effets. 

Les lettres concernant l'exposition doivent être envoyées à l'adresse 
suivante : À la Société d’horticulture à St. Pétersbourg. 

Le programme comprend 202 concours. Il est parfaitement classé et 
ordonnancé dans un ordre inspiré par l'alliance de plus en plus intime 
entre l’horticulture et la botanique. I1 nous semble que tout le monde 
peut en trouver au moins un auquel il puisse répondre avec chances de 
succès et nous espérons que beaucoup d'amateurs et d’horticulteurs bel- 
ges partageront cet avis et auront à cœur d'enrichir leur médailler d’un 
trophée emporté à l'exposition internationale de Pétersbourg. Toutes les 
facilités et toutes les garanties sont données pour le transport des plan- 
tes. L’horticulture belge doit occuper la première place dans cette nou- 
velle arène pacifique. 

Le programme détaillé est beaucoup trop long pour être reproduit 
ici, mais nous en avons reçu un nombre suffisant d'exemplaires pour en 
offrir à ceux de nos lecteurs que ce document pourrait intéresser. 

Il y aura aussi un congrès de botanistes et d’horticulteurs dont les 
principales dispositons ont été arrêtées de la manière suivante. 


I. Séances générales. 


1. La première séance générale sera ouverte par le président de la 
Société d’horticulture. 

2. Dès que la séance sera ouverte, le président de la Société pro- 
posera l’élection d’un président pour la première séance du congrès. 

5. Aprés cela, la commission du congrès propose l'élection des 
secrétaires. 

4. A la fin de la première séance son président propose l'élection 
d’un autre président pour la séance suivante; puis les membres du 
congrés se divisent en deux sections, l’une la section des botanistes, 
l’autre la section des horticulteurs. 

5. Chaque séance générale ne sera consacrée qu'à une seule question 
d'intérêt général. 

6. La commission propose pour les trois séances les questions sui- 


nié à 


© POA TRIVIALIS VAR.FOL.VARIEC. 


Æ 


| de 


— 285 — 


vantes. Pour la première séance : de l’amélioration des plantes cultivées. 

Rapporteur : M. Jühlke, directeur des jardins royaux de la Prusse. 

Second rapporteur : M. le D: Regel. 

Pour la seconde séance : De l'influence de la lumière sur les plantes. 

Rapporteur : M. le professeur Morren. 

Second rapporteur : M. le professeur Famintzine. 

Pour la troisième séance : De la circulation des sucs dans les plantes. 

Rapporteur : M. le professeur Karsten. 

Second rapporteur : M. le magistre Rosanoff. 

7. La commission n’a nommé des seconds rapporteurs parmi les 
botanistes de St. Pétersbourg que pour provoquer une discussion sur la 
question proposée; mais elle prie tous les botanistes et horticulteurs qui 
s'intéressent à une de ces questions et qui ont un rapport à présenter 
là-dessus, de vouloir bien le lui annoncer jusqu’au 1 mars 1869. 

8. Quand tous les rapports sur une question auront été entendus, 
une discussion générale sera ouverte sur le même sujet. 


II. Séances des sections. 


1. Elles seront ouvertes par un membre du comité du congrès, qui 
proposera l'élection d’un président, des vice-présidents et des secrétaires. 

2. Les séances des sections seront consacrées à la discussion des 
rapports annoncés à la commission jusqu’à la date indiquée. Après 
le 1/15 mars elle publiera la liste de ces rapports. 

5. Le nombre des séances des sections dépendra de la quantité des 
matières à traiter. 

Les invitations pour le congrès et pour le jury seront faites dans le 


courant de l'hiver prochain. 


NOTE SUR LE PATURIN PANACHEÉ, 


POA TRIVIALIS L. var. FOLIIS ALBO-FVITTATIS. 
(Figuré Exit, 


Cette plante a d’abord été utilisée dans les jardins d'Angleterre : elle 
est bientôt arrivée sur le continent. C’est un gazon, parfaitement rusti- 
que, dont on peut faire de petites pelouses, des bordures ou des corbeilles 
qui se distinguent par leur belle couleur blanche. C’est une variété d’une 
herbe fort commune, le Paturin commun; elle se sera sans doute 
développée spontanément et aura été propagée pour les besoins du 


— 286 — 


1 


jardinage qui accueille volontiers les feuillages panachés. Elle a été 
récemment figurée par M. Van Houtte, dans la Flore des Serres, sous 
un autre aspect que celui de notre planche, peinte d’après nature et 
réduite à la moitié de grandeur naturelle. Elle peut être propagée de 
graines en conservant sa panachure. Il convient, croyons-nous, pour lui 
maintenir sa plus belle apparence, de la faucher souvent sans la laisser 
monter. Cette plante est déjà assez répandue dans nos jardins. Nous en 
avons vu notamment, une fort jolie corbeille, dans le riant jardin de 
M. le sénateur F. de Cannart d'Hamale, président de la Fédération des 
Sociétés d'horticulture à Malines. 

Au moment où nous allions faire paraître cette plante, nous avons lu 
dans les récents numéros de la Revue horticole un article fort bien écrit 
de M. Weber, jardinier-chef du jardin botanique de Dijon, sur les 
Graminées à feuilles panachées. Cet article se rapportant directement 
à notre sujet, nous l’emprunterons à notre excellent confrère de Paris. 


LES GRAMINÉES A FEUILLES PANACHÉES, 


PAR M. J. WEBER, 
jardinier en chef du jardin botanique de Dijon. 


Tout le monde sait aujourd’hui que les plantes à feuilles panachées 
sont à la mode et recherchées pour l’ornement. Depuis les végétaux 
considérés comme les plus inférieurs, depuis les plus humbles familles 
naturelles telles que Fougères, Lycopodiacées, ctc., jusqu’à celles qui 
sont le plus élevées dans le règne végétal, Myrtacées, Conifères, etc., 
si riches en végétaux d’une taille gigantesque, toutes nous fournissent 
des espèces qui ont des variétés à feuilles panachées. Les Palmiers 
eux-mêmes, ces princes du règne végétal, comme les appelait Linné, 
n'ont pas échappé à cette singulière modification organique, dont la 
cause nous échappe encore. Le gracieux Rhapis flabelliformis à feuilles 
panachées et le rare et majestueux Pinanga maculata, introduit depuis 
quelques années par l’infortuné Marius Porte, sont des exemples remar- 
quables de cette belle famille. 

C’est surtout dans les plantes cultivées pour l’ornement que lon a 
observé et fixé un grand nombre de panachures; ce n’est cependant pas 
qu’elles en produisent plus que les plantes spontanées ; seulement, 
comme les horticulteurs en tirent un meilleur parti, il les ont mieux 
observées et partant multipliées en conséquence. 

Un grand nombre de plantes panachées de nos cultures étant origi- 


— 287 — 


naires du Japon, on a pensé que ce pays avait le privilége de produire 
des variétés à feuilles panachées; telle n’est pas notre opinion : seulement 
comme ce pays à fourni un grand nombre de plantes d'ornement, nos 
jardins possèdent un plus grand nombre de variétés à feuilles panachées 
de cette contrée. 

Les plantes à feuilles panachées n'étant que des variétés, on connait 
toujours les plantes types à leurs feuilles, dont la teinte est uniforme ; 
si l’on a cru devoir admettre des exceptions à cette règle si générale, 
c'est que les plantes panachées sont souvent introduites avant les plantes 
de ces mêmes espèces à feuilles entièrement vertes. Comme exemple, 
citons lAucuba du Japon dont la variété femelle à feuilles maculées 
existe dans nos jardins depuis bientôt un siècle, tandis que le type à 
feuilles vertes a été introduit depuis quelques années seulement. Parfois 
on ne connaissait pas l'espèce qui avait fourni la plante panachée, comme 
le Farfugium grande, par exemple, que l’on sait aujourd'hui n'être 
qu'une grande variété à feuilles tachetées de l’Adenostylis Japonica. Il 
en est de même du Perilla nankinensis de M. Decaisne, d’un coloris 
noir foncé si constant, et presque naturalisé dans nos jardins, qui est 
regardé par l’auteur comme une variété d’une espèce à feuilles vertes. 

On dit qu’en général les variétés à feuilles panachées de blanc sont 
moins vigoureuses que les types. Ceci peut être vrai pour celles multi- 
pliées par des moyens artificiels; mais les variétés panachées qui se 
reproduisent de graines ont souvent autant de vigueur que leur type. 
Citons, par exemple, l'Alyssum maritimum variegatum, les Pteris pyro- 
phylla et argyraea, le Zea caragua à feuilles panachées, etc. 

On a remarqué aussi que plus la proportion de l’albinisme augmentait, 
plus on éprouvait de difficultés à la propagation par boutures. L'expé- 
rience nous a démontré que ce fait est très-vrai, car, outre l’insuccès 
que nous avons éprouvé à plusieurs reprises sur des boutures entièrement 
décolorées des plantes suivantes : Sedum Sieboldtii et sarmentosum, 
Pandanus Javanicus, Polygonum Sieboldtiï, Prunus Laurocerasus, 
Arundo donax versicolor, nous avons tenté à plusieurs reprises sur ce 
dernier (dont le jardin botanique de Dijon possède un magnifique 
exemplaire donnant annuellement, du mème côté de la souche, plusieurs 
tiges entièrement blanches tout aussi vigoureuses que les autres), de 
les séparer avec beaucoup de soin et successivement; néanmoins, chaque 
fois après la section complète, la partie séparée dépérissait en très-peu 
de temps. Cependant la Reinechia carnea foliis variegata, ainsi qu'un 
Tradescantia, nous a donné d’autres résultats. Quelque temps après le 
bouturage de ces plantes des racines aériennes apparaissaient, suivies 
de nouvelles tiges à feuilles plus ou moins panachées, et les plantes 
poussaient alors avec vigueur. Ce fait me paraît analogue à celui cité 
par M. Verlot, du Glechoma hederacea entièrement blanc. 

Après cette sorte de digression que nous avons jugée nécessaire, 


EN > 


revenons au but que nous nous sommes proposé : l'énumération et la 
description d'un certain nombre de graminées à feuilles panachées les 
plus méritantes, en indiquant le meilleur profit qu'on en peut tirer 
pour l’'ornementation des jardins. 

Commencons par l'Arundo donax versicolor, Hort., l'une des plus 
belles. Ce charmant et gigantesque roseau panaché n'est pas aussi 
répandu qu'il le mérite; placé sur le bord d'une pièce d’eau ou isolé 
sur une pelouse, il est d’un fort bel aspect. Sa rareté dans les jardins 
proviendrait-elle de ce qu'il exige une légère couverture Fhiver? S'il 
en était ainsi, ce serait à tort, car l'on serait amplement dédommagé 
de cette peine par le vigoureux développement de ses tiges, qui sont 
garnies de belles feuilles retombantes, d’un beau vert glauque, accom- 
pagaées d'autres d'un blanc pur. Serait-ce plutôt 1: difficulté qu'éprouvent | 
beaucoup de personnes à le multiplier ? lei encore ce reproche me paraît 
mal fondé, car, outre le bouturage des jeunes pousses des plantes cultivées 
en pot, on peut encore le multiplier par la division des pieds. Voici 
un moyen qui nous réussit très-bien. 

A l'approche de l'hiver, lorsqu'on est arrivé au moment où Fon doit 
couper les tiges afin de placer la couverture d'hiver (pour cctte couver- 
ture, nous employons de préférence du sable très-fin), au lieu de 
couper ces tiges rez de terre, comme on le fait habituellement, nous 
les coupons à environ 40 centimètres au dessus du sol; ces parties déjà 
ligncuses ont les entrenœuds très-rapprochés, desquels sortent facilement 
des bourgeons: puis, au printemps, nous ôtons la couverture et coupons 
ces tiges rez de terre, nous les placons de préférence dans de petites 
boîtes de bois blanc de 60 centimètres de longueur sur 50 centimètres de 
large, et 20 centimètres de profondeur. Le fond de ces boïtes est fait 
avec des lattes distantes entre elles de 2 centimètres au moins. Sur ces 
lattes nous posons un lit de mousse ou de feuilles, puis nous recouvrons 
d'un lit de sable fin ou de terre de bruyère siliceuse : e’est dans cette 
terre que nous couchons nos tiges, qui sont enterrées de 2 centimètres 
seulement. Ainsi préparées, on place ces houtures soit dans une serre 
à multiplication, soit dans une bâche chauffée ou sur une couche 
chaude, où elles ne tardent pas à produire, à chaque articulation, un 
bourgeon qui émet à son tour des racines. Il faut se hâter alors de 
séparer Îles jeunes pousses en leur conservant le nœud duquel elles 
sont nées, ainsi que les jeunes racines qui doivent être aussi intactes 
que possible, car ces racines encore très-tendres sont, comme toutes 
celles des Graminées et des Monocotylédonées., en général, très-fragiles : 
une fois casses, elles ne repoussent plus. Les pieds obtenus ainsi 
atteignent en peu de temps assez de force pour supporter la pleine 
terre. On doit les planter dans un sol sain et frais si Fon veut les voir 
acquérir toute leur beauté; la terre de bruyère tourbeuse et bien 
drainée leur convient particulièrement. Il existe une autre variété 


M 


connue sous le nom d’Arundo donax aureo-variegata, dont les feuilles 
sont parcourues par des bandes d’un blanc jaunâtre; on la cultive et 
multiplie comme celle dont nous venons de parler. 

L'Arundo Mauritanica a donné une variété panachéc que nous n'avons 
pas encore pu apprécier. 

Dans les Bambous, il existe aussi plusieurs variétés à feuilles pana- 
chées; nous ne leur reconnaissons pas beaucoup de mérite au point de 
vue ornemental ; exceptons cependant une seule espèce, peut-être impro- 
prement appelée Bambou ; mais en attendant de plus amples ren- 
seignements, nous [ui conserverons le nom adopté par la majorité des 
horticulteurs. Nous voulons parler du Bambusa Fortunei variegata, 
charmante petite plante dont les drageons nombreux se terminent par 
des rosettes de feuilles largement lisérées de blanc très-constant, sur 
un fond vert. Plantée en serre tempérée ou froide, et mélangée aux 
autres plantes à feuillage vert, elle produit un effet très-gracieux. Nous 
pensons qu'on en pourrait former de jolies bordures, à cause de son 
peu d’élévation. Elle prospère parfaitement en bonne terre de bruyère; 
on la multiplie facilement par la séparation des drageons. En pleine 
terre, cette espèce fatigue souvent l'hiver. 

Le Cynosurus cristatus foliis argenteis, exposé par M. Henderson à 
Londres, en 1866, à l'exposition internationale, n’a pas encore, que 
nous sachions du moins, fait son apparition chez les horticulteurs 
français. Sans doute, la maigreur de cette plante, mème à l'état spon- 
tané, est un obstacle à son introduction. 

Le Dactylis glomerata foliis variegatis est une plante dont tout le 
monde connaît l'espèce type, si commune dans les prairies et pâturages, 
aux tiges raides et dressées, tandis que les feuilles sont flasques et 
retombantes. Dans la variété panachée, ces feuilles ont l'inconvénient 
de se dessécher trop facilement. Lorsqu'on voudra la cultiver avee un 
peu de succès, il faudra l’employer en bordure, couper les tiges florales 
à mesure qu'elles apparaîtront et faire soigneusement le nettoyage des 
feuilles sèches. 

Le Gynerium argenteum foliis-albo-lineatis de M. Rendatler a le port 
et la végétation du G. argenteum type; ses longues feuilles retombantes 
sont régulièrement rubanées de blanc jaunâtre, ce qui le rend très-propre 
à l’ornement. Une autre variété égalant au moins en beauté la précédente 
est le G. elegans foliis niveo-vittatis, obtenu de semis dans l'établissement 
de M. J. Hans, de Mulhouse. Cette variété n’atteint pas les dimensions de 
la précédente, mais la surpasse au point de vue de l'élégance de sa pana- 
chure. D'une végétation rapide, cette variété forme promptement des 
touffes compactes. à feuilles tenues, élégamment lignées de vert sur 
fond blanc sur la face inférieure, tandis que sur la surface supérieure, 
c'est la couleur blanche qui domine. Quelques catalogues annoncent 
encore quelques autres sous-variétés, dont mous ne connaissons pas la 


20 


0 


valeur ornementale. Pour avoir une reproduction exacte de ces variétés, 
il faut les multiplier par éclats, que l’on fera de préférence au printemps 
eten godets sur couche chaude. 

La Houlque laineuse à feuilles panachées présente les mêmes inconvé- 
nients que nous avons déjà signalés pour le Dactyle pelotonné; on 
pourrait l'essayer en bordure dans un endroit bien isolé. 

Si nous ne pouvons dire grand bien de la précédente, il n’en est pas 
de même du Molinia cœrulea f[oliis variegatis, qui est une charmante 
petite herbe gazonnante d'environ 25 centimètres de hauteur, à feuilles 
dressées, vertes, rayées longitudinalement de jaune pâle d’un bel effet. 
La fraicheur constante ainsi que la persistance de sa panachure, font de 
cette plante un des beaux ornements pour la décoration des rocailles et 
la formation des bordures. Elle prospère à peu près dans tous les terrains, 
cependant c’est à mi-ombre, dans une terre de bruyère tourbeuse, qu'elle 
produit le plus bel effet. Sa multiplication est des plus faciles par éclats, 
soit en automne dans les terres sèches, soit au printemps dans les terres 
humides et compactes. 

L'Oplismenus imbecillis Kunth., introduit il y a deux ans de la Nou- 
velle-Calédonie, est une charmante petite graminée de serre tempérée, 
rampant à la manière du Tradescantia zebrina. Ses nombreux rameaux 
inclinés, garnis de feuilles rubanées longitudinalement de blanc de 
neige relevé de rose, en font une plante sans rivale pour corbeilles et 
suspensions de serre ou d'appartement. Elle peut également concourir 
avantageusement à la formation des bordures et des tapis dans les serres. 
C’est donc une plante que l’on peut recommander sous tous les rapports, 
et cela d'autant plus que sa multiplication est des plus faciles; elle s'opère 
sans difficulté par la séparation de ses tiges qui s’enracinent sur toute la 
longueur. 

Le Phalaris picta, Hort., connu sous le nom vulgaire de ruban de 
bergère ou de Chiendent panaché, est une plante d’une rusticité sans 
égale, ce qui explique pourquoi on la trouve partout aujourd'hui. On 
pourrait dire qu’elle est indifférente sur le choix du terrain, car elle 
vient à peu près dans tous et aussi à toutes les expositions ; cependant elle 
atteint ses plus grandes dimensions lorsqu'elle est placée au bord de l’eau, 
à l’ombre et au nord ; son feuillage est alors beaucoup plus ample et 
plus frais. Cette charmante plante est employée à une multitude d’usages, 
on en fait des bordures autour des massifs, elle sert à fixer les talus, 
et décore avantageusement les rocailles et les bords des pièces d’eau, etc. 
Les tiges feuillées sont précieuses pour entourer les bouquets, ainsi que 
pour orner les vases d'appartements; elles font surtout un bel effet 
quand elles sont associées à des fleurs telles que Glaïeuls. On peut même 
les sécher dans du sable fin, où elles conservent leur couleur, et les 
employer à cet usage pendant l’hiver. Sa multiplication est des plus 
faciles soit par drageons, par troncons de souche et par éclats. Il existe 


— 291 — 


une variété rubanée d'un blanc jaunâtre, elle est plus rare et moins 
élégante que la précédente. 

Le Phragmites vulgaris variegata est une plante à feuilles panachées 
de blane jaunâtre. Nous préférons lespèce type tant pour sa vigueur que 
pour l'effet qu’elle produit. 

Le Poa trivialis argentea elegans, d'introduction assez récente, aux 
nombreuses tiges grêles et couchées, à feuilles linéaires bordées large- 
ment d’un blanc d'argent, ainsi que le long de la nervure médiane, don- 
nait beaucoup d'espoir lors de son introduction pour la formation de 
jolis tapis et bordures, ce que l'expérience n'a pas justifié : ses tiges 
couchées perdent les feuilles inférieures à mesure qu’elles s’allongent, et 
le centre de la touffe se trouve ainsi dégarni. Si toutefois on voulait en 
former des bordures, il faudrait le tenir court à l’aide de la taille et le 
placer dans un terrain plutôt sec et léger qu'humide; dans une terre 
humide nos plantes ont toujours fondu. 

Nous passons sous silence le Pharus vittatus, qui est une plante déli- 
cate de haute serre chaude et demande le traitement des Orchidées ter- 
restres des tropiques. 

La Canne à sucre à feuilles rubanées est une plante très-ornementale ; 
mais il faut posséder une serre chaude pour en tirer tout le parti conve- 
nable. | 

Enfin vient le Zea caragua foliis variegatis, vulgairement Maïs du 
Japon, à feuilles rubanées sur l’origine duquel on a émis quelques dou- 
tes. Nous avons reeu cette variété en mars 1866 des Etats-Unis; notre 
correspondant nous l’annoncçait comme une nouveauté d’origine japo- 
naise. 

Presque en même temps une maison d'Allemagne en recut et en 
répandit à profusion dans le commerce. Quoi qu’il en soit, c’est une 
plante éminemment ornementale, très-connue et très-cultivée aujour- 
d'hui. Rien de plus joli qu’un petit groupe de quatre ou cinq pieds sur 
une pelouse, ou même encore mélangés avec des Cannas à feuilles brunes. 
Dans ce cas, l'effet est charmant. Les semis peuvent se faire sur place 
dans une terre riche en humus, ou bien en pots remplis de terre com- 
posée de moitié terre franche et moitié terreau ; on doit éviter de muti- 
ler les racines à la transplantation en pleine terre, qui peut se faire aus- 
sitôt qu'il n’y aura plus de gelée à craindre. 

Nous ne pouvons terminer cette note sans mentionner une plante 
d'apparition très-récente; nous voulons parler du Panicum plicatum 
niveo-viltatis, exposé par M. Jacob-Makoy et Cie, de Liége, à la dernière 
exposition horticole de Gand. Ceux qui connaissent le type savent com- 
bien cette plante -est ornementale par ses feuilles régulièrement plissées 
et gracieusement retombantes. La variété dont il s’agit a les feuilles bor- 
dées de blanc pur et portent en outre une bande semblable sur leur par- 
tie médiane; malheureusement elle n’est pas constante. 


— 20X — 


Dans cet exposé aussi suceinet que possible, nous n'avons voulu citer 
que les plantes cultivées les plus méritantes, et en laissant de côté celles 
qui n’ont qu'une valeur douteuse et qui disparaissent peu de temps 
après leur apparition. Aussi, et comme on peut le voir, le nombre de 
ces plantes réellement méritantes est relativement restreint, et le choix à 
faire, d’après nos indications, ne sera pas difficile selon l'emploi que l’on 
en voudra faire ou sélon l'exposition ou la nature du terrain dont on 
disposera. 

(Revue horticole.) 


BEGONIA COCCINEA. Hoox. var, COMTE ALFRED 
DE LIMMINGHE. 


En publiant en 1866 (voyez Belgique horticole, 1866, p. 21, pl. ITT-IV) 
la figure de cette plante, nous avions promis d’y revenir. Mais nous 
avions quelque peu perdu de vue cet engagement quand il nous à été 
remémoré par M. le Dr Regel qui, dans le dernier numéro du Gartenflora 
(1868, juillet, p. 194), donne une notice et une planche de la même 
espèce. Il la rapporte, avec raison, au Begonia coccinea de Hooker, 
tout en supposant qu’elle est une forme hybride issue de son union avec 
le Begonia undulata de Schott. Quoi qu’il en soit nous avions dédié cette 
forme au comte Alfred de Limminghe, de Gentinnes, botaniste de talent, 
amateur passionné d’horticulture : c’est, sans doute, par une de ces 
erreurs trop fréquentes sur les étiquettes des plantes, que M. Glijm 
d’Utrecht a communiqué ce Begonia à M. Regel sous le nom fautif de 
comte Alfred de Limering. 

Ce Begonia est une des plus jolies plantes qu'on puisse cultiver en 
corbeilles suspendues : ses tiges décrivent de gracieux festons, retom- 
bant avec grâce et portent des centaines de fleurs de la couleur du corail 
pâle, c’est-à-dire d’un beau rouge-orangé clair. Nous avons vu de ces 
corbeilles qui présentaient l’aspect le plus séduisant. Il se plait dans 
les appartements et ne réclame qu'une chaleur tempérée. Il est fort 
répandu, depuis plusieurs années chez la plupart de nos horticulteurs. 
Il donne ses fleurs de préférence au commencement de l’année. C’est 
une plante à recommander pour beaucoup de personnes, pour les jardins 
d'hiver, les serres à rocailles où il produira un charmant effet. Il se 
contente des soins les plus ordinaires. 


— 295 — 


BULLETIN. 


Madame X. M. Elisa Lévèque de Vilmorin cest morte à Ver- 
rières-le-Buisson, le 5 août 1868, à l’âge de 42 ans. Cette nouvelle a 
profondément aflligé tous ceux qui avaient connu madame de Vilmorin, 
femme accomplie par toutes les qualités du cœur et de l'esprit : elle 
était d’une douceur angélique et répandait autour d'elle un charme 
indéfinissable. On jouissait à sa campagne de Verrières de l'hospitalité 
la plus cordiale. Madame de Vilmorin était déjà souffrante l’année 
dernière pendant l'exposition universelle, mais rien ne pouvait faire 


présager un dénouement aussi fatal à ses souffrances. 


M. Maurice Wellkomm, jusqu'ici professeur d'économie fores- 
tière à l’Institut de Tharandt, près de Dresde, a été nommé professeur 
de botanique et directeur du jardin à l’université impériale de Dorpat 
à la place de M. le D' Bunge. 


M. le D' Sachs, jusqu'ici professeur à Fribourg en Brisgau, a été 
nommé pour occuper la chaire devenue libre par le départ du 
D: Schenk à l’université bavaroise de Wurzbourg. 


M. le D' Unger de Vienne, ayant obtenu son éméritat, est remplacé 
par M. le D' Karsten, de Berlin. 


M. le D: Hildebrand de Bonn, va à Fribourg, à la place de 
M. le D' Sachs. 


Richard Pearce de Stoke Devonport, le célèbre naturaliste voya- 
geur de M. Veitch, vient de mourir. Il venait de quitter l'Angleterre 
pour entreprendre une nouvelle exploration au profit de M. W. Bull : 
arrivé à Panama le 7 juillet, il tomba malade le 15, et est mort Île 
‘19 du mème mois. 


David Bowman est décédé à Bogota, dans la Nouvelle-Grenade, 
le 25 juin dernier : il a été emporté par la dysenterie après une longue 
maladie; M. Bowman avait déjà séjourné quelque temps dans les envi- 
rons de Bogota collectant des plantes et des graines pour la Société 
royale d’horticulture de Londres, pour M. Wilson Saunders et d'autres 
et se proposait de revenir bientôt avec une précieuse collection, quand 
on lui vola la plus grande partie de ses trésors. Ce malheur le céter- 
mina à prolonger son séjour à la Nouvelle-Grenade. Dans une de ses 
excursions il fut pris d’une violente dysenterie, qu'il négligea d'abord 
mais qui bientôt prit un caractère très-grave. Il avait été quelque 
temps. employé au jardin de. Chiswick.. Il s'était marié peu de temps 
avant d’avoir quitté l'Angleterre et laisse une veuve et un enfant dans la 


— 294 — 


plus profonde misère. Parmi les plantes qu'il a introduites on peut 
citer la variété de l'Odontoglossum Alexandrae que l'on nomme Bow- 
manni et le Cyanophyllum Bowmanni qui sont deux fort belles plantes. 


Jardin royal de Kew. — Il résulte du rapport publié récem- 
ment par le D" Jos. D. Hooker que le jardin botanique de Kew a été 
visité en 1867, par 494,909 personnes. Les gelées et les neiges de jan- 
vier 1867 ont détruit beaucoup de conifères : la plupart des jeunes 
chênes à feuilles persistantes, les Arbutus, Cupressus torulosa, Pinus 
insignis, les C.macrocarpa même les plus âgés ont péri. Les Deodora et 
les Araucaria qui faisaient l'admiration des étrangers, ont été sérieu- 
sement endommagés. Les Lauriers-Tins, les Lauriers de Portugal, les 
Aucubas, les Rhododendrons de Sikkim ont aussi été plus ou moins 
gelés. L'hiver de 1866-67 a été plus désastreux encore dans maintes 
localités de l'Angleterre. | 


Prodrome du Règne végétal. — Le plus récent volume qui 
vient de paraître du Prodrome de de Candolle (seconde partie du 
tome XVI) contient les monographies suivantes : Bétulacées par M. Regel, 
Salix par M. Anderson, Populus par M. Alf. Wesmael, Casuarinées par 
M. G. Miquel, Gnétacées et Conifères par M. Ph. Parlatore, Cycadées par 
M. Alph. De Candolle; Résédacées par M. Muller, et plusieurs autres 
petites familles, telles, par exemple, que les Gunnérées par M. Alph. 
De Candolle. Cette simple énumération suffit pour montrer l'importance 
de ce nouveau volume, M. Alf. Wesmacl, notre confrère de Belgique, 
qui a été appelé à collaborer à cette publication par la monographie des 
Peupliers, a réduit le nombre de toutes les espèces connues à 18 seule- 
ment. 


Traité du bouturage. — La Société impériale d'horticulture de 
France a, dans son assemblée du 23 juillet, couronné par une médaille 
en argent de grand module un mémoire qui lui avait été envoyé en 
réponse à la question qu’elle avait mise au concours sur le bouturage. Ce 
mémoire qui portait pour épigraphe 

Le travail à l’homme nécessaire, 

Fait sa félicité plutôt que sa misère, 
était de notre excellent collaborateur M. G. Delchevalerie. Les articles 
qu’il nous a communiqués depuis quelque temps sur les squares et les 
marchés de Paris ont été fort appréciés. M. G. Delchevalerie est non 
seulement un praticien habile, il est aussi un écrivain distingué et un 
observateur instruit. Nous rendrons compte de son travail après sa publi- 
cation. 


J.-L. Soubeiran et Aug. Delondre, de l'introduction et de 
l’acclimatation des Cinchonas dans les Indes. (Paris, chez V. Masson, 


7 7 


— 295 — 


1868, 1 vol. gr. in-8°). Ce volume, dont les éléments ont été successive- 
ment publiés dans les bulletins de la Société impériale d’acclimatation, 
est une monographie complète et détaillée des essais qui ont été faits 
depuis quelques années pour introduire la culture des quinquinas aux 
Indes orientales. On sait que ces essais ont complètement réussi ; c’est là, 
comme disent les auteurs, un des succès les plus éclatants obtenus en 
acclimatation. L'ouvrage de MM. Souberain et Delondre fourmille de 
renseignements précieux et a dù nécessiter de laborieuses recherches. 

A ce propos nous annoncerons ici à nos lecteurs que la culture des 
Quinquinas peut intéresser, que nous sommes heureux de leur offrir 
quelques graines fraiches des Cinchona officinalis, succirubra, nitida, 
peruviana et micrantha. 


4 


E. Dumoulin, Guide du botaniste dans les environs de Maestricht, 
(chez Ch. Hollemann, 1868, 1 volume in-12°). Quelques lignes de l'avant 
propos exposent, en forts bons termes, le but de ce petit livre. « Depuis 
une cinquantaine d'années les environs de Maestricht ont été explorés par 
de nombreux et zélés botanistes, à qui nous devons la découverte de 
bien des espèces rares, dont quelques-unes mêmes n'avaient été, que nous 
sachions, signalées avant eux, ni en Neerlande ni en Belgique. Comme 
jusqu’à ce jour il n’a été publié aucune liste complète des plantes de nos 
environs, et que par suite bon nombre de découvertes auxquelles nous 
venons de faire allusion sont peu connues, nous avons cru devoir sur les 
instances de plusieurs membres de la société pharmaceutique de cette 
ville essayer de combler cette lacune. » Ce catalogue sera, en effet, fort 
utile. M. G. Dumoulin, ancien pharmacien, est professeur de chimie et 
de botanique à l’ancienne école de pharmacie de Maestricht. 


Maxwell T. Masters, Synopsis of the South-african restiacées. 
Notre confrère, le savant rédacteur du Gardeners’  chronicle, vient de 
terminer, dans le journal de la Société linnéenne de Londres, la mono- 
graphie qu'il avait entreprise de ce groupe végétal difficile à élucider. 


Ed. André. Le mouvement horticole en 1867 (Paris, chez A. Goin, 
1 vol. in-12); cet annuaire est le résumé de ce qui s'est fait de plus 
important en horticulture à Paris pendant l'année 1867. On y trouve 
de l’arboriculture fruitière, de la culture maraichère et de la floriculture ; 
des chapitres sur les nouveautés d’ornements, les nouveaux procédés de 
culture, les nouveaux livres et, surtout, sur l'exposition universelle 
d'horticulture. L'auteur, M. Ed. André, jardinier principal de la ville 
de Paris, est le chroniqueur horticole du Moniteur universel. 


Le récent Bulletin publié par la Fédération des Sociétés d'horticulture 
de Belgique et dont nous avons déjà fait connaitre le contenu a été 
généralement apprécié avec beaucoup de bienveillance par toute la presse 


— 296 — 


horticole de l'Europe. M. Carrière dans la Revue horticole, M. Porcher 
dans le Bulletin de la Société d'Orléans, M. Clos dans le Bulletin de la 
Société de Toulouse, M. Barral dans le Journal de l’Agriculture, M. Mas- 
ters dans le Gardeners’ Chronicle, M. Regel dans le Gartenflora, ete, ete., 
en ont donné une analyse flatteuse pour les auteurs qui ont collaboré 
à ce volume. Cette publication, soutenue par toutes les Sociétés de notre 
pays, acquiert, en effet, de jour en jour, une importance plus considé- 
rable. Le prochain Bulletin qui paraîtra dans peu de temps, renferme 
aussi des travaux dignes de fixer l’attention. 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS. 


PAR M. DELCHEVALERIE, 


Chef de culture au fleuriste de Paris. 


(Suite, voir p. 216). 
août 1868. 


Le parc Monceaux, les jardins des Champs Elysées, des Tuileries, etc., 
nous offrent en ce moment des lieux de promenades délicieuses; les 
plantes exotiques et indigènes y constituent des massifs, des corbeilles, 
des groupes, des bordures plates bandes etc., d’une rare beauté. Les 
Musa ensete isolés çà et là sur les pelouses, n’y ont jamais été aussi 
nombreux et aussi beaux que cette année; au parc Monceaux, on en 
voit en outre un spécimen gigantesque en fructification en ce moment. 
Toutes les plantes exotiques se sont admirablement développées cette 
année en pleine terre, bien qu’en général dans les jardins, l’excessive 
chaleur et la grande sécheresse aient entravé un instant la végétation 
au commencement de l’été. Dans les jardins publics de la ville de Paris, 
grâce à l’ample distribution d’eau qui y a été faite pendant les grandes 
chaleurs, la végétation n’a cessé un instant d’être attrayante, à part 
quelques plantations d’alignement de Maronniers sur les boulevards 
dont les feuilles ont été grillées par le soleil brülant, et en sont presque 
complètement dépouillées en ce moment; mais des pluies abondantes 
étant survenues vers le milieu du mois, la végétation s’est beaucoup 
ranimée, et son aspect tropical offre en ce moment le plus ravissant 
contraste dans les jardins de Paris, ces lieux enchantés de promenades 
pour tout le monde; aussi le 15 aout, jour de la fête de l’empereur, 
étaient-ils comblés d’admirateurs. Dans la soirée, la place du Roi de 
Rome, ‘où étaient réunis les jeux, les boutiques et tous les marchands 


— 297 — 


forains, les jardins des Tuileries et des Champs-Elysées, nous offraient 
le plus brillant coup-d'æil qu'il soit possible d'imaginer. Des deux côtés 
de l'avenue des Champs-Elysées étaient disposées deux grandes chaines 
de globes éclairés au gaz, disposées en guirlandes adaptées d'un bec 
de gaz à l’autre, lesquels étaient remplacés par d'immenses bouquets 
de globes en verre blanc formant candelabre ; toute la place de la 
Concorde et les jardins des Tuileries, étaient également parcourus de 
guirlandes éclairées au gaz, dont chaque bec était recouvert d’un globe 
en verre blanc, produisant un reflet de lumière charmant sur le feuillage 
des végétaux. Dans les jardins des Champs-Elysées, on voyait se balancer 
sous le feuillage des arbres, par centaines de mille de lanternes véni- 
tiennes ressemblant à de grosses oranges ou plutôt de grosses boules 
de feu voltigeant dans les arbres, dont l'aspect général avait quelque 
chose de féerique. À 9 heures on tirait le feu d'artifice sur l’Are-de- 
Triomphe, accompagné de salves d'artillerie aux applaudissements d’une 
foule immense dispersée dans les jardins des Champs-Elysées, du pare 
Monceaux, de l'avenue de lImpératrice, de la place du Roi de Rome, 
et de tous les boulevards aboutissant à la place de l'Etoile. 

Parmi les arbres, arbrisseaux ou arbustes à floraison æstivale, on voit 
en fleurs en ce moment dans les jardins de Paris, la Ketmie des jardins, 
Hibiseus Syriacus, Lix., joli petit arbrisseau atteignant jusqu'à trois 
mètres de hauteur; les fleurs charmantes, apparaissant en grand nombre 
en août-septembre, ressemblent un peu à celles de la rose trémière ; 
les coloris qu'on remarque le plus dans ses nombreuses variétés sont : 
le nankin, le nankin double, le pourpre violacé, le rouge simple, le 
blanc pur, le blanc à onglet rouge vif, ainsi que les variétés à feuilles 
panachées de blanc ou de jaune et celles à fleurs doubles. Se multiplient 
de boutures herbacées sous cloche au printemps, et de graines sur couche 
tiède, les variétés se greffant sur le type ou sur les racines de ce dernier. 

Le Tecoma grimpant, Bignonia radicans,Juss., l'un des plus beaux arbris- 
seaux grimpants et sarmenteux, très-propre à garnir les palissades, les 
troncs d'arbres auxquels il s'attache à l'aide de ses petites griffes, fleurit 
abondamment dans les jardins en ce moment; ses feuilles sont grandes, 
pennées et d'un beau vert; ses fleurs, d'un beau rouge cinabre, sont 
très-longues et disposées en grappes pendantes au sommet des rameaux, 
garnissent admirablement les treillages et le dessus des murailles à cette 
époque de l'année. 

Le Tecoma de la Chine, Bignonia grandiflora, Tuuxs., dont le port 
est à peu près celui du précédent, mais à feuilles plus grandes et un peu 
gauffrées ; les fleurs sont également plus grandes et beaucoup plus 
abondantes. On voit en fleurs de fort jolis arbrisseaux de ces deux 
espèces aux iles du Bois-de-Boulogne, et sur les murs qui bordent 
les sauts-de-loups du château et du pare de la Muette à Passy, qui font 
un effet charmant au moment de la floraison. Se multiplient facilement 


— Me 


de graines, d'éclats, de boutures, de troncons de racines, et de greffe 
les uns sur les autres, sur leurs tiges et leurs racines. 

La Ketmie des marais, Hibiscus palustris Lin., formant en pleine terre 
des touffes d'environ deux mètres de hauteur sur autant de diamètre 
dans les jardins de Paris, garnies de grandes et belles feuilles ovales, 
trilobées, et blanchätres en dessous; les fleurs, d’un beau rose pâle, sont 
très-grandes, et apparaissent en grand nombre en août-septembre. Cette 
belle plante convient beaucoup pour orner les bords des pièces d’eaux 
dans les jardins d'agrément. On la multiplie avec facilité de semis, qui 
ont déjà produit plusieurs variétés. 

Le Troëne du Japon, Ligustrum japonicum Tuuns.; joli arbrisseau 
à grandes feuilles ovales, oblongues, se couvrant également pendant tout 
l'été de jolies fleurs blanches disposées en large panicule terminale; se 
multiplie facilement de greffes herbacées sous cloche et sur le Troëne 
ordinaire des jardins. | 

On remarque aussi en ce moment plusieurs Clématites en fleurs d’un 
très-bel effet dans les jardins : ce sont la Clématite bicolore Clematis 
bicolor DC. ; la C. bleue odorante, C. cœrulea odorata Horr. ; la C. cris- 
pée, C. crispa Lix.; la C. cylindrique, C. cylindrica Sims; la C. blanche 
odorante, C. flammula Lan. ; la C. à grande fleur, C. florida Tauws.; la 
C. à grande fleur double, C. florida fl. pleno Sies. ; la C. laineuse, 
C. lanuginosa; la C. de Virginie, C. virginiana Lax.; la CI. des haies, 
C. vitalba Lix.; la C. à fleur bleue, C. cœrulea Lix.; les variétés à 
grande fleur double bleue, pourpre, violette, etc. 

Le Magnolier à grandes fleurs Magnolia grandiflora Lin. ; le Spirée 
élégant Spiræa bella Suiru.; Spirée à feuilles de saule blanche Spiræa 
salicifolia alba DC.; Spirée à feuilles de Sorbier Spiræa sorbifolia Lin. ; 
Spirée tomenteux Spiræa tomentosa Lax., les Rosiers de la saison, etc., 
sont aussi en pleine floraison. 

On admire encore l’Erable à feuilles panachées, Acer negundo, 
cultivé en très-grand nombre dans les jardins de Paris, où ül 
constitue des effets de contrastes charmants pendant toute la belle 
Saison. 

Les plantes vivaces de pleine terre dont on admire la floraison 
sont : Le Phlox vivace Phlox decussata Horr. et ses nombreuses 
variétés, qui constituent sans contredit le plus précieux ornement 
des jardins pendant l’été; on en voit dans tous les jardins de Paris, 
plantés en bordures autour des groupes et des massifs d’arbustes où ils 
fleurissent abondamment jusqu’à l’automne; ses fleurs qui réunissent 
les coloris les plus vifs et les plus variés sont disposées en fortes panicules 
au sommet des tiges et se conservent pendant longtemps dans les jardins. 
Voici les noms d’une série de variétés recommandées par M. Lierval, 
comme réunissant les qualités exigées par les amateurs : Phlox decussata 
Ci de Chambord, blanc pur; Danaë, rose à centre blanc; la Candeur, 


= 000 — 


blane à centre rouge ; Lady Hulse, blanc à centre très-vif; Latone, blanc 
à centre rose carminé ; Mwe de Cæn, blanc à centre très-largement mar- 
qué de rouge pourpre ; Me Charral, blane à centre rouge; M: le Cerf, 
blanc pur; Me Lemoine, blanc à centre rouge se fondant insensible- 
ment; Mie Atger, blanc à centre largement marqué de rose; Ml: Ladou- 
cette, blane à centre ombré de rose; M®° Trotter blanc à centre rouge 
pourpre ; Marie gros, blanc pur; Marie Lierval, blanc à centre pourpre; 
Souvenir des Ternes, blanc à centre pourpre; Souvenir de Soultzmatt, 
blane à centre rouge; Villaret joyeuse, blanc pur; toutes ces variétés sont 
à fond blanc. 

Parmi les variétés foncées, ce sont : Alphonse Karr, saumon violacé ; 
Arthur Fontaine, saumon vermillon; Belle Normande, saumon rose 
forme parfaite; Chloris, rouge extra; Comte de Lambertye, rouge vio- 
lacé à centre pourpre; Docteur Parnot, rouge vif; Dumont de Coecret, 
rose vif centre cramoisi; Hébé, rose mauve, centre très-vif, grand effet ; 
lAmi Cabasset, saumon ardoisé; le Lion, rose cendré, pourpre au bout 
des pétales; M®° Alger, ardoisé à reflet métallique; M®° Antin, rouge 
violacé à centre pourpre; Me Bonneau, violet foncé extra ; M®° Dela- 
marre, saumon à centre noir; Me de Cannart-d'Hamale, rose saumoné 
à centre pourpre; M Duruflé, rouge vif; Me Godefroid, rouge violacé ; 
M®° Kumph, rouge à centre cocciné glacé de violet; Me Levrat fleurs 
roses, larges, à centre pourpre; Me Picoul, saumoné carné à centre 
pourpre ; M®° Petit, larges fleurs roses ; Me Rivière, larges fleurs rose 
mauve à centre pourpre; M. Allain saumoné à centre pourpre; M. Weick, 
rouge ardoisé forme parfaite; M. A. Verschaffelt, saumon vif à très-grand 
effet; M. Bonneau, saumoné à centre pourpre; M. Bruant, saumon 
ardoisé, très-grande fleur ; M. Ch. Rouillard, cerise feu foncé; M. Chau- 
vière, violet foncé ; M. Crousse, saumoné cuivré à reflet très-vif; M. De- 
lamarre, rouge vif extra; M. E. Grunenbenger, rouge cocciné ; M. Lecart, 
saumon violacé; M. Marius Porte, saumoné; M. Thibaut, rose orangé à 
centre purpurin; Pie IX, saumoné extra; professeur Koch, saumoné 
violacé; Souvenir de Trianon, saumon lilacé rose pourpre; Venus, rose 
ombré de blanc et glacé de rose plus foncé. 

Pour devenir robustes et conserver leurs couleurs vives, les Phlox 
doivent être plantés en plein soleil; l'exposition du couchant est égale- 
ment favorable à la conservation des fleurs en ce qu'elles ne recoivent le 
soleil que dans la journée, lorsque la rosée est évaporée, et qu'elles sont 
tout à fait ressuyées. Le sol qui leur convient le mieux estune bonne 
terre substantielle profondément défoncée et convenablement fumée par 
des engrais bien consommés ; on les plante à la distance voulue, en ayant 
soin de ménager au pied de chaque sujet, une cavité en forme de cuvette 
pour l’arrosement pendant les sécheresses s’il y a lieu; c'est ordinaire- 
ment à l'automne et au printemps qu'on divise les touffes pour les multi- 
plier, et qu'on les plante en pleine terre ; lorsque arrive le mois de mai, 


— 500 — 


on leur donne un bon paillis de fumier court afin d’empécher l’humi- 
dité du sol de s'évaporer par l’action desséchante du soleil pendant l'été. 
Le paillage est nécessaire pour toutes les plantes cultivées en pleine terre 
l'été; la paille étant un mauvais conducteur du calorique, maintient la 
fraicheur du sol, et s'oppose aux effets désastreux de la réverbération du 
soleil sur les tiges et les feuilles qui s'échauffent et se dessèchent même, 
lorsque la terre n’est pas suffisamment garantie des rayons solaires. Un 
autre avantage du paillage, c’est que les plantes n’ont pas besoin d’être 
aussi fréquemment arrosées. C’est surtout vers Je mois de juillet à 
l'époque de la formation des boutons qu'il faut soigner les arrosements, 
afin d'obtenir une floraison abondante. On pince aussi les Phlox dans le 
but de faire ramifier les tiges, et d'obtenir des plantes plus basses et plus 
touffues, ou pour retarder la floraison; ainsi, lorsque le pincement est 
pratiqué en mai, la floraison se trouve reculée d'environ quinze jours ; 
si au contraire on pince en juin, le retard sera d'environ un mois; 
à l’aide du pincement, on voit qu'on peut se procurer des fleurs jus- 
qu'aux gelées. 

Les Phlox se multiplient de graines, d’éclats, de boutures de tronçons 
de racines, etc. Par semis, on choisit d’abord pour porte-graines, des 
sujets peu élevés, vigoureux, dont les tiges produisent des rameaux 
étoffés, offrant une sorte de bouquet tout fait au moment de la floraison; 
on récolte les graines vers la fin de l’été, et on les sème aussitôt, sur une 
terre légère et perméable, sur couche froide et sous châssis, afin de pou- 
voir les garantir des froids de l’hiver; la germination a lieu au premier 
printemps, et vers la fin d'avril, on peut les repiquer en planche en 
pleineterre. La multiplication par éclats se fait ordinairement à l’automne 
avant l’arrét complet de la végétation, ou de bonne heure au printemps. 
Pour les multiplier par boutures, on prend au printemps les extrémités 
herbacées de tiges pour les bouturer sur couche tiède et à l’étouffée -où 
elles s’enracinent en l’espace de quelques jours; aussitôt qu'elles sont 
enracinées, on les repique en godets ou on les plante en pépinière en 
pleine terre pour leur faire prendre développement; à l’automne ou au 
printemps, on pourra déjà les planter à demeure. On multiplie aussiles 
Phlox de troncons de racines qu’on coupe à quelques centimètres de 
longueur et qu’on couche ensuite dans des godets remplis de terre en 
les recouvrant de quelques millimètres de terre, puis on les place sous 
chassis à froid pour y passer l'hiver, vers le mois de février on les place 
sur couche tiède, où celles développent des bourgeons. 

L'Hémerocalle à feuille en cœur, Funkia subcordata Srr., superbe plante 
vivace à feuilles radicales, cordiformes, un peu allongées, gauffrées, 
plissées, et d’un beau vert gai, est également en fleurs en ce moment 
dans les jardins; la hampe s’élève ordinairement à 0,50 ou 0,40 centim. 
de hauteur portant un grand nombre de fleurs à odeur suave, semblables 
à de jolis petits lys blancs. Cette plante convient beaucoup pour border 


2 — 3501 — 


les massifs d'arbres et d’arbustes; elle prospère parfaitement à l'ombre 
et y fleurit abondamment pendant tout l'été. Se multiplie facilement par 
la division des souches au printemps. 

Le Sedum fabaria Sedum fubaria Kocu., jolie petite plante s'élevant 
à 0,50 ou 0,40 centimètres de hauteur, portant des feuilles blanches, 
glaucescentes ct de fleurs roses purpurines disposées en un vaste corymbe 
serré à ramifications régulières, fleurissant abondamment dans les jar- 
dins, depuis la fin de l'été jusqu'à l'automne. C’est une des meilleures 
plantes pour planter dans les parties sèches et arides d’un jardin, peu 
difficile sur la nature du terrain, et qui résiste très-bien aux sécheresses 
sans être arrosée. Se multiplie facilement de boutures herbacées en toute 
saison, et d’éclats à l'automne ou au printemps. 

Les autres plantes vivaces qu'on remarque encore dans les jardins en 
ce moment sont : l’Hortensia des jardins Æ/ydrangea hortensia DC.; 
l’'Hortensia du Japon Æydrangea japonica Sie8.; la Campanule pyramidale 
Campanula pyramidalis Lax.; le Lis à feuilles lancéolées Lilium lan- 
eæfolium Horr.; la Dauphinelle à grandes fleurs, Delphinium formo- 
sum Honr.; l'OEillet Zion, Marie et Emile Pare; la Dentelaire de Lady 
Larpent, Plumbago Larpentæ Lixpz., etc. 

Parmi les plantes vivaces isolées sur les pelouses, on remarque 
en fleurs, l’Andropogon halepense, charmante graminée sé déve- 
loppant en touffes énormes, fleurissant abondamment vers la fin 
de l'été. 

Dans les plantes vivaces de pleine terre à feuillage orné ou coloré, 
on remarque de très-belles bordures de Bambous de Fortune, Bambusa 
Fortunei, formant de fort jolies petites touffes à feuillage rubané de 
blanc et jaune. Cette charmante petite plante n'’atteint guère que 15 ou 
20 centimètres de hauteur sur autant de diamètre en pleine terre dans 
les jardins de Paris. 

Le Persicaire à feuilles panachées Polygonum filiforme foliis varie- 
gatis, l’une de nos plus belles plantes à feuillage panaché, et qui fait 
beaucoup d'effet étant isolée ou groupée sur les pelouses; pendant 
l'hiver, il est bon de l’abriter contre l'humidité, ou de la rentrer en 
serre froide jusqu'au printemps et la replanter ensuite en pleine terre. 
Se multiplie facilement de boutures herbacées sur couche tiède et à 
l’étouffée. 

Les autres plantes vivaces de pleine terre à feuillage coloré dont 
on voit de très-beaux groupes, massifs, ou bordures en ce moment 
sont : la Centaurée candide, Centaurea candidissima; la Centaurée 
gymnocarpe, Centaurea gymnocarpa; la Cinéraire maritime, Cineraria 
maritima Lix.;. l'Armoise de Steller, Artemisia Stelleriana ete. ; cette 
dernière et nouvelle espèce convient beaucoup pour entourer les mas- 
sifs d’arbustes et de fleurs. On couche ses rameaux sur le sol, et on 
les y maintient à l’aide de petits crochets en bois, de facon à former 


— 502 — 


une bordure basse et compacte et obtenir beaucoup d'effet pendant 
toute la belle saison. 

Parmi les plantes aquatiques, on remarque des touffes colossales de 
Thalie blanchâtre, Thalia dealbata Lix., dont les feuilles sont très- 
grandes, ovales, longuement pétiolées, droites et radicales, et des plus 
propres à orner les pièces d'eaux des jardins paysagers et pittoresques; 
les fleurs d’un beau bleu violet, sont disposées en panicules lâches. 
Cette belle plante résiste au froid de nos hivers à lair libre en ayant 
soin d'élever pendant les fortes gelées, le niveau de Peau du bassin 
dans lequel elle se trouve plantée, pour que la gelée ne puisse atteindre 
ses racines. On en voit en ce moment au pré Catelan, des touffes qui 
ne mesurent pas moins de deux mètres de hauteur sur autant de 
diamètre. On remarque encore dans les pièces d’eaux des jardins publics 
de Paris, un grand nombre d’autres plantes aquatiques telles que : 


Epilobium à épi Epilobium spicatum Lamk.; E. hérissé £p. hirsutum 


Lix.; le Butome à fleurs en ombelles, Butomus umbellatus Lin; le 
Nénufar blanc, Nymphæa àlba Lix.; l'Aponogeton à double épi, Apono- 
geton distachyus Tauws., etc. 

Les plantes annuelles fleurissent aussi abondamment dans les jardins 
à cette époque de l’année; on remarque, en outre, un grand nombre de 
Balsamines en fleurs, /mpatiens Balsamina Lax., très-employées pour 
la formation des massifs, corbeilles, bordures, plates bandes, ete., en 
plein soleil, à mi ombre et même à l'exposition ombragée. La culture 
a tellement perfectionné les Balsamines, qu'aujourd'hui il en existe des 
variétés à fleurs complètement pleines, et auxquelles on a donné le nom 
de Balsamines Camellias; les variétés de cette section qu’on cultive 
le plus dans les jardins sont la Balsamine couleur chair, la blanche 
à reflet lilas, la violette, la couleur feu, la ponctuée de violet, la 
ponctuée de rose, la cramoisie, la ponctuée de eramoisi, etc. Il existe 
encore dans les Balsamines ordinaires, de très-belles variétés, offrant 
également de beaux coloris, ce sont : les Balsamines à fleurs roses, à 
fleurs blanc jaunâtre, à fleurs gris de lin, à fleurs aurore, à fleurs couleur 
feu violet, à fleurs couleur feu clair, à fleurs couleur de chair soufrée, 
à fleurs panachées de feu, à fleurs panachées de violet, à fleurs panachées 
de violet clair, variétés hâtives et tardives, etc. On en a encore obtenu 
une autre race portant le nom de Balsamines à rameaux, parce que ces 
plantes ont le rameau central qui s’allonge sans se ramifier, et se gar- 
nissant de fleurs jusqu’à l’extrémité; elles sont ordinairement semi- 
doubles; les plus remarquables sont celles à rameau couleur chair, à 
rameau couleur feu et à rameau couleur violette. Enfin, il existe encore 
la section des Balsamines naines, à fleurs semi-doubles, réunissant égale- 
ment les coloris les plus riches et les plus variés; on cultive beaucoup 
les variétés à fleurs blanches, à fleurs panachées de feu, à fleurs panachées 
de violet, à fleurs couleur feu, etc. 


— 505 — 


Les Balsamines se sèment ordinairement vers le mois d'avril et sur 
couche tiède. On repique le plant sur une autre couche et on le met en 
place en pleine terre vers la fin de mai. En avril-mai, on peut les semer 
en planches en pleine terre bien exposée et abritée des intempéries. On 
repique alors le plant en pleine terre dans le courant de juin. 

La Lobélie erine, Lob®lia erinus Lix., également l’une des plus belles 
plantes annuelles pour la formation des bordures et des tapis de fleurs 
dans les jardins, est encore en pleine floraison en ce moment. Ses fleurs, 
ressemblant à des petits papillons, sont disposées en grappes allongées 
d'un beau bleu päle muni de taches blanches à la gorge. On cultive 
encore en grand dans les jardins de Paris les Lobelia erinus speciosa 
Horr., à fleurs bleu d'azur et blanches à la gorge; Lobelia erinus Paxtoni 
Horr, à fleurs grandes blance-bleuâtre à l'intérieur et plus colorées en 
dessous; la gorge blanche et sans tache n'offre que quelques petites 
pointes bleues; c'est une des plus belles variétés cultivées dans les 
jardins; Lobelia erinus gracilis Horr., à fleurs plus petites, bleu clair, 
à gorge blanche maculée de points bleu foncé. Lobelia pumila elegans 
Horr., formant de jolies petites touffes serrées, se couvrant de fleurs 
bleues d’un très-bel effet; très-propre à planter en bordures autour des 
massifs de fleurs ou de plantes à feuillage. 

Tous se multiplient par semis de bonne heure au printemps, c'est-à-dire 
en mars, pour être repiqués sur couche et élevés en pots afin d’avoir déjà 
une certaine force au moment de les planter à demeure en mai. On les 
multiplie aussi de boutures herbacées sur couche sourde et sous cloche au 
printemps et à l'automne. | 

L'œillet de Chine, Dianthus sinensis Lix., jolie petite plante annuelle 
ou bisannuelle, très-propre pour orner les parterres, est également en 
fleurs en ce moment; il en existe des variétés à fleurs doubles, à fleurs 
blanches, à fleurs blanches panachées, à fleurs carnées, et des variétés 
naines à fleurs panachées de blanc, de rouge, etc., ainsi que des variétés 
à larges feuilles, à fleurs laciniées, etc. On les multiplie de semis, pre- 
mièrement en août, en pépinière, et on repique le plant au pied d'un 
mur au midi, en l’abritant des grands froids pour le planter à demeure 
au commencement d'avril, deuxièmement on sème sur couche en avril, et 
on repique le plant à bonne exposition, contre un mur au midi, pour le 
planter à demeure en mai. Troisièmement, on sème en avril-mai en 
pépinière, pour repiquer en place, ou on sème en place en ayant soin 
d’éclaircir le plant s’il avait été semé trop dru. 

Le Phlox de Drummond, P. Drummundi Hook., également lune 
des plus belles plantes annuelles pour la pleine terre, est aussi en pleine 
floraison en ce moment. On le cultive en grand dans les jardins de Paris; 
on l’emploie à faire des bordures autour des massifs d’arbustes et de 
fleurs, des corbeilles, plates-bandes, ou on le plante entre les autres 
végétaux dans les massifs; il en existe des variétés à fleurs blanches, 


— 904 — 


à œil violet, — écarlates, — cramoisi rose et variétés dites Radowitz., 
à fleurs rose tendre marbré et strié de blanc. Les Phlox de Drummond 
se multiplient par le semis, premièrement sur couche et sous châssis 
en mars-avril pour repiquer le plant en pots ou à demeure fin d'avril 
ou dans les premiers jours de mai. Deuxièmement, on sème en avril- 
mai en place, et on éclaireit le plant afin de laser 0,135 à 0,20 centi- 
mètres d'intervalle entre chaque plante, et troisièmement, on sème en 
septembre, en pépinière à l'air libre; on repique le jeune plant en 
godets pour l'hiverner sous châssis et le planter à demeure au printemps. 

On voit encore en fleurs un grand nombre d’autres plantes annuelles 
telles que Célosie crète de coq, Celosia cristata Lix.; Pourpier à grandes 
fleurs, Portulaca grandiflora Linoz.; Sanvitalie rampante, Sanvitalia 
procumbens Lauk.; Réséda odorant, Reseda odorata Lin.; Capucine 
naine, Tropæolum minus Lix.; Capucine des canaries, Tropæolum 
peregrinum JacQ.; les Reines Marguerites, Callistephus sinensis Ness, etc. 

Les plantes de serre cultivées dans les jardins de Paris, sont pour la 
plupart en fleurs en ce moment; nous citerons parmi les plus remar- 
quables, l'Erythrine crête de coq, Ærythrina crista galli Linné, joli 
arbrisseau s’élevant à environ deux mètres de hauteur, étant planté en 
pleine terre dans les jardins pendant la belle saison; à l’automne, on 
relève les pieds de la pleine terre pour les rentrer en orangerie ou dans 
une cave bien saine où ils passent l'hiver; au printemps, lorsque les 
gelées ne sont plus à craindre, on les replante en pleine terre, où les 
fleurs très-nombreuses et d’un beau rouge, apparaissent en longues 
grappes terminales pendant tout l'été. 

On cultive encore en grand dans les jardins de Paris l’Erythrine à 
fleurs rouges Erythrina ruberrima ; dont les fleurs sont également très- 
jolies et apparaissent en grand nombre pendant tout l'été; les rameaux 
de cette espèce sont étalés, ou couchés sur le sol, tandis qu’ils sont 
dressés et plus élevés dans l’espèce précédente. 

Les Erythrines sont de toutes les plantes exotiques cultivées en grand 
dans les jardins de Paris, celles qui réclament le moins de soins de 
culture; elles n’exigent pas comme la plupart des plantes, d’être hiver- 
nées dans les serres; il suffit à l'approche des gelées, de les relever de 
la pleine terre et de les mettre dans une bonne cave ou un cellier 
quelconque pendant l'hiver ; d’un autre côté les Erythrines sont de 
très-belles plantes pour former les massifs, et qui fleurissent abon- 
damment pendant tout l'été ; aussi, dans les jardins de Paris, sont- 
elles l’objet de la plus haute prédilection ; on en voit des groupes, 
des corbeilles, des massifs, et de forts spécimens élevés à tiges, 
isolés cà et là sur les pelouses, et qui sont complètement recouverts 
de fleurs à cette époque de l’année. Les plantes destinées à former 
les massifs, sont élevées de différentes facons; d’abord, celles qui 
constituent le centre, sont élevées à tiges de un à deux mètres de 


— 505 — 


hauteur, portant d'énormes têtes; celles qui doivent constituer le 
deuxième rang sont moins élevées, et ainsi de suite jusqu’à ce qu'on 
arrive au bord du massif où les plantes forment des souches rapprochées 
du sol, afin d’avoir des groupes convenablement assortis. Lorsque arrive 
la fin d'octobre, on enlève toutes ces plantes de la pleine terre, et on 
les transporte à l'établissement horticole de Passy où on les laisse en 
plein air pendant quelques jours, afin de bien laisser sécher les souches, 
et que les feuilles aient eu le temps de tomber ; ensuite, on les rentre 
dans les souterrains qui existent sous les serres du fleuriste de la ville, 
et dans lesquels on rentre chaque année à l'automne toutes les plantes 
bulbeuses telles que Begonia discolor, Canna, Dahlia, ete., ete., ainsi 
que les plantes, les arbustes et les arbrisseaux à feuilles caduques comme 
les Erithrines, Datura arborea, Solanum betaceum, Cassia lœvigata, 
Fuchsia, ete. On multiplie les Erythrines avec une grande facilité de 
boutures herbacées; vers le mois de mars, on les sort des caves, et après 
avoir taillé les tiges à quelques centimètres des souches, on les empote 
dans des pots proportionnés à leur développement, puis on les place 
sur couche tiède et sous châssis en les tenant un peu dans l'obscurité ; 
bientôt il se développe des bourgeons étiolés de toute part sur la souche ; 
on les coupe pour les bouturer à l’herbacée sur couche tiède et à l’étouffée, 
où ils s’enracinent en l’espace de quelques jours ; on peut à l’aide de 
ce moyen faire une récolte de boutures herbacées tous les trois ou quatre 
jours, et multiplier les Erythrines à l'infini; vers le fin d'avril ou le 
commencement de mai, on fera bien de cesser de couper les tiges, de 
donner de la lumière et de l'air aux plantes, afin de ne pas épuiser 
complètement les souches, pour qu’elles soient propres à être livrées 
en pleine terre vers la fin de mai. Ces jeunes boutures une fois enracinées, 
doivent être empotées dans des godets de 0,07 à 0,08 centimètres de 
diamètre, et maintenues sous châssis jusqu'à la fin de mai; alors on 
prépare une planche en plein air, et on les plante en pépinière jusqu'à 
l'automne, époque où on les enlève pour hiverner les souches en cave 
ou en orangerie; l’année suivante, les plus fortes de ces jeunes plantes 
donneront déjà des fleurs. Les Erythrines se multiplient aussi par semis 
sur couche chaude à l’automne ou au printemps. Le Gaura de Lindheimer 
Gaura Lindheimeriana Euc., sans contredit l’une des plantes les plus 
précieuses pour garnir le vide de l’intérieur des massifs; ses tiges grêles 
et flexueuses, atteignent environ un mètre de hauteur, se couvrant 
pendant tout l'été de jolies fleurs blanches en dedans, rouge carmin à 
l'extérieur, et disposées en panicules terminales très-légères et du plus 
bel effet. On en forme aussi des corbeilles qui font beaucoup d'effet 
étant isolées sur les pelouses, où elles fleurissent abondamment pendant 
tout l'été. Cette plante est également lune des plus précieuses pour 
entourer les grands massifs d’arbustes; elle fleurit bien à toutes les 
expositions, mais de préférence en plein soleil. Multiplication facile de 


21 


— 906 — 


boutures à l'automne, pour être hivernées en serre ou sous châssis ; les 
boutures herbacées faites au printemps sur couche tiède et à l’étouffée 
s'enracinent en l’espace de quelques jours. 

L'Eupatoire à fleur bleue Ageratum cœruleum Lix., l'Eupatoire naine 
à fleur bleue Ageratuim cœlestinum nanum Monr.; l'Eupatoire à feuilles 
panachées Ageratum cœruleum foliis variegatis ete., sont profusément 
recouvertes de jolies fleurs bleues en corymbe terminal en ce moment. 
C'est encore une des meilleures plantes pour border les massifs d’ar- 
bustes, et qui fleurit abondamment, n'importe à quelle exposition. 
Multiplication facile de boutures herbacées vers la fin de l'été, sur couche 
tiède et sous châssis. 

Parmi les plantes de serre cultivées dans les jardins de Paris, sont 
encore en pleine floraison en ce moment, le Cuphea à fleurs couleur de 
feu, Cuphea platycentra Cu. Lex.;les Begonia ricinifolia, lucida, fuch- 
sioides, Prestoniensis, discolor, subpeltata albo rubra, etc.; la Chrysan- 
thème frutescente, Anthemis frutescens; la Dentelaire à fleur bleue, 
Plumbago auriculata Lamk.; la belle de nuit, Mirabilis jalappa Lan. ; le 
Nierembergie grêle, Nierembergia gracilis Hook.; le Nierembergia frutes- 
cent, N. frutescens Durieu; la Gazanie éclatante, Gazania splendens Horr.- 
AxGL.; l’Alysse maritime à feuilles panachées, Xœniga maritima variegata 
Horr.; la Ketmie de la Chine, Æibiscus rosea sinensis ; les Pentstemon, 
les Héliotropes, les Dahlias, etc. 

Les plantes de serre à feuillage ornemental sont de toute beauté en ce 
moment dans les jardins. 

La Morelle de Warcewiez, Solanum Warcewiczii, sans contredit la 
plus belle et la plus vigoureuse de toutes celles cultivées, constitue des 
massifs gigantesques en ce moment dans les jardins de Paris, où les 
feuilles atteignent parfois 0,80 centimètres de longueur à un mètre, sur 
presque autant de diamètre. Les fleurs sont blanches et apparaissent en 
gros bouquets au sommet des rameaux depuis la fin de l’été jusqu'aux 
gelées. 

La Canne à sucre ordinaire, Saccharum officinarum Linx., et la Canne à 
sucre d'Egypte, Saccharum Ægyptiacum, jolies graminées à feuillage 
ornemental se développent vigoureusement en pleine terre, où elles for- 
ment de très-beaux massifs par leur épais feuillage marqué d’une belle 
ligne blanche le long de la nervure médiane. Ces plantes doivent être 
rentrées en serre tempérée pendant l'hiver; on les multiplie facilement 
par division des pieds et de boutures de tronçons de tige sur couche 
chaude en toute saison. Le Teleianthera versicolor Cu. Leu.; l’Alternan- 
thera paronychioïdes, etc., constituent aussi de fort jolies petites bordu- 
res en ce moment dans les jardins publics de Paris; ces plantes, pour 
bien se développer et afin qu’elles soient bien colorées, doivent être 
exposées en plein soleil; placées à l'ombre, le feuillage se verdit, et les 
plantes perdent une grande partie de leur mérite ornemental. On les mul- 


; — 507 — 


tiplie de boutures fin de l'été, sur couche tiède et sous châssis, et on les 
rentre sur les tablettes de la serre tempérée pour y passer l'hiver. 

Enfin le Souchet à papier, Cyperus papyrus Lax.; le Bocconie frutes- 
cent Bocconia frutescens ; l'Achyranthes de Verschaffelt, Achyranthes 
Verschaffelti Cu. Lem.; le Gnaphalium laineux, Gnaphalium lanatum ; 
l’Echeveria secunda glauca; YAspidistra elatior ; le Tradescantia zebrina 
l’Oplismenus imbecilis; le Lycopodium denticulatum, ete., ete., consti- 
tuent également de très-beaux massifs, corbeilles, bordures, tapis de ver- 
dure, etc., dans les jardins publics de Paris en ce moment. 

Vers la fin du mois, on sème une foule de plantes annuelles qui doivent 
fleurir au printemps, comme la Silene pendante, Silene pendula Lx. ; le 
Souvenez-vous de moi des Alpes, Myosotis alpestris Scuminr; le Thlaspi 
blanc, Jberis amara Lix.; le Thlaspi à fleurs violettes, Z. umbellata for- 
mosa purpurea Horr.; les Pensées à grandes fleurs Viola tricolor horten- 
sis Honr.; le Brachycome à feuilles d’Iberide, Brachycome iberidifolia 
Bexru.; la Campanule miroir de Vénus, Campanula speculum Lix.; la 
Julienne de Mahon, Hesperis maritima Lauk.; la Chataigne d’eau, Trapa 
natans Lix.; le Pied d’alouette vivace, Delphinium grandiflorum Lix.; la 
Rose Trémière de la Chine, Althæa sinensis Cav.; le Souci double des 
jardins, Calendula officinalis Lix. ; le Tagète luisant Tagetes lucida Cav. ; 
le Vittadenia à feuilles trilobées Vittadenia triloba Dc.; le Gypsophile 
élégant, Gypsophila elegans Biesrsr., etc., etc. 

Les marchés en plein air sont abondamment pourvus de plantes de la 
saison : 

Les Glaïeuls hybrides, Gladiolus gandavensis Honr., abondent en ce 
moment sur les marchés aux fleurs et à la Halle de Paris; on fait 
un grand commerce de ses fleurs coupées avec lesquelles on confectionne 
des bouquets charmants; les grandes tiges florales sont très-recher- 
chées pour former des gerbes de fleurs pour disposer dans les vases 
isolés dans les appartements; les fleurs détachées se montent sur des 
tiges de jonc, et constituent de fort jolis bouquets. Les nuances qu'on 
remarque le plus parmi les variétés cultivées sont : le rouge, l’écarlate, 
le carmin, le vermillon, le rose, les teintes jaunes violettes et fond 
blanc panachées ou maculées des nuances les plus ravissantes. 

Les Reines Marguerites, Callistephus hortensis Cass., abondent aussi 
sur les marchés ; la vente en pots en est considérable en ce moment : 
les fleurs coupées sont très-recherchées et très-employées pour faire Îles 
bouquets pendant l'été; on en fait aussi des corbeilles de table, on en 
garnit des jardinières, les vases, ete., dans les appartements, où elles se 
conservent fraiches pendant longtemps. 

Les Balsamines, Zmpatiens balsamina Lix., abondent aussi sur les 
marchés; de même que les Reines Marguerites, on les relève de la 
pleine terre lorsqu'elles commencent à fleurir dans les jardins, pour 
les empoter et en approvisionner les marchés; on en fait un grand 


— 508 — 


commerce pendant l'été. Les variétés de la section des Balsamines Camel- 
lia sont très-recherchées pour les garnitures d'appartements. 

Les Roses de la saison abondent encore sur les marchés en ce 
moment; on voit aussi beaucoup de rosiers fleuris cultivés en pots 
à cette époque de l’année. Les fleurs coupées sont toujours très-abon- 
dantes et très-recherchées pour les bouquets, pour faire des corbeilles, 
pour garnir les jardinières, etc., dans les appartements pendant l’année 
tout entière. 

Les OEillets des fleuristes, Dianthus caryophyllus Lan.; les OEïillets 
remontants ou à floraison perpétuelle, Dianthus caryophyllus var.; les 
OEïillets de Chine, Dianthus sinensis Lain.; l'OEillet Flon, Dianthus 
semperflorens Honr., etc., abondent encore sur les marchés, où on 
utilise beaucoup les fleurs coupées pour monter les bouquets et pour 
les garnitures d'appartements. 

Le Jasmin blanc, Jasminium officinale Lan.; le Jasmin d'Arabie, 
Jasminium Sambac Air.; et le Jasmin de Poiteau, Jasminium Poiteaua- 
num, sont également cultivés pour les marchés; on les utilise aux gar- 
nitures d'appartements où les fleurs se succèdent pendant longtemps, 
si on a soin de leur procurer l’air et la lumière nécessaires. Les fleurs 
exhalent une odeur délicieuse, sont disposées en panicules peu four- 
nies très-employées à Paris pour entourer les bouquets pendant toute 
la belle saison. 

La Campanule pyramidale, Campanula pyramidalis Lin, se cultive 
beaucoup pour l’approvisionnement des marchés; on les élève en pleine 
terre, et on les relève au moment de la floraison pour les empoter et les 
utiliser aux garnitures d'appartements; les fleurs d’un bleu tendre, dispo- 
sées en clochettes, apparaissent en très-longues grappes dressées qu’on 
peut courber sur des baguettes pliées pour en former des dessins de 
toute sorte. 

Le Statice de Tartarie, Sfatice Tartarica Lix., le Statice élevé, Statice 
elata Fiscu.; le Statice à larges feuilles, Statice latifolia Smiru., etc., 
sont admirablement fleuris en ce moment; les fleurs, disposées en vastes 
panicules à ramifications nombreuses, font beaucoup d'effet, et sont très- 
recherchées sur les marchés, où les fleurs coupées servent à confec- 
tionner les bouquets. 

La Bruvère cubique, Erica cubica Lix., l’une de celles qu'on cultive 
en grand pour l’approvisionnement des marchés, est en pleine floraison 
en ce moment. Ses fleurs, d’un beau rose violacé en grelot arrondi, sont 
très-nombreuses et groupées au sommet des rameaux; c'est une des 
plus belles bruyères à floraison æstivale. On voit encore en fleurs, la 
Bruyère dressée, Erica assurgens; la Bruyère cubique naine, Erica 
cubica minor ; la Bruyère de Bowie, Erica Bowieana Lopn.; la Bruyère 
rouge, Erica rubens, l'Erica caffra etc. 

On remarque encore sur les marchés à l'air libre et chez les fleuristes 


— 309 — 


en boutiques de Paris une foule considérable d’autres plantes en fleurs 
telles que le Rochea à feuilles en faux, Rochea falcata DC. ; Myrte com- 
mun, Myrtus communis Lix.; Grenadier à fleurs doubles, Punica gra- 
natum flore pleno ; les Verveines, les Souvenez-vous de moi, les Per- 
venches de Madagascar, les Pétunia, les Lis, les Orangers, les Datura, 
les Dahlia, les Achimènes, les Crassules, les Pensées, le Phlox de Drum- 
mond, les Phlox vivaces, les Pélargonium à grandes fleurs, les Alysse 
maritime, les Matricaires à fleurs doubles, etc. 

Les plantes à feuillage ornemental, abondent aussi sur les marchés 
en ce moment : 

Les Balisiers Canna, à feuilles colorées, sont cultivés en pots et en 
grand nombre pour lapprovisionnement des marchés ; on les utilise 
beaucoup pour orner les vestibules, les vitrines et les garnitures d’appar- 
tements en général. Les fleurs coupées, avec leurs longues tiges, sont 
également propres à faire des bouquets et de longues gerbes de fleurs 
pour décorer les vases, potiches, jardinières ete., dans les appartements. 

Les Caladium à feuilles panachées, commencent aussi à être cultivés 
en grand pour les marchés ; les variétés qu’on y remarque en ce moment 
sont : le Caladium Chantini, Belleymei, mirabile, Argyrites, Neumann, 
Brongniarti, bicolor, bicolor Splendens, Wightii etc. Lorsque ces 
plantes commencent à se faner dans les appartements, on les enlève 
pour les placer dans un endroit bien sec de la serre, on en laisse repo- 
ser les tubercules jusqu’au printemps. Afin d’en avoir pendant toute 
l’année, on met les bulbes en végétation à différentes époques, en partie 
au printemps pour en avoir pendant tout l'été, et à l'automne et en serre 
chaude pour en avoir pendant tout l'hiver. 

L'acacia à deux épis, Acacia lophanta Wizzp., jolie plante à feuilles 
bipennées très-élégantes, est très-recherché pour les garnitures. Ses 
fleurs petites d'un jaune souffre, apparaissent en houppes longues et 
légères vers la fin de l'été. 

On remarque encore sur les marchés un grand nombre d’autres 
plantes à feuillage ornemental, telles que Magnolia à grandes fleurs 
M. grandiflora Tin.; Adiantum tenerum, Adiantum capillus veneris, 
Pteris cretica albo-lineata, Pteris argyræa, Begonia rex et ses nom- 
breuses variétés, Peperomia, Coleus, Achyranthes, Althernanthera, Dra- 
cϾna, Latania, Ficus, Aspidistra, ete., ete., 


(A continuer). 


— 910 — 


NOTE SUR UNE VIVIPARITÉ SPONTANÉE ET ANO- 
MALE D'UN BEGONIA. 


Begonia xanthina var. 


Voyez planche XIX. 


Les jardiniers savent qu’on multiplie fort aisément et très-rapidement 
tous les Bégonias issus des Zegonia Rex Purz. ou Begonia xanthina Hook. 
par des boutures de feuilles. Il suffit, en général, de placer des feuilles 
de ces plantes sur une couche un peu chaude, des cendres ou du sable 
pour que des bourgeons se forment à la base du limbe au point d’inser- 
tion du pétiole : ces bourgeons ne tardent pas à s’enraciner et à se 
développer. Un feuille entière n’est point même nécessaire; on peut 
la découper en fragments. À chaque nœud, c’est à dire à chaque inter- 
section de deux nervures de premier ou de second ordre, il peut se 
former un bourgeon et par suite une nouvelle plante. 

Cette prolification peut être provoquée artificiellement sur des feuilles 
adhérentes, mais elle n’a pas encore, à notre connaissance, été signalée 
comme un phénomène spontané. Nous l’avons observée, en 1865, chez. 
un de nos amis M. le D' Candèze, à Ans-et-Glain, près Liége. La serre 
de cet amateur est un vaste jardin d’hiver orné de rocailles en tuf calcaire 
à travers lequel s’échappent des sources artificielles d'eaux vives et 
jallissantes. Ce tuf est non seulement d’un fort bel aspect, il est, en 
outre, un sol excellent pour beaucoup de plantes. La végétation sur ces 
rocailles cest d’une vigueur extraordinaire, à tel point qu'il faut sans 
cesse modérer le développement des plantes. Les Bégonias notamment 
atteignent des proportions considérables : leur exubérance est si grande 
que plusieurs d’entr’eux donnaient de nouvelles plantes sur leurs propres 
feuilles. C’est une de ces feuilles que nous représentons ici en diminuant 
ses dimensions. 

Le bourgeon vivipare consiste en un axe charnu, épais, arrondi, 
de trois centimètres de long sur deux centimètres de large. Il porte 
environ 50 petits yeux latéraux, saillants, enfermés sous des écailles 
stipulaires. Il a donné naissance à une seule feuille, bien développée, 
accompagnée de ses deux stipules, avec un pétiole de 8 centimètres et 
un limbe de 75 millimètres de long sur 70 millimètres de large. 

Ce bourgeon n'avait encore émis aucune racine. Nous ne savons en 
ce moment si notre savant ami a suivi le développement ultérieur de 
cette formation et s’il a constaté son influence sur le sort de la feuille 
gemmipare. 


FEUILLE PROLIFERE DE BECONIA. 


— 511 — 


DE LA PRÉTENDUE HYBRIDATION PAR LA GREFFE. 


Déjà au congrès d'Amsterdam, en 1865 (1), M. le professeur Caspary, 
de Kænigsberg, avait soutenu, au grand étonnement de la plupart de 
ses collègues, que des hybrides peuvent se former dans le règne végétal 
par l'opération de la greffe. Il croyait pouvoir expliquer certains phé- 
nomènes de dimorphisme par l'hypothèse, au moins hasardée, d’une 
greffe qui se serait établie à l’origine entre les deux formes disjointes. 
Il avançait qu'une certaine confusion pouvait se produire entre le sujet 
et la greffe de manière à produire entre l’un et l’autre une véritable 
hybride qui dans certaines circonstances pourrait se dissocier. M. G. Cass 
pary invoquait pour appuyer cette singulière doctrine les phénomènes 
bien connus que présentent les orangers bizarres et le Cytisus adami ; il 
citait aussi un fait qu'il avait observé de la production de Roses mous- 
seuses pourprées et de Roses lisses et blanches sur la même plante, et 
il assurait avoir constaté dans le sol la soudure entre les racines de ces 
deux formes. Il s'agirait ici non plus d’une hybride mais d’un métis. 
Nous avons eu l’occasion d'exprimer récemment dans cette revue (Belq. 
hort. 1867, p. 506), notre opinion à cet égard. 

Nous ne croyons pas devoir discuter ici la théorie émise avec beaucoup 
d'assurance par notre savant collègue de Kænigsberg. Nous nous bornerons 
à dire que nous ne la partageons en aucun point : ni comme fait, ni 
comme hypothèse. 

Nous avons seulement cru devoir la rappeler, parce qu’elle semble 
devoir faire école, au moins dans la docte Allemagne. Récemment 
M. F. Hildebrand renchérissant encore sur les hypothèses de M. Caspary, 
assurait, de la manière la plus sérieuse dans une revue fort savante, le 
Botanische Zeitung @), qu'il avait obtenu des métis de pomme de terre 
bleue et de pomme de terre blanche, en oculant les yeux de lune sur le 
tubereule de l'autre. Il entre dans des détails fort minutieux que nous 
croyons parfaitement inutiles de répéter ici, bien que la facon magistrale 
dont ils sont racontés, soit susceptible de provoquer une certaine gaité. 
M. Hildebrand ayant crevé les yeux d’une blanche, lui aurait donné en 
place des yeux rouges, il en serait résulté des produits panachés de blanc 
et de rouge... et patati et patata. 

Nous sommes parfaitement de l'avis de notre confrère M. Herineq 


——_—_——…—…—_—_—p et 


(1) Voyez le bulletin de ce congrès ou le Gardeners’ chronicle 1866, n° 56, p. 849. 
(2) Botanische Zeitung 1868, n° 20, p. 521-528 et Journ. de la soc. Imp. d’hort. de 
France, 1868, mai, p. 299. 


— 912 — 


qui (1) traite tout cela de plaisanterie. IT ÿ a au fond de ces prétendues 
expériences une mystification dont nous ne savons qui est la victime, le 
publie ou l’auteur. Aucun fait en science, au moins à notre connaissance, 
n'autorise à admettre cette doctrine nouvelle. Les articles de M. Naudin 
que nous avons publiés il y a peu de temps exposent de la manière la 
plus claire et la plus vraie, comment il faut considérer les hybrides et 
les métis, quelle idée il convient de s’en former. Or, il n’est nullement 
établi jusqu'ici que le mélange de deux types puisse s’opérer à la suite 
d’une approche des tissus de la végétation. D'ailleurs si le fait était 
possible ce ne seraient pas les observations de M. Caspary et de M. Hilde- 
brand qui sufliraient pour le prouver. La seule importance de cette 
singulière théorie est dans la considération dont jouissent leurs auteurs, 
dans la bouche d’un profane elles seraient frappées des foudres scien- 
tifiques. | 

Un dernier mot. M. Hildebrand accompagne son mémoire original 
dans le Botanische Zeitung, d’une planche coloriée représentant la 
pomme de terre phénoménale, moitié peau-rouge, moitié blanche. Or 
cette pomme de terre a une ressemblance frappante avec une variété 
que tous les paysans cultivent aux environs de Liége sous le nom de 
Yeux-bleus. Nous en avons plusieurs sacs en cave : elles n’ont pas 
précisément les yeux bleus comme les blondes : elles ont les yeux 
cernés, comme s'ils étaient pochés de quelques jours. Or ces yeux 
sont souvent accumulés sur la couronne du tubercule, la base en étant 
dépourvue et il en résulte des pommes de terre qui sont le plus natu- 
rellement du monde moitié bleues et moitiés blanches : il y en a même 
dans le tas qui sont toutes bleues et d’autres toutes blanches. 

D'ailleurs que M. Hildebrand ou tout autre étudiant en sciences 
naturelles, réfléchisse un instant au mode de végétation de la pomme 
de terre et à la formation de ses tubercules et il reconnaïtra que les 
expériences de M. Hildebrand ne résistent pas à un examen sérieux. 

Si un jour nous en avons le loisir nous reviendrons sur ce sujet. 


(1) Horticulleur francais, 1868, no 8, p. 225. 


LES SQUARES ET LES MARCHÉS DE PARIS, 
par M. DELCHEVALERIE, 
Chef de culture au fleuriste de Paris. 


(Suile, voir p. 309) 


septembre 1868. 


Les jardins n'exigent pas de grands frais d'entretien en ce moment; les 
fortes chaleurs étant en partie passées, les arrosements ne sont plus 
aussi nécessaires que pendant le cours de l'été. C’est aussi à cette époque 
que les jardiniers de Paris célèbrent leur fête, St. Fiacre et Ste Rose, 
pour laquelle la direction met à leur disposition le Pré Catelan, lun des 
plus beaux jardins de Paris, situé au centre du Bois de Boulogne. Na- 
guère encore, ce splendide jardin, était l’objet de la plus haute prédilec- 
tion pour la promenade des parisiens, et fut comparé maintes fois au 
jardin de l’'Eden. C'est dans ce lieu enchanté, qu’eut lieu le 30 août, la 
fête des jardiniers de la ville de Paris : 

À une heure de l'après midi, le bouquet monumental de St. Fiaere et 
Ste Rose, porté par huit jardiniers, suivi d’un nombreux cortège précédé 
de tambours et fanfares, sortait de l'établissement horticole de la ville à 
Passy, ct traversait le Bois-de-Boulogne pour se rendre au Pré-Catelan. 
La fête fut inaugurée par un concert en deux parties, donné par la 
musique des zouaves de la garde; il y eut, en outre, représentation pen- 
dant tout l'après-midi au théâtre des fleurs; course aux lapins sauvages 
dans un parc réservé; bal d'enfants; ballons animés de Brodin, scènes 
comiques aériennes; grande tombola; illumination féérique du pré, de 
la salle de bal, du théâtre, des portes d'entrée, etc., et un feu d'artifice 
nouveau divisé en trois parties avec bouquet et représentation des cas- 
cades de St. Cloud. A minuit, embrasement général du Pré Catelan 
par les nouveaux Bengales, et retraite aux flambeaux. Tels sont, à peu 
près, les détails de la fête des jardiniers de la ville de Paris, pour 
l'année 1868. 

A la suite des pluies abondantes qui sont survenues vers la fin de 
l'été, les jardins publies, ont repris leur aspect vigoureux et tropical ; les 
plantes à feuillage ornemental s'y sont admirablement développées eette 
année, et leur beau feuillage nous offrent en ce moment les plus beaux 
contrastes dans les jardins; 

Parmi les plantes vivaces de pleine terre, on remarque encore en ce 
moment l'Oxalide corniculée à feuille pourpre, Oxalis corniculata atro- 
purpurea Hort., formant des tapis ravissants de son joli feuillage 


— 9514 — 


pourpre et de ses jolies petites fleurs jaune vif; on voit en outre aux 
Champs Élysées, non loin du cirque de l’impératrice, an massif charmant 
de Cyperus papyrus, dont le sol est tapissé de cette belle plante à feuil- 
lage pourpre luisant, et qui contraste agréablement sur le feuillage ver- 
dâtre des plantes sous lesquelles elle se trouve plantée. 

Le souci des jardins, Calendula officinalis Lix., jolie petite plante 
annuelle, mais qui se perpétue naturellement dans les jardins, est 
également en fleurs en ce moment et pendant une grande partie de l’an- 
née. Cette plante convient beaucoup pour garnir le dessous ou les 
intervalles des massifs d’arbustes, où elle se couvre pendant tout l’été 
de jolis capitules jaune-pâle ou safrané très vif; se sème en place en 
septembre ou mars, et en mai-juin pour en avoir en fleurs depuis le prin- 
temps jusqu’à l'automne. 

On voit encore en fleurs une foule de plantes vivaces telles que 
Anémone du Japon, Anemone japonica Sies. et Zucc.; Anémone du 
Japon à fleurs blanches, Anemone japonica var. Honorine Jobert; 
Lobélie écarlate, ZLobelia cardinalis ; l'œillet Flon Emile et Marie 
Paré, etc., sont encore en pleine floraison. Les plantes annuelles à 
floraison æstivale sont très-abondantes dans les jardins; on y admire 
surtout les Reines Marguerites Callistephus sinensis Nees., dont il 
existe aujourd hui un grand nombre de variétés charmantes; la section 
des Reines Marguerites pyramidales, est cultivée en grand dans les 
Jardins et constitue des races à fleurs de Pivoines, à fleurs de Chry- 
santhème, à fleurs de Chrysanthème naines, à fleur imbriquée pompon, 
à fleur imbriquée pompon couronnée, à fleur imbriquée empereur 
géante, à fleur bombée, demi-naines à bouquet, demi naines, naines 
à bouquet, couronnées, pompons, à fleur de renoncule, etc., dans les 
coloris blanc, rose, rose satiné, violet rougeatre, lilas foncé, panaché 
de rouge, de violet, violé liséré blanc, couleur chair, rose cuivré, rouge 
foncé, lilas ou gris de lin, blanc carné, rose Hortensia, Magenta, indigo, 
violet unicolore, violet rougeûtre, etc., etc. 

Dans la section des Reines Marguerites non disposées en pyramides, 
on cultive surtout les races à rameaux étalés, les anémones, les naines, 
etc., aux coloris blanc, violet, lilas rose, rouge, couleur chair, panaché 
de rouge, panaché de rouge violacé, ete. Les Reines Marguerites sont 
peu difficiles sur la nature du terrain; elles aiment néanmoins une terre 
riche et substantielle et préfèrent les terres légères aux terres argileuses. 
On les multiplie par semis; premièrement en avril-mai, à l'air libre, 
en pleine terre en terrines ou en pots, dans un mélange de terreau et 
de bonne terre de jardin. Lorsqu'on sème en mars, on opère sur couche 
et sous châssis et on repique en pleine terre vers les premiers jours de 
mai. Pour obtenir une floraison tardive de la reine Marguerite, on fait 
des semis successifs jusqu’en juillet. 

Le Pétunia blanc, Petunia nyctaginiflora Juss., sans contredit l’une 


> RU 


des plus belles plantes annuelles pour la pleine terre, fleurissant abon- 
damment dans les jardins en ce moment ; on l’emploie énormément pour 
border les massifs d’arbustes, pour faire des corbeilles, des massifs et 
pour orner les plates bandes des jardins réguliers ou à la française ; 
cette plante prospère dans tous les terrains, et même dans les terrains 
secs ; on en voit en outre au parce des buttes Chaumont, près du temple 
de la Sybille, situé à une altitude considérable, où l’eau fait pour ainsi 
dire complètement défaut par suite du manque de pression, et qui sont 
néanmoins en pleine floraison, bien que les chaleurs de l'été leur aient 
complètement desséché le sol; c’est peut-être le meilleur de tous les 
Pétunias pour planter dans les terrains secs. On cultive encore dans 
les jardins, le Pétunia à fleurs violettes, P. violacea Lino. ; le Pétunia 
gloire de Segrez, Petunia violacea oculata Hort., variété très-élégante, 
d’un joli rose clair oculé de blanc à la gorge, dont la face extérieure 
de la corolle est blanchâtre. 

Les Pétunias cultivés pour lornementation des jardins se sèment 
ordinairement sur couche en mars-avril, pour être repiqués en pots ou en 
pleine terre vers le commencement de mai. On les sème aussi en plein 
air vers les premiers jours de mai pour les repiquer à demeure vers la 
fin du mois ou les premiers jours de juin. 

L’Amarante queue de renard, Amaranthus caudatus Lax., jolie plante 
annuelle à tige herbacée et épaisse, s’élevant à un mètre de hauteur, les 
fleurs, très-petites et agglomérées, sont disposées on épis formant une 
panicule retombante et pendante, de couleur amarante; convient sur- 
tout pour garnir l’espace vide des massifs; croit dans tous les terrains, 
même lorsqu'ils sont très-sees, et n’exige aucun soin de culture. 

Les plantes annuelles à feuillage orné ou coloré, sont également très- 
remarquables en ce moment : 

Le Périlla à feuilles erispées, Perilla arguta crispa, plante vigoureuse 
à feuillage pourpre crispé, d’un très-bel effet étant plantée en bordures 
autour des massifs d'arbres et d’arbustes. 

L'Amarante bicolore, Amarantus bicolor Nocca., jolie plante à feuil- 
lage d'un beau vert tendre panaché et safrané de jaune clair, convient 
beaucoup pour border les massifs; préfère une exposition chaude et 
aérée à toute autre ; 

L'Amarante à feuilles rouges, Amarantus sanqguineus Lix., à feuilles 
très-grandes et d'un beau rouge sanguin; à fleurs pourpres disposées 
en glomérules et en épis gréles et flexueux à l'aisselle des feuilles 
supérieures; 

L'Amarante tricolore, Amarantus tricolor Lix., jolie plante à feuil- 
lage coloré, très:remarquable, d'un beau rouge purpurin et earmin 
foncé taché de jaune vif transparent; cette variété constitue une des 
plus belles plantes pour l'ornementation des jardins pendant la belle 
Saison ; 


— ip — 


L'Amarante mélancolique, Amarantus melancholicus ; VAmarante mé- 
lancholique rouge, Amarantus melancholicus ruberrimus Honr.; l'Ama- 
rante gigantesque, Amarantus speciosus Sims.; le Périlla de Nankin, 
Perilla Nankinensis Dexe., ete., constituent également par leurs beaux 
feuillages, de très-beaux effets dans les jardins. 

Les plantes exotiques à floraison æstivale sont admirablement fleuries 
à cette époque de l’année. 

Le Dahlia des jardins. D. variabilis Desr., et ses nombreuses varié- 
tés sont en pleine floraison; ces plantes sont très-propres à orner les 
parcs et jardins, depuis le commencement de l'été jusqu'aux gelées. 
Les variétés de Dahlias augmentent et se perfectionnent chaque année, 
de sorte qu’il serait superflu d’en donner la liste des variétés charmantes 
à fleurs trés-petites et tuyautées, d’une perfection de forme très-remar- 
quable, auxquelles on a donné le nom de Dablia Lilliput, atteignant 
ordinairement de 0,80 centimètres à un mètre de hauteur; toutes les 
variétés lilliputiennes sont très-propres à la formation des massifs et 
corbeilles dans les jardins en ayant soin toutefois d’assortir les 
hauteurs. 

Outre le Dahlia cultivé et le Dablia Lilliput, ou cultive encore dans 
les jardins le D. imperialis, d'une végétation très-vigoureuse mais à 
fleur simple, et fleurissant rarement dans les jardins de Paris. 

On cultive encore le Dahlia à feuilles panachées D. Empereur Joseph, 
uniquement pour son beau feuillage panaché de blanc avec lequel 
on fait d’élégants massifs dans les jardins et qui contrastent agréable- 
ment sur les pelouses; comme le précédent, sa fleur est insignifiante. 

Les Dahlias sont cultivés dans presque tous les jardins; ils aiment 
une exposition chaude et en plein soleil; pendant les premiers temps 
de la plantation, on les arrose modérément pour les empêcher de pousser 
trop vigoureusement et de s’étioler; lorsque arrive le mois de juillet, 
c’est-à-dire l’époque de l'apparition des premières fleurs, on les arrose 
abondamment afin d’en obtenir une belle et abondante floraison. On les 
multiplie généralement par la séparation des pieds; à cet effet, on sort 
les tubercules des caves au printemps, pour les mettre en végétation sur 
couche tiède, ou bientôt les veux ou bourgeons se développent en grand 
nombre ; on les éclate alors et on les empote séparément, ou on les 
plante immédiatement en pleine terre si la saison le permet. On les 
multiplie aussi des boutures herbacées au printemps, sur couche chaude 
et sous cloche, ou elles s’enracinent en l’espace de quelques jours ; on 
les rempote aussitôt dans des godets plus grands, et vers la fin de mai 
on peut les livrer à la pleine terre. Les Dahlias se multiplient encore 
de greffe herbacée sur les grosses racines charnues, qu'il suffit de tenir 
pendant quelques jours étouffées pour que la reprise puisse avoir lieu. 
Enfin, pour en obtenir de nouvelles variétés on le multiplie par semis 
en mars-avril sur couche tiède et sous châssis; aussitôt que le jeune plent 


— 517 — 


développe sa cinquième ou sisième feuille, on le repique en godets en 
le plaçant sur couche et sous châssis jusqu’au moment où on pourra le 
livrer à la pleine terre. 

Les Héliotropes sont également cultivées en grand nombre dans les 
jardins de Paris. 

L'Hétiotrope du Pérou, Æeliotropium Peruvianum Lix.; l'Héliotrope 
surprise, H. Anna Thurrel, H. Etoile Bordelaise, H. Général Valubert, 
H. Wigandiæfolium, etc., sont fréquemment employés à l'ornementation 
des jardins; on les plante en bordures autour des massifs d’arbustes et 
de fleurs, on en forme des corbeilles et on en garnit les plates-bandes ete., 
où elles fleurissent abondamment jusqu'aux gelées. On les multiplie 
facilement de boutures herbacées sous chässis vers la fin d'août, qu'on 
rempote avant l'hiver pour les hiverner sous chässis ou en serre tem- 
pérée et les remettre en place au printemps suivant. 

(À continuer). 


TRANSFORMATION DES DEGRÉS DE TEMPÉRATURE 
CENTIGRADE, RÉAUMUR ET FAHRENHEIT. 


MON CHER PROFESSEUR, 


A la suite de la conversation que nous avons eue ensemble sur l’utilité 
qu'il y aurait pour l'hortieulture à pouvoir transformer instantanément 
les indications fournies par le thermomètre Fahrenheit en degrés corres- 
pondants soit du thermomètre centigrade, soit de celui de Réaumur, je 
me suis mis à rechercher un moyen dont l'application puisse se faire 
par un simple calcul mental et sans avoir recours ni à des formules algé- 
briques, ni à une échelle comparative. 

Comme je crois avoir réussi, je m'empresse de vous communiquer 
ma méthode, libre à vons d’en faire tel usage que bon vous semblera. 

Il s’agit tout bonnement de bien se rendre compte du nombré de 
de parties qui divisent ou partagent dans les différents systèmes de 
thermomètres que nous venons de citer, l'intervalle entre la glace fon- 
dante et l’eau bouillante. 

Dans le système centigrade comme dans celui de Réaumur, le point 
de départ (glace fondante) est indiqué par un zéro; dans le système 
Fahrenheit, le point de départ des deux autres systèmes, c'est-à-dire la 
glace fondante correspond au chiffre 52. L'eau bouillante qui est l'extrême 
limite des trois systèmes, est indiquée par 100 dans le thermomètre 
centigrade, par 80 dans celui de Réaumur et par 212 dans le ther- 
momètre Fahrenheit. Mais pour mettre ee chiffre 212 en concordance 
avec 100 et 80 du système précédent, il faut en soustraire 52 qui corres- 


487 


pond avec le point de départ, c'est-à-dire au zéro du thermomètre centi- 
grade et Réaumur, et l'on obtient 180 qui est le chiffre réel du nombre 
de divisions qui se trouvent entre les deux limites, glace fondante et eau 
bouillante. | 

Ces chiffres posés, je dirai que 180 est égal à 50 fois 9, comme 100 
est égal à 20 fois 5 et 80 à 20 fois 4 et que j'aurai pour degré corres- 
pondant du thermomètre centigrade autant de fois 5 qu'il y a de fois 9 
dans le thermomètre Fahrenheit et pour degré correspondant du thermo- 
mètre Réaumur, autant de fois 4 qu'il y a de fois 9 dans celui de Fah- 
renheit, c’est-à-dire que 9 divisions Fahrenheit valent à centigrade et # 
Réaumur. 

Voici maintenant comment il faut procéder : après avoir retranché ou 
déduit du nombre de degrés indiqués par le thermomètre Fahrenheit les 
52 divisions qui expriment la distance entre le point de départ des deux 
autres échelles, il suffira de voir combien de fois 9 renferme le chiffre 
restant et prendre ensuite autant de fois à pour le degré correspondant 
du système centigrade, ou autant de fois # si l’on veut connaître le degré 
correspondant du thermomètre Réaumur. 

E. G. soit 68 le degré indiqué par le thermomètre Fahrenheit, j'en 
déduis d’abord 52, il me reste 56 qui renferme % fois 9. Je multiplie 
ce 4 par à pour obtenir le degré correspondant du thermomètre centi- 
grade ce qui me donne 20, ou je multiplie ce même 4 par 4, ce qui 
fait 16, qui est le degré correspondant du thermomètre Réaumur. 

Comme vous le voyez, mon cher Professeur, ce n’est pas plus difficile 
que cela etil ne vous faut ni formules algébriques, ni calcul écrit, ni effort 
d'intelligence pour savoir que 68 degrés Fahrenheiït valent 20 degrés 
centigrades ou 16 degrés Réaumur. 

Cependant si le degré indiqué par le thermomètre Fahrenheit, était 
inférieur à 52, il faudrait prendre autant de fois à ou autant de fois 4, 
selon que l’on veut le transformer en centigrade ou en Réaumur, qu'il 
y a de fois 9 entre 52, point de départ commun, et le chiffre indiqué par 
le thermomètre Fahrenheit. 

E. G. soit 14 le degré indiqué par le thermomètre Fahrenheït, ce 
chiffre soustrait de 52 donne 18 pour différence, 18 renfermant deux 
fois 9, le degré correspondant du thermomètre centigrade sera — 10 et 
celui correspondant en thermomètre Réaumur sera — 8. Donc 14 Fah- 
renheit est égal à — 10 centigrade ou — 8 Réaumur. 

Je sais bien, mon cher Professeur, qu’il y a des formules algébriques 
pour opérer toutes ces transformations ou réductions, mais celles-ci 
exigent des calculs que j'ai voulu éviter. 

Quoi qu'il en soit, il serait peut-être bon et utile de les faire con- 
naître, ne füt-ce que pour bien se rendre compte des divers systèmes 
employés. 

Je me hasarde donc à vous en donner ici une série. 


"7! 


ES 


A. Réduction des degrés Fahrinheit en degrés centigrades ou Réaumur. 


I° Lorsque ces degrés sont supérieurs à 32. 


F— 39 ne 
— x = C Ex.G. 68F— 52 — 4 x 5— 90€. 
F— 39 56 


X k—R Ex.G. GBF—52—— 4 X 4 —AGR. 


KX5—C Ex.G. 32 — 147 — 2 x 5 —10C. 


GER H:C. 32—A4F— —9 X k =8R. 


B. Réduction des degrés cenligrades ou Réaumur en degrés Fahrenheit. 


I° Lorsque ces degrés sont au-dessus de zéro. 


C 
+ 52 Ex.G. 200 x 9 10.56 + 32 —68F. 
) 
À L 
EL Ex.G. LE x 9 — 56 + 5268 


2° Lorsque ces degrés sont inférieurs à zéro. 


a C + 100 . . . _— 
= sx. Ex.G. 2 X 9—18 à déduirede 32 —14F. 
R 8 L2 L 2 LE _ 
32—7X 9—=F Ex.G. 7 —=2 X9—18 à déduire de 52=14F. 
2 


C. Réduction des degrés centigrades en degrés Réaumur. 


CX4 
é —k. Ex.G. HÉPEET 
D) à) 
D. Réduction des degrés Réaumur en degrés centigrades. 
R X 5 % 
—— —C Ex.G. Rx 5 10C. 


Nous avons dit plus haut que 9 divisions Fahrenheit valent 5 divi- 
sions centigrades ou # divisions Réaumur en ne tenant pas compte des 
32 degrés Fahrenheit, inférieurs au point de départ du thermomètre 
centigrade et Réaumur. 


EU" en 


Partant de ce principe nous dirons : 


que #4 degrésR. — 3 C—9 X 1 + 592 soit #1 Fahrenheit. 
FOUR » —100—=9 X 2 + 32 = 50 » 
» 42 » » —15C—9 X3 + 52 — 59 » 
» 16 » >» —20C—9X 4 + 32 — 68 » 


» 200 > » —250—9 X 5 +32— 77 » 

» 24 1». 1» —=30C—9 X 6+ 32 86 » 

» 28 » » —9)C—9X 7 + 52 — 9ÿ » 

» 92 » » —40C—9.X 8 + 52 —104 » 
Cependant si nous descendons sous le point de départ commun qui 

est 0 Réaumur, 0 centigrade, 52 Fahrenheit, nous aurons : 


— 4 degrésR. = — 5C—52—9 soit — 25 Fahrenheit 
— 8 » » = — 10C— 352 — 9 x 2 —14 » 
— 19 » » =—15C(—352—9XK5— 5 » 
— 16 >» » —— 20C0—52—9X 4—56—52——24 » 
—20 » » —=— 25C—52—9X 5—45—3532——15 » 
— 2h » » —=— 50C0—52—9 X6—54—52—— 22 » 


Ces exemples vous sufliront pour vous faire comprendre le mécanisme 
de ma méthode qui permet de se passer des échelles comparatives. 
Celles-ci se trouvent d’ailleurs dans la plupart des ouvrages qui traitent 
de l’horticulture et entr’autres dans la flore de Van Houtte, tome 9, 
page 118. 

Je crois bien, mon cher Professeur, qu'à force de vouloir vous expliquer 
une méthode vous aurez fini par ne plus rien y comprendre et que 
ce soit le cas de dire qui trop explique rien ne prouve. Je le regrétterais 
bien sincèrement et vous me le pardonneriez en faveur de l'instruction. 


F. DE CANNART D'HAMALE. 


N. B. Cette excellente méthode peut être résamée de la manière sui- 
vante : 


: , L ’ . + 9 = 
Fahrenheit en Réaumur (N — 52); Réaumur en Fahrenheit N X + + 52 
# 
. 2 E ) . T 9 = 
» en centigr. (N — 32); Centigr. en » NX = +52 
5 
; As : = 
Réaumur en centigr. N X+ » en Reaumur NX — 
- / :) 


CENTAUREA. RACGUSINA. Lin 


— 521 — 


HORTICULTURE. 


NOTICE SUR LES PLANTES RUSTIQUES A FEUILLAGE ARGENTÉ 


A L'OCCASION DES 


CENTAUREA RAGUSINA £r GYMNOCARPA. 
Figurées planches XX et XXI, 


PAR M. Epouarn Morren. 


n recherche avec prédilection pour les jardins 
et même pour les serres froides les végétaux 
dont le feuillage blanc contraste agréablement 
avec la verdure habituelle ou bien avec des 
plantes rouges comme les Coleus et d’autres. 
Cette blancheur de certaines feuilles provient en général 
d’un duvet ou d’une toison qui se développe sur leur 
dermne et repose sur un fond vert. Ces poils sont formés 
de petites cellules remplies d'air et c’est la présence 
de ce fluide gazeux dans les cellules qui a pour effet 
de réfléchir la lumière sans la décomposer et par 
conséquent en lui conservant la couleur blanche. Ces 
sortes de feuillages laissent une impression bien différente des plantes 
panachées : elles sont d’un blanc vrai, comme celui de l'argent, de 
l'amiante ou de l’aluminium et non pas de cette couleur jaunâtre qui 
fait peine à voir. Les plantes argentées dont nous parlons éclairent 
les jardins : elles dessinent nettement les corbeilles et l’on a bien raison 
de leur donner place dans les cultures d'agrément. 

Une personne de beaucoup de goût en a fait dernièrement un intéres- 
sant usage. Il s'agissait de décorer pour une soirée une jardinière 
dans un charmant boudoir meublé de blane, bleu et or. La verdure 
du feuillage ordinaire aurait fait mauvais effet en produisant un 
contraste trop rude et sans harmonie avec ces couleurs : on sait en effet 
que le bleu, surtout le bleu clair, ne se marie pas avec le vert. La 
jardinière fut remplie d’une douzaine de plantes à feuillage argenté et 
produisit la plus charmante impression. Toutes ces plantes avaient, en 


22 


7 


—.— 


— 922 — 


outre, des allures délicates, gracieusement découpées : on aurait dit 
une miniature de paysage couvert de neige et de givre. 

L'histoire détaillée des diverses plantes de cette catégorie serait inté- 
ressante à publier : peut-être un jour y reviendrons-nous et avec autant 
plus de raison que leur nomenclature est fautive dans presque tous 
les jardins et sur beaucoup de catalogues. Mais l’espace nous manque 
aujourd'hui (1). 

Nous devons nous borner à mentionner les plus importantes. 

Ce sont les: Achillea clavennae, Antennaria margaritacea et tomentosa, 
Arctotis replans et argenteu, Arlemisia argentea et Stelleriana, Centaurea 
gymnocarpa, ragusina, cinerea, dealbata, decumbens, Cerastium tomen- 
tosum et Biebersteini, Cineraria maritima, Diotis maritima, Gnaphalium 
lanatum, Salvia argentea, Stachys lanata etc. 

Parmi les meilleures se trouvent les Centaurea, surtout le Centaurea 
ragusina qui a donné par la culture quelques variétés d’un blanc de 
neige, notamment celle que l’on a nommée candidissima. Nous publions 
ei-Joint la figure exacte des Centaurea ragusina et gymnocarpa dessinés 
d’après nature et avec la plus grande exactitude, afin que les amateurs 
puissent aisément les distinguer l’une de l’autre. 

Ces diverses Centaurées ne se multiplient pas avec la plus extrême 
facilité : c’est pourquoi elles sont relativement d’un prix assez élevé 
comme plantes de grande culture horticole. Cependant avec un peu 
de soins. tout le monde peut les multiplier. Notre collaborateur 
M. G. Delchevalerie a fait connaître récemment (2) le procédé suivi au 
fleuriste de la ville de Paris. Nous ne saurions rien dire de mieux que 
cet excellent praticien. 


NOUVELLE NOTICE AU SUJET DE L’ONCIDIUM 
LIMMINGHEI Én. More. 


Notre Oncidium Limminghei(5) vient de fournir au D' Reichenbach 
de Hambourg, le plus savant orchidologiste de notre temps, le sujet 
d’une intéressante notice (4) publiée par le Gardeners Chronicle. 


(1) On peut consulter: Silvery edging plants, dans Journal of Horticulture, 
volume XXXV (1866), p. 589. 

(2) Voyez la Belgique Horticole, 1868, p. 202. 

(3) Voyez : La Belgique horticole, t. VI, 1856, p. 353. — Description d’une nou- 
velle espèce du genre Oncidium, Gand, 1857, c. tab. —- Lixocey, Folia Orchidacea, 


Art. Oncidium, n° 198. 
(4) Gardeners’ Chronicle, 1868, p. 1114. 


CENTAUREA. CYMNOCARPA. Mon. 


es 


nr 
l 


Rod 
MAT 


— 525 — 

Après avoir donné la diagnose de l'espèce, M. Reichenbach s'exprime 
ainsi : 

« Le D° Lindley manifesta un grand étonnement quand il vit cette 
plante (que nous lui avions communiquée({)). Avez-vous vu ce 
merveilleux petit Oncidium? nous dit-il en venant me voir pour 
s'entretenir d'Orchidées. C’est une plante bien étrange : avec ses feuilles 
pareilles à celles d’un Sophronitis, rehaussées de bandes brunes et 
provenant de bulbes glauques distiques sur un rhizome grimpant. Les 
hampes portent une, deux (ou trois) fleurs d’un jaune d'or, marbré de 
brun et qu’on peut comparer à celles des Oncidium aurosum et sarcodes, 
plutôt qu'à celles de l’Oncidium Papilio. Le professeur E. Morren, 
maintenant notre confrère et collègue fit, pensons-nous, son premier 
pas dans la science, quand il décrivit ce petit bijou végétal (the little 
vegetable gem) en l'honneur du comte Alfred de Limminghe, qui était 
un Zzélé botaniste et orchidophile, hélas! martyr de la politique et 
tombé victime, à Rome, sous le fer d’un assassin, de son dévouement 
pour le Saint-Siège. Notre Oncidium semblait une plante mystérieuse 
et l’on ne savait pas d’où elle était venue. Morren supposait qu'elle 
était arrivée de Caracas mais sans pouvoir l’aflirmer. Eufin M. J. Day, 
Esq. nous en envoya l’année dernière une fort bonne figure dans son 
album n° 12 et une inflorescence sèche. Il n’y avait pas de doute, 
lOncidium Limminghei avait fait une nouvelle apparition. Le mérite 
de cette réintroduction est dù à M. Stuart Low qui la doit à son excel- 
lent collecteur Blunt. 11 y a quelques semaines, M. le consul SchiHer, 
de Hambourg, guéri d'une longue et dangereuse attaque d’Orchido- 
phobie, eut le plaisir d'en obtenir quelques magnifiques spécimens du 
Brésil où ils avaient été récoltés par son neveu M. G. Miller, Esq. Aujour- 
d’hui même nous lisons dans le catalogue n° 125 de M. Louis Van 
Houtte à Gand l'offre de ce joyau au prix modique de 25 franes! 
H. G. Rchb. fil. » 

Ces nouveaux détails seront lus sans doute avec intérêt. Ils ont surtout 
à nos yeux le mérite de confirmer définitivement dans la science l'hom- 
mage que nous avions été heureux de rendre à notre jeune et bien 
regretté ami, Alfred de Limminghe, dont la mémoire vivra éternellement 
dans les annales de la science. 

L'Oncidium Limminghei était demeuré rare dans les cultures. Cepen- 
dant il n’a pas cessé de prospérer dans les serres du jardin botanique 
de l'Université de Liége. Nous l'avons fait multiplier souvent et il 
fleurit régulièrement tous les ans. Le jardinier, M. E. Rodembourg, le 
cultive sur de petites buches revêtues de leur écorce et librement sus- 
pendues au vitrage de la serre chaude. 


(1) Les mots entre parenthèses sont ajoutés par le traducteur Ed. Morren. 


— 524 — 


CHRONIQUE. 


Le comité-directeur de la Fédération des Sociétés d'horticul- 
ture s'est réuni à Bruxelles le 24 octobre 1868. Il a nommé, pour 
juger un mémoire qui lui est parvenu sur la question de l'azote, une 
commission formée de MM. Franqui, de Marbais et Morren. Il a été 
décidé que le grand prix de la Fédération serait attribué en 1869 à la 
Société de Namur. Diverses mesures ont été arrétées au sujet de l’expo- 
sition et du congrès de St. Pétersbourg : un comité spécial a été insti- 
tué. À ce propos, nous prions ceux de nos amis et de nos lecteurs qui 
se proposent de faire ce voyage au printemps prochain de bien vouloir 
nous faire connaître cette intention afin de les tenir au courant de tout 
ce qui sera convenu, La prochaine assemblée générale de la Fédération 
aura lieu vers le 25 décembre. 


M. G. Delchevalerie, notre excellent collaborateur, dont les squa- 
res et les marchés de Paris ont été lus avec le plus vif intérêt, vient de 
partir pour l'Egypte avec le titre de jardinier en chef des palais et jar- 
dins du Vice-Roï. Il va occuper une position importante et accomplir des 
travaux et des créations considérables. Le nouveau style francais de 
MM. Alphand et Barillet fait école. Nous avons déjà fait connaître le 
succès de M. Ed. André en Angleterre. M. Barillet lui-même a été appelé 
auprès de Sa Majesté Léopold IL et auprès de l'Empereur d'Autriche. 
Voici un autre de ses élèves, et des meilleurs, qui se rend auprès du 
somptueux Ismaël. Avec le climat et le sol de l'Egypte on pourra ercer 
les plus beaux jardins du monde. M. G. Delchevalerie était digne à tous 
égards de remplir la haute mission dont il est chargé. Tout cn étant un 
praticien habile et dévoué à ses devoirs de chef-multiplicateur au Fleu- 
riste de Paris, il était devenu un auteur des plus distingués. La Fédération 
belge a couronné son mémoire qui va paraître sur les plantes des 
squares ; la Société Impériale de France a couronné un autre mémoire 
sur le bouturage, qui est en cours de publication, et enfin les meil- 
leurs éditeurs de Paris accueillaient toutes ses productions avec une 
grande faveur. 

M. G. Delchevalerie en quittant l’Europe a bien voulu nous promettre 
de nous continuer ses communications. 


Floraison du Stenocarpus Cunninghami. — Un phénomène 
de floraison aussi rare que remarquable se manifeste en ce moment dans 
les serres de notre vieil et excellent horticulteur, M. L. Jacob-Weyhe, 
derrière la station des Guillemins à Liége. Il s’agit d’un arbre d’Australie, 
cultivé par les fleuristes sous le nom d’Agnostus integrifolius, mais qui 


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— 3525 — 

est, en réalité, le Stenocarpus Cunninghami des botanistes. Ce végétal fut 
découvert, en 1828, sur les bords de la rivière de Brisbam, dans la baie 
de Moreton, par le célèbre naturaliste Allan Cunningham. Ses fleurs 
sont d'une étrange élégance : jeunes, on dirait de petites mains d'enfant ; 
développées, elles ressemblent à un lustre de salon à 12 ou 15 branches; 
elles forment des ombelles disposées en panicule d'un beau rouge de 
corail. Leur structure est bizarre comme la plupart des productions 
naturelles de l'Australie. 

C'est la première fcis à notre connaissance que le Stenocarpus Cun- 
ninghami fleurit en Belgique. Il a fallu, pour amener ce résultat, non- 
seulement l'été et l'automne exceptionnellement chauds dont nous avons 
été gratifiés cette année, mais en outre l'expérience exercée de M. Jacob- 
Weyhe, qui, malgré ses soixante-dix-huit années, est encore le plus actif 
de tous nos amateurs de culture. 

La floraison que nous venons de signaler se prolongera pendant une 
huitaine de jours (15 octobre). 


École d'horticulture de FÉtat. — Par arrêté ministériel du 
10 octobre, sont nommés à l'école d'horticulture de l'état à Vilvorde, 
M. Bommer, professeur de botanique, et M. Sterckx-Degreeff, professeur 
de langue francaise et d'arithmétique. 


Exposition de Bordeaux. — Le Cercle professoral pour le pro- 
grès de l’arboriculture en Belgique vient de remporter en France un 
succès que nous mentionnons avec plaisir. Désireux de faire apprécier 
une fois de plus les produits belges à l'étranger, le comité de notre 
principale association arboricole avait soumis une collection de fruits du 
pays au jury spécial réuni récemment à Bordeaux, à l'occasion de la 
session du Congrès pomologique de France. Non-seulement le Cercle 
professoral a obtenu un premier prix, mais, lors de la distribution des 
récompenses, ie nom de la Société belge a été chaleureusement acclamé. 
Les applaudissements ont redoublé, quand l'honorable président de la 
Fédération des Sociétés d’horticulture de Belgique, M. de Cannart d'Ha- 
male, est allé recevoir la médaille d'honneur et la couronne décernées 
au Cercle. L'ovation dont celui-ci a été l'objet s'adressait, on peut le dire, 
à la Belgique entière représentée par sa riche pomone. 


Le D° Adalbert Schnizlein, professeur de botanique à l'université 
de Erlangen, en Bavière, est mort le 24 octobre 1868, à l’âge de 54 ans. 
Ce déplorable évènement a provoqué d’unanimes regrets. La Fédération 
des Sociétés d’horticulture de Belgique lui avait envoyé il y a quelques 
mois à peine la grande médaille qu’elle avait décernée à sa Flore exotique 
et dont la réception lui avait causé un vif sentiment de plaisir. Schnizlein, 
d’après ses dernières lettres, souffrait des suites d'un accident qui lui 


— 926 — 


était survenu pendant les vacances dernières en herborisant dans les 
montagnes du Tyrol. Ce savant a publié quelques ouvrages d’une grande 
importance. Le plus considérable est son Zconographie des familles na- 
turelles, le meilleur livre que nous connaissions pour s'initier à l'étude 
des familles végétales. Il lui manque, pensons-nous, une livraison pour 
être terminé. 


On annonce la mort de M. de Montigny, décédé le 16 septembre 
en son château de Quilbaudan près d'Auxerre. M. de Montigny résida 
longtemps en Chine en qualité de consul général de France. L’horti- 
culture lui doit l'introduction en Europe de bon nombre de plantes utiles. 


Un nouveau cas de floraison simultanée. M. Alf. Wesmaël 
signale à la Revue horticole (1868, p. 440) la floraison chez M. G. De- 
moulin à Mons, de plusieurs Agave xylinacantha. Le même phénomène 
s'est manifesté en même temps dans les serres de notre jardin botanique 
de Liége. 


St-Pétersbourg. — M. le D' Regel nous mande dans une lettre 
du 19 novembre : « dites, je vous prie, à tous ceux qui ont l'intention 
de venir qu'ils s'adressent à vous ou, par lettre, à la Commission de 
l'exposition internationale d’horticulture à St-Pétersbourg. Les prix 
pour les logements sont les mêmes ici que partout ailleurs, depuis 
2 francs jusqu’à 8 francs par chambre. Une Commission spéciale veille 
à offrir des logements particuliers à ceux qui ne désirent pas descendre 
à l'hôtel et tout sera arrangé de manière que le séjour à St-Pétersbourg 
ne soit pas plus onéreux que dans les autres villes. » 

Les nominations pour le jury viennent de parvenir à destination : 
il fonctionnera le 4/16 mai 1869. « Quant aux mesures qui seront prises 
pour faciliter votre trajet ainsi que votre séjour à St-Pétersbourg, dit 
la circulaire, nous nous ferons un devoir de vous les communiquer 
sous peu. » 


Une exposition internationale d'horticulture à Ham- 
bourg vient d’être projetée pour les premiers jours de septembre 1869. 
Le comité spécial a déjà réuni les fonds de garantie et arrêté les mesures 
préliminaires. — L'exposition de Pétersbourg nuira certainement à celle 
de Hambourg : deux expositions internationales ne sauraient avoir lieu 
en une année et peu de personnes renouvelleront à un si faible inter- 
valle un voyage dans le nord. Il est à désirer que le comité de Hambourg 
remelte l'exécution de son projet à une autre année. On a remarqué 
d’ailleurs que les noms connus de MM. Reichenbach, Otto, Booth, 
Schiller, ne figurent pas sur les circulaires de convocation. 


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— 927 — 


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 


Les Cactées, par M. Cu. Lewame(l). Ce charmant volume de 
la Bibliothèque du jardinier vient d’être édité à Paris par la librairie 
agricole de la Maison rustique. M. Ch. Lemaire, notre savant confrère, 
rédacteur de l’{llustration Horticole a depuis longtemps manifesté une 
prédilection particulière pour l'étude de ces remarquables végétaux. 
Tout en s’occupant, avec un talent que nous nous plaisons à louer, à faire 
connaitre au monde savant un grand nombre de plantes nouvelles dont 
l’horticulture enrichit nos jardins et nos serres, M. Lemaire n’a jamais 
cessé de porter son attention sur les Cactées. Grâce à cette connaissance 
approfondie il a pu concentrer sur quelques feuilles d'impression tout 
ce qu'il y a d’essentiel à en dire : la véritable concision du style est 
toujours l'indice du savoir. 

Un avis au lecteur sert d'introduction historique. Quelques notions 
préliminaires font connaître la patrie, les stations et les principaux 
organes des Cactées. Un fait bien intéressant, dit avec raison M. Lemaire, 
c’est l'incroyable similitude de port que présentent avec les Cactées 
diverses espèces d’Euphorbes africaines, dites charnues, et quelques 
autres plantes appartenant à d’autres familles. 

L'ouvrage est ensuite divisé en deux parties : l’une scientifique, l’autre 
pratique. Dans la première l’auteur expose la classification des Cactées, 
qu'il a beaucoup perfectionnée. Il décrit les tribus et les genres prin- 
cipaux en exposant leur distribution géographique. La seconde partie 
est un manuel de culture raisonnée des Cactées : elle nous paraît irré- 
prochable. 

L'ouvrage de M. Lemaire est écrit avec clarté et avec élégance. Il sera 
consulté avec une égale utilité par les botanistes et par les nombreux 
amateurs de plantes grasses, ceux même qui en cultivent quelques-unes 
sans l’aide d’une serre. 

Les gravures représentent les principaux types de la famille : elles 
sont judicieusement choisies et bien exécutées. 


Les fruits à cultiver; leur description et leur culture, par 
M. FerpinanD Jamin (2) « Ceci n’est. point un livre, ni un traité, ni un 
ouvrage, ni même un opuseule. Qu'est-ce donc ? Des notes, des simples 
notes, dietées par l'expérience, des renseignements acquis non chez 
d’autres mais à la source même, la bèche ou le couteau à la main, devant 


(1) Paris, à la librairie agricole, 25, rue Jacob; 1 vol. in-12, de 140 pages et 11 gra- 
vures. Prix fr. 1 25. 
(2) Paris, chez M. V. Masson, 1 vol. in-12 de 188 pages, 1868. 


TE 


le fruit ou au pied de l'arbre, en tète-àtète. Cest ce que sait tout le 
monde pomologique qui plante, qui cultive et qui récolte; c’est ce que 
conseille le pépiniériste, ce qu'enseigne le professeur, ee qu'applique 
le praticien. Est-ce neuf ? Non. Est-ce inédit ? Non plus. Est-ce original ? 
Pas davantage. 

« Pourquoi alors ? 

« Pourquoi? Parce que le gout de la culture des arbres fruitiers fait 
chaque jour des prosélytes ; parce que, malgré quelques excellents ren- 
seignements donnés par d’autres, les bons avis sont encore trop rares; 
parce que beaucoup de propriétaires qui créeraient volontiers un jardin 
fruitier hésitent, ne sachant que faire; que d’autres, plus hardis et qui 
n'hésitent pas, plantent au hasard et se répentent; enfin parce qu'à côté 
d'un qui sait, il y en a dix qui ne savent pas et vingt qui croient 
saroir. >» 

Cet excellent ouvrage est en entier écrit dans ce style nerveux : il dit 
ce qui convient, ni plus ni moins. Il est si bien lexpression de la 
vérité que pour le résumer il faudrait le reproduire. Nous le conseil- 
lons 2 tous ceux-là qui ont un jardin. Lisez-le et vous en tirerez 
des fruits, et de bons fruits. 

Il traite en quelques pages des généralités, telles que la préparation du 
terrain, la plantation, etc. Puis, chaque catégorie de fruits, poires, 
pommes, elc. jusqu'aux framboises et aux fraises : sur chacune il dit le 
nécessaire, c'est-3-dire le résultat de longues observations et d'une foule 
d'expériences. 

Le Verser, publication périodique d'Arboriculture et de Pomologie, 


par M. Mas, continue à paraitre en justifiant les éloges que nous avons _ 


été heureux de lai donner 2 l'origine : elle en est arrivée à sa quz- 
trième année et a publié d'excellentes notices et de fort bonnes fisures 
de toutes sortes de fruits. Chaque numéro renferme, en outre, une 
chronique horticole. La plus récente annonce la publication d'un 
ouvrage de M. Ch. Baltet, l'art de greffer (1 vol. de 520 pages) et 
contient une intéressante notice de M. de Poutteville intitulée Histoire 


de la Poire d'Epargne. 


Botanique de lArboriculteur, par M. Coxsraxr BouiLoril). 
Nous avons recu un prospecius qui nous parait, en {ous points, mériter 
de fixer l'attention. En voici un extrait : 

La physiologie éclaire particulièrement la pratique de Farbori- 
culture; sans elle, la culture et la taille des arbres fruitiers sont dé- 


(1) Accempssnee de 160 fisures d’anstomie et d’organosraphie vésétale, dessmées 
per M C J_ Dardenne et gravées par Brown. Un volume grand in-& de 125 pases 
envIron 


De RS nte 


— BI — 


pourvus d'un appui solide, et leur pratique peut être modifiée par tout 
arboriculteur qui, pour théorie, suit ses caprices, ses goûts, ses idées. 
Tous les auteurs qui ont écrit sur l’arboriculture ont tellement bien senti 
cette vérité qu'ils ont consacré le premier chapitre de leur ouvrage à un 
court exposé de la physiologie végétale. C'est déjà beaucoup ; malheureu- 
sement ce résumé de botanique est trop suecinet, et n’est pas à même de 
répondre aux questions et d'aplanir les difficultés que la pratique est 
en droit de lui soumettre. — C'est pour donner plus de développement 
à cette partie importante de l'arboriculture fruitière que nous écrivons 
la Botanique de l’arboriculteur. 

D'un autre côté, nous avons remarqué, dans la pratique de l’arbori- 
culture, que certaines opérations recommandées et exécutées par la 
plupart des arboriculteurs sont en contradiction avec les principes de 
physiologie végétale; nous en citerons quelques exemples: le rafrai- 
chissement des bourses du poirier et du pommier, conseillé par le plus 
grand nombre des auteurs arboricoles, est cependant une taille nuisible 
à la conservation de cette production essentiellement fructifère ; pour 
équilibrer la végétation des deux bras, d’un même étage, et d’inégale 
vigueur d'un arbre en espalier, on raccourcit fortement la branche 
vigoureuse, et on laisse dans sa longueur le bras faible; c’est là encore 
une erreur, et c'est le contraire qui doit avoir licu; le pincement des 
premières feuilles des rameaux anticipés (bourgeons anticipés) n’a pas 
comme le rapporte M. Dubreuil, la propriété de suspendre l'allongement 
de ces jeunes pousses, et de fixer à leur base la première paire de feuilles: 
l'élongation des mérithalles ou entre-nœuds d'une production raméale 
n’est nullement influencée par le développement, par la mutilation et 
même par la suppression des feuilles qui les séparent; l’incision annulaire 
tant vantée pour aider au grossissement des fruits, est au contraire une 
opération nuisible et à leur bonne venue et à leur bonne qualité. 

Nous avons relevé et consigné bon nombre de ces erreurs: on est 
en droit de nous en demander le pourquoi, et par conséquent nous 
avons besoin d'expliquer notre manière de voir ; c’est la seconde raison 
pour laquelle nous publions notre ouvrage; il renferme les réponses 
aux questions qu’on nous adresserait. 

Nous éerivons dans le but de venir en aide à la pratique arboricole; 
c'est pourquoi nous serons heureux de recevoir et de discuter toutes 
les objections que l’on pourrait nous faire. 


Couvin, le 19 septembre 1868. 


Si l'ouvrage tient ces promesses il rendra un véritable service. Mais 
le tâche est ardue. 

L'auteur, M. C. Bouillot, est professeur de culture à la section de 
Couvin (Namur). 


— 9590 — 

L'insectologie agricole, journal trailant des insectes utiles et de 
leurs produits, des insectes nuisibles et de leurs dégâts et des moyens pra- 
liques de les éviter (1). Les cultivateurs se plaignent souvent des nom- 
breuses vermines qui infestent et dévastent les cultures, et ils ont raison : 
mais ils ont tort quand ils ajoutent qu’on sait peu de choses à ce sujet 
et qu'ils ne trouvent pas à se renseigner. Jadis, naguère peut-être, il 
pouvait en être ainsi. Mais depuis quelque temps un mouvement remar- 
quable s’est manifesté dans cette direction : d'excellents livres ont été 
publiés. Nous pouvons citer : le Traité d’entomologie horticole par 
M. Alph. Dubois; les insectes nuisibles, par M. Goureau ; l’'Essai sur l’en- 
tomologie horticole, par M. le D' Boisduval, ete. Une revue spéciale a, de 
plus, été fondée pour toutes ces questions. Ce journal est l’organe de la 
Société d’insectologie agricole qui a son siége à Paris, rue Cassette, 6. 
Il est édité par M. C. Donnaud (même adresse) et rédigé par des savants 
et des écrivains de talent. Ce journal paraît par livraisons mensuelles, 
avec des planches : il va bientôt terminer sa deuxième année, c’est-à-dire 
le second volume. Le prix d'abonnement est fort peu élevé : 10 francs 
par an. 

Nous avons parcouru ce recueil et nous y avons appris beaucoup 
de faits intéressants et bien constatés. Ce journal rendra certaine- 
ment des services; la matière et les lecteurs ne sauraient lui manquer. 
Désormais ceux-là seulement qui ne voudront pas se donner le plaisir 
de lire et d'apprendre pourront se plaindre de leur ignorance. Nous 
avons remarqué notamment de fort bons articles sur les vermines 
(Kermès) des serres, que nous signalons à nos lecteurs. 

L'Insectologie agricole traite aussi des insectes utiles, les abeilles, les 
vers à soie et en général toutes les questions pratiques qui concernent 
les articulés. 


Le Catalogue de M. André Leroy, pépiniériste à Angers, vient 
de paraître : il comprend les arbres fruitiers et d'ornement. Cet ouvrage 
n’est pas seulement à recommander aux amateurs par l'extrême multi- 
plicité des arbres dont il fait l’'énumération, mais aussi aux botanistes et 
aux écrivains par les utiles renseignements qu’ils peuvent y trouver. Les 
plantes y sont énumérées sous leurs noms botaniques et leurs noms fran- 
cais; les variétés sont méthodiquement classées à la suite de l'espèce 
dont elles sont issues. Les noms patronymiques même ne sont pas 
négligés. On reconnait de suite qu’un botaniste a dû travailler chez 
M. Leroy. Son catalogue est presque le prodrome d’une flore dendrolo- 
gique de l'Europe moyenne. 


(1) Paris, chez M. C. Donnaud, rue Cassette; 12 livraisons par an de 52 pages, et 
une planche coloriée. Prix 10 francs. 


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— 9391 — 


LES SQUARES ET LES MARCHES DE PARIS, 


par M. DELCHEVALERIE, 


Chef de culture au fleuriste de Paris. 
(Suite, voir p- 317.) 
Septembre 1868. 


Le Lantana hybrida Rougier Chauvière, variété nouvelle du plus haut 
mérite ornemental, propre à la formation des bordures basses et 
rampantes, se couvre abondamment de jolies fleurs rouge brique et 
jaune du plus bel effet dans les jardins. 

Le Lantana hybrida, Queen Victoria, également l’une des plus belles 
variétés pour l’'ornementation des jardins, s'élève davantage que la 
précédente, et se couvre à profusion de jolies fleurs depuis le com- 
mencement de l'été jusqu'aux gelées. 

Les Lantana delicatissima, Rosea nana, Impératrice Eugénie, Solfa- 
tare, etc., sont également très-propres à fleurir les parterres pendant 
la belle saison, et sont l'objet d'une culture très-étendue dans les 
jardins de Paris. 

La Verveine hybride, Gloire du Caire, l'une des variétés à fleurs 
bleues, des plus belles et des plus floribondes est également cultivée en 
grand pour border les massifs de fleurs de peu d'élévation. 

Les Verveines hybrides, Saladin, Robinson, Gloire de l'Elysée, etc., 
sont aussi très-propres à orner les parterres et cultivées en grand dans 
les jardins de Paris. On les multiplie facilement de boutures vers la 
fin de l'été, qu'on hiverne sous châssis à froid; au printemps, on con- 
tinue à les bouturer sur couche tiède et sous chässis, et on les rempote 
séparément dans des godets en les maintenant sous châssis afin qu'elles 
soient un peu ramifiées au moment de les mettre en pleine terre. 

Le Cyrtanthère magnifique, Cyrtanthera magnifica, jolie Acanthacée 
cultivée en grand dans les jardins publies de Paris, portant à l'extré- 
mité des tiges de fleurs en gros épis dressés d'un beau rose pourpre, 
convient surtout pour entourer les grands massifs d'arbustes. Se 
multiplie facilement de boutures herbacées sous cloche ou sous châssis 
vers la fin de l'été et au printemps. 

La Casse floribonde, Cassia floribunda, sans contredit l'un des plus 
beaux arbustes d'orangerie, fleurit abondamment en pleine terre 
vers la fin de l'été; les fleurs, d'un beau jaune, sont disposées en 
grappes pendantes au sommet des rameaux; on l'utilise à former des 
massifs d’un très-bel effet au moment de la floraison; étant isolé ou 


— 992 — 


groupé sur les pelouses, il y fleurit abondamment et fait beaucoup 
d'effet. On le relève de la pleine terre à l’automne, pour le rentrer en 
orangerie ou en serre froide, et au printemps, lorsqu'il commence à 
pousser, on utilise ses jeunes bourgeons pour les bouturer sous cloche 
et sur couche tiède. 

Les Pelargonium zonales, cultivés par centaine de mille dans les 
jardins de Paris y sont admirablement fleuris en ce moment; on les 
plante beaucoup en bordures pour entourer les massifs d’arbustes; on 
en forme aussi des groupes, des massifs, des corbeilles, et on en garnit 
les plates-bandes, les parterres, etc.; tous se multiplient de boutures 
en plein air vers la fin de l'été; on empote ces boutures en octobre 
pour les hiverner en serre ou sous châssis jusqu’au printemps. 

Les Fuchsia concourent aussi pour une large part à l’ornementation 
des jardins en ce moment; on remarque surtout dans les jardins 
publics de Paris les variétés Rifleman, Pauline, Louise de Lachapelle, 
Vainqueur de Puebla, Roi des blancs, Vénus de Medicis, Conqueror, 
Béranger, Marie Cornelissen, etc. On les plante beaucoup pour border 
les massifs d’arbustes, ou on en fait des corbeilles; on les plante aussi 
isolément dans les parterres et sur les plates-bandes, où ils fleurissent 
jusqu'aux gelées; à l'automne, on les relève de la pleine terre pour les 
hiverner en serre sous les gradins, ou dans une cave bien éclairée. On 
les multiplie facilement de boutures vers la fin de l'été, et de boutures 
herbacées sous cloche en toute saison dans les serres. 

Les Calcéolaires ligneux fleurissent abondamment les parterres en ce 
moment; on remarque dans les jardins publics les Calceolaria rugosa 
et ercelsa à fleurs jaunes et une variété à fleurs brunes C. unique, 
s’élevant à peine à quelques centimètres de hauteur, et fleurissant abon- 
damment en pleine terre. Tous se multiplient facilement de boutures 
herbacées vers la fin de l'été, sur couche tiède et sous châssis, et de 
boutures herbacées sur couche chaude et sous cloche au printemps. 

Les véroniques Anne de Beaujeu, Lindleyana, Meldensis, gloire de 
Lyon, Impératrice Eugénie, Andersoni, Andersoni variegata, Rosa 
Bonheur, Princesse Mathilde, Reine des massifs, mycrophylla alba, 
Buxifolia violacea, etc., sont les variétés les plus cultivées dans les 
jardins, où elles fleurissent abondamment depuis le commencement de 
l'été jusqu'aux gelées; on les plante ordinairement en bordures autour 
des massifs d’arbustes, on en fait des corbeilles, des groupes, ou on les 
plante isolément. Vers la fin de l’automne, on les relève de la pleine 
terre pour les rentrer en orangerie, où elles passent l'hiver. On les 
multiplie facilement de boutures herbacées à l'automne ct au printemps 
sur couche et sous châssis. 

Parmi les plantes exotiques à feuillage ornemental, on remarque 
en ce moment des groupes et des massifs admirables de Morelle marginée, 
Solanum marginatum, sans contredit l’une des plus belles et des plus 


— 9599 — 
ornementales pour la pleine terre, d'une végétation vigoureuse, à feuil- 
lage blanchätre et tomenteux, très-propre à la formation des massifs 
dont le contraste est charmant sur les pelouses pendant toute la belle 
saison. 

Les autres espèces de Morelles qu'on remarque en ce moment dans les 
jardins publies de Paris, sont : la Morelle de l’Amazone Solanum Amazo- 
nicum, S. atropurpureum, S. betaceum, S. Bonariense lanceolatum, 
S. capsicastrum, S. capsicastrum foliis variegatiis, S. crinitum, S. cri- 
nitipes, S. eneoduntum, S. eleagnifolium, S. glaucophyllum, S. horridum 
aureum, S. jasminifolium fol. var., S. jasminoïdes, S. laciniatum, 
S. macranthum, S. Maroniense, S. pseudo capsicum, S. quitoense, 
S. Rantonetti, S. reclinatum, S. Robustum, S Sieglengii, Pionandra, 
fragrans, etc. Tous (excepté le Jasminoïdes qui passe l'hiver en plein air) 
doivent être relevés de la pleine terre à l'automne, et hivernés en serre 
tempérée. On les multiplie facilement de boutures herbacées sur couche 
tiède et sous cloche à l'automne et au printemps dans les serres. 

Le Figuier élastique Ficus elastica Roxs.. et le Figuier de Chauvière, 
Ficus Chauvieri Bar., sont de toute beauté cette année en pleine terre; 
on voit çà et là dans les jaruins publics des massifs assortis de ces grands 
végétaux dont le feuillage contraste agréablement sur celui de nos 
végétaux indigènes pendant toute la belle saison. On les multiplie de 
boutures sur couche chaude et sous eloche pendant l'hiver, alors que 
tous ces végétaux sont rentrés dans la serre. 

Les Colocase de Batavia., Colocasia Bataviense Hort., Colocase odorant, 
Colocasia odora, Colocase suceulent, Colocasia esculenta, Colocase à 
feuilles de Nymphæa, Colocasia nymphæfolia , etc., ont acquis des 
proportions gigantesques en pleine terre cette année dans les jardins 
de Paris. On en voit des massifs charmants au Rond point des Champs 
Elysées, au Parc Monceaux, au Bois-de-Boulogne et dans bien d'autres 
jardins publics, où leur feuillage contribue puissamment à l'ornemen- 
tation. On les relève de la pleine terre de bonne heure à l'automne 
et on laisse un peu sécher les feuilles, puis on les coupe pour rentrer 
les souches dans une cave bien saine et bien aérée, ou sous les gradins 
d'une serre et bien à sec; au premier printemps, c'est-à-dire vers la fin 
de février, on divise les souches, et on les empote pour les placer sur 
les tablettes de la serre tempérée où peu à peu elles se mettent en 
végétation; lorsque arrive le mois d'avril, on donne de l'air à la serre 
toutes les fois qu'il fait du soleil, afin d'empêcher l'étiolement, et de 
dureir les plantes de facon à pouvoir les livrer en plein air dans le 
courant de mai. 

Les Balisiers, Canna, sont dans tout leur éclat de splendeur. En ce 
moment ce sont, de toutes les plantes à feuillage ornemental cultivées 
en pleine terre dans les jardins, celles qui présentent la plus grande 
diversité de fleurs et de feuillage. Il en existe des variétés S'élevant à 


— 9594 — 


peine à un mètre de hauteur tandis que d'autres atteignent au-delà de 
trois mètres, ce qui donne la facilité d'en planter des massifs épais et 
très-élevés; on les plante ordinairement par rang de taille, les plus 
grands sur le derrière pour masquer les endroits désagréables du jar- 
din ete. Les Balisiers passent l'hiver en pleine terre sous le climat de 
Paris, en les couvrant de litière bien sèche pendant les fortes gelées; 
mais pour en avoir des massifs bien réguliers, il vaut mieu& rentrer les 
tubereules à l'automne, dans une cave bien saine, éclairée et bien sèche; 
vers la fin de mars, on les place sous châssis en les recouvrant de 
quelques centimètres de terre, et lorsqu'ils sont suffisamment déve- 
loppés, ce qui a lieu ordinairement vers la fin d'avril ou les premiers 
jours de mai, on les plante en pleine terre. On les multiplie aussi 
de graines au printemps sur couche chaude et sous châssis. 

L'Angélique à papier Aralia papyrifera Hook., l’espèce la plus orne- 
mentale du genre pour la pleine terre, déploie en ce moment ses grandes 
et belles feuilles profondément incisées, recouvertes comme d’un duvet 
blanchätre court et tombant; convient particulièrement pour la forma- 
tion des corbeilles et massifs sur les pelouses des jardins paysagers et 
d'agrément. On le relève de la pleine terre à l'automne pour le rentrer 
en serre froide où il passe facilement l'hiver. Se multiplie rapidement 
de boutures de troncons de racines à l'automne au moment de l'ar- 
rachage, en les coupant par petits morceaux pour les placer les uns 
contre les autres dans des terrines remplies de terre en les recouvrant 
seulement de quelques millimètres de terre; on les place ensuite sur 
couche tiède en serre ou sous châssis, où bientôt chaque fragment de 
racine donne naissance à un ou plusieurs bourgeons; au printemps, 
on les empote séparément et on les place sous châssis où ils sont cultivés 
jusqu’au moment de les mettre en pleine terre vers la fin de mai. 
L'Aralia reticulata, Y'A. Sieboldii et le Sciadophyllum pulchrum sont 
également très-propres à la formation des massifs en pleine terre dans 
les jardins, où ils constituent les plus ravissants contrastes sur la 
végétation indigène. 

Le grand Bananier d’Abyssinie, Musa enseie, Bruce, le Bananier du 
Paradis, M. Paradisiaca, le B. à spathe rose, M. Rosacea, Jaco., le 
B. de la Chine, M. sinensis, SWEET, etc., sont également cultivés en 
grand dans les jardins publics, où ils constituent de forts élégants 
massifs, étant plantés dans les parties abritées des grands vents; on 
les rentre également en serre tempérée pour y passer l'hiver; se mul- 
tiplient d’éclats à l’automne, au moment de les rempoter pour les rentrer 
en serre. 

Les fougères arborescentes telles que Balantium antarcticum, Blech- 
num Brasiliense, Cyathea australis, Lomaria Cycadæfolia etc., consti- 
tuent également de très-beaux groupes et massifs isolés sur les pelouses 
dans les jardins de Paris; on voit, en outre, plusieurs groupes de ces 


= nu Li 


JD — 


plantes majestueuses dans le voisinage ombragé de la Naumachie au 
Pare Monceaux; on les rentre en serre froide ou en orangerie vers la 
fin d'octobre pour y passer l'hiver et les remettre en plein air au prin- 
temps suivant. 

Le Wigandia de Caracas, W. caracasana Horr. et le Wigandia de 
Vigier, W. Vigieri Bar.; ont atteint cette année, des proportions vrai- 
ment gigantesques en pleine terre ; leurs feuilles n’ont pas moins d’un 
mètre de longueur sur presque autant de largeur ; plantés en groupes ou 
en massifs isolés sur les pelouses et entourés d'air et de lumière, il 
n’est pas rare de les voir s'élever la même année, à deux ou trois mètres 
de hauteur. On les relève de la pleine terre vers la fin de l'été pour les 
hiverner en serre tempérée. Se multiplient de boutures herbacées au 
printemps, sous cloche et sur couche chaude, et de boutures de tronçons 
de racines qu'on couche dans des terrines remplies de terre et qu'on 
place ensuite sur couche chaude pour les faire développer. Le Wigandia 
Vigieri se multiplie de préférence de graines, qu’on sème vers le mois 
de mars sur couche tiède et sous châssis. 

Les Coleus Verschaffelti, Gibsoni, Veitchi, etc., constituent égale- 
ment de très-beaux massifs cette année dans les jardins de Paris, où 
ils sont plantés en bordures autour des massifs d’arbustes et de fleurs, 
sur plates-bandes, etc. On les multiplie facilement de boutures vers la 
fin de l'été, que l’on rentre en serre tempérée pour passer l’hiver. 

Le Ferdinanda eminens Honr., jolie composée arborescente du 
Mexique, pouvant atteindre en pleine terre l'été cinq et six mètres 
la même année; la tige cylindrique et rameuse se couvre de grandes 
belles feuilles opposées suborbiculaires, d’un beau vert blanchätre et 
tomenteux. Les fleurs blanches à disque jaune, disposées en corym- 
bes terminaux, apparaissent ordinairement dans les serres pendant 
l'hiver. 

Le Polymnia pyramidata Horr.; plante très-vigoureuse, atteignant la 
même année jusqu’à six et sept mètres de hauteur dans les jardins; 
nous avons vu une bouture du mois de mars, plantée en pleine terre en 
mai, atteindre sept mètres de hauteur portant une tête pyramidale de 
près de deux mètres de diamètre à la base portée par un tronc de 
0,55 de tour à un mètre de terre. 

Les autres plantes à feuillage ornemental qu'on remarque encore 
dans les jardins publies de Paris en ce moment, sont : le Vicotiana Wi- 
gandioïdes, l'Uhdea bipiñnata (Montagnæa elegans), le Verbesina Sartori, 
le Phytolacca dioïca, le Melianthus major, le Senecio Ghiesbreghti, le 
Polymnia edulis, le Sparmannia Africana, le Senecio platanifolia, 
les Chamærops, les Corypha, les Phœnix, ete., etc. 

Sur les marchés en plein air, on continue à voir apparaitre les plantes 
de la saison. Le Celosie crête de Coq, Celosia cristata Lix., jolie plante 
annuelle atteignant environ 0®,50 centimètres de hauteur portant une 


— 390 — 

tige épaisse et des feuilles ovales lancéolées vert tendre; les fleurs 
nombreuses et très-petites sont disposées en épi dense ovale et allongé 
en forme de crêtes et de morceaux de velours; c’est une des meilleures 
plantes annuelles pour la pleine terre l'été, qu’on relève parfaitement 
pour l'empoter et en approvisionner les marchés; les variétés qu’on 
cultive le plus à Paris sont celles à fleurs pourpre, chamois, amarante, 
violette argentée, rose, rose feu, jaune et rouge pivoine; la variété 
uaine à fleur jaune, à fleur rose et à fleur pourpre; ces trois dernières 
dépassant à peine 0,20 centimètres de hauteur, portant d'énormes 
têtes en forme de crête, sont d’un très-bel effet. Toutes ces variétés, 
cultivées en grand dans les jardins, servent aux garnitures d’apparte- 
ments pendant tout l'été. 

La Tubéreuse, Polyanthes tuberosa Lan, jolie plante vivace et bul- 
beuse du Mexique, dont la tige atteint environ un mètre de hauteur 
portant de jolies fleurs blanches, pleines, en forme d’entonnoir, d’une 
odeur suave et pénétrante, figure aussi en grand nombre sur les mar- 
chés à cette époque de l’année; les fleurs coupées sont très-recherchées 
pour mettre dans les bouquets. 

L’£rica Linnæana varia, Horr., jolie bruyère du Cap à fleurs tubu- 
leuses, blanches, puis rose foncé, disposées en épis serrés autour des 
tiges dressées, longues d'environ 20 à 25 centimètres; sans contredit 
la meilleure des Bruyères de la saison, et qu’on cultive en grand pour 
les marchés. On voit déjà en ce moment l’£rica monodelpha, VE. qgra- 
cilis autumnalis, la Bruyère du Cap, ete., sur les marchés de Paris. 

Les roses de la saison telles que Aimée Vibert, le Souvenir de la Mal- 
maison, les Bengales et toutes les autres espèces remontantes, abondent 
encore sur les marchés en ce moment. Les fleurs étant coupées con- 
tinuent d’être très-employées et très-recherchées pour la confection des 
bouquets. : 

Les œillets remontants ou à floraison perpétuelle, les œillets Flon, les 
œillets de la Chine, etc., abondent aussi sur les marchés; les fleurs 
coupées sont très-employées pour faire les bouquets et servent beaucoup 
aux garnitures d'appartements... 

Les autres plantes qu’on remarque le plus sur les marchés de Paris 
en ce moment sont: les Reines Marguerites, les Balsamines, les Réséda, 
les Verveines, la Giroflée Quarantaine, les Fuchsia, les Dahlias, les 
Véroniques, le Pourpier à grandes fleurs, l’Isolepis gracilis, la Pervenche 
de Madagascar, la Véronique Teucriette, l'A gerdtum cœruleum, le Sedum 
fabarium, le Cassia floribunda, le Nerium oleander, le Myoporum 
parvifolium, les Glaïeuls, l’Hibiscus syriacus, le Maïs panaché, les Ery- 
thrines, les Coleus, Achyranthes, Begonias, et toutes les plantes à 
feuillage citées dans les mois précédents. 


Octobre 186$. 


L'Angélique épineuse, Aralia spinosa, Lin. ; le Magnolier à grande 
fleur, Magnolia grandiflora, Lix.; la Casse de Maryland, Cassia Mary- 
landica, Lin; V'Althéa et ses nombreuses variétés, Æibiscus Syriacus, Lix. ; 
le Corête du Japon, Kerria Japonica, D. C., variétés à fleur double, 
à feuilles panachées et à fleur simple, le Clerodendron Bungei, la 
Clématite bleue odorante, Clematis cœrulea odorata ; Clématite blanche 
odorante, Clematis flammula, Lax.; Yucca à feuilles d’Aloës, Yucca 
aloefolia, Lix.; Y. filamenteux, Y. filamentosa, Lin.; Y. magnifique, 
Y. gloriosa, Lix., ete., continuent à fleurir abondamment. 

Les plantes vivaces de pleine terre fleurissent aussi en abondance 
dans les pares et jardins de la ville de Paris. On y remarque en outre les 
Aster alpinus, Iax., Amellus, Lix., bicolor, Hort., grandiflorus, Lix., 
hybridus nanus, Horr., Sibericus, H., versicolor, Wizzn., multiflorus, Arr., 
pendulus, Air., tenuifolius, Horr., Novæ-Anglie, ete.; ces charmantes 
plantes très-rustiques, sont très-propres à entourer les massifs d’arbustes 
des jardins d'agrément et y fleurissent jusqu’au moment des plus fortes 
gelées. On les plante aussi en corbeilles, et on en fait des massifs isolés 
sur les pelouses qui sont d’un très-bel effet au moment de la floraison. 

L'Aster est une des meilleures plantes à floraison automnale, et l’une 
de celles qu’on cultive le plus dans les jardins ; il convient surtout pour 
orner les talus et les terrains secs; la butte Fessart, l’une des plus grandes 
et des plus élevées du parc des buttes Chaumont en est littéralement 
recouverte, et à l’époque de la floraison, l’ensemble constitue un coup 
d'œil fort agréable ; pendant l’été, cette masse d’Aster réunies ensemble, 
ressemble assez de loin à une forêt de pins. 

Dans les jardins du genre de celui des buttes Chaumont, où la végé- 
tation manque généralement dansles premières années, on peut y cultiver 
l’Aster avec beaucoup d’avantages entre les touffes des massifs d'arbres 
et d’arbustes, d’abord parce qu'il garnit de suite le terrain d’une belle 
verdure, et qu'il fleurit la première année. On peut même en composer 
des massifs, qui seront d’un beau vert pendant toute la belle saison, 
et qui fleuriront abondamment à l’automne. 

Dans les petits jardins d'agrément, au contraire, on les plante seule- 
ment vers la fin de l'été pour succèder aux plantes annuelles qui 
défleurissent à cette époque; elles doivent donc être élevées en pépinière 
pendant l'été, et arrachées avee de bonnes mottes afin que la transplan- 
tation qui a lieu généralement fin de septembre n'ait pas à souffrir. 

Les Chrysanthèmes de l'Inde et du Japon, également très-bonnes 
plantes à floraison automnale et qu’on cultive en grand dans les jardins, 
où on en fait des groupes, corbeilles, bordures de massifs, ete. Il existe 
aujourd'hui un grand nombre de variétés à grandes fleurs dites Japo- 
naises, et à fleurs pompons, dont les coloris sont extrêémement riches 


25 


— 998 — 


et variés, et qui fleurissent à une époque de l’année où les parterres 
sont généralement dépourvus de fleurs. 

In sol substantiel et frais convient beaucoup aux Chrysanthèmes ; 
leur multiplication a lieu avec une grande facilité d’éclats à l’automne 
et surtout au printemps, et de boutures herbacées sous cloche et sous 
châssis dans le commencement de la végétation; dès que ces boutures 
sont enracinées, on les plante en planche et en pépinière en plein air 
à 0 ou 60 centimètres de distance où on les laisse croître librement 
jusqu’à la fin de l'été, époque où on les enlève avec de bonnes mottes 
pour les planter à demeure où elles ne tarderont pas à fleurir. Au prin- 
temps, les pincements doivent être pratiqués dans le but d’avoir des 
individus nains, rameux et florifères ; mais à partir de la fin de juin, 
on doit cesser de les pincer si on veut en avoir les fleurs en octobre. 

Parmi les plantes vivaces de pleine terre, on remarque encore en 
fleurs des touffes colossales de Gynérium argenté, Gynerium argen- 
teumm Lix.; de Véronia de New-York, Veronia novæboracensis WiLLp.: 
de Stokésic bleue, Stokesia cyanea L'HERIT. etc. 

Les plantes vivaces de pleine terre à feuillage ornemental telles que 
Acanthe de Lusitanie, Acanthus Lusitanicus Hort.; Lamier maculé, 
Lamium maculatum Lix. ; Oxalide corniculée à feuilles pourpres, Oxalis 
corniculata atropurpurea HorT., etc., constituent encore d’élégantes 
bordures, groupes, tapis de massifs, etc., dans les jardins de Paris. 

On remarque encore dans les jardins un grand nombre de plantes 
exotiques à floraison automnale telles que la sauge éclatante compacte 
Salvia splendens compacta Horr. Vicm., variété formant des touffes 
compactes se couvrant d'un grand nombre de jolies fleurs écarlate 
jusqu'aux gelées. C’est une des plantes les plus recommandables pour 
la composition des massifs à l'arrière saison, et qui fleurit également 
beaucoup pendant l'été. Multiplication facile de boutures herbacées sous 
cloche et sous chässis à l’automne et au printemps. 

L'Eupatoire à feuilles de Menthe, Eupatorium gleconophyllum Less., 
jolie plante touffue s’élevant à 0,50 ou 0®,60 centimètres de hauteur 
dans les bons terrains, se couvre d’un grand nombre de jolies fleurs 
blanches en corymbes peu denses vers la fin de l’été et à l'automne. 
Très-propre pour border les massifs de Canna et autres végétaux à 
grand feuillage, se multiplie de boutures herbacées à l'automne; les 
jeunes plantes doivent être hivernées sous châssis ou en serre afin d’être 
replantées de nouveau en pleine terre au printemps. 

La Cassia luisante, Cassia lœvigata Desr., joli arbrisseau atteignant 
environ deux mètres de hauteur, à feuilles pennées; se couvre d’un 
grand nombre de fleurs jaunes en grappes axillaires vers la fin de l'été 
et à l'automne. Une terre riche substantielle paraît lui convenir de 
préférence à tout autre. A l’approche des fortes gelées, on relève les 
pieds de la pleine terre pour les empoter et les hiverner en orangerie 


ou dans une bonne cave, pour les remettre en végétation au printemps 
suivant. Muluplication facile de boutures feuillées sur couche tiède 
et sous cloche fin de l'été. 

On remarque encore une foule d’autres plantes exotiques en fleurs 
dans les jardins publics telles que Casse floribonde, Cassia flori- 
bunda Cavax.: Begonia à deux couleurs, Begonia discolor R. Br.; Cal- 
céolaire élevée et rugucuse, Calceolaria excelsa et rugosa, Cuphea élevé, 
Cuphea eminens PLancu., les Pelargonium zonale, les Dahlias, les 
Lantana, les Fuchsia, les Véroniques, ete. 

Les Canna (Balisiers) constituent de très-beaux massifs dans les jar- 
dins à l'arrière saison ; il en existe plus de cent variétés dans les jar- 
dins de Paris; on remarque, en outre, au pare Monceaux, un massif 
d’une des plus belles variétés cultivées, le Balisier noirâtre, Canna 
nigricans ANNÉé, dont les tiges ont atteint cette année plus de quatre 
mètres de hauteur. La variété dite Bihorellii, est également l’une des 
plus belles et des plus floribondes pour la pleine terre, fleurissant 
depuis le printemps jusqu'aux gelées, et dont les tiges ne dépassent 
guère un mètre de hauteur; c’est une des meilleures pour border les 
massifs formés d’autres variétés élevées. Le Balisier de Année, Canna 
Anneïi, variété magnifique obtenue de semis par M. Année, amateur 
distingué à Nice, auquel lhorticulture doit les plus belles variétés de 
Canna, de Solanum, et d’un grand nombre d’autres plantes qu'il distribue 
libéralement chaque année dans les jardins; le Canna atronigricans, 
l'une des plus belles ct des plus gigantesques variétés qu'on a pu voir 
isolée dans les jardins des Champs Elysées cette année, mais qui n'est 
pas encore répandue dans les cultures, a été obtenue également de semis 
par cet amateur éminent. 

L’Armoise argentée, Artemisia argentea L'Henir. ; le Bocconia ligneux, 
Bocconia frutescens Lix.; le Gunnera scabre Gunnera scabra R. et P. 
elc., forment encore de jolies touffes de verdure dans les jardins. 

Un grand nombre de plantes annuelles fleurissent encore les parterres; 
on voit en outre, de jolies corbeilles, bordures, ete., de Rose d'Inde 
Tagetes erecta Lix., jolie plante buissonnante, haute d'environ 0,80 cen- 
timètres, à feuilles pennées vert-pâle, portant à l'extrémité des rameaux, 
des capitules formés de gros pompons portés sur des pédoncules très- 
renflés au sommet, d’un beau jaune orangé brillant. L'OEillet d'Inde. 
Tagetes patula Lix., vulgairement petite rose d'Inde, également très- 
jolie plante à ramifications nombreuses, dressées, hautes de 0,40 à 
0,50 centimètres, portant des feuilles pennées vert-foncé, et des capitules 
solitaires, moins gros que les précédents; demi-fleurons d'un beau pur- 
purin velouté bordé de jaune, et fleurons orangés, variété naine, très- 
naine, à fleurons orangé uni, à fleurs rayées etc. Le Tagétès moucheté 
Tagetes signata Barnru.; petite plante très-rameuse, haute de 40 à 50 cen- 
timètres, à feuilles pennées; capitules petits, nombreux, disposés en 


— 940 — 


corymbes; demi-fleurons orangés marqués vers le milieu d’une petite 
tache purpurine; Variété pumila Horr.-Viimor., formant des touffes com- 
pactes et régulières. Se sèment 1° à l’automne en pots ou en pépinière; 
on repique en terrines pour hiverner le plant sous châssis, 2° au prin- 
temps sur couche et sous châssis pour être repiqués en pépinière et 
plantés à demeure en mai-juin. Enfin on multiphie d’éclats, les individus 
hivernés en serre ou sous-chassis. 

Les plantes annuelles à feuillage coloré telles que Périlla de Nankin, 
Perilla Nankinensis Dexe.; Périlla à feuilles crispées, Perilla arguta- 
crispa; Amarante mélancolique, Amarantus melancholicus Lin. ; Ama- 
ranthe bicolore, Amaranthus bicolor Naec. etc., constituent encore des 
massifs charmants dans les jardins. 

Dans le courant de ce mois, on s'occupe activement de faire rentrer 
dans les serres et autres abris de l’établissement horticole de Passy, tou- 
tes les plantes tropicales susceptibles aux froids, comme les Musa ensete, 
Ficus elastica, Dracæna, Solanum Warcewiczii, macranthum, crinitum, 
Callicarpum, Bonariense, vel lanceolatum, les Fougères arborescentes, 
les Palmiers, les Cycadées, les Broméliacées, les Agavées, les Bégoniacées, 
Araliacées, Aroïdées, etc., où elles passent l’hiver en attendant d’être 
remises en pleine terre au printemps suivant. 

On s'occupe aussi activement dans les squares et les jardins publics, 
de la mise en place des plantes à floraison printanière, telles que Pensées, 
Giroflées jaunes, Myosotis, Corbeille d’or, Corbeille d'argent, Paque- 
rettes, etc., etc. Vers la fin de ce mois, on doit aussi préparer les abris 
des plantes exotiques qui doivent passer l'hiver en pleine terre. 

Sur les marchés en plein air on trouve les plantes de la saison telles 
que Chrysanthèmes de l’Inde et du Japon, qui y occupent une large 
place à cette époque de l’année; elles sont élevées en pépinière, et em- 
potées au moment de la floraison pour l’approvisionnement des marchés ; 
les fleurs coupées sont employées en grand nombre à la confection des 
bouquets. 

La violette des Quatre-saisons, se vend déjà en masse; on en fait des 
bouquets de toutes formes et de toutes dimensions, et qui sont très- 
recherchés en tout temps sur les marchés, chez les fleuristes, et jusque 
dans les rues de Paris. 

Les Dahlias abondent aussi en ce moment; cultivés en pots, on les 
utilise à garnir les vestibules d'appartements, les devantures des maï- 
sons etc., les fleurs coupées servent aussi beaucoup à confectionner les 
bouquets à l’arrière-saison. 

Les Glaïeuls de Gand, Gladiolus Gandavensis HortT. VAN Hourr.; dont 
il existe un grand nombre de variétés remarquables abondent encore 
sur les marchés; les fleurs étant détachées des tiges et montées sur des 
brins de jonc sont très-propres à la formation des bouquets. 

Les roses de la saison telles que Aimée Vibert, les Bengales, les hy- 


— 541 — 


brides remontantes etc., apparaissent encore en grand nombre ; on en 
fait un grand usage pour confectionner des bouquets de toutes formes 
et de toutes dimensions pendant les quatre saisons de l’année. Les Lilas 
blanes provenant des cultures forcées sont déjà l’objet d'un grand com- 
merce; on les utilise surtout à la confection des bouquets. 

L'œillet superbe, Dianthus superbus Lix.; l'œillet de la Chine, Dianthus 
sinensis Lix.; l’œillet de Gardner, Dianthus Gardneri Honrtuz. ; les 
œillets remontants, etc., fleurissent encore abondamment ; les fleurs 
coupées sont également très-estimées pour confectionner les bouquets. 

L'Eupatoire à fleur bleue, Eupatorium Mexicanum Bot. Mag.; les 
Chrysanthèmes pompons et à grandes fleurs, Chrysanthemum indicum et 
japonicum ; les Astères vivaces; l'Alysse maritime, les Fuchsia, Anthe- 
mis, Véroniques, Pélargonium zonales etc., apparaissent encore en grand 
nombre sur les marchés. 

Les Bruyères de la saison qu’on remarque le plus, sont : la Bruyère 
du Cap, Phylica ericoïdes Lix. ; la Bruyère d'hiver, Erica hyemalis Hort; 
la Bruyère grêle d'automne, Erica gracilis autumnalis Horr. ; l'Erica 
Linnæa-varia, TE. præstans AxDr.; à fleurs tubuleuses, oblongues, 
blanches; variété mirabilis Axpr.; à corolle tubuleuse et à limbe plus 
large fleurissant plus tard. 

Les plantes à feuillage ornemental telles que Ficus elastica, Latania 
Borbonica, Pandanus utilis, Curculigo recurvata, Dracæna terminalis, 
Cooperi, stricta, ferrea, congesta, rubra, Brasiliensis, Australis indivisa, 
fragrans, spectabilis, rigidifolia, draco, ete.; lAspidistra elatior, le 
Blechnum Brasiliense, l'Adiantum capillus-veneris, ete, ete., ainsi que 
les espèces citées dans les mois précédents, constituent un grand com- 
merce sur les marchés de Paris. 


(À continuer). 


LES DIERVILLA ET LES WEIGELA. 


Arbustes d'agrément cultivés en pleine terre. 
Traduit du Wochenschrift, (20 juin 1868, p. 195), 


PAR M. G. JORISSENNE. 


Au nombre des arbustes de pleine terre qui ont été introduits sur le 
continent depuis deux dizaines d'années, se trouvent les Weigela qui sont 
incontestablement au nombre de ceux qui portent les plus belles fleurs. 
L'inspecteur Bouché a réuni en un vaste groupe, dans le jardin bota- 


EL 


nique de Berlin, tous les arbres japonais et chinois, que nous lais- 
sons croitre en liberté, du moins que nous ne protégeons qu’impar- 
faitement. J'invite les lecteurs du Wochenschrift, qui habitent Berlin 
ou qui y viennent, particulièrement ceux qui sont possesseurs d’un 
jardin, de faire une visite au jardin botanique, et, avant tout, de 
considérer ce groupe de végétaux japonais et chinois. En ce moment 
encore où j'écris ces lignes (premiers jours de juin) les Weigela se 
rangent évidemment dans la plus belle Flore. Ces Weigela méritent 
d'autant plus notre intérêt que quelques-uns nous ont été envoyés 
directement de leur pays naturel par le botaniste qui accompagna l’ex- 
pédition prussienne dans l’est de l’Asie, le conseiller du gouvernement 
Wichura (enlevé à la science par une mort prématurée et cruelle). En 
outre, ces espèces présentent des formes telles que jusqu’aujourd’hui je 
n’en ai encore vues dans aucune pépinière sur le continent européen. 

Jusqu’au milieu de 1840, on ne rencontrait pas de Weïigela dans les 
jardins, ct cependant une espèce en avait déjà été reconnue par l’illustre 
voyageur Kæmpfer, qui explora l'Asie orientale à la fin du dix-septième 
siècle; et d’autre part, quelques-unes, un siècle plus tard, avaient 
été décrites par un autre voyageur non moins célèbre, par Thunberg; et, 
après eux,. Siebold (dans sa Flore du Japon), ainsi que Bunge, presque 
cinquante ans plus tard, en avaient pourtant découvert quelques nou- 
velles espèces. Or, à cette époque, Fortune, qui parcourait la Chine sous 
les auspices de la Société d’horticulture de Londres, envoya à celle-ci des 
plantes d’une espèce nouvelle ; elles furent introduites dans les jardins 
de la Société, et distibuées à ses membres. En raison de la couleur 
des fleurs, le secrétaire de cette association, le D° Lindley, donna à 
cette espèce le nom de Weigela rosea. Les plantes furent d’abord cul- 
tivées dans un local froid, jusqu’au jour où elles furent assez fortes 
pour être mises au dehors, et supporter à découvert nos hivers les plus 
rigoureux. 

Le D' Middendorff recut mission de l'académie des sciences de 
Petersbourg de diriger pendant les années 1845 et 1844 une exploration 
dans l’est de la Sibérie, dont les résultats ont été déjà consignés dans un 
compte-rendu particulièrement détaillé. Ce voyage fit encore connaitre 
un Weigela qui croit dans ces régions, mais vraisemblablement aussi 
dans le nord de la Chine, et qui a été introduit dans les jardins sous le 
nom de Weigela Middendorffiana. 11 recut du D° Trauwetter, qui s’oc- 
cupa de la partie botanique dans ce voyage de Middendorf, le nom 
de Calyptrostigma Middendorffianu, à cause de son stigmate semblable 
à une petite coiffe; cependant on trouve aussi ce caractère sur d’autres 
espèces du genre. 

Un troisième Weigela, provenant de l'empire Japonais, fut importé 
à la méme époque, si pas plus tôt, par Sieboïd. Quand ce célèbre explo- 
rateur des extrémités orientales de l’Asie, délivré de sa captivité dans 


— 945 — 


le Japon en 1850, revint en Europe, il rapporta une quantité de plantes 
(mentionnons seulement le Paulownia) qui pénétrèrent aussi en partie 
dans nos jardins. Siebold entretint, sous la protection du gouvernement 
hollandais, ses relations avec le Japon, et retira continuellement des 
plantes de cette région. Il avait fondé à cette fin un jardin spécial à 
Leide, où des expériences d’acclimatation furent instiluées sur les 
plantes du Japon ; plus tard, il établit un second jardin à Bonn sur 
le Rhin, où il s'était retiré longtemps, et répandit delà, particulièrement 
en Allemagne et dans le reste de l’Europe orientale, des plantes japo- 
naises. 

Ce troisième Weigela fut expédié de Leyde aussi loin que possible, 
ettout d’abord dans les jardins de France ; je trouve, en effet, qu'il 
en est fait mention pour la première fois dans la Aerue horticole 
de 1855, où il est décrit (p. 505) sous le nom de Diervilla amabilis. 
Déjà antérieurement, dans la Flora japonica, il portait le nom de 
Diervilla grandiflora ; el même avant cela, il avait recu de Thunberg 
le nom de Weigela coraeensis. 

Siebold introduisit aussi un quatrième Weigela, le Weigela hortensis, 
espèce généralement cultivée dans les jardins du Japon. Dans les 
catalogues de Siebold, je ne le trouve qu’en 1856, tandis qu'en 1826 
déjà, il était décrit et figuré dans sa Flora japonica (4° vol., p. 70, 
tab. 29). Je connais seulement la forme à fleurs blanches; car le 
type à fleurs rouges semble avoir de nouveau disparu de nos jardins. 
L'année suivante, un Weigela rentra dans le commerce, grâce à Siebold ; 
déjà Thunberg le reconnaissait pour le Weigela japonica. En dernier 
lieu, parut pour la première fois, dans les catalogues de l’année 1865, 
le Weigela floribunda S. et Z., dont M. Lemaire a fait, dans l’Uustration 
horticole (tab. 585) une nouvelle espèce sous le nom de Dierrilla 
mulliflora. 

Nous voyons que les plantes importées chez nous furent appelées 
tantôt Diervilla, tantôt Weigela. Voici pourquoi. C'est à Dierville, 
négociant normand, qui vivait à la fin du XVII° siècle, que l'on doit 
le premier arbuste de ce genre. Il le découvrit dans la nouvelle 
Ecosse, qui s'appelait alors Akadie, et le eultiva. Quand il revint en 
France, il apporta à Paris en même temps que d’autres plantes, son 
nouveau végétal. Il recut de Tournefort le nom de Diervilla acadiensis. 
Plus tard, ce nom fut changé par Wildenow en celui de Diervilla 
canadensis. Cette espèce se trouve depuis lors dans nos jardins ; mais, 
dans les premiers temps, elle se rencontrait beaucoup plus fréquem- 
ment en plantations. Pour la beauté, elle se place tout à fait à côté des 
Weigela de l’est de l’Asie. 

Quand Thunberg, en 1778, fut revenu de ses voyages au Japon, et 
commenca à s'occuper des plantes qu'il avait rapportées en spécimens 
séchés, il faut croire ou qu'il ne s’occupa pas du tout du Diervilla cana- 


— 944 — 


densis à cause de ses fleurs peu apparentes, ou qu'il ne sut pas pres- 
sentir l’aflinité immédiate qui unit toutes ces espèces. Aussi se crut-il 
autorisé à fonder un genre partieulier, qu'il appela Weigela (et non Wei- 
gelia) du nom de Weigel, professeur de botanique à Greifswald lequel mou- 
rut en 1851. Quand on compare ces plantes de l'Amérique du Nord à celles 
du Japon et de la Chine, ces deux genres se justifient pleinement ; mais 
au commencement de 1850, il s’introduisit une seconde espèce prove- 
nant de l’Amérique du Nord, et portant dans les jardins le nom de 
Weigela splendens ; or celle-ci forme une transition neiîte des Diervilla 
aux Weigela. Mais ce Diervilla splendens a été déjà décrit en 1845, j'en 
ai la conviction, sous le nom de Weigela sessilifolia (Linn, XX, 25) par 
Schuttleworth, un anglais qui vivait en Suisse; d'ailleurs on le trouvait 
dans les jardins européens à une époque bien antérieure même. 

Enfin il peut être intéressant pour plusieurs lecteurs du Wochenscbrift, 
en ce qui concerne la connaissance et le diagnostic de toutes les espèces 
de ce genre, que nous ajoutions ici les caractères les plus importants 
des véritables Weigela, c’est-à-dire des espèces de Diervilla qui croissent 
en Chine et au Japon, et qui, du reste, doivent porter ce dernier nom 
comme étant le plus ancien. 


1. Diervilla MiddendorfGana Cars. Feuilles glabres sur les 
deux faces, sessiles ; calice court, à divisions ovales-acuminées ; corolle 
s’élargissant subitement, jaune, nue; anthères garnies de poils. 


2. Diervilla rosea (Weigela) Lixoc. Feuilles pubescentes seule- 
ment sur la nervure médiane de la face inférieure, non pétiolées; sommets 
des rameaux couverts de poils; calice partagé jusqu'au milieu en divi- 
sions lancéolées ; corolle s’évasant brusquement, rouge, garnie de poils 
à sa partie inférieure seulement. Comme variétés qui lui appartiennent, 
l’on connait les W. alba, Isolinæ, Stelzneri, Van Houttei et striata. 


5. Diervilla coracensis (Weigela) Tauxs. Feuilles velues sur 
les nervures et les veines de la face inférieure, pétioles courts; sommets 
des rameaux dépourvus de poils; calice partagé jusqu'a la base en 
divisions linéaires ; corolle rouge ou blanche s’élargissant brusquement, 
à peine pubescente à la partie inférieure. Les synonymes sont : Dier- 
rilla grandiflora S. et Z. et amabilis Carr. 

Aujourd'hui, en partie par croisement avec les espèces précédentes, 
ce Diervilla a fourni une quantité de formes, qui portent les noms de 
Groenewegeni, Desboisi, intermedia, biformis, Meterlercampi et alla. 
lei se range encore celte variété, d’une valeur purement horticole, à 
laquelle j'ai donné le nom de bicolor, parce que les fleurs supérieures 
sont d’un blane jaunätre, et les inférieures rouges. Jusqu'à l'heure 
actuelle, elle n'existe que dans les jardins botaniques de Berlia. 


4. Diervllla japonica (Weigela) Tuuxs. Feuilles munies de 
poils gris sur les deux faces; pétioles courts; calice divisé jusqu’à la 
base ; divisions linéaires ; corolle verte dans le bouton, puis blanche, de 
plus en plus foncée pendant l’anthèse, finissant par devenir rouge; 
évasée progressivement (infundibuliforme), velue. Les synonymes sont : 
D. versicolor S. et Z., arborea et arborescens Honr. 


d. Diervilla floribunda $. ctZ. Feuilles pubescentes, mais grises 
à la face inférieure seule, pétioles courts; tiges poilues; divisions du 
calice descendant jusqu’à la base, linéaires; corolle rouge-carmin, s'éva- 
sant de bas en haut (infundibuliforme), garnie de poils. Synoyme 
D. multiflora Len. 


6. Diervilla hortensis S. ct Z. Feuilles à peu près glabres sur la 
face supérieure, d’une couleur gris d’argent sur la face inférieure, pétio- 
lées ; tiges presque sans poils, divisions du calice allant jusqu’à la base; 
corolle rouge ou blanche, s’évasant peu à peu (infundibuliforme), pubes- 
cente à la base seule. 


7. Dicrvilla sessilifolia ScaurTrL. Feuilles absolument glabres, 
luisantes en dessus, sessiles ; tiges sans poils ; divisions du calice étroi- 
tes, courtes; eorolle jaune, s’évasant insensiblement, totalement privée 
de poils; semences ne se terminant pas en bec. Synonymes : Diervilla 
splendens et Weigela Middendorffiana Lex. 


8. Diervilla Lonicera Mic. Feuilles ciliées, d'ordinaire glabres, 
mattes en dessus, à pétioles très-courts; tiges non poilues; divisions du 
calice étroites, courtes ; corolle jaune, s’évasant progressivement (infun- 
dibuliforme), totalement dépourvue de poils, semences se terminant en 
bec. Synonymes: Dierv. canadensis Wio. et Lonicera Diervilla L. 


Leur culture est si aisée, qu’il y a à peine quelque chose à en dire. 
Nous nous permettrons seulement de remarquer que l'on peut différer à 
volonté pour un mois ou davantage la complète floraison, si l’on retaille 
plus ou moins au printemps au moment opportun. 


— 946 — 


DE LA NATURALISATION DES DIERVILLA CANADENSIS 
ET XANTHORHIZA APIIFOLIA DANS LA POMÉRANIE 
SEPTENTRIONALE. 


Notice du professeur Munrer, à Greifswald. 
Traduit de l'allemand par M. G. JonssenxeE. 


Dans une propriété de l’Université de Greifswald, le forestier Hanke 
fit planter, en 1804, un petit bois d’arbres de l'Amérique septentrionale. 
Karl.-Fried. Ledebour s’en occupa depuis 1806 jusqu’en 1811. Mais, 
après celte époque, ils ne reçurent d’autres soins que ceux du garde- 
forestier, c’est-à-dire qu’ils furent quasi négligés. Parmi ces arbres 
de haute futaie (tels que l’Acer platanoïdes, le Pseudo-platanus ete.), 
deux broussailles croissent en liberté; l’une est le Diervillia trifida Menu. 
(Drervillea canadensis Wizio.), l’autre le Xanthorrhiza apiifolia L'Hénir. 

Le Diervillea trifida est une Caprifoliacée. Elle n’a encore été inscrite 
dans aucune Flore allemande au nombre des plantes devenues sponta- 
nées, et cependant elle fleurit chaque année aussi bien dans les nou- 
veaux jardins de Postdam que dans la forêt de Tegel. Positivement 
elle est entrée depuis plus de 60 ans dans la Flore de la Poméranie 
septentrionale. 

Le Xanthorrhiza apufolia produit régulièrement aussi, une fois l’an, 
des fleurs et des fruits. L’axe principal de sa racine envoie cà et là 
des ramifications fibreuses de courte dimension ; la tige, qui croit len- 
tement, est revêlue d’une écorce gris-clair; racine et tige sont jaunes 
à l’intérieur. Les feuilles sont longuement pétiolées, pennatiséquées, 
finement velues avant leur complet développement, glabres plus tard ; 
elles sont rhombo-cunéiformes, acuminées, dentées, ordinairement 
trifides à leur extrémité. L’inflorescence est en grappe composée; 
chaque fleur est à l’aisselle d’une petite bractée; ces grappes, plutôt 
axillaires que terminales, puisqu'elles naissent dans l’angle des écailles 
gemmales, portent trois à sept pédoncules secondaires. On compte 
cinq sépales colorés en brun-rougeâtre clair. Les pétales, de même 
nuance, ne sont visibles qu’à la loupe; l’onglet est court, la lame est 
bilobée. Il y a cinq étamines; ou plus; trois à cinq ovaires; dans 
chacun desquels un à trois ovules. 

La floraison se fait en mai dans la Poméranic; en Amérique, c’est 
en février, mars et avril, 

Les propriétés de la tige et de la racine sont celles des toniques 
amers ; on les utilise comme tels en Amérique. 


— 947 — 


MULTIPLICATION DU FICUS ELASTICA. 


Pan M. B. Eserweix, 


(Gartenflora 1868, p. 9. Traduction du Journal de la Soc. imp. d'hort. de 
France, 1868, p. 506.) 


Le Ficus elastica occupe toujours une place assez distinguée parmi 
les plantes à feuillage ornemental pour qu'il y ait intérêt à le multiplier 
le plus commodément et le plus rapidement possible. Les procédés qui 
ont élé mis en pratique comme permettant d'atteindre ce but sont assez 
divers ; toutefois il ne semble guère en être qui y conduise aussi 
directement que celui qui est indiqué par M. Eberwein d’après sa propre 
expérience. Dans ce mode de multiplication, il assure que les boutures 
sont déjà bien enracinées au bout de deux ou trois semaines, selon 
qu'elles ont été prises sur une branche plus ou moins avancée dans son 
développement. Il forme ces boutures avec des pousses qui ne soient 
pas trop tendres et dont le bois peut avoir jusqu’à trois années au plus. 
11 les coupe sur le vieux bois à deux veux pour les plus jeunes, à un 
seul œil pour celles qui sont plus avancées, et il en raccourcit la feuille 
jusqu'à la moitié ou un tiers de sa longueur. Ainsi préparées, les 
boutures sont plantées, aussi serrées que possible l’une contre l’autre, 
dans un pot rempli à moitié de sable de rivière pur, et dont le trou 
d’égouttement a été préalablement bouché. Dans la portion supérieure 
du pot, qui est restée vide, il verse de l’eau qui doit s'élever au moins 
d’un doigt au-dessus de la surface du sable, et qui doit être constam- 
ment entretenue jusqu’à la reprise. Il n’est nullement besoin de couvrir 
le pot d'une cloche ; il suflit de le placer sur une eouche fraichement 
montée, dans une serre chaude, ou dans un coffre fermé. Au bout de 
deux ou au plus trois semaines, toutes les boutures, à de rares exceptions 
près, sont assez enracinées pour qu'on puisse les transplanter dans des 
pots de grandeur proportionnée à leur force. La terre du gazon meuble 
et sans mélange convient très-bien pour cette transplantation. Pour 
empêcher que les racines, qui se sont produites dans l’eau ne viennent 
alors à périr, et pour faciliter d’ailleurs l'accroissement on doit donner 
beaueoup d'humidité aux boutures transplantées qui de plus doivent 
être tenues encore sur une couche chaude. 

A la suite de ectte note, le savant rédacteur en chef du Garten Flora, 
M. Regel, ajoute qu'il existe encore un bon moyen pour obtenir la 
reprise même de fortes boutures de Ficus elastica. Ce moyen consiste 
à les planter simplement dans de la sciure de bois, entre les plantes 
dont les pots sont enfoncés dans une couche, en serre chaude. Dans ce 
cas aussi on n’a nullement besoin de couvrir avec une cloche. 


— 548 — 


NOTE SUR LE STERCULIA BALANCHAS Le 
Figuré planche XXII, 
PAR M. G. DELCHEVALERE. 


La famille des Bombacées renferme plusieurs arbres atteignant des 
proportions gigantesques et dont le bois est souvent employé dans les 
arts et par l’industrie; les feuilles de plusieurs d’entre eux, possèdent 
des propriétés intéressantes, dont l’art culinaire fait souvent usage; ils 
produisent des fruits qui servent d’aliment dans les pays où ils croissent 
spontanément. 

Le Baobab, Adansonia digitata Lin., l’un des plus gros arbres 
qui soient connus, vénéré des indigènes de la Sénégambie, et dont le 
tronc atteint jusqu’à cent pieds de circonférence à la base, est ce qu’on 
peut appeler un colosse végétal ; son fruit nommé pain de singe, 
renferme une pulpe acide, rafraichissante, avec laquelle on fait de la 
limonade ; avec les jeunes feuilles séchées et réduites en poudre ils 
constituent l’Alo des nègres employé dans le potage pour modérer 
l’excès de la transpiration. 

Le fromager, Ceiba pentandrum GÆRTN., atteint également des pro- 
portions colossales dans son pays, puisque M. Bertrand Bocandé rap- 
porte avoir vu dans les colonies Portugaises de la Casamance au Rio 
Grande, des pirogues en forme de goëlettes formées d’un seul tronc, 
et dans lesquelles il avait embarqué trente bœufs, seize rameurs, des 
joueurs de Tam Tam pour battre la marche, la cabine, la cuisine, ete. Les 
indigènes trouvent au pied de ce végétal, de quoi construire leur case, 
en profitant des larges saillies qui élargissent la base, et dans lesquelles 
ils percent des portes, des fenêtres, etc., sans nuire à sa végétation. Cet 
arbre, au moment de la maturité de son fruit, laisse échapper un duvet 
cotonneux trés-abondant, qui recouvre complètement le sol jusqu’à 
une assez grande distance, et qu’on emploie pour faire des matelas, 
oreillers, etc. 

C’est aussi à cette famille qu’appartient l’arbre à main, Cheirostemon 
platanoïdes Hums. et BonpL., ainsi appelé parce que les fleurs d’un 
beau rouge foncé ont les étamines disposées en forme d’une petite 
main dont on distingue parfaitement toutes les parties. 

Le Mollave à grandes feuilles, Heritiera macrophylla War, l’un des 
plus beaux arbres connus, est très-recherché pour l’ampleur de son 
feuillage argenté en dessous atteignant souvent 0,50 et 0,60 centi- 
mètres de longueur ou 0,25 sur 0®,30 de largeur. 

Le Sterculia acuminé, Sterculia acuminata Beauv., produit un fruit 
nommé Kola, noix de Gourou, Café du Soudan, très-estimé des nègres, 


STERCULIA BALANCHAS Linn. 


— 549 — 


qui sont dans l'habitude de s’en offrir en signe de bonne amitié lors- 
qu'ils se rencontrent en voyage, absolument comme on s'offre une prise 
de tabac lorsqu'on se rencontre dans nos pays; ce fruit, qui a à peu 
près le volume et la forme d'un abricot, sert de monnaie et représente 
jusqu’à 0®,50 centimes dans les contrées où il n’est pas cultivé; les 
Africains le mangent en guise de café, comme excitant contre le som- 
meil, et après l'avoir mâché, ils trouvent leurs mets et surtout leurs 
boissons meilleures. 

Enfin, le Sterculia balanchas Laxx., figuré ci-contre, et qui fait le 

sujet de cette note, est originaire de l'Inde Orientale, où il atteint envi- 
ron 6 à 7 mètres de hauteur. Un spécimen magnifique d’environ 
trois mètres de hauteur, vient de fleurir dans les serres tempérées- 
froides de l'établissement d'horticulture de M. Mathieu, à Passy; la 
tête était complètement recouverte de jolies petites fleurs blanches 
disposées en grappes axillaires et penchées, à follicule cocciné, pendant 
les mois de juin et juillet. 
* Ce bel arbrisseau est très-robuste et n’exige aucun soin particulier; 
il suffit de lui procurer une modique place dans une serre quelconque 
et de lui donner à peu près tous les ans après la floraison, un nou- 
veau rempotage. On le multiplie de boutures herbacées sur couche 
tiède et à l’étouffée où elles s’enracinent, mais assez difficilement. On 
le multiplie aussi de greffes herbacées sur les espèces communes et en 
toute saison dans les serres. 


LA MONOGRAPHIE DES CONIFÈRES, 


PAR M. PH. PARLATORE, 
Traduit du Gardeners Chronicle par M. G. JORISSENNE. 


Nous avons déjà annoncé la publication d’un nouveau volume du 
Prodrome, il nous reste à donner unc appréciation de son contenu. 
Le premier ordre qui s’y trouve traité est celui des Bétulacées; travail 
achevé, plein d’érudition ; il est dû au D" Regel. Les Salicinées sont 
traitées par le professeur Anderson, de Stockholm, qui fait autorité 
lorsqu'il s’agit de ce groupe si étendu et si diflicile. Les Peupliers 
sont étudiés par M. Wesmael; les Casuarinées par M. Miquel. M. de 
Candolle lui-même a traité les Cycadées. Le Cicas inermis, sur lequel 
nous avons récemment fait quelques observations, est considéré ici 
comme distinet du Cicas revoluta. 

Les Résédacées, décrites par M. Muller, et quelques groupes de 


— 550 — 
moindre importance, omis dans les précédents volumes, ont été traités 
dans celui-ci, afin que les séries des Dicotylédonées fussent complètes. 
Mais le groupe le plus important pour les horticulteurs dans cette 
partie-ei, est celui des Conifères ; aussi doit-on nous excuser de n'avoir 
accordé qu'une mention si brève aux ordres précédents, et de nous 
étendre plus longuement sur Ia famille que nous venons de nommer. 

On avait appris, dans le monde botanique, que le prof. Parlatore s'était 
occupé, pendant nombre d'années, de la préparation d’une monographie 
des Conifères, qui devait entrer dans le Prodromus de M. De Candolle. 
Il y a quelques six ans, il visita l'Angleterre; il y resta pendant plu- 
sieurs mois, expressément pour étudier les herbiers et les collections 
du pays; et comme il élait connu pour un savent botaniste ayant 
beaucoup porté ses recherches sur cette famille, on espérait qu’il la déli- 
vrerait de la confusion où l'avait plongée l’enthousiasme trop zélé des 
horticulteurs et des pépiniéristes. 

En un sens, il y est certainement parvenu ; mais nous doutons que 
celte classe de personnes qui attendaient une lumière nouvelle pour 
éclairer leur route à travers les formes obscures et embarrassantes 
des Conifères, trouvent ici ce qui leur manque. Le botaniste scicenti- 
fique (cette opinion évideminent touchera surtout le prof. Parlatore) 
sera, nous le pensons, à quelques restrictions près, satisfait de l’exécu- 
tion de ce travail. L’horticulteur se plaindra de ce qu’il le laisse juste- 
ment au même point où il était auparavant. 

Deux routes s’ouvraient devant le professeur pour ce travail. Il pou- 
vait considérer les materiaux dont il avait à user, d’un point de vue 
large, méconnaissant les divisions légères et réunissant, asssemblant 
toutes les formes d’une étroite affinité; ou bien, il pouvait entreprendre 
de les déméler, et si des différences, quoique peu importantes, existaient 
réellement, il pouvait les enregistrer. Il pouvait donc se tirer de sa tâche 
en fondateur ou en destructeur. 11 a préféré la seconde façon : là aù deux 
formes presque semblables se touchaient, il n’en a laissé qu'une; et il 
s’est évité ainsi une multitude de difficultés. En réfléchissant à la nature 
de l’œuvre dont cette monographie devait faire partie, nous ne pensons 
pas qu’il pouvait agir mieux. | 

Dans un ouvrage comme le Prodrome, où le règne végétal en entier 
est passé en revue, C’eut été grossir ses proportions au delà de toute 
mesure raisonnable que de décrire chaque variété quelque peu saillante, 
ou chaque sous-espèce. C'était, par conséquent, le vrai principe à suivre 
pour les conditions dans lesquelles cet ouvrage avait à se produire. Et 
nous pensons également que c'était la meilleure marche à suivre en se 
plaçant au point de vue strictement botanique et philosophique. Il doit 
être évident pour tout le monde qu’un grand nombre des prétendues 
espèces de Conifères (nominis umbrae) ne sont que des variétés d’un 
seul lignage, produits douteux de la localisation dans différents climats 


ou de conditions naturelles ; et si ce n’était s’écarter de la signification 
généralement acceptée de l'espèce prise dans son ensemble, nous pren- 
drions la race pour l'espèce, et les modifications légères pour les variétés. 
Il y a ici toute latitude en faveur de la diversité d'opinion, comme pour 
le point de savoir où sont les limites de ce lignage, où il finit, où il 
commence; mais pour le principe général en lui-même, il ne peut, à 
notre avis, exister aucun doute. — Telle est la base sur laquelle le pro- 
fesseur Parlatore à établi son ouvrage. 

Mais il est évident qu’une description des Conifères préparée sur ce 
principe (quoique pouvant satisfaire le botaniste scientifique), ne répon- 
dra pas à l'attente des cultivateurs et autres qui, en présence des 
différences constantes que présentent dans leur aspect général leurs 
propres arbres, désirent naturellement avoir un nom admis pour 
s’en servir, au besoin, dans le discours. Le propriétaire de biens fonds, 
qui voit croitre autour de sa maison plusieurs Pins d’apparences 
variées, et qu'il connait par leurs caractères individuels comme il 
connait ses propres enfants, ne sera pas satisfait de la réponse du 
professeur Parlatore qui w’en fait qu'une seule espèce ; il cherchera 
quelque chose de plus dans un ouvrage sur les Conifères; et vérita- 
blement, dans un livre qui ne ferait pas partie d’une œuvre aussi 
colossale que le Prodromus, il serait en droit de l’exiger. Il devrait 
non-seulement être dit à quelle espèce ils appartiennent ; mais leurs 
particularités et leurs variétés devraient être notées, et les raisons 
données pourquoi elles sont regardées comme variétés et non comme 
espèces distinctes. Rien de pareil, ou presque rien, ne se trouve dans 
l'ouvrage de Parlatore. Le plan du Prodrome interdit d'entrer dans 
des détails sur la synonymie. Les synonymes sont donnés, mais donnés 
ex cathedra. I est simplement constaté que l’auteur considère tel nom 
comme synonyme de tel autre, sans autre appui que l'autorité de son 
opinion. C’est là un grand désavantage pour un auteur quel qu’il soit 
(à moins de jouir du renom et du prestige de De Candolle lui-même 
pour faire accepter un terme sans contrôle) d'être obligé de laisser des 
synonymes, soigneusement examinés et bien déterminés, sans un mot 
de preuve ou d’explication qui pourrait assurer, à coup sür, l’assenti- 
ment et l'approbation du lecteur. Les plus hautes autorités elles-mêmes 
n’échappent pas à ce désavantage ; parce que, à notre époque, l'opinion 
d’un homme ne vaut guère plus que les arguments sur lesquels il se 
fonde. Tout homme aujourd'hui (c’est-à-dire tout homme de science) 
ou pense, ou cherche à penser par soi-même. Nous notons ceci pour le 
professeur Parlatore, à propos d’une ou deux remarques que nous 
ferons sur sa synonymie. Nous donnerons les motifs de notre opinion, 
tandis que le savant professeur ne peut pas établir son ab altera parte, 
du moins dans le Prodromus. 

Nous avons donné notre adhésion au principe qu'il a choisi pour 


— 992 — 

teaiter la famille en question ; examinons maintenant jusqu'où il a 
réussi à l'appliquer. Et ici, selon nous, nous sommes autorisés à atten- 
dre qu'il l'ait appliqué avec uniformité et impartialité. S'il a dédaigné 
des distinctions superficielles dans une forme quelconque, il doit l’avoir 
fait dans toute forme. Sous ce rapport, il y a, d’après nous, quelque 
place pour la critique. Par exemple, il compte le Pinus cephalonica Exp. 
comme élant la même espèce que Abies pectinata, lui accordant seu- 
lement le rang de variété. S'il a raison en cela, il est obligé dès 
lors de tenir le Deodara comme non distinet du Cèdre. Le Deodara et 
le Cèdre sont plus rapprochés l’un de l’autre que l’Abies pectinata du 
Pinus cephalonica. Par contre, il compte Ie Pinus Sabiniana et le Pinus 
Coulteri comme deux espèces distinctes, tandis que sous le chef de 
P. ponderosa, il comprend non seulement toutes les variétés septen- 
trionales de celte espèce, telles que Craigiana et Beardsleyi (en fai- 
sant exception pour le P. Jeffreyi, que, en opposition avec sa ma- 
nière de faire, il conserve comme distinct), mais aussi les variétés 
méridionales, Benthamiana et Sinclairiana. Or, toutes appartien- 
nent indubitablement à une seule race; mais le cône du Beardsleyi 
n’a que deux pouces de longueur, tandis que celui du Sinclairiana 
a un bon pied. Rigoureusement ils peuvent être réunis; mais alors 
le Sabiniana et le Coulteri qui sont encore plus proches l’un de l’au- 
tre, devraient aussi étre mis ensemble; et le P. Sinclairiana est 
certainement plus éloigné de beaucoup des types ordinaires du 
P. Ponderosa que ne l’est le Pinus Jeffreyi. 11 donne une espèce nou- 
velle, qu'il décrit sous le nom de P. Bolanderi, la distinguant du 
P. muricata, qui, pour autant que nous en puissions juger par la 
description, semble être une variété du précédent, que Jeffrey a envoyé 
dans son pays depuis bien des années déjà. Il inscrit comme distincts, 
le P. cembroïdes Exp. et le P. edulis, ENGELM., que nous, en traitant 
le sujet même au point de vue de l’horticulture, nous ne regarderions 
que pour des variétés inconstantes et individuelles, et, en même temps, 
il tranche le nœud gordien des espèces du Mexique en les agglomérant 
à un point qui paraitra exagéré à ceux (mais à ceux-là seuls) qui ignorent 
par quelle voie moins raisonnée ces soi-disant espèces ont été créées 
dans l’origine, et quel soin au contraire, le professeur a donné à 
l’examen des détails et de l’ensemble. Il réduit les espèces Mexicaines 
de Pins et de Sapins, dont il existe plus de 150 noms dans nos ouvrages, 
à 16 en tout. Sous le P. Montezumue et deux de ses variétés, il ne range 
pas moins que 62 noms comme synonymes, c’est-à-dire, la totalité de 
ceux qui possèdent des cônes, comme le P. Waincesteriana, le Grenvilleae, 
et le Gordoniana. Dans le P. Ayacahuite il renferme la totalité des 
Loudoniana, le P. Don Pedri, etc., qui sont environ au nombre de 
huit; et ainsi des autres. 


Nous ne sommes pas préparés pour dire qu'il est dans l'erreur en 


ceci; mais nous ne sommes pas disposés non plus à adopter cette syno- 
nonymie sans réserve. Toujours depuis que Roezl les a envoyées et que 
Gordon les a décrites, ces espèces du Mexique ont été pour nous un 
ennui. — Ensuite laissant de côté une série de synonymes incontestables, 
nous arrivons à d’autres espèces qu’il est à peine possible de trouver 
ni semblables ni distinctes. Quand la Californie et le Mexique seront 
aussi bien connus et aussi avancés dans les sciences et en civilisation que 
l'Europe et les Etats de l'Est de l'Amérique, il y a peu de doute que 
quelques-unes des espèces, réunies par le prof. Parlatore, ne soient déli- 
vrées de ces liens, et reconnues comme distinctes. Cependant la localité 
et l'exposition, sur lesquelles nous n'avons encore que des connaissances 
très-imparfaites, ont des influences telles, que nous manquons de données 
suffisantes pour nous prononcer positivement sur l’autorité que conser- 
vera ou non, l’épuration en rnasse du prof. Parlatore. 

Les espèces mexicaines qu'il adopte, sont le Pinus Teocote, le P. 
Gregqü (nouvelle espèce qui a des affinités avec le Teocote), le P. patula, 
le P. Chihuahuana, le P. cembroides, le P. edulis, le P. Montezumue, le 
P. Hartwegii, le P. filifolia, le P. tenuifolia, le P. leiophylla, le P. 
oocarpa, le P. pseudostrobus, et le P. Ayacahuite, et V'Abies religiosa. 

Les espèces de la Californie sont traitées un peu de la mêmemanière; et 
comine les espèces de ce pays, dont nous possédons les descriptions, s’of- 
frent à nous d’une facon très-différente de celle des espèces mexicaines, 
on eut été satisfait de recevoir quelques indications sur les motifs qui ont 
prévalu dans lunion de ces espèces. Ainsi pourquoi le Picea lasio- 
carpa Hook., le À. bifolia Mur. et le À. magnifica Murr., sont-ils tous 
considérés comme n'étant autre chose que le P. amabilis? Pourquoi 
Picea Lowiana est-il synonyme de P. grandis, Abies Hookeriana de 
A. Patoniana, ete. ? Nous admettrons bien que le Tsuga Albertiana et 
le T. Bridgesii ne sont que des variétés du 7. Mertensiana, parce que 
les différences ne sont pas grandes, et que nous avons vu des variétés 
intermédiaires ; mais pour les espèces dont nous parlions plus haut, 
nous croyons qu'on ne connait encore aucune transition qui les relie, 
tandis que les caractères de beaucoup d’entre elles sont si tranchés 
que chacun peut à première vue discerner les diverses espèces. 

Cependant, quand il est question d'identité entre espèces rapprochées, 
on peut toujours accorder, sans préjudice, beaucoup de marge aux opi- 
nions diverses aussi longtemps que. les arbresseroissent côte à côte et 
dans le même pays; mais pareille latitude dans la détermination des 
espèces cesse d’être sans danger quand des principes aussi peu rigoureux 
sont appliqués à des espèces croissant en pays éloignés. Quelque iden- 
tification erronée dans ce cas peut conduire aux conséquences les plus 
fausses quant à la distribution géographique et aux autres grandes 
questions qui y touchent. C’est ce qui fait que nous sommes plus disposés 
-à admettre la valeur des différences légères, que nous ne le serions sans 


24 


cela ; et le professeur Parlatore nous fournit lui-même de quoi justifier 
ce que nous avançons. Jusqu'ici, par exemple, aucuns Pins (nous pour- 
rions dire, nous semble-t-il, aucuns Conifères et défendre cette assertion) 
n'appartiennent en commun à l’ancien et au nouveau monde. Quand le 
Pinus Peuce fut découvert dernièrement en Roumélie, de bons botanistes 
lui trouvèrent une ressemblance beaucoup plus grande avec le Pinus 
Strobus qu'avec le Pinus excelsa, au point qu'ils l’auraient rapporté à 
cette espèce-là, n’eût été ce fait connu que l’Europe et l'Amérique ne 
possèdent aucun Pin semblable ; ce qui les fit hésiter et les engagea à 
examiner minutieusement les caractères du nouveau Pin, que l'on 
trouva être le P. excelsa. Le professeur Parlatore, en laissant de côté 
de tels caractères, se jette à travers la règle, et nous donne comme 
espèces communes à l’Amérique du nord et à l'Asie, l’Abies Menziest, 
qui, ainsi nommé en Californie, dans l’Orégon, l'ile de Vancouver, et 
portant le nom de Abies sitkensis dans l'ile de Sitka, réapparait, selon 
lui, au Kamtschatka et dans l’ile d'Amour sous le nom de Abies aja- 
nensis, et au Japon sous celui de À. jezoensis et celui de À. microsperma. 
Nous sommes surpris de ne pas y voir réunir l’Abies À lcoquiana. D’après 
ses vues, il aurait dù le faire. Selon nous, l’espèce japonaise, quoique 
très-proche voisine de l'espèce Menziesii, s’en sépare. Nous n'avons 
pas encore vu de spécimen authentique de l’espèce Ajanensis, et nous 
ne pouvons donc que raisonner par analogie. 

Si les motifs sur lesquels s’appuie le prof. Parlatore pour adjoindre 
celle-ci aux autres, sont de la même force que pour l’adjonction de la 
japonaise, il s’ensuivra que notre décision convient à l’une et à l’autre. 

Si parfois le prof. Parlatore arrive à des conclusions auxquelles 
nous ne pouvons donner notre adhésion, nous sommes tenu de recon- 
naître qu'il s’est complètement formé ces opinions par l’examen per- 
sonnel et le plus soigneux des spécimens originaux, chaque fois qu'il a 
pu s’en procurer; et d’ailleurs, les occasions où il est tombé dans l'erreur 
en identifiant les espèces, sont extrêmement rares. Quand nous nous 
séparons de lui, cette divergence d'opinion provient de ce que nous 
partons avec des vues différentes des mêmes prémisses. — A propos de 
Abies Fortunei, nous trouvons une exception à son habitude d’atten- 
tion, et une exception difficile à expliquer. C’est un véritable Abies, 
avec de larges cônes pourprés, se tenant comme un régiment de soldats 
(pour nous servir de l’expression même de M. Fortune) droits sur la 
branche, perdant leurs écailles par pièces comme les autres Abies; et 
cependant il le place avec les Tsuga. Se peut-il qu’il ait méconnu sa 
propre description, et se soit fié à des plantes vivantes qu'il a eues 
devant lui? Il dit qu’il a vu des plantes vivantes « V. V.; » mais 
nous ne pouvons nous défendre de cette idée que les semences en- 
voyées par Fortune n’ont produit aucune jeune plante, ou du moins 
qu'aucune ne survit actuellement. Nous n’avons jamais été capable d’en 


—— (DD —— 


voir, et si Parlatore a vu de jeunes spécimens qui l'ont amené à classer 
l'espèce dans les Tsuga, ce n’est peut-être pas une supposition déraison- 
nable de croire que les jeunes plantes qu'il a vues n’en étaient pas en 
réalité. C’est un fait certain que l'espèce en question n’a rien à faire 
avec les Tsuga. 

D'après l'assentiment que nous avons donné ci-dessus à cette décima- 
tion des espèces de Pins et de Sapins, certaines restrictions à part, 
le lecteur a deviné notre conformité d'idées avec Parlatore plus 
complète encore dans une réforme semblable des Cyprès. Aussi 
superficiels que ceux des Pins dans mainte occasion, les caractères des 
Cyprès sont, par la nature des choses, plus légers encore; aussi 
vouloir en déterminer les espèces par le feuillage, cela reviendrait à 
déterminer les espèces d'arbres par leur écorce. Par une longue étude 
et après une familiarité de haute date, avec chaque espèce, l’on pourrait 
y parvenir; mais ces caractères sont souvent indéfinissables en paroles : 
on n'en acquiert qu'une connaissance empirique et incapable d’être 
transmise à d’autres personnes. Cette difliculté, et un certain degré de 
variabilité dans le feuillage et dans le facies de mainte espèce, ont 
donné naissance à une mullitude de noms, qui représentent des phases 
d’un habitns, mais ne sont pas réellement spécifiques. Plus les caractères 
des Cyprès sont difficiles à distinguer, et surpassent ceux des Pins par 
leur instabilité, plus aussi devons-nous exiger de garanties avant d'ad- 
mettre la fondation des espèces ; nous ne demanderons pas une grande 
précision de défiaition, puisque la nature des choses s’y oppose, mais 
une grande prudence dans l'emploi des caractères tels que nous les 
trouvons. Néanmoins, il nous arrivera moins qu’à propos des Pins d’être 
en dissentiment avec le prof. Palatore sur le traitement qu'il a fait 
subir aux Cyprès, et certainement sa réforme tend un peu à tout em- 
porter. De plus de 40 Thuia il n'admet que trois espèces ; le T. gigantea, 
le T. plicata et le T. occidentalis; le Biota orientalis en absorbe à lui 
seul 25. Une réduction semblable des espèces, quoique sur une échelle 
quelque peu moindre, est opérée sur le Cyprès ; en effet, pour ce redres- 
sement, il a sufli, en partie, de transporter quelques espèces hors du 
genre Cyprès dans le genre Chamaecyparis, et d'en faire rentrer d’au- 
tres dans le Biota orientalis. Que le Chamaecyparis soit un bon genre, 
c’est matière à discussion (nous ne le rangeons pas plus haut que sous- 
genre ou section du Cupressus); mais tout le monde accordera que 
le genre Retinospora ne peut ni être maintenu ni être séparé de lui. — 
Des Juniperus, Parlatore conserve 27 espèces. 

L'espace dont nous disposons, ne nous permet pas d'entrer dans plus 
de détails. Les quelques lignes qui nous restent maintenant, seront 
plutôt consacrées à l’arrangement général et à la structure. 

En premier lieu, nous voyons avec plaisir que le professeur Parlatore 
traite les Gnétacées comme un ordre entièrement séparé et indépendant ; 


— 396 — 
selon les opinions recues, ils sont, au contraire, rangés dans le domaine 
propre des conifères, et c’est pour cette raison qu’ils avaient été confiés 
au professeur pour en faire la monographie. 11 y renferme le Welwitschia, 
mais ne fait aucune allusion, ou ne donne aucune réponse aux doutes 
que beaucoup de personnes conservent sur le point de savoir si c’est là 
la vraie place de cette plante anomale. 

Il divise les conifères en deux tribus, les Abiétinées et les Taxinées. 
Dans la première il fait quatre subdivisions, 1° Araucariées ; 2 Pinées ; 
5° Taxodiées ; 4° Cypressées. Ces divisions sont bonnes. Cela se rapproche 
beaucoup d’Endlicher ; mais l’ordre est inverse; cet ordre de succession 
pourtant n’est pas aussi naturel que possible. L’Araucaria a évidemment 
plus d’aflinités avec le Cunninghamia (le feuillage de l’Araucaria bra- 
siliensis, de l’imbricata et du Cunningamia étant identiques dans leur 
caractère) qu'avec les Pins; et partant il doit être placé près de lui; 
ce qui se fera aisément, et sans le séparer de ses autres affinités, les 
Pins, en le plaçant entre ceux-ci et les Taxodiées, c’est-à-dire en les 
plaçant dans l’ordre suivant : les Pins, les Araucaria, les Taxodium et 
les Cyprès. Dans les Araucaria eux-mêmes, ce même défaut d’attention 
aux limites géographiques que nous avons déjà signalé, le conduit à 
diviser cette tribu en deux sections qui ne sont pas naturelles. Salisbury 
et Endlicher l'ont divisée en deux sections qui représentent respecti- 
vement les espèces de l’Amérique méridionale et celles de l’Australie ; 
ct Parlatore les adopte avec les noms que ces auteurs ont donnés; mais 
par suite de la découverte de nouvelles espèces, les anciens caractères 
qu’on leur assignait, ne retiennent plus les espèces australiennes en 
dehors des espèces de l’Amérique du Sud. Puis, comme en fait, les 
espèces particulières de ces contrées sont très-distinctes l’une de l’autre 
en apparence, et qu'il n’y aurait aucune difficulté à déterminer leurs 
différences et en faire les caractères des sections, nous pensons qu’il 
aurait dù modifier celles-ci de facon à les mettre en rapport avec les 
limites géographiques. Dans les Pinées, il suit également Endlicher, à 
cela près qu’il divise le sous-genre en deux sections : les Pinea et les 
Cembra; et il fait entrer ici le Pinea et le Strobus. Il est un autre point 
où nous regrettons de le voir encore sur les pas de Endlicher, tandis 
qu’une coutume générale en Angleterre a prononcé toujours en sens 
opposé, avec force de loi. Le Picea des Anglais il l’appelle Abies, et 
vice-versà ; le contraire est maintenant trop universellement adopté(1) 
pour que le pouvoir d’un homme y mette obstacle, et il eùt mieux valu se 
plier à l’opinion générale, que d’essayer de rétablir les choses en règle 
(si toutefois c’était là la règle). Nous pensons qu’il se serait séparé avec 


(1) Les Anglais (Loudon, Don et autres)ont adopté cette terminologie, mais en 
France, en Allemagne, en Italie, etc., on est d’accord avec M. Parlatore. 


— 597 _— 


avantage d’Endlicher quant à l’ordre qu'il a fait suivre aux Pins, et qui 
est Tsuga, Sapin, Epicca, Mélèze, Cèdre. A ceux-ci il ajoute le Pseu- 
dolarix après le Mélèze, et renverse simplement l'ordre. Ceci nous 
semble contenir une erreur in gremio. Le Cèdre est sans doute, 
placé après le Mélèze parce qu'il a ses feuilles en bouquets; mais ce 
n’est point un caractère; ce n’est qu’un arrêt de développement du 
bourgeon ; ce qui peut arriver à tout membre de cette section, et exister 
d’ailleurs tout à fait indépendamment d’autres aflinités plus fortes. C'est 
avec les sapins que le cèdre a une réelle aflinité; et c'est avec les 
Epiceas que le Mélèze, qui est placé entre le Cèdre et le Pseudolarix a 
de l’affinité surtout. La division que nous voudrions voir adopter, comme 
étant la plus naturelle est celle-ci : 1° Abies, contenant les Abies, les 
Cèdres, et le Pseudolarix ; et 2° Picea, contenant le Mélèze, le Hemlock 
(Tsuga) et l’'Epicea. 

Sa tribu des Taxodiées contient le Cunninghamia, l’Arthrotaxis, le 
Sciadopytis, le Sequoia, le Cryptomeria, le Glyptostrobus, le Taxodium, 
et le Widdringtonia. Le Cryptomeria, pensons-nous, serait placé plus 
logiquement après le Cunninghamia. Ses Cupressées réunissent en un 
seul groupe les genres placés par Endlicher dans ses sous-sections des 
Actinostrobées, des Thuiopsidées et des Cypressinées proprement dites 
avec cette simple addition du Diselma de Hooker et du Fitz-Roya. Les 
Taxinées renferment les Podocarpus et les Taxinées d'Endlicher. Le 
genre Microcachys de Hooker est fondu avec le Dacrydium, qui est 
placé au commencement du groupe, tandis que son ancien voisin, le 
Podocarpus est reporté à la fin. Le genre de Philippi, le Lepidothamanus 
et le Saxegothea de Lindley sont des additions génériques au groupe. 

En ce qui concerne la morphologie des Conifères, sur laquelle on a 
tant écrit, nous trouvons dans le volume qui nous oecupe, une diffé- 
rence matérielle d'opinion entre l'éditeur, M. de Candolle, et le mono- 
graphe. Tandis que le premier, conformément aux vues de Brown, 
considère l’ovule comme privé de tout ovaire véritable, Parlatore, 
d’autre part, prétend que l’ovule est enfermé dans un ovaire. M. de Can- 
dolle appuie son opinion sur les raisons suivantes : 

1. L'évolution des parties, qui se fait de haut en bas, et de dehors 
en dedans (centripète) dans l'ovaire, tandis qu'elle est centrifuge dans 
l’ovule, doit être considérée ici, d'après M. Parlatore, dans le sens de 
l'ovaire, et dans le sens de l’ovule, d’après M. De Candolle. 

2. Les graines des Conifères sont quelquefois, comme dans le Podo- 
carpus, anatropes, position que jamais n’occupent les ovaires. 

5. L'insertion est celle de l’ovule, et non celle de l'ovaire; car au 
lieu que le premier est fréquemment attaché à la surface qui joint la 
base de la bractée, ou au bord de la feuille (comme dans les Cycadées), 
les ovaires, au contraire, ne tiennent jamais cette place. 

Heureusement toutefois cette divergence d'opinion est de peu d'im- 


— 258 — 


portance, si ce n’est au point de vue morphologique ou physiologique. 
Pour le diagnostic des genres et des espèces le point en question est 
d’une valeur minime. | j 

En terminant, nous n'avons qu'à exprimer au professeur Parlatore 
notre estime flatteuse pour la manière dont il a accompli sa tâche extré- 
mement difficile. Nous avons indiqué une série d’endroits où nous 
n'arrivons pas entièrement aux mêmes conclusions que lui; indiquer 
tous ceux dans lesquels nous marchons unis et d'accord, c’eut été engager 
le lecteur dans une voie aussi fastidieuse par son uniformité que par sa 
longueur. 

MaxweLL T. Masrers. 


NOTE SUR LES VIGNOBLES DU PAYS DE LIÉGE. 
PAR M. J,. COLLETTE, 
Vigneron, à Coronmeuse, Liége. 


Ce titre est fait pour amener le sourire sur les lèvres d’un Français si, 
par hasard, notre modeste feuille, dit l'Union fraternelle, lui tombait 
sous les yeux. Mais qu'importe ! puisque nous avons des vignes et que 
nous faisons du vin, il nous est bien permis d'en parler. D'ailleurs, 
nous ne prétendons nullement donner à nos produits vinicoles une va- 
leur qu’ils n’ont pas; nous en causons, voilà tout. 

On sait que les vignobles de Liége sont comptés parmi les plus sep- 
tentrionaux. Autrefois, il y avait des vignes jusqu’à Maestricht, où l’on 
cite même un endroit qui porte encore le nom: Aux Vignes ; mais 
depuis longtemps cette culture y a été abandonnée. 

La colline de St. Martin, à Liége, et d’autres des environs, étaient 
jadis également couvertes de-vignobles. Aujourd’hui, restent en culture, 
les coteaux du faubourg Vivegnis, de Herstal et de Vottem, vignobles 
qu'on peut évaluer à plus de cent hectares. 

Les raisins qu’on cultive de préférence dans notre pays, sont le 
Chasselas, le Pinaud et le Meunier. 

Le 15 mai, jour de la St. Servais, est pour nos vignerons une date 
mémorable. Si, jusqu’à ce jour, leurs vignes n'ont pas souffert de la 
gelée, ils chantent victoire et comptent sur une récolte satisfaisante. 

Les vendanges qui, d'ordinaire se font dans la première quinzaine 
d'octobre, ont eu lieu cette année du 20 au 50 septembre. Les vignerons 
liégcois ont fait une récolte abondante. 


LÉ ithéss. 


— 9399 — 


Veut-on maintenant savoir comment se fait le vin ? Nous le dirons 
en quelques mots : 

Immédiatement après la récolte, le raisin passe dans une machine 
appelée broyeur, qui l’écrase légèrement; le jus est recueilli dans une 
cuve. Il n’y a pas longtemps que le broyeur était encore un individu en 
chair et en os qui écrasait le raisin sous ses pieds, et il v a encore actuel- 
lement des vignerons qui emploient ce procédé. 

Au sortir du broyeur, les raisins sont jetés dans le pressoir, autre 
machine où les fruits sont fortement pressés afin d'en extraire tout le 
jus qu’ils contiennent. Après cela, le liquide est soumis à la fermentation 
pendant cinq ou six jours ; on presse derechef et l’on met en tonneaux. 

Nos vignerons font du vin blanc avec les raisins noirs. Ordinairement 
les raisins des différentes couleurs sont jetés pêle-mêle dans le broyeur. 
Seulement, s’il s’agit de faire du vin blanc, on a soin de ne presser que 
légèrement et d'ôter toutes les pellicules avant la fermentation. 

Lorsque l’année a été bonne, deux ares de vignobles donnent à peu 
près un hectolitre de vin. On a calculé que pour une bouteille de vin, il 
faut à peu près un kilog. et demi de raisins. 

Le vin du pays se vend par pièce, par demi-pièce ou par bouteille. 
La pièce contient 298 litres, près de 500 bouteilles, et elle se paie de 
150 à 140 fr. Pris en détail, il se vend 0-75 ou 0-80 cent. la bouteille. 

Ces vins se consomment d'habitude dans le courant de l’année qui 
suit la récolte. Ils ne pourraient guère se soutenir au-delà de quatre ou 
cinq ans. 


ÉNUMÉRATION DES POIRES 
Décrites et figurées dans le Jardin fruitier du Muséum (1, 
par M. J. Decaisxe (). 


281. P. docteur Bénit. Fruit d'automne, moyen, arrondi, maliforme; à queue 
souvent grosse et charnue ; à peau de couleur bronzée à l'ombre, d'un rouge 
brun au soleil, parsemée de gros points grisâtres et gercés, reliés les uns aux 
autres par de fins linéaments ; à chair ferme, juteuse, sucrée et musquée. 

Arbre assez fertile, à scions dressés, légèrement flexueux, un peu 
gréles, de couleur olivâtre. 

Fruil mürissant en novembre, moyen, arrondi, maliforme. 

Chair blanche, ferme ou demi-beurrée, juteuse, eau sucrée, légère- 
ment musquée ou rappelant la saveur du petit Rousselet. 


(1) Livraisons 95 à 95. 
(2) Voir La Belgique horticole, 1868, p. 191. ; 


— 9500 — 


La poire docteur Bénit, propagée par M. Millot, de Nancy, est un 
excellent fruit lorsqu'il est pris à point, mais en général on le déguste 
avant sa parfaite maturité, qui n'arrive guère que vers la fin de novem- 
bre. Je lui trouve une très-grande ressemblance de forme et de saveur 
avec l’une de nos vieilles poires, la Bergamote rouge ; cette analogie 
fait que je ne partage pas complétement l’opinion de M. Arnould, à qui 
je m'étais adressé pour obtenir quelques renseignements sur cette poire. 
Voici en effet ce qu’il m'’écrivait de Nancy à la date du 7 octobre 1864 : 

«& . . . . . Je ne me réserve que deux de ces poires pour m’assurer 
si cette année elles vaudront mieux que celles de l’an dernier ; car, il 
faut l’avouer, ce fruit ne s’est pas reproduit par la greffe avec les qualités 
qu'il présentait la première année sur le pied mère, que l'honorable 
M. Millot possède encore. . . . . A quoi attribuer ce changement de 
qualité ? M. Millot, bien plus expérimenté que moi, en est fort surpris 
. . . . « En somme je ne ‘crois plus la poire D. Bénit supérieure à 
beaucoup de fruits de la même saison que lon rejette des collections 
d'élite ; car, l’ayant vu fructifier l’an dernier dans plusieurs maisons, 
j'ai vu que personne n’avait eu de meilleurs résultats que moi. » 


282. P. Doyen Dillen. Fruit d'automne, moyen, oblong ; à peau Jaune, parsemée 
de gros points bruns entremêlés de quelques petites marbrures et marquées de 
fauve autour de la queue ; à chair fine, fondante et relevée. 


Arbre propre à former des plein-vent, à scions de grosseur moyenne, 
pubescents à l’extrémité, bruns. 

Fruit mürissant en novembre, moyen, oblong, quelquefois légèrement 
bosselé. 

Chair blanche, fine, à peine granuleuse, fondante; eau abondante, 
sucrée, citronnée ou fenouillée. — Excellent fruit. 

Cette variété m'a toujours paru supérieure en qualité aux poires 
Théodore Van Mons et Conseiller de la Cour, qui sont exactement de 
même époque de maturité. 

(La suile à la prochaine livraison). 


INDEX DES PLANTES CITÉES DANS LE VOLUME. 


Acacia longifolia , 

— lophanta. 
Acer Negundo fol. var 

— platanoïdes rubrum. 
Aerides Dominianum. 
Aesculus hippocastanum 
Agave . 

— americana 

— mexicana 

— xylinacantha. 
Ageratum cœruleum. 
Agnostus integrifolia. 
Allamanda nobilis 
Alocasia Jenningsii, etc.. 
Alsophila australis 


Alternanthera paronychioïdes . 


Alyssum saxatile . 
Amarantus caudatus, etc. 
Amaryllis Alberti 

— formosissima. 

— pardina . 
Anthemis frulescens. 
Anthurium Scherzerianum . 
Aphelandra Roezlii . 
Arabis alpina . 

Aralia papyrifera, etc. 
Araucaria imbricata . 
Aristolochia Goldieana . 
Artemisia Stelleriana. 
Artocarpus incisa 
Arundo donax var. 

— Mauritanica . 
Aubrietia deltoidea . 
Aucuba japonica . 
Aspidistra elatior var. 
Aster 


Pages. 

76 
. 909 
. 200 

39 
it 10 
. 149 
. 194 
. 205 
212 


. 11, 506 
214, 506 


. 924 
8 
9 
. 205 
. 906 
. 137 
. 515 
10 
ph 

de 
. 204 
. 164 
. » 
. 157 


211, 554 


15 : 


8, 26 
. 501 
. 34 
. 288 
. 289 
. 158 

12 


Azalea indica , L 
Balantium antarcticum . 
Balsamines. 
Bambusa . 
Begonia 

— boliviensis 

— Clarkei 

— coccinea var. 

— rosaeflora 

— Veitchi 
Bellis perennis L. var. 
Bignonia grandiflora. 

— radicaps . 
Bletia sherrattiana 
Bocconia japonica 
Bonapartea gracilis . 
Bruyères 
Cactées . 
Caladium . 
Calcéolaires . » 
Calendula ofMicinalis . 
Callistephus sinensis 
Camellia 
Campanula medium. 

— pyramidalis . 
Canna . Le? 
Cassia floribunda, etc. 
Catalpa bignonioïdes. 
Cedrus Deadara 

— Libani 
Celosia cristata 


Centaurea candidissima, etc. 


Cercis siliquastrum 
Cereus peruvianus 


. 212 | Chamaerops excelsa . 


. 937 


— Fortunei. 


157, 526 


.. 507,514 
. 61, 72, 257 


202, 321 


. 28, 57, 205 


Pages, 


. 61, 14 


205, 554 
502, 507 
289, 301 
212, 510 
8, 65 
. 66 
. 292 
11, 66 
11, 66 
. 157 
. 297 


204, 552 


551, 558 


. 150 
205 


« #7 


Chamaerops Martiana 
— sinensis . 
Chaenomeles japonics 
Cheiranthus annuus . 
— Cheirii 
Chrysanthèmes . 


Caschone:.. . . ."/#4 
Cinéraires . 
Clematis 

— Davidiana 


Clerodendron serotinum 


Codiaeum pictum, etc. 

Coleus Gibsoni, etc. . 
— Veitchi 

Colocasia . 

Conifères 

Corypha australis. 

Crassula coccinea, 

Crocus vernus. 

Cucurbitacées. 

Cupressus Lawsoniana 


Cynosurus cristatus var. 


Cyperus Papyrus. 
Cypripedium Stonei var. 
Cytisus laburnum. 
Cyrtanthera magnifica 
Cyrtodeira chotalensis. 


Dactylis glomerata var. . 


Dahilia . 
Dalea mutisii . 


Dalechampia Roezliana . 
Dendrobium Bensonae . 


Dianthus barbatus 
— caryophyllus 
— sinensis . $ 
Dielytra spectabilis 
Diervilla . 2 


Digitalis purpurea var. . 


Dipladenia amoena . 
Draba violacea 
Dracaena draco 

— regina, etc. . 
Doryanthes excelsa . 
Echeveria secunda 


Epimedium alpinum rubrum 
Epiphyllum Rukerianum, etc... 


Erica cylindrica, etc. 
— persoluta, etc. 
Erythrina crista-galli 


Eupatorium gleconophyllum 
Evonymus japonica flavescens . 


Ferdinanda eminens. 
Ficus Chauvieri 
— dealbata . 


— 502 — 


Pages. 
58 
97 

. 156 

. 145 

. 159 

. 997 
92 
62 


148, 149 


216, 316 


144, 356 
. 73, 508 


911, 333 
9 


Ficus elastica . 
Fougères arborescentes . 
Fuchsia 3 

— coccinea, etc. 
Funkia subcordata 
Gaura Lindheimeriana 
Gardenia florida . 
Gazania splendens 
Gladiolus Gandavensis 
Gloxinia 5 
Glycine sinensis . 
Goodyera macrantha. 
Griffinia blumenaria . 

— hiacinthina max. 
Gunnera manicata 


Gynerium argenteum var. . 


Hedera hibernica. 


Heracleum giganteum . 
Hepatica triloba . 
Hibiscus palustris 

— rosa-Sinensis. 

— Ssyriacus . 
Holcus lanatus var. . 
Hoteia japonica 
Hydrangea hortensis 

— paniculata 

— stellata 
1beris semperflorens . 

— sempervirens 

— umbellata 
Impatiens Balsamina. 
Ipomea Learii. 
Ixora princeps. 
Jacinthes : 
Jasminum offcinale . 
Eerria japonica 
Lamium maculatum. 
Lantana camara . 
Lobelia Erinus, etc. 
Libonia floribunda 
Ligustrum japonicum 
Lilas ; 
Lilium es var. 

— Ru. 

— Leichtlinn 

— pseudo-tigrinum 
Linum grandiflorum . 
Livistona australis 
Lolium perenne. 


Lycopodium lepidophylluus, 


Magnolia grandiflora, etc. 
— Soulangeana. 
— Yulan 


A 


Pages. 


399, 546 


. 507 


? 150 


51 


 Heliotropiurm peruvianum 145, 204, 517 


. 201 


à 9215 


» 
€ 


| ni 


PA 


— 505 — 


Paze-. 

Mathiola annua . - 
Matricaria Parthemium. . . . 
Miltonia spect. rosea. . . . . 16 
Molinia cœrulea var. Ve. 
Musa Ensete, etc... 155, 210, 54 
RENE... - - … . . D 


6) | Rhodotypos Kerrioïdes . 
206 


R'chardia aethiopica. 


| Rose du Roi. 


Myosotis alpestris. . 158 | 
Myoporum parvifolium . … 215 | 
Myrtus communis AT | 


Naegelie fulgida. . . . . . 8 


— Miss Ingram. 
Mer": 0 "a 12, D 
Saccharum 2e2ypliacum. 

— officinarum . 
Salvia porphyrantha . 

— splendens 
Sanchezia nobilis. 
Sanvitalia procumbens . 
Schizanthus Grahami 


| Sedum fabaria. 


— Sieboldi . ; 
Selaginella lepidophy lla. 
Sequoia gigautes . 
Solanum . ù 

— Warcewiczu. 
Sophora pendula . 
Statice . 


Monte Canniaghen: 


Sterculia Balanchas . 
Stemonacanthus Pezrcei 
Tagetes patula 

Taxonia Buchanani . 
Teleianthera versicolor . 
Thalia dealbata 
Tillandsia splendens. 


| Tulipa Gesneriana 


— suaveolens 
Ulmus campestris aurea . 
— — macrophylla . 
Vanda Lowu . 
Veronica teucrium 
Véroniques . 
Verveines . 
Viburnum opulus 


Viola tricolor var. 


Narcisses . 57, 18 
Nerium Oleander . . 27 
Nierembergia . 25 
Nyrmphea 2lba . 21 
OEillets. . . Er 
Oncidium éyestyrsss pe TE 
— Limminghei . pr . 52 
Oplismenus imbecilis var. . 20 
Orchidées . nr. 19, » 
Oxalis corniculata atropurpures 201, 515 
Palmiers : 77 
Panicum plicature var. . 79, 291 
Paulownia imperialis su 
Pelargoo:um . 152, 204, 552 
> - - 7,3 
Phalaris picta. . 290 
Pharus villatus . . nn -, 
Phragmites vulgaris var. . 291 
Philadelphus coronarius . 150 
Phlox decussata . . . . 238 | 
— Drummondi . .- 35 | 
Phylica ericoïdes. . as 
Plantes à feuillage mlssenst 352 
Pleroma sarmentosa. . . . . 10 
Plumbago Capensis . TT, 20 
Poa trivialis var. . . . . 285,291 | 
Populus monilifera . . . . . 12 
Polyænia pyramidata 335 
Polyanthes tuberosa. Er 
Polygonum filiforme . . . . 50! 
Portulacca grandiflora . 214 
Primula elatior . ; 146 
Reseda odorata . . . . 77, 142 
Retinospora filifera . . . . . 12 | 
Rbododendron . . . . . 60,144 | 


Vrolettes. 
Weigelia . 
Wigandia . 
Xanthorhiza . 
Zamia fusca 


| Zea Caragua 


FRUITS. 

l'ages | 
Groseilliers à maquereau . . #5 | Pècher 
Pouness - . . . 45,116, 191, 339 | Vignes 
Pommiers. 116, 327 


22, 


. 55, 7 


QI NO 


LL D D ND 
OÙ ds ON 


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SSSR 


TABLE DES MATIÈRES 


DE LA BELGIQUE HORTICOLE. — 1868. 


41. — Horticulture. 


. Les OEïllets Liégeois, par M. Ed. Morren. 
. Les plantes nouvelles de 1867. : 
. Note sur le Doryanthes excelsa à MUR de sa FRERE a Ones 


en 1867 


. Sur le véritable Fuchsia coccinea . 

. Note sur les Orchidées . 

. Culture des Gloxinia 10 

. Note sur l’Aristolochia Goldieana in AT 0 rétoierC 
. Rusticité de certains Palmiers, par M. E. A. Fires 5 
. Les Chamaerops excelsa, Fortunei et sinensis, par M. E. A. nee ] 
. Les nouveaux Begonia . ; 

. L. Jacob-Makoy et Cie, Lhédtee à Liége É 

. Rose Miss Ingram UE ME 

. Note concernant les ou 

. Note sur le Lis de Max Leichtlin , 

. Les Cactées dans les jardins, par M. G. M PA 7 

. Note sur l’Anthurium de Scherzer 

. Note sur la Digitale Beauté de Dorking 

. Catalogue de MM. James Veitch à AE 

. Catalogue de M. E. G. Henderson. . . . . , 

. Notice sur la Drave violette. RTE 

. Note sur l’Epimede des Alpes à Lan rouges. 

. Note sur le Petunia Emilie. 

. Note sur le Paturin panaché 

. Les Graminées à feuilles panachées - 

. Le Begonia coccinea var. Comte Alfred de Lnatete : Ë 
. Notice sur les plantes rustiques à feuillage argenté à l’occasion ee 


Centaurea ragusina et gymnocarpa. 


. Nouvelle notice au sujet de l’Oncidium obnoher. 

. Floraison du Stenocarpus Cunninghami . 

. Multiplication du Ficus elastica 

. Note sur le Sterculia Balanchas = 
. Les squares et les marchés de Paris, par M. G. Delchey PE 


14, 51, 67, 135, 149, 199, 296, 315, 551 


— 3565 — 


2. — Monographie. 


nn of les Weigols -. , . , OR Seau 541 


3. — Botanique et physiologie végétale. 


1. Notice sur le de Herbarium notitia de Remacle Fusch . . . . . . 5 
2. Destruction de l” antique dragonnier de Ténérifle . . . 35 
5. Un verger d’autrefois à propos de la durée des variétés s, per M. P, de 
Mortillet . . . ‘AA CE 2 ER 45 
4. Les anciennes pommes et Fe anciennes poires en Normandie par 
DR Nos TL . . Pos QE" 116 
5. Morrenia ou Herbier général des notes: de la Balisu S. Lout vite 152 
6. Note concernant fe des races nouvelles chez les végétaux. par 
D CL Naodin . . . AD UIAEre ul AT LUE 147 
7. Castration des citrouilles et "2 + En 4, Se à à VAS DOU 149 
8. La plante de la résurrection . . dpt 160 
9. Considération sur l’hybridité chez L vibes: par M. Ch Mundi . . 165, 229 
10. Seconde notice sur la duplication des fleurs et la panachure du feuillage, 
par M. Edouard Morren . . . nétod a NT 257 
11. Note sur une viviparité spontanée et anoimale d'u un Begonia SAS 10 S 22 110 
12. De la prétendue hybridation par la greffe. . . . . . . . . . 511 
15. Un nouveau cas de floraison simultanée . . dust 326 
14. De la naturalisation des Diervilla née et ee hiza apitfolia 
dans la Poméranie septentrionale . . . . . . . . . . . 346 
4. — Voyages et explorations. 
1. Notes sur les plantes du Pérou, par R. Cross. . . . . . . 29, 86, 162 
2. Fragments d’une exploration dans les Andes chiliennes. . . . . . 246 
5. Départ de M. G. Delchevalerie pour l'Egypte . . . . . . . . 324 
3. — Expositions; sociétés; congrès; Fédération. 
1. Exposition internationale de Gand le 29 mars 1868. . . . . . . 15, 124 
2. Exposition de la Société de Flore à Bruxelles, le 26 Avril 1868. . _ . 15 
5. Ecole du fleuriste de la ville de Paris. . . TU Le 65 
4. Exposition universelle et congrès inirrsstionel à St. Petersbourg, 
. 4. MNT MNT ET". RES 
5. Douzième congrès drole en Suède RTS IA, LEE T . 151 
6. L'association britannique Li si. RSS {VAN RSI UE TL 151 
7. Congrès pomologique à Bordeaux. . . SERA ME © | 
8. Fédération des Sociétés d’horticulture de Belgique se ee TS 
9. Exposition universelle de Paris en 1867 . , . . . . . . . . 154 
10. Grand prix de la Fédération à Anvers. . . . . . . . . . 194, 280 
11. Bibliothèque Lindley, à Londres . . . . . . . . . . . : 196 
12. Nomination à l’Ecole de Vilvorde. . . . ... . «+ . « . . 325 
Me Enpoation de Hambourg .  . « . à «+ + + «+ + + + « : 526 


SI NO — 


 » 


PT Re 


RO 1 


— 9066 — 


6. — Littérature horticole, -—- Variétés. 


. Neiges et fleurs, par M. J. Michelet 

. Action de la baguette de Noisetier. 

. Les botanistes devant Georges Sand , 
. Végétaux libres et plantes esclaves 

. L'Herbier. 


7. — Bibliographie. 


. The horticultural directory for 1868 . 
. Monographie des Agave. 
. Bulletin de la Fédération pour 1866 . 


Les pares ct les jardins, par M. F. Duvillers . 


. Bulletin de l’Institut de Gembloux 

. Le jardin de Kew 

. Prodrome du règne végétal 

. Traité du bouturage. à 
. L'introduction des quinquinas aux ESS 
. Guide du botaniste à Maestricht 

. Synopsis of Sout-african Restiacées 

. Le mouvement horticole ! 

. Les Cactées, par M. Ch. Lemaire . 

. Les fruits à cultiver, par M. F. Jamin 


Le Verger, par M. Mas. 


. Botanique de l’arboriculteur . 
. L’insectologie agricole . ; 
. Catalogue de M. André Leroy. 


S. — Architcciure Horticole. 


. Tringles Bigeard pour serres et châssis . 
. Les parcs et les jardins, par M. F. Duvillers. 


9. — Agrologie. 


De la valeur de la suie comme engrais . . . . . . 
410. — Zootechnie Horticole. 
. Note sur les Perruches ondulées . 


11. — Physique Horticole, 


. Transformation des degrés de température centigrade, Réaumur 


Fahrenheit: 2" er ETES 


et 


176 
188 
217 
219 
224 


151 
194 
194 
195 
196 
294 
294 
294 
29% 
295 


295 


295 
927 


527 


328 
328 
990 
930 


176 
195 


254 


252 


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= © © D NI OS CE in OI ND 


— 507 — 


12. — Arboriculture. 


. Note sur l’Erable plane à feuilles rouges. . SRE OT LAN ETT 39 
. L'Orme gras à larges feuilles, par M. E. Rodiges TORTUE TA 111 
. La monographie des Conifères, par M. Ph. Piste a io “ont dr LE 349 


13. — Pomologic et jardin fruitier. 


. Le Groseillier à Maquereau sans épines . . . . . . . . . . 45 
. Un verger d’autrefois, par M. P. de Mortillet. . . . . À 45 
. Les anciennes pommes et les anciennes poires en Normandie, par 
D Del... . 116 
. Enumération des Pêches déérites et figures dis le pres fruitier vd 
Muséum, par M. J. Decaisne . . 118 
. Énumération des Poires décrites et figurées Fe le PR Raïtilr du 
7 Dreaisne . . . . +. + . . . / WL, 9 
. Les vignobles du pays de Liége 558 
14. Panthéon de l'Horticulture. 
. Le ch. J. de Rawiez-Warszewiez 59 | 5. Théodore Kotschy . . . 24 
. Fr. Jos. Rigouts . . . . . 95 | 4. Prologue à Mie M. A. Libert. AC | 
15. — Nécrologie. 
M. Tscherniaeff . . . . . 45 4. David Bowman . . . . . 295 
. Me Elisa de Vilmorin . . . 295 5. Ad. Schnizlein : 325 
. Richard Pearce . . . . . 295 6. de Montigny . 32 
16. — Planches coloriées de fleurs. 
. Acer platanoïdes, var. rubrum . 59 H*12. Digitalis purpurea L. var. hor- r 
. Anthurium Scherzerianum . . 1647 tensis . NAT TN 195 : 
. Begonia boliviensis ._. 654,15. Doryanthes excelsa 160 Po RER 
. Begonia Veitchi . . . . . 67 4,14. Draba vialacea . . . - . 19 
. Begonia Clarkei . . . . . 69/15. Epimedium s VISE var. ru- 
09 : 
Begonia rosaeflora . . . . 714 brum . 5 0 - 
Begonia Rex, var. prolifera. . 510} 16. Hibiseus syriacus var. . + + #7 
. Camellia japonica var. F. Wiot. 257* | 17. Lantana Camara var. hortenses. 147 | 
. Centaurea gyIDNnOCarpa . ' J 593 : | {8. Lilium Leichtlini . ” … . 156 L 
. Centaurea Ragusina . . 521 +!" 19. Petunia violacea var. Emilie. . 217% 
. Dianthus peper sn Le N 20. Poa trivialis var. - + + : : 
diensis. .__.  4+N21. Rose missingram. . + :+ - 12 


22, Sterculia Balanchas . . . - 549 + 


— 5608 — 
17. — Gravures noires. 
à. Armoiries de la famille Ripoutss |, 1/4 ae en ue tt Rens 110 
2. La baguette de Coudriers "#54 1: 6 He ati 188 
18. — Portraits gravés. 
1. Rigonts-Verbert …. . "0e le ut NT M IT MEN 95 + 
2. Marie-Anne Libert ..  . "4... D en END DIRE 


AVIS. 


Messieurs les abonnés à la Belgique Horticole qui désirent recevoir 
quelques graines sont priés d'adresser leurs demandes à la direction 
du journal, Boverie, n° 1, à Liége (en y ajoutant un timbre-poste de 
20 centimes). Chacun d’eux recevra, autant que possible, en prime, 
un envoi conforme au désir qu’il aura exprimé. 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU DIX-HUITIEME VOLUME, 


SLR Re ER CONTE CR TT Te leger ER HA areas: mu $ a 25 5. D ete Rare 2 ne Pts miel # E à à CH ue «+ nt 0 NN MR AE à ass 
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